Eylon Levy déclare avoir donné environ 270 interviews à la télévision, à la radio ou dans le cadre de podcasts. Il dit avoir fait 70 conférences de presse devant des délégations ; des dizaines d’apparition sur les chaînes israéliennes et il ajoute avoir chapeauté 50 autres conférences de presse depuis qu’il est entré au sein de l’Administration nationale de la Diplomatie publique au Bureau du Premier ministre après l’attaque perpétrée par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre.
Éloquent, précis et passionné, cet Israélien né à Londres, qui a fait ses études à Oxford et à Cambridge, qui a travaillé comme journaliste à la télévision et qui a été conseiller auprès des médias du président Isaac Herzog, est rapidement devenu un porte-parole gouvernemental prisé par les médias internationaux – et une star dans son pays.
La rumeur avait laissé entendre, au mois de janvier, que Sara Netanyahu voulait sa tête parce qu’il avait pris part au mouvement de protestation dénonçant le projet de refonte radicale du système judiciaire avancé par le gouvernement dans la période qui avait séparé son emploi précédent – auprès de Herzog – et sa fonction de porte-parole. Des informations qui avaient été démenties et le travail de Levy n’en avait pas pâti.
Il y a trois semaines, Levy a été suspendu jusqu’à nouvel ordre – le Foreign Office britannique se serait plaint d’une réponse faite à une publication du Secrétaire aux Affaires étrangères David Cameron, dans laquelle le politicien britannique évoquait, sur X, le sujet de l’aide humanitaire à Gaza. Il déclare, au cours d’un entretien accordé jeudi au Times of Israel, ne pas avoir vu directement la plainte, ajoutant trouver « difficile à croire » que l’incident impliquant Cameron puisse expliquer à lui seul sa suspension.
Levy, 32 ans, n’a eu connaissance d’aucun « nouvel ordre » de la part de ses patrons de l’Administration de la Diplomatie publique et il en a donc déduit qu’il était dorénavant devenu « ancien porte-parole du gouvernement ». A ce titre et après trois semaines passées en « mode sous-marin », déclare-t-il, il s’apprête aujourd’hui à redonner des interviews… et à reprendre une série de podcasts qui est partiellement financée par une branche différente du gouvernement.
Le 31 mars, quelques heures après la publication de cette première interview, il a changé sa bio, sur X, indiquant son nouveau statut « d’ex-porte-parole du gouvernement ». Il a aussi écrit dans un post : « Pas besoin d’être un porte-parole pour s’exprimer en faveur d’Israël ». Dans un tweet écrit en hébreu, il a indiqué que lui et son équipe de diplomatie publique étaient sur le point d’emprunter « un chemin indépendant ».
Est-il troublé ? Inquiet ? A suivre…
Le Times of Israel: Commencez donc par nous expliquer où vous en êtes au niveau professionnel.
Eylon Levy: La guerre a commencé il y a déjà presque six mois. Et j’emprunte dorénavant un nouveau chemin indépendant, en prenant part à une initiative civile de diplomatie publique en ma qualité d’ancien porte-parole du gouvernement et d’ancien conseiller à la présidence.
Il y a un moment déjà, nous avions obtenu des financements de la part du ministère de la Diaspora pour établir le podcast « État d’une nation ». L’idée, c’est de créer une plateforme qui nous permettra de partager des contenus et des matériels accessibles à nos soutiens et à notre public, avec un format dont il est friand, pour aider les gens à comprendre ce qui arrive ici et pour qu’ils puissent s’armer des éléments dont ils ont besoin pour nous défendre. Hier, j’ai tourné un épisode avec [l’ancien rédacteur en chef du Jerusalem Post] Yaakov Katz, qui a évoqué les capacités de précision de Tsahal et comment expliquer l’étendue des destructions à Gaza.
Nous avons obtenu un financement partiel de la part du ministère de la Diaspora pour « État d’une nation ». Le ministre Amichaï Chikli est derrière nous. Aujourd’hui, nous avons lancé une campagne de financement participatif. Les subventions que nous avons reçues de la part du ministère servent à équilibrer les financements.
Je vais emmener avec moi l’équipe qui travaille à mes côtés depuis le début de la guerre – parce que j’ai travaillé avec toute une équipe autour de moi ; il n’aurait pas été possible, le cas échéant, de conserver ce côté profondément intense de nos activités.

