Une start-up israélienne qui avait créé « un signal d’alarme intelligent » pour la gestion de crise lors d’événements violents – fusillades dans les lycées ou attentats terroristes – a vu la demande pour son logiciel de sécurité avancé augmenter de manière significative, au cours des dernières années, une demande qui émane principalement des entreprises et des organisations du secteur privé.
Yoni Sherizen, cofondateur de Blue Systems, a déclaré mardi au Times of Israel que le système de sécurité mis au point par sa compagnie, Gabriel, avait d’ores et déjà été déployé dans des dizaines d’institutions juives aux États-Unis, notamment dans les centres communautaires juifs et dans les synagogues, au fil des trois dernières années. Il a ajouté que l’entreprise avait également vendu son logiciel à « des communautés chrétiennes ou à des communautés non-juives » ainsi qu’à des firmes de différents secteurs de l’industrie en Amérique du nord.
« Notre produit est dorénavant adopté par les secteurs bancaire et financier et nous avons mis en place des pilotes avec les plus grandes compagnies technologiques, les Big 5 », a expliqué Sherizen en référence aux cinq géants technologiques du secteur : Google, Amazon, Meta (Facebook), Apple et Microsoft. « Nous sommes aussi intéressés par les centres de données, les bureaux des grandes entreprises ou les campus, les usines pharmaceutiques ou les usines qui fabriquent d’autres produits essentiels… Nous sommes en mesure de protéger une immense variété de types différents d’espaces ».
Sherizen, ancien rabbin originaire des États-Unis qui s’est installé en Israël – il habitait auparavant le Royaume-Uni – il y a plus d’une décennie, a fondé Blue Systems avec son collègue israélien Asaf Adler. Ensemble, ils ont créé Gabriel – dont le nom est inspiré par le nom de l’ange gardien biblique.
Gabriel est un système d’alarme équipé de capteurs, d’une caméra et d’un micro qui peut être installé dans les bâtiments et dans diverses structures pour contrôler les éventuels incidents. Il a la capacité d’alerter les premiers secours en urgence en précisant une localisation spécifique, d’ouvrir un canal de communication entre les secours et les autres équipes de sécurité susceptibles de se trouver sur les lieux de l’incident, et d’offrir à toutes les parties impliquées « des yeux et des oreilles » permettant de suivre le déroulement des événements, selon la firme.
Suite à l’attaque qui a eu lieu, ce mois-ci, dans une synagogue de Colleyville, où un homme armé a pris en otages un rabbin et trois fidèles pendant onze heures avant que les otages ne parviennent à prendre la fuite, sains et saufs, un philanthrope juif a fait la promesse de faire un don d’un million de dollars qui permettra de financer l’installation de Gabriel et de payer la formation nécessaire à l’utilisation du système et une année de service à toute institution juive qui le demandera.
Cette somme devrait couvrir le prix de 500 kits de démarrage du système – vendus à prix coûtant, selon les estimations de la firme. Le philanthrope, dont le nom n’a pas été rendu public, a promis d’amener ses amis et connaissances à faire le même don avec pour objectif ultime que toutes les synagogues, toutes les écoles et toutes les communautés des campus soient protégées au mieux aux États-Unis, a continué Sherizen.
La technologie de Blue Systems s’appuie sur une plateforme de logiciels de sécurité qui comprend des capteurs intelligents, un bureau de commandement et des applications mobiles pour pouvoir fournir des contenus audios et vidéos pour les réponses d’urgence, selon la firme.
Le système comprend des capteurs de détection de tir d’arme à feu, de détection d’arme mais aussi des outils d’analyse vidéo et audio, de détection du bruit, de cartographie, de géo-repérage et autres caractéristiques – ce qui offre aux premiers secours « des yeux, des oreilles et une voix sur le site » de façon à pouvoir éviter une « entrée en situation aveugle ».
« La technologie identifiant les menaces et les dangers est partout, et elle permet d’alerter les secours bien plus vite, ce qui leur permet en retour de répondre également plus rapidement et de manière plus efficace. Nous avons développé un capteur unique qui a été le réel aboutissement de tout notre travail. Depuis, nous avons construit autour de ça ; nous pouvons nous relier à des systèmes qui sont déjà en place dans les bâtiments, qu’il s’agisse de capteurs ou de caméras, et nous y superposons nos logiciels. Nous examinons même ces systèmes déjà installés pour travailler dessus de manière à les rendre plus intelligents, pour qu’ils puissent identifier plus tôt les incidents », précise Sherizen.
Gabriel est accompagné de deux applications : la première pour les personnes se trouvant sur les lieux d’un éventuel incident qui les alertera de ce qui est en train de se passer, en précisant l’endroit concerné, en cartographiant les zones qui sont susceptibles de présenter un danger et en permettant de communiquer avec les personnes présentes sur le lieu de l’incident – notamment en partageant des informations ou des vidéos. La seconde est destinée aux secours, et elle crée un commandement virtuel et une salle de contrôle pour les équipes s’approchant du lieu de l’incident.
Le coût total d’un kit Gabriel de base est d’approximativement 10 000 dollars. Ce kit comprend dix boutons d’urgence, les applications, le logiciel et un an de service et de formation.
Sherizen et Adleter avaient eu l’idée du système Gabriel suite à un attentat terroriste qui avait été commis sur le marché Sarona très populaire de Tel Aviv en 2016, qui avait fait quatre morts, et après une fusillade massive qui avait eu lieu, cette même année, dans un nightclub de Floride, qui avait entraîné la mort de 49 personnes.
