Israël en guerre - Jour 424

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L'ancienne directrice-générale de  Webpals Inbal Lavi lors d'un événement à Ramat Gan, en 2019. (Crédit via Facebook)
L'ancienne directrice-générale de Webpals Inbal Lavi lors d'un événement à Ramat Gan, en 2019. (Crédit via Facebook)

L’ascension fulgurante de l’Israélien WebPals stimulée par des escrocs ?

Jusqu’à récemment, WebPals était l’une des firmes hi-tech les plus dynamiques d’Israël. Mais des documents qui ont fuité révèlent des liens avec des clients douteux, et pire

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

En 2017, la compagnie de marketing numérique WebPals était l’archétype de la réussite israélienne dans le secteur du hi-tech. Cette année-là, l’éminent quotidien économique Globes avait intégré la directrice-générale de Webpals, Inbal Lavi, dans son classement des « 40 jeunes Israéliens les plus prometteurs ».

Un an plus tard, WebPals avait figuré à la troisième place du classement des entreprises technologiques se développant le plus rapidement en Israël, un classement réalisé par Dun & Bradstreet. La compagnie américaine avait également introduit WebPals dans sa fameuse liste des 100 meilleures firmes hi-tech pour lesquelles travailler au sein de l’État juif.

WebPals fournissait des avantages – cafés gourmands, massages – et les employés évoquaient avec beaucoup de fierté une culture d’entreprise prenant ouvertement position en faveur de l’égalité sur le lieu de travail et en faveur des droits des femmes.

En 2019, Lavi s’était enorgueillie des politiques d’embauche basées sur l’égalité mises en œuvre dans sa firme devant la Commission des Nations unies sur le Statut des femmes.

« La diversité, la croissance, les opportunités, l’égalité – ce ne sont pas seulement des mots tendance, ils sont les piliers d’une grande entreprise », avait-elle déclaré à l’assistance, assise aux côtés de Gila Gamliel, qui était à l’époque ministre de l’Égalité sociale en Israël.

« Et aujourd’hui, je mets au défi toutes les compagnies et je leur demande d’intégrer la diversité comme paramètre d’évaluation. La diversité sera dorénavant un paramètre qu’elles devront prendre en compte lorsqu’elles mesureront leur réussite », avait-elle ajouté.

Mais des documents du département du Trésor américain, qui ont fuité auprès des médias, indiquent que la croissance et le développement de WebPals ont été aussi soutenus par des entreprises clientes pour le moins douteuses, dont les secteurs d’activité vont du jeu en ligne jusqu’à la pornographie en passant par les escroqueries aux investissements.

Ces documents – qui sont issus de la fuite des dits « Dossiers de la FinCEN », comme les appellent les médias – révèlent qu’entre le mois d’août 2011 et le mois de décembre 2015, le compte bancaire de la firme a reçu des paiements de plusieurs entreprises spécialisées dans les options binaires, une industrie largement frauduleuse qui est dorénavant hors-la-loi en Israël et qui est fondée sur le principe de la fraude aux investissements. Ce secteur particulier a permis à des escrocs sans vergogne de s’emparer parfois des économies de toute une vie de victimes dans le monde entier.

Les documents révèlent également qu’une entreprise-parente de WebPals, XLMedia, a été rémunérée par une société-écran opaque, enregistrée à l’étranger, qui aurait gagné de l’argent à partir de sites de rencontre arnaquant les internautes. Ces sites ont ainsi fait l’objet de plaintes sur des sites multiples de défense des consommateurs, les clients déplorant que leurs cartes de crédit aient été débitées sans autorisation préalable. Autre compagnie travaillant avec XLMedia, Pernimus Limited, propriétaire du site de rencontres extraconjugales Ashley Madison qui aurait été lié à la prostitution.

Un porte-parole de XLMedia a déclaré que les relations avec les firmes engagées dans les industries du Forex, des options binaires ou des rencontres en ligne avaient été « périphériques » et que tous les partenariats commerciaux avec ces dernières avaient cessé.