Nous allons continuer le podcast et le développer massivement. Je vais continuer à accorder des entretiens partout où je pourrai le faire en tant qu’ancien porte-parole du gouvernement. J’ai vu le travail fou qui a été abattu par Jonathan Conricus en tant qu’ancien porte-parole militaire, qui a accordé des interviews dans le monde entier. Je vais continuer à mener ce combat, je continuerai à produire des contenus sur les réseaux sociaux – des choses qui donneront envie de s’engager – et à prendre d’autres informations en les rendant accessibles pour nos publics et, avec un peu de chance, je serai en mesure de continuer toutes les activités qui ont été regroupées dans le cadre de l’initiative qui avait été établie par Rotem Sella au début de l’opération, avec l’organisation de visites du pays pour des VIPs importants. Une salle de presse aidant les journalistes à se lier, à trouver des sources et à placer des articles, a aussi été mise en place.
Pourquoi faites-vous tout ça ? Je ne comprends pas. Jusqu’aux dernières semaines, vous étiez porte-parole du gouvernement. Je ne sais même pas comment vous aviez été nommé à ce poste, alors racontez-le moi rapidement. Mais pourquoi vous lancer maintenant dans une initiative privée qui est partiellement financée par le gouvernement alors que vous étiez fait pour ce rôle de porte-parole, semble-t-il, et que vous portiez très bien cette casquette. Qu’est-il arrivé ?
La seule fois où j’ai connu une sorte de proximité avec l’épouse du Premier ministre, c’était sur le plateau de l’émission « Eretz Nehederet »
Il y a eu six mois absolument surréalistes qui nous ont tous soudainement amenés à faire des choses que nous n’aurions jamais pu imaginer par ailleurs.
Si vous m’aviez montré une capture d’écran de l’émission satirique « Eretz Nehederet » de la semaine dernière, une émission dans laquelle je dis à l’épouse du Premier ministre : « Mais je ne travaille plus pour vous » et que vous m’aviez demandé, avant le 7 octobre, de vous expliquer comment j’en étais arrivé là, je n’aurais pas été capable de vous le dire.

Quand la guerre a commencé, j’étais un citoyen privé. J’avais fini mon travail auprès du président, quand j’occupais le poste de conseiller auprès des médias étrangers à ses côtés, quelques mois auparavant. Et après une journée passée à rêvasser sur le canapé, après une journée passée à distribuer des colis alimentaires à des survivants de la Shoah et aux soldats, je me suis dit : « Bon, tout le monde a un rôle à tenir. Et moi, je sais faire des interviews ».
J’ai mis une pile de livres sur la table de la salle à manger ; j’ai pris la bouteille de poudre protéinée – j’ai à peine été à la gym depuis que cette guerre a commencé – et je l’ai mise de côté : j’ai pris une lampe de banquier, je l’ai posée sur les livres ; j’ai pris une photo, je l’ai partagée sur Twitter et j’ai dit : « Salut, je suis l’ancien conseiller du président et je suis à la disposition des médias pour d’éventuelles interviews ».
Ça a duré environ trois jours et je pense que j’ai donné environ une douzaine d’interviews en tant que citoyen privé.
Dans la soirée du jeudi, après le début de la guerre, j’ai eu un appel téléphonique de Rotem Sella — l’éditeur, pas la top-model ! Il m’a dit : « Écoute, je suis en train de lancer une initiative de diplomatie publique parallèle qui viendra soutenir l’Administration nationale de la Diplomatie publique ».
Le pays avait été pris par surprise ; il n’était manifestement pas préparé à faire face à l’énormité du défi à relever quand le massacre est arrivé. Il m’a dit qu’il était en train de rassembler une équipe et que nous allions nous présenter en tant qu’unité de soutien pour appuyer les efforts livrés par le Bureau du Premier ministre. Il m’a demandé si je désirais me joindre à eux, m’impliquer là-dedans.
Je lui ai demandé en quelle qualité.
Il m’a répondu : « Qu’est-ce que vous pouvez faire ? »
J’ai rétorqué : « Eh bien, j’ai fait pas mal d’interviews ».
Il m’a dit : « Est-ce que vous voudriez en faire ? »
J’ai répondu : « Pour le Bureau du Premier ministre ? »
Et il m’a répondu par l’affirmative.
J’ai dit : « OK, très bien. Comptez sur moi. On y va ».
