Israël en guerre - Jour 494

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Laly Derai sur une photo non datée. (Autorisation)
Laly Derai sur une photo non datée. (Autorisation)
Interview

La mère d’un soldat tué poursuit son combat en faveur du service militaire universel

En amont d’une réunion cruciale à la Knesset, Laly Derai milite pour la fin de l’exemption de service militaire accordée aux hommes ultra-orthodoxes après que son fils Saadia Derai a été tué lors d’une opération à Gaza

Dans l’éloge funèbre qu’elle a prononcé en juin dernier lors des funérailles de son fils, le sergent de 1ère classe (réserviste) Saadia Derai, tué au combat dans la bande de Gaza, Laly Derai a choisi de mettre l’accent sur la question de l’augmentation du taux de jeunes hommes issus de la communauté ultra-orthodoxe enrôlés dans Tsahal dans le cadre d’un service militaire.

« Il ne s’agit pas de partager le fardeau — il s’agit de partager le privilège », a déclaré la mère éplorée dans un message qui est par la suite devenu viral.

Ces dernières semaines, Derai s’est lancée dans une campagne médiatique éclair, apparaissant sur des dizaines de chaînes d’information israéliennes pour parler de la conscription des ultra-orthodoxes. Elle interviendra également lors d’un débat prévu sur la question à la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, mardi prochain.

« Je ne peux pas compter le nombre de conversations que j’ai eues avec Saadia sur ce sujet. Il avait ça dans le sang. Il ne supportait pas de voir des gens se cacher derrière la Torah pour éviter l’acte juif le plus fondamental au monde », a-t-elle déclaré cette semaine au Times of Israel.

La décision prise en 1948 par le premier Premier ministre israélien, David Ben-Gurion, de ne pas enrôler les étudiants des yeshivot haredi dans l’armée de l’État juif naissant a marqué la politique des décennies suivantes.

Aujourd’hui, plus de 66 000 hommes haredi âgés de 18 à 24 ans ont obtenu des exemptions de service militaire, arguant qu’ils consacrent la majeure partie de leur temps à l’étude de la Torah. Mais les protestations de l’opinion publique contre les exemptions générales accordées aux soldats haredi se sont multipliées depuis que la guerre a éclaté après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023, au cours duquel quelque 1 200 personnes ont été massacrées dans le sud d’Israël et 251 autres kidnappées.

L’été dernier, une décision historique a ébranlé le monde haredi lorsque la Haute Cour de justice a rendu un arrêt unanime affirmant qu’il n’existe plus de cadre juridique permettant l’exemptions des étudiants de yeshiva et que Tsahal doit commencer à enrôler les hommes haredi en âge de servir dans l’armée.

La Haute Cour de justice a demandé vendredi au gouvernement de préciser les mesures qui seront mises en œuvre pour garantir la conscription de la population haredi, deux jours après avoir entendu une requête affirmant que Tsahal n’avait pas envoyé d’ordre de conscription à tous les hommes haredi remplissant les conditions requises.

Le sergent de 1ère classe (réserviste) Saadia Derai lit le Talmud pendant son service sur une photo non datée. (Autorisation)

Laly Derai a appelé à une marche depuis le cimetière militaire du mont Herzl jusqu’à la Knesset, qui coïncidera avec la session de mardi de la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Dans une interview accordée au Times of Israel, Derai a expliqué comment la perte de son fils, un étudiant rabbinique qui étudiait à la yeshivat hesder Shirat Moshe de Jaffa – une institution qui combine à la fois le service militaire et l’étude de la Torah – a renforcé son engagement en faveur de l’enrôlement dans l’armée.

[Note de la rédaction : Saadia Derai était l’éducateur spécialisé du fils de l’autrice de ces lignes. Vous pouvez lire ses réflexions personnelles sur sa mort en anglais ici].

« J’ai l’impression de poursuivre le chemin de mon fils. C’est ma façon de rester en contact avec lui, avec sa Torah et avec ce qu’il était. Cette question brûlait en Saadia, et elle brûlait en moi bien avant qu’il ne tombe au combat. Je le poursuis à présent parce que j’ai une voix et que je l’utilise sans complexe », a-t-elle déclaré.