« Dans ce type d’événement, c’est le chaos qui règne – et ce qui est déterminant pour sauver des vies à un moment comme ça, c’est la manière dont les gens, sur le terrain, vont répondre dans les quelques secondes qui suivent l’événement, avant même que la police n’arrive », avait-il confié, dans le passé, au Times of Israel.
Dans l’annonce faite mardi, Sherizen, qui est un ancien rabbin ayant officié sur le campus de l’université d’Oxford et qui est aussi ancien bénévole dans un certain nombre d’organisations communautaires juives aux États-Unis, en Europe et en Israël, explique que la firme « a entrevu la possibilité de démocratiser des technologies qui n’étaient auparavant réservées qu’aux unités spéciales, et la possibilité de mettre ces outils – qui peuvent sauver des vies – entre les mains de ceux qui en ont le plus besoin. »
« Améliorer la préparation et offrir une réponse plus sûre, plus intelligente et plus rapide », a-t-il résumé.
Pendant notre entretien téléphonique, il estime que « l’amélioration qui est probablement la plus importante dans notre technologie, c’est cette capacité de fournir des vidéos en direct et un lien avec la police et avec tous les services nécessaires – nous pouvons ainsi assurer une réponse à distance, apporter de l’aide aux personnes présentes avant que qui que ce soit ne soit arrivé sur les lieux. Et c’est particulièrement intéressant pour des entreprises comme les banques ou autres sites sensibles où des choses qui peuvent mettre en danger non seulement les biens, mais les gens au sens plus large et aussi les secours sont susceptibles d’arriver », dit-il.
Un système qui est particulièrement précieux lors d’incidents plus complexes, affirme Sherizen. « Si les choses se prolongent, si elles se compliquent, s’il y a une prise d’otage, le risque, le coût, les dommages et les dangers grimpent en flèche. Et ce que nous sommes capables de faire, c’est d’empêcher que ce soit le chaos qui règne face à la situation. Avec la capacité d’intervenir à distance et plus rapidement, il est possible de stopper ces situations bien plus vite et même de les repérer avant qu’elles ne se compliquent vraiment », ajoute-t-il.
Une alarme d’urgence déclenchée à un endroit peut aussi déclencher une alerte dans d’autres périmètres avoisinants.
« On exploite l’effet de réseau et ainsi, si quelque chose arrive quelque part, alors nous alertons les lieux environnants, que ce soit au niveau géographique ou autre – si les deux endroits sont associés ou liés d’une matière ou d’une autre. Par exemple, si on regarde ce qui est arrivé à Pittsburgh [quand un terroriste avait tué onze personnes dans la synagogue Tree of Life en 2018], ce jour-là, le terroriste avait en fait prévu d’attaquer à plusieurs endroits mais il avait été blessé par l’équipe SWAT, à la synagogue. Il avait, en fin de compte, prévu de blesser d’autres personnes – et c’est quelque chose qu’on a déjà constaté dans d’autres situations. Alors on envoie une notification à tout le monde sur la plateforme, soit parce que ces gens se trouvent à proximité ou qu’il y a un lien qui s’est naturellement fait… Il peut y avoir des attaques semblables ou coordonnées dans d’autres villes et les communautés juives doivent pouvoir le savoir », déclare-t-il.
A Colleyville, « cette fois-ci, Dieu merci, tout le monde s’en est sorti physiquement sain et sauf. Mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas et nous voulons agir avant la prochaine attaque », continue Sherizen.
Suite à la prise d’otages, les communautés juives se sont mises en quête de moyens de renforcer la sécurité. 1 500 responsables juifs, inquiets, se sont entretenus via Zoom, la semaine dernière, avec le procureur-général américain Merrick Garland et le secrétaire d’État à la sécurité Alejandro Mayorkas, leur demandant quelles initiatives le gouvernement envisageait de prendre à des fins de protection.
Cela fait plusieurs années que les synagogues et les institutions juives américaines cherchent à renforcer leur sécurité, préoccupées par une recrudescence de l’antisémitisme dans le pays.
Selon un rapport annuel publié lundi par l’Organisation sioniste mondiale et par l’Agence juive, l’antisémitisme est croissant partout dans le monde. L’année 2021 a été qualifiée de « pire année de la dernière décennie » en termes de haine antijuive avec plus de dix actes enregistrés par jour.
Ces incidents ont majoritairement consisté en des actes de vandalisme, des destructions de biens, en des graffitis ou en profanations de monuments. Les violences physiques et verbales ont compté pour moins d’un tiers de la totalité de ces incidents.
Par ailleurs, Shreizan explique que le système Gabriel est aussi très utile pour identifier les fausses alarmes ou les situations susceptibles de paraître alarmantes a priori mais dont il s’avère qu’elles ne nécessiteront pas de réponse d’urgence.
« La capacité de notre système à stopper les fausses alarmes et à empêcher les égarements, la panique, le gaspillage des ressources publiques a sauvé des vies. Le coût des fausses alarmes, en dollars et en centimes, les perturbations… Tout cela est important ».
L’équipe de conseillers, au sein de la firme, comprend Ram Ben-Barak, ancien député-adjoint du Mossad, les services secrets israéliens ; Yohanan Danino, ex-chef de la police israélienne ; Kobi Mor, ancien directeur des services de sécurité du Shin Bet en charge des opérations à l’étranger et directeur actuel de la sécurité de Teva dans le monde entier et Ryan Petty, père d’une victime de la fusillade survenue à l’école de Parkland, note le site internet de la firme.
Blue Systems emploie sept personnes et la compagnie est soutenue par des investisseurs privés, dit Sherizen. Ses opérations de R&D sont localisées en Israël où « le cerveau technologique est phénoménal » et ses activités de ventes, de marketing et de commercialisation sont menées depuis les États-Unis.
Shoshanna Solomon a contribué à cet article.