Le vendredi matin, j’étais au téléphone avec un journaliste qui travaillait pour une radio irlandaise et je parlais de l’ordre d’évacuation du nord de Gaza qui avait été donné par Tsahal. J’ai rencontré Rotem pour boire un café et il a dit : « OK, allons à la Kirya [le siège du ministère de la Défense à Tel Aviv] ». C’était le chaos total, bien sûr, dans ces premiers jours de la guerre.
Puis, j’ai vu Mark Regev [ancien conseiller de longue date auprès des médias et porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu], que je connais depuis de nombreuses années, qui était mon idole quand j’étais petit, au fait, parce qu’il était le visage qui, à la télévision, prenait la défense d’Israël.
Mark m’a dit : « Eylon, ça fait plaisir de te voir. Nous sommes dépassés par toutes les demandes d’interviews. Nous avons besoin de renfort. Je veux que tu regardes quelques-uns de mes entretiens et, à partir de demain, ce sera ton tour ».
J’ai répondu : « Qu’est-ce que tu veux dire ? Faire quoi ? »
Et il m’a demandé de donner des interviews.
Je l’ai interrogé : « Mais à quel titre ? »
Il est resté silencieux d’abord et il m’a indiqué : « En tant que porte-parole du gouvernement israélien. C’est ton titre. On part là-dessus ».
Le jour suivant, j’étais d’ores et déjà à la télévision, en costume-cravate, avec un bandeau qui me présentait en tant que « porte-parole du gouvernement israélien », représentant le pays dans les médias et sur les chaînes internationales de télévision. Depuis, il y a eu environ 270 interviews à la télévision, à la radio et via des podcasts ; environ 70 conférences de presse et autres conférences devant des délégations, plusieurs dizaines d’apparitions dans les médias israéliens et une cinquantaine de conférences de presse.
Cinquante conférences de presse, où vous étiez l’interlocuteur d’un nombre significatif de journalistes ?
Oui. C’est l’une des choses que Rotem a aidé à mettre en place.
Quelque chose de quotidien que vous faisiez, qui était diffusé en direct ?
Oui. Lorsque l’intérêt était à son pic au sujet de la trêve survenue dans le cadre de la remise en liberté des otages, à la fin du mois de novembre, nous assurions nos diffusions à partir d’un nouveau centre qui avait été construit à Sarona, face à la Kirya — la BBC, Sky News, Fox News ont interrompu leurs émissions habituelles pour dire : « Nous allons directement à Tel Aviv où le gouvernement israélien tient une conférence de presse ». Et il y a eu un communiqué que j’avais préparé, ce matin-là, en essayant de rassembler les informations obtenues à partir de ce qu’avaient dit le Premier ministre, le ministre de la Défense et l’armée, en essayant de faire de tout ça un narratif cohérent que nous pourrions présenter aux médias internationaux.
Vous l’avez fait vous-même, et il n’y avait personne pour vous dire exactement quoi faire… C’était bien à vous de le faire ?
Oui, et j’ai tout rassemblé. Ensuite, j’ai tout confié à Keren Pakes, qui avait également décidé de participer à cette initiative, au début de la guerre, pour apporter son aide, et aux responsables de l’administration. J’avais une équipe de bénévoles qui m’aidaient – et qui continuent à m’aider – à parcourir les nouvelles, à rechercher des pistes, à tenter d’obtenir des informations, à m’aider dans mes recherches. Mais cela avait été une conférence de presse que, entre deux interviews, j’avais préparée, présentée ; une conférence de presse qui a été retransmise sur la BBC en direct…
Vous avez fait cela pendant presque six mois ?
Oui.
Il y a eu beaucoup d’informations – je ne pense pas que vous ayez confirmé – laissant entendre que l’épouse du Premier ministre voulait que vous soyez renvoyé parce que vous aviez, après avoir travaillé pour Herzog et avant de prendre votre fonction suivante, été parmi les centaines de milliers de personnes qui avaient manifesté contre l’effort livré par la coalition de soumettre le système judiciaire. Est-ce vrai ? Et j’en reviens à ma question initiale : Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
(Rires) La seule fois où j’ai connu une sorte de proximité avec l’épouse du Premier ministre, c’était sur le plateau de l’émission « Eretz Nehederet. » Je ne l’ai jamais rencontrée. Je ne lui ai jamais parlé. Quand j’ai vu le reportage diffusé sur la Douzième chaîne, à la fin du mois de janvier, où il était affirmé qu’elle voulait me voir viré, personne ne m’avait jamais parlé de ça au sein du Bureau du Premier ministre. Avant ou après le reportage, d’ailleurs.