Saadia, 27 ans, a servi comme soldat d’infanterie dans le bataillon 9203 de la brigade Alexandroni. Il a été appelé à la frontière nord en tant que réserviste le 7 octobre 2023 et a servi pendant cinq mois consécutifs à la frontière nord avant de rentrer brièvement à Jaffa auprès de sa femme Racheli et de leurs deux enfants, Hallel, 3 ans, et Yinon Shaoul, 1 an. Il a ensuite été redéployé à Gaza où, le 20 juin 2024, il a été tué lors d’une attaque au mortier à Zeitoun, près du corridor de Netzarim. Un jour après la fin de la semaine de deuil rituel, Racheli a découvert qu’elle était enceinte de leur troisième enfant.

Saadia Derai avec sa fille Hallel et son fils noveau-né Yinon Shaul. (Autorisation)

Au moment de la mort de Saadia, le commandant de sa section, le capitaine (réserve) Idan Siboni, n’était pas avec lui sur le champ de bataille, mais présidait à une table ronde à Herzliya sur l’enrôlement militaire avec un groupe de représentants ultra-orthodoxes. Saadia avait aidé Siboni à rédiger sa présentation la veille, et tous deux avaient élaboré un argumentaire décrivant leur point de vue sur l’importance de l’enrôlement dans l’armée.

Parmi les membres du panel figuraient un certain nombre de généraux de Tsahal, ainsi que le député ultra-orthodoxe Yitzhak Pindrus, du parti Yahadut HaTorah. Un groupe de chahuteurs présents dans le public n’a cependant pas permis à Pindrus de s’exprimer.

« C’était une situation absurde : des personnes du camp laïc – le camp auquel j’appartiens – me criaient dessus et me demandaient pourquoi j’avais donné à Pindrus une tribune pour s’exprimer, alors que, d’un autre côté, Pindrus disait, en substance, qu’il n’avait aucune intention de risquer sa vie pour servir », a déclaré Siboni.

« Je me suis soudain senti très, très seul et tout ce que je voulais, c’était retourner sur le terrain pour être avec mes hommes – qui sont à la fois laïcs et religieux, mais qui sont totalement unis », a déclaré Siboni.

Le sergent de 1ère classe (réserve) Saadia Derai, à droite, avec son commandant de section, le capitaine (réserve) Idan Siboni, sur une photo non datée. (Autorisation)

Plus tard dans la journée, Siboni découvrira que deux de ses hommes – Saadia, qui est religieux, et Omer Smadga, qui est laïc – ont été tués en son absence, et que neuf autres avaient été blessés.

La semaine dernière, lors d’une interview conjointe sur la chaîne israélienne N12, Siboni a présenté ses excuses à Laly Derai.

« Je suis désolé de ne pas avoir réussi à ramener votre fils à la maison », lui a-t-il dit.

Siboni et Derai étaient interrogés sur une campagne de financement participatif lancée par Siboni et d’autres soldats de la brigade Alexandroni afin de collecter des fonds pour acheter une maison pour la veuve de Saadia. La section avait déjà pris la responsabilité de soutenir Racheli – qui doit accoucher dans un mois et demi – en l’aidant à faire ses courses et en se joignant à elle lors d’occasions importantes telles que les anniversaires.

Pendant près de six mois, Racheli a gardé le secret sur sa grossesse, Siboni étant l’une des premières personnes à qui elle s’est confiée.

« Saadia est parti. Mais nous avons tous senti qu’il était de notre devoir de nous assurer que Racheli, Hallel, Yinon et leur futur bébé soient pris en charge – non seulement maintenant, mais aussi à l’avenir », a déclaré le commandant Siboni.

La mère de Saadia a fait l’éloge de Siboni et du reste de la section à laquelle appartenait son fils.

« Je suis réconfortée que Saadia ait passé ses derniers moments avec ces hommes saints, qui font maintenant tout pour sa famille. Saadia leur a également montré qu’il est tout à fait possible d’être à la fois un étudiant de la Torah et de se battre pour Israël », a-t-elle déclaré.

Elle a rejeté l’idée – défendue par de nombreux membres de la communauté haredi – selon laquelle l’étude de la Torah et les prières suffisent à protéger Israël, citant des exemples bibliques tels qu’Abraham, le roi David et Déborah, la prophétesse, qui ont combiné la foi et les efforts directs dans la bataille.

« Lorsque Goliath a défié Israël et Dieu, David n’est pas allé à la synagogue pour prier pour la chute de Goliath ; il l’a affronté avec des pierres et l’a combattu », a-t-elle déclaré.