WebPals n’est pas la seule start-up technologique israélienne, au vernis progressiste salué par les médias, à attirer l’attention pour son implication présumée dans des activités frauduleuses ou non-éthiques. Les firmes israéliennes apparaissent ainsi encore et encore dans les milliers de Rapports d’activité suspecte (SARs), qui forment l’essentiel des Dossiers FinCEN.

Ces documents donnent un aperçu des relations commerciales mystérieuses que sont susceptibles d’entretenir ces entreprises profitables et apparemment au-dessus de tout soupçon.

Le 20 septembre 2020, BuzzFeed News, aux côtés du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et de plus de 100 organisations du secteur de l’information dans le monde, avait publié une série de reportages d’investigation sur la base des contenus de 2 500 documents qui avaient fuité de la FinCEN, l’autorité chargée des crimes financiers et de la lutte anti-blanchiment au sein du département du Trésor américain.

La plus grande partie de ces documents étaient des « Rapports d’activité suspecte » – ou SARs – soumis par 90 banques et autres institutions financières à la FinCEN entre 2011 et 2017.

Les banques américaines et les autres institutions financières sont tenues, par la loi, de soumettre un SAR lorsqu’ils soupçonnent qu’une transaction – ou une série de transactions – pourrait donner lieu à des activités de blanchiment d’argent. Les 2 500 documents qui ont fuité ne représentent qu’une toute petite partie des 12 millions de rapports d’activité suspecte soumis entre 2011 et 2017.

Diriger le trafic

Quand Lavi avait rejoint WebPals en 2014, sa compagnie-parente XLMedia avait engrangé des revenus de 50,7 millions de dollars et des bénéfices avant impôt de 13,2 millions de dollars. En 2017, elle avait enregistré des revenus de 137,6 millions de dollars et ses bénéfices avaient été multipliés par trois, atteignant les 39,3 millions de dollars.

A l’époque, les pages de l’entreprise, sur les réseaux sociaux, montraient des employés se rendant à des concerts donnés par des stars de la musique, faisant la fête autour d’une piscine ou profitant d’un spectacle fastueux de lumières dans le désert – un spectacle au cours duquel le logo de la firme avait été projeté, étincelant, sur le versant d’une montagne.

Lors d’un concert de Webpals dans le désert, les stars israéliennes de la pop Static et Ben El se sont produits devant les employés tandis que le logo de l’entreprise était projeté sur le versant d’une montagne. (Capture d’écran : Facebook)

Toutefois, Lavi sera toujours restée vague concernant la manière dont la firme était parvenue à gagner autant d’argent.

« Nous avons un trafic de grande qualité que ce soit sur le web ou sur mobile », avait-elle ainsi déclaré lors d’une présentation, en 2015, devant un groupe appelé le Forum des Innovateurs et des Investisseurs, « et nous redirigeons notre trafic de clients vers les compagnies sur internet. Nous sommes rémunérés en fonction de nos résultats. Une fois que nous avons dirigé un client potentiel vers une entreprise en ligne et que le client dépense de l’argent, alors nous en partageons le revenu ».

(Lavi a quitté WebPals en 2019, évoquant des changements survenus dans le conseil d’administration qui avaient entraîné une restriction de son autonomie et des tensions au travail, selon une plainte déposée en son nom contre la firme. Elle est dorénavant à la tête d’une start-up, Woah Edutainment, qui enseigne la danse via smartphone).

Un SAR soumis le 15 janvier 2016 par la branche de New York de la Barclays Bank PLC donne les noms de quelques entreprises qui ont travaillé, dans le passé, avec Webpals et XLMedia. Le rapport proprement dit s’inquiète d’un compte d’entreprise ouvert à la Barclays sous le nom de « XLMedia PLC » et d’autres comptes bancaires ouverts au nom de « WebPals ».

Les SARs sont généralement rédigés par les agents de vérification des banques lorsque ces derniers discernent un modèle de transaction financière qui, selon eux, pourrait indiquer une opération de blanchiment d’argent. Si ces rapports sont potentiellement considérés comme un drapeau rouge, la soumission d’un SAR ne signifie pas nécessairement que les firmes ou les individus se sont rendus coupables d’une malversation.