Pour être honnête, c’est surprenant parce que l’impression que j’ai de tout ceux qui travaillent à l’Administration de la Diplomatie publique, c’est que ce sont des professionnels qui ne s’encombrent pas de politique. Il est clair qu’il y a aussi, là-bas, des gens qui peuvent avoir d’autres opinions politiques à titre privé, mais cela n’entre pas en compte.
Quand vous dites : « C’est surprenant », vous voulez dire que vous faisiez votre travail, que les gens avec lesquels vous faisiez votre travail étaient des professionnels et que soudainement, venant de nulle part, une information a laissé entendre que l’épouse du Premier ministre voulait vous voir renvoyé et que c’était quelque chose dont vous n’aviez absolument aucune idée auparavant ?
Personne, que ce soit au sein du Bureau du Premier ministre ou de l’Administration de la Diplomatie publique, n’avait jamais mentionné quelque chose à ce sujet auparavant.
Et donc, s’agissant de vous, à ce moment-là, cette information vous a semblé être incompréhensible et elle ne vous a affecté d’aucune manière ? Et vous avez continué ?
Le jour suivant, tout s’est déroulé normalement. Je suis venu. J’ai accordé un entretien à la Times Radio qui, parce que j’avais derrière moi le logo de l’Administration nationale de Diplomatie publique, qui dépend du Bureau du Premier ministre, m’a présenté comme le porte-parole du Bureau du Premier ministre. C’était juste après le rejet, par le Premier ministre, d’une partie des pressions qui étaient exercées à l’international en faveur de la solution à deux États. De retour dans les tranchées.
D’accord, mais nous sommes aujourd’hui à la fin du mois de mars et vous n’êtes plus porte-parole du Premier ministre : Quelque chose est donc arrivé.
Oh… Eh bien, vous savez que j’ai été suspendu il y a quelques semaines.
Parce que vous aviez offensé le Secrétaire britannique aux Affaires étrangères David Cameron ou parce que vous aviez réagi à ce que Cameron avait dit d’une manière qui était indigne d’un porte-parole ? Racontez-moi.
Il y a trois semaines, j’ai eu un appel, au téléphone, de Moshik Aviv, le chef de l’Administration de la diplomatie publique.
L’initiative de Rotem Sella, à travers laquelle vous êtes arrivé, est une sorte de complément de cette Administration ?
Oui.
Vous aviez été embauché non pas par l’Administration pour laquelle Mark Regev travaillait, mais dans le cadre de la nouvelle initiative de Rotem Sella.
Je suis arrivé par le biais de l’initiative de Rotem…
Et coopté…
Coopté. Exactement.
Et vous travaillez dorénavant pour Moshe Aviv, qui est le dirigeant officiel de l’Administration ?
Exactement. Parce que je me tenais à l’arrière d’une tribune où il y avait le logo du Bureau du Premier ministre… Ce que faisait Rotem dans le cadre de son initiative, c’était des points-presse quotidiens en russe, en farsi, en espagnol, en d’autres langues….
Mais vous-même, vous vous êtes rapidement éloigné de ça.
Exactement. En l’espace d’une semaine…
D’accord. Et vous avez eu un appel téléphonique il y a trois semaines…
Un appel de Moshik qui m’a dit qu’ils avaient reçu une plainte des Britanniques suite à quelque chose que j’avais écrit sur X à David Cameron. Il m’a dit qu’il devait me suspendre.
J’ai répondu : Pour combien de temps ? Il m’a dit qu’il ne le savait pas. Mais que pour le moment, il n’y aurait pas d’interview, pas de conférence de presse.

Et qu’aviez-vous écrit dans votre post ?
Eh bien, justement. Je n’ai jamais vu la plainte, en fait. Ce que je sais, je l’ai appris par les médias. Lord Cameron avait écrit qu’Israël devait laisser entrer un plus grand nombre de camions à Gaza. Et j’avais répondu qu’il y avait encore des capacités en surplus au poste-frontière de Kerem Shalom, au point que si on envoyait de nouveaux camions à Kerem Shalom, on les laisserait entrer. Voilà. Je veux dire, je n’ai évoqué que des faits. C’était une déclaration portant simplement sur une politique mise en œuvre par le gouvernement, qui reprenait ce que nous ne cessons de répéter par ailleurs.