Saadia Derai avec sa mère Laly. (Autorisation)
Une honte corrosive

Se référant à ses discussions avec des représentants du gouvernement, Laly Derai a noté que certains ont admis avoir honte de la crise de l’enrôlement, mais ont affirmé que la pression politique leur avait forcé la main, les obligeant à agir à l’encontre de leurs propres croyances. D’autres préconisent le dialogue plutôt que la coercition, mais Derai a critiqué cette approche en déclarant : « Cela fait 75 ans que nous parlons et cela n’a pas fonctionné ».

La communauté sioniste religieuse ne tolérera plus l’inaction, a-t-elle affirmé : « Nous envoyons nos enfants sur le champ de bataille et nous ne permettrons pas que cela continue ».

Derai a critiqué l’approche actuelle de l’appareil de défense face à la guerre, estimant qu’elle ne comportait pas d’actions susceptibles de conduire à une victoire décisive et qu’elle ne reflétait pas la gravité de la situation.

« J’ai l’impression que nous menons cette guerre avec un état d’esprit bloqué au 6 octobre », a-t-elle déclaré. Elle s’est insurgée contre les « plans à moitié ficelés » pour les futurs raids dans la bande de Gaza, notant que des soldats continuent de mourir dans des zones – en particulier dans la partie nord de la bande – qui ont été soi-disant débarrassées des terroristes.

Derai a également souligné le manque d’intégration d’autres secteurs de la société dans l’effort de guerre, que ce soit par le biais du service militaire, national ou civil.

« Je ne parle pas seulement de la communauté ultra-orthodoxe, mais aussi de la communauté arabe – pas nécessairement dans l’armée, mais dans le service national ou civil. Il me semble que les gens n’ont pas encore saisi l’ampleur de cet événement – que nous sommes dans une guerre existentielle, une guerre pour notre survie », a-t-elle déclaré.

Saadia Derai avec sa femme Racheli et leurs enfants Hallel et Yinon Shaul. (Autorisation)

L’enrôlement des haredim dans Tsahal n’est « plus une option », a-t-elle déclaré, mais une exigence fondamentale pour la survie de l’État.

Derai a présenté un projet de cadre destiné à résoudre la crise par le biais de ce qu’elle a appelé une loi fondamentale sur le service qui comprendrait quatre filières : le service militaire, dont les priorités seraient définies par une direction centralisée afin de répondre aux besoins de Tsahal ; le service national, élargi au-delà de son cadre actuel, qui est largement limité aux jeunes filles sionistes religieuses après le lycée, afin d’inclure des rôles dans les soins de santé, les secours et les agences économiques ; le soutien aux talents exceptionnels dans des domaines tels que les sciences, les arts et les sports ; et l’étude de la Torah, avec des quotas et un financement de l’État pour les universitaires spécialisés.

« Ces universitaires seraient entièrement financés par l’État, car je pense que l’étude de la Torah est une valeur sioniste », a-t-elle expliqué, tout en précisant que le programme devait être étroitement supervisé pour s’assurer que les participants « consacrent vraiment leurs journées à l’étude de la Torah ».

Chaque filière contribuerait à l’État, la participation permettant l’accès aux avantages économiques et aux opportunités du secteur public. Ceux qui ne prendraient pas part à ces filières perdraient des privilèges tels que les logements subventionnés et la discrimination positive dans l’emploi dans le secteur public, ce qui garantirait une responsabilité égale dans tous les secteurs de la société.

Sa proposition de loi sur le service militaire comprend également un appel à l’armée israélienne pour qu’elle se concentre uniquement sur la sécurité plutôt que de « continuer à agir comme un creuset », a déclaré Derai, faisant référence à la fonction de l’armée qui consiste à favoriser l’intégration culturelle en rassemblant des recrues issues de divers secteurs de la société.

Le sergent de 1ère classe (réserve) Saadia Derai, à l’extrême droite, avec sa section sur une photo non datée. (Autorisation)

« L’armée n’a pas besoin d’éduquer les soldats. Elle peut donner des leçons de patrimoine, mais elle n’a pas besoin d’homogénéiser tout le monde. Elle a suffisamment de travail dans le domaine de la sécurité », a-t-elle déclaré.

Pour encourager l’enrôlement des ultra-orthodoxes, elle a préconisé la mise en place de conditions optimales qui respectent leur mode de vie et a appelé à l’augmentation immédiate du financement des yeshivas hesder ultra-orthodoxes et des académies préparatoires, quels que soient les changements législatifs à venir.

« L’armée doit offrir aux recrues ultra-orthodoxes des conditions optimales pour qu’elles puissent rester ultra-orthodoxes », a-t-elle déclaré.

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