« La Barclays NY dépose ce rapport d’activité suspecte (ce ‘SAR’) dans la mesure où nous nous inquiétons de ce que ces virements en dollars qui impliquent XLMedia puissent contenir des bénéfices illicites », dit le rapport. Il établit que l’établissement bancaire n’a pas été surpris de découvrir des paiements versés à XLMedia par des sites de jeux en ligne mais qu’en revanche, certains autres partenaires commerciaux de la compagnie lui paraissent préoccupants.

« Le secteur d’activités de XLMedia comprenant des partenariats avec des sites de jeu en ligne, il est légitime de s’attendre à retrouver des points communs que partagent un grand nombre de partenaires commerciaux issus de cette industrie. Certains partenaires commerciaux de XLMedia se sont retrouvés au centre d’accusations portant sur des fraudes ou des opérations de trading non-régulées, comme la vente d’options binaires, une industrie à haut-risque », note le rapport.

Le SAR affirme qu’entre le 30 août 2011 et le 22 décembre 2015, la banque a observé un total de 1 720 virements, pour un total d’environ 82 915 467,91 dollars pour des comptes au nom de XLMedia.

Parmi ces virements, des transactions provenant d’entreprises israéliennes issues de l’industrie des options binaires et du Forex : Safecap Investments Limited (Markets.com, TopOption.com), Anyoption Holdings Limited (AnyOption.com), Stepbystep Services Limited, Banc de Binary Limited (Banc de Binary, Option.FM), STK Ltd (Stockpair.com) et CST Media Limited (Opteck.com).

Pendant approximativement la même période, continue le rapport, des comptes bancaires de WebPals ont effectué des transactions avec les entreprises de trading en ligne Algo Trade Limited et iOption Global Group, ainsi qu’avec Global Transaction Services LLC et Global Transaction Services (UK) Ltd — dont le propriétaire, Daniel Andrew Barrs, a été mis en examen au mois de mai 2016 aux États-Unis pour conspiration en vue de commettre une opération de blanchiment d’argent.

Les transactions bancaires qui sont décrites dans le rapport d’activité suspecte suggèrent que les sociétés WebPals et XLMedia ont été impliquées dans le marketing d’affiliation – qui consiste, pour une entreprise, à confier la promotion de ses produits à une firme qui sera chargée de rediriger l’internaute vers les produits de son client, touchant une commission lorsque la première vente est effectuée.

Un autre SAR montre qu’en juillet 2016, XLMedia a reçu de l’argent de Bulova Invest, une société enregistrée dans les îles Vierges britanniques qui aurait exploité des sites de rencontre frauduleux où des hommes esseulés devaient payer pour pouvoir s’entretenir avec les femmes inscrites ou pour les voir via webcam. Parmi les sites dont Bulova Invest était propriétaire, bediscreet.com, freesexmatch.com, getanaffair.com, hornyasia.com, saucysingles.com et upforit.com.

Dans la présentation de 2015, Lavi avait reconnu que la plus grande partie de la clientèle de WebPals était constituée de sites de jeu en ligne et elle avait indiqué que son entreprise redirigeait les clients vers ces derniers par le biais d’un réseau formé de milliers de sites internet d’information, créés et écrits de telle manière à ce qu’ils figurent en très bonne place dans les propositions faites par l’outil de recherche de Google.

« Nous écrivons des articles au sujet des stratégies de jeu, de la stratégie au poker, au sujet des nouveaux jeux qui arrivent sur le marché, des événements et des informations liées à l’industrie du poker ou nous parlons d’astuces à mettre en œuvre dans le pari sportif. Nous utilisons ce réseau pour renvoyer nos utilisateurs vers les exploitants des sites de jeu », avait-elle expliqué.

Lavi avait ajouté que WebPals attirait les joueurs vers les sites de jeu par le biais de l’achat stratégique de publicités sur Google et sur Facebook. Toutefois, dans de nombreuses interviews qu’ils ont pu donner, Lavi et d’autres cadres de XLMedia n’ont jamais cité qu’une poignée des milliers de sites internet de marketing dont l’entreprise est propriétaire.

Au mois de février 2017, XLMedia avait annoncé avoir acheté Clicksmob, compagnie de marketing numérique israélienne qui partageait un grand nombre de ses employés, ainsi que son numéro de téléphone, avec FXEmpire, l’un des premiers sites « d’information » pour les investissements de type Forex, contrats de différence – CFD – ou options binaires.

« La pire décision que j’ai pu prendre »

Ruzica, qui travaille dans l’événementiel en Allemagne, est convaincue qu’elle est tombée dans le monde frauduleux des options binaires au moment où son attention a été attirée par une publicité apparaissant dans le journal qu’elle était en train de lire sur internet.

« Je ne me souviens plus si j’ai envoyé mon adresse courriel et mes coordonnées. Mais je souviens que j’étais sur le point de subir une opération au genou et que j’étais assise dans le bureau du médecin quand j’ai reçu le premier coup de téléphone », raconte-t-elle au Times of Israel, se rappelant de sa vulnérabilité à ce moment-là.

Ruzica avait dit à son interlocuteur ne pas être intéressée – mais ce dernier avait insisté. « Il m’a téléphoné en permanence et il m’a dit que si je lui confiais les données de ma carte de crédit, cela ne coûterait que 250 euros et qu’il me donnerait une prime. »

Ruzica a fini par perdre 80 000 euros, escroquée par Anyoption.com, une firme cliente de WebPals.

La fraude aux options binaires a prospéré en Israël pendant environ une décennie avant que la Knesset ne rende l’activité illégale en octobre 2017, en très grande partie grâce au travail de journalisme d’investigation mené par le Times of Israel qui avait commencé par un article écrit au mois de mars 2016 et intitulé « Les loups de Tel Aviv : la vaste et immorale arnaque des options binaires dévoilée« .

A son paroxysme, des centaines d’entreprises s’étaient engagées dans cette escroquerie, employant des milliers d’Israéliens pour escroquer des victimes dans le monde entier à hauteur de milliards de dollars. Les firmes sans scrupules trompaient leurs clients en leur faisant croire qu’elles faisaient des investissements juteux et qu’elles gagnaient de l’argent, les encourageant à augmenter leurs mises – jusqu’à une rupture des contacts avec les investisseurs et la disparition de tout les fonds déposés – ou presque. La vaste majorité des auteurs présumés de ces escroqueries ont depuis lors transféré leurs opérations à l’étranger ou se sont tournés vers d’autres arnaques tout en continuant leurs activités en Israël.

« Les gens pensent au suicide. Ils ne savent pas quoi faire et ils ont tellement honte qu’ils n’osent même pas parler de ce qui est arrivé à leur conjoint », ajoute Ruzica. « Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. J’étais à un moment difficile de ma vie et j’étais vulnérable. Cela a été la pire décision que j’ai pu prendre ».

A Singapour, une femme de 32 ans s’est donnée la mort après avoir perdu de l’argent sur le site d’options binaires Option.FM, un site qui était exploité par Banc de Binary, une entreprise de l’industrie et cliente de WebPals. Elle avait tenté d’investir pour pouvoir payer les frais induits par le traitement de son mari qui était atteint d’un cancer.

Son mari, qui s’était entretenu une première fois avec le Times of Israel en 2017, éduque dorénavant seul leur fils âgé de six ans.

« Jusqu’à aujourd’hui, il ne s’est pas passé une seule minute de ma vie où je n’ai pas pensé à elle », a-t-il récemment confié au Times of Israel. « Je pense que sans les options binaires, sans ces escrocs, ma femme serait encore en vie, à mes côtés ».

Requête frauduleuse

Plusieurs sources ont expliqué au Times of Israel qu’il y avait de nombreuses entreprises de marketing au sein de l’État juif en raison de l’expertise du pays dans ce secteur au cours des débuts de l’industrie du jeu en ligne.

« Israël a été un pôle pour de nombreuses compagnies spécialisées dans le jeu en ligne du, comme, par exemple, Party Poker. Même le père du poker en ligne [Isai Scheinberg] est originaire d’Israël », commente Anderson McCutcheon, cadre dans le marketing numérique qui a lui-même commencé dans l’industrie du jeu, auprès du Times of Israel.

« Le marketing numérique reste le même indépendamment du produit », continue-t-il. « Regardez les pubs pour Booking.com ou pour Airbnb – les compétences nécessaires pour promouvoir un site de jeu en ligne ou celles qui sont nécessaires pour produire des sites plus légitimes sont à peu près les mêmes ».

Cette industrie s’appuie lourdement sur Google et Facebook, qui permettent aux publicitaires de cibler les clients sur la base de leurs recherches passées ou de leurs habitudes d’achat. Et la liste des personnes qui ont acheté un produit donné dans le passé permet à Google et Facebook d’identifier de nouveaux clients dont le comportement est similaire.

Anderson McCutcheon (Crédit : LinkedIn)

« Une fois que vous avez une bonne base d’audience, vous êtes en mesure d’identifier des personnes dont le modèle de comportement est le même et de leur présenter un produit qui, vous le savez, leur plaira. C’est approximativement la même chose avec Google. Google vous autorise à importer des adresses puis à cibler les gens appartenant à un groupe spécifique », explique-t-il.

C’est ainsi, en fait, que les firmes d’options binaires sont largement parvenues à trouver leurs victimes – dont certaines qui ont perdu leurs économies de toute une vie – avant que Facebook n’interdise les publicités pour les options binaires en janvier 2018. Google, pour sa part, a suivi l’exemple de Facebook et les a interdites au mois de mars 2018.

Selon l’avocat spécialiste en droit du travail et sociologue Nathan Newman, si la publicité ciblée peut aider des entreprises légitimes à trouver des clients, elle reste très attirante pour les firmes illégales ou manquant d’éthique qui peuvent amasser des profits considérables grâce aux liens susceptibles de se développer avec les clients qui seront particulièrement réceptifs au produit qu’elles proposent.

« Si votre population-cible représente 20 % de la population parce que vous vendez des détergents, vous allez vouloir attirer beaucoup de gens. Et vous serez prêt à verser une bonne commission par clic, parce que cela ne vous coûtera pas in fine beaucoup d’argent. Mais si vous vendez des escroqueries aux investissements, vous aussi, vous serez prêt à verser une bonne commission parce que vous n’allez pas avoir besoin que beaucoup de gens viennent cliquer sur votre publicité – vous allez vous contenter de ceux qui deviendront par ailleurs et très probablement des clients », explique-t-il au Times of Israel.

Dans un article paru en 2013, Newman avait affirmé que la quantité d’informations sur les internautes qui se trouve entre les mains de Google et Facebook permettent aux entreprises douteuses d’identifier les points faibles des potentiels clients – addiction au jeu ou crédulité.

Mais, selon McCutcheon, seulement 5 % des dépenses en termes de marketing numérique servent à promouvoir des escroqueries au sein de l’État juif.

« Les industries illégitimes dont le commerce peut être considéré comme préjudiciable ne sont tout simplement pas capables de se livrer au même niveau de dépenses que les compagnies légitimes », note-t-il.

Investissements d’un oligarque

Le Rapport d’activité suspecte de la Barclays ne révèle pas seulement le nom des partenaires commerciaux de WebPals mais aussi l’identité de ceux qui ont empoché les profits. Ainsi, selon le document, une entreprise des îles Caïmans appelée Israeli VC Partners LP a fait un virement d’un montant de 14 999 980 dollars à Webpals Marketing Systems Ltd.

Au mois de décembre 2013, la compagnie Israeli VC Partners LP avait acheté une part de 18 % dans XLMedia pour la somme de 15 000 000 dollars, selon un document transmis par XLMedia avant son introduction sur le Marché des investissements alternatifs (AIM) de Londres, au mois de mars 2014.

Selon le document d’admission de l’AIM, le propriétaire d’Israeli VC Partners LP est Viktor Vekselberg, un milliardaire russe. Après l’IPO, ce dernier était resté le deuxième plus important actionnaire de la firme. Il aurait vendu ses parts en 2017. Mais au moment de l’entrée en bourse, les autres actionnaires de l’entreprise étaient notamment l’homme d’affaires Zvika Barenboim et l’investisseur de 888.com, Shai Ben-Itzhak.

A l’époque des investissements de Vekselberg dans XLMedia, l’homme était surtout connu pour être l’une des plus grandes fortunes de la Russie et un allié proche du président Vladimir Poutine sur les questions juives (le père de Vekselberg était Juif). Il avait pris le parti de la Russie lors du conflit avec l’aile américaine du mouvement Habad concernant les écrits de feu le rabbin loubavitch, et il avait aidé à financer le Musée juif et centre de la tolérance de Moscou.

FILE – Le président russe Vladimir Poutine, à gauche, pose pour une photo aux côtés de l’homme d’affaires Viktor Vekselberg pendant une cérémonie de remise des prix au Kremlin, à Moscou, le 26 janvier 2017. (Crédit : Alexei Druzhinin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP, File)

Au mois d’avril 2018, Vekselberg avait été sanctionné par le département américain du Trésor, avec 23 autres ressortissants russes, pour « des activités néfastes dans le monde entier – avec notamment l’occupation continue de la Crimée et l’instigation de violences à l’Est de l’Ukraine, la livraison de matériaux et d’armes au régime d’Assad, qui bombarde ses propres civils ; des tentatives de subversion des démocraties occidentales et des cyber-activités pernicieuses », avait déclaré le secrétaire au Trésor de l’époque, Steven Mnuchin.

« Les oligarques et les élites russes qui profitent de ce système corrompu devront dorénavant répondre des conséquences des activités de déstabilisation de leur gouvernement », avait-il continué.

Cela n’avait été qu’après les sanctions américaines que les investissements réalisés par Vekselberg dans des firmes hi-tech israéliennes avaient été rendus publics par le biais d’un reportage d’investigation du Calcalist qui était paru en 2019.

Parmi ces six entreprises, deux sociétés spécialisées dans la cybersécurité et dirigées par d’anciens cadres du Mossad (Fifth Dimension et Deep Instinct), deux firmes qui gagnaient de l’argent grâce aux options binaires et autres fraudes présumées (Webpals et Credorax), le site en direction des travailleurs indépendants Fiverr et une compagnie de capital-risque, Firstime Ventures.

Interrogée sur l’éventuel caractère problématique des investissements de Vekselberg dans le secteur hi-tech israélien, l’agence de sécurité du Shin Bet a répondu que « ce n’est pas le genre de sujet que nous abordons dans les médias ».

Mais en 2014, le FBI, équivalent américain du Mossad, avait publié une lettre ouverte écrite par Lucia Ziobro, une agente de Boston, mettant en garde les États-Unis contre la conclusion d’éventuels partenariats avec la Skolkovo Foundation, qui se présentait comme un centre d’innovation. Elle avait été établie par le Kremlin et Vekselberg en avait été le président jusqu’en 2019.

« Cette Fondation pourrait être un outil utilisé par le gouvernement russe pour accéder aux recherches sensibles ou classifiées de la nation, à nos structures de développement et à nos technologies à usage double qui peuvent être utilisées à la fois dans les secteurs militaire et commercial », avait écrit Ziobro.

L’Autorité en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent, en Israël, a aussi refusé de dire si les investissements effectués par Vekselberg étaient inquiétants à ses yeux, suggérant que le Times of Israel entre plutôt en contact avec l’Autorité israélienne des Titres.

Sollicité par cette journaliste, un porte-parole de cette dernière a dit ne pas avoir une connaissance suffisante des activités de WebPals et ne pas être, en conséquence, en mesure de répondre.

Une source issue de l’Autorité fiscale, qui a demandé à ne pas être identifiée, a déclaré que les investissements de Vekselberg n’intéresseraient le bureau que s’il était citoyen israélien (Vekselberg aurait la nationalité israélienne, mais il n’est probablement pas soumis à l’impôt en vertu de l’Amendement 168 de l’Ordonnance fiscale, qui exempte les nouveaux immigrants d’impôts sur les revenus gagnés à l’étranger).

De son côté, Vekselberg n’a pas répondu à une demande de commentaire de la part du Times of Israel.

Et, pour sa part, un porte-parole de XLMedia a fait parvenir au Times of Israel le communiqué suivant : « Dans son histoire, la compagnie a travaillé aux côtés d’entreprises spécialisées dans le Forex, dans les sites de rencontre ou dans la vente d’options binaires mais ces activités ont toujours été considérées comme périphériques par rapport aux activités qui sont au cœur de notre firme. Elles ne représentent pas la direction future prise par l’entreprise et ces partenariats ont par ailleurs pris fin il y a déjà longtemps. La compagnie a toujours été respectueuse des lois et des régulations et elle a toujours fait preuve de transparence à l’égard de nos investisseurs au sujet des marchés verticaux dans lesquels nous évoluons. Nous communiquons régulièrement avec l’ensemble de nos fournisseurs et nous garantissons la conformité, une nécessité que nous prenons très au sérieux. »

Le pari sportif, une planche de salut ?

Les revenus de XLMedia avaient plongé en 2020, à 54,8 millions de dollars – contre 117,9 millions de dollars en 2018 après la rétrogradation, par Google, des sites de casino dans ses classements de recherche au début de l’année. Autre facteur qui, selon la compagnie, avait contribué à cette chute de revenus : Un déclin des paris en ligne en raison de l’annulation des événements sportifs pour cause de pandémie de coronavirus.

Mais une décision prise en 2018 par la Cour suprême américaine, renversant les interdictions fédérales des paris sportifs, pourrait bien changer la donne pour l’entreprise. Les critiques de cette décision prise par la plus haute instance judiciaire américaines craignent qu’elle n’encourage l’addiction, y compris chez les jeunes, ainsi que l’entrée « d’acteurs malveillants » dans l’industrie. Toutefois, depuis le jugement de la Cour suprême, l’industrie des paris sportifs connaît une croissance sortant de l’ordinaire. Une croissance qui représente une nouvelle opportunité pour, entre autres, XLMedia et Webpals.

« XLMedia a identifié l’Amérique du nord comme un marché-cible déterminant… La compagnie va chercher à… augmenter ses investissements sur le marché croissant des sports américains par le biais de partenariats et d’acquisitions », a noté un communiqué de presse émis en date du 10 décembre 2020.

Lavi n’a pas répondu à une demande de commentaire du Times of Israel. Mais un an avant son départ de WebPals, elle avait pris la défense de l’industrie du marketing numérique, disant qu’elle s’était débarrassée de ses mauvais éléments.

Lors d’une conférence sur la technologie et le marketing à Tel Aviv, Lavi avait été interrogée avec vigueur par Meir Orbach, journaliste spécialisé dans la technologie au sein du journal Calcalist, sur la nature de ses activités.

« Même si le secteur gagne beaucoup d’argent, on a tendance à évoquer l’AdTech et même la technologie du marketing avec une sorte d’a priori négatif. Pouvez-vous comprendre pourquoi ? », avait-il demandé.

« Je pense qu’aujourd’hui, on observe très naturellement que cette industrie est en train de faire le ménage », avait répondu Lavi. « Ce buzz négatif est lié, en premier lieu, aux entreprises qui fournissent moins de valeur ajoutée aux clients ».

Orbach avait insisté.

« L’une des raisons justifiant l’image négative de l’AdTech, c’est parce qu’elle a été associée au jeu. J’ai cru comprendre que vous tentiez de diversifier vos activités dans ce secteur ? », avait-il demandé.

Mais Lavi avait écarté d’un revers de la main l’idée d’un problème posé par certains clients de WebPals.

« Je ne suis pas d’accord avec cette caractérisation qui opposerait des jeux ‘propres’ ou ‘sales’, » avait-elle riposté. « Je pense que la question qui se pose, c’est de savoir avec quels clients vous allez travailler. Dans n’importe quelle entreprise, vous pouvez vous retrouver avec quelqu’un qui ne va pas fournir le produit promis et qui va vous prendre votre argent. Pour notre part, nous choisissons de travailler avec des clients dont l’entreprise a intégré la Bourse de Londres, dont les actions sont échangées à la Bourse suédoise : des clients qui ont une bonne réputation et qui ont le sens de la responsabilité ».

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