Il avait dit qu’il fallait davantage d’aides…
Il avait dit qu’Israël devait laisser entrer des aides en plus grosse quantité à Gaza. Et j’ai répondu qu’il y avait des capacités excédentaires aux postes-frontières d’Israël ; qu’il n’y a pas de restriction sur l’entrée des produits alimentaires, de l’eau, des médicaments, des différents équipements. Les mêmes éléments de langage que nous avons été amenés à mentionner dans toutes les conférences de presse.
1️⃣ If it were possible to have a pause to get the hostages out, we would obviously have grabbed it with both hands. Hamas must be pressured to back down from its delusional demands.
2️⃣ It is factually incorrect that the flow of aid has not increased. Last week we had a record… https://t.co/Yriptygryc— Eylon Levy (@EylonALevy) March 7, 2024
Et donc, la main sur le cœur, il n’y avait rien là-dedans qui, selon quelqu’un de raisonnable, pouvait être considéré comme un affront scandaleux, comme une réponse irrespectueuse ?
Non.
Je pourrais comprendre qu’il s’agisse peut-être d’une violation mineure du protocole diplomatique, je pourrais comprendre qu’un porte-parole n’est pas supposé répondre à un Secrétaire aux Affaires étrangères sur X.
C’est ce qui s’est passé ?
Je ne le sais pas. Peut-être.
On ne vous avait pas dit de ne pas répondre directement à un politicien ou de ne pas envoyer un tweet directement adressé à un politicien ? Est-ce qu’on vous avait dit quelque chose… Vous faisiez partie de cette Administration officielle ?
Non. Il n’y a que dans la start-up nation que quelqu’un peut, en trois jours, passer d’interviews données dans son salon à une tribune, derrière un pupitre où il est écrit : « Bureau du Premier ministre ». Et je pense que l’une des choses qui sont incroyables en Israël, c’est cette tendance culturelle à prendre des jeunes, à leur donner une quantité démente de responsabilités, à leur faire confiance et à leur dire : « Allez-y ». C’est ce qui est arrivé.
Personne ne vous a dit, en fait : « Voilà ce que vous avez le droit de faire et voilà ce que vous n’avez pas le droit de faire ? »
Chaque jour, à l’Administration nationale de la Diplomatie publique, il y avait une feuille. Voilà les points déterminants du jour. Voilà tous les communiqués de presse qui vont devoir sortir. Voilà ce que dit le Premier ministre. Voilà ce que dit le ministre de la Défense. Mais il y a une latitude de liberté extraordinaire concernant la reprise de l’information, sa présentation structurelle, la réception de nouvelles informations et la mise en forme des messages publics.
Ce n’est pas comme si on me donnait un script en me disant : « Lisez-le ». Je me saisis de l’information, je l’écris, quelqu’un l’approuve.
Alors est-ce que, par exemple, on vous a dit qu’il vous était interdit d’écrire un post, sur X, sans réclamer au préalable l’approbation d’une personne plus expérimentée, depuis plus longtemps que vous dans le métier ?
Non.
Et ainsi, soudainement, vous faites quelque chose qui, pensez-vous, relève de la routine, en reprenant les éléments de langage…
Pendant toute la guerre, ce qui nous a permis d’être si souvent cités dans les publications majeures a été cette latitude de liberté extraordinaire dont nous jouissions dans la rédaction de nos messages, dans leur forme, et aussi dans nos tweets.
Pour être honnête, la position dans laquelle je me trouve est tellement surréaliste ! Parfois, cela ressemble à une expérience de hors-corps, parce que tant de choses qui n’ont rien à voir avec moi arrivent autour de moi
Parfois, je jette un œil et je vois le New York Times ou le Wall Street Journal qui citent quelque chose que j’ai dit dans un tweet. En conséquence, non, il n’y avait aucune sorte de directive. Et en tant que citoyen, j’ai été agréablement surpris par la marge de manœuvre dont nous pouvions bénéficier.
Et au fait, ce que j’ai tenté de faire au cours de cette guerre, en utilisant cette liberté, ça a été de redéfinir le rôle de ce que signifie être le porte-parole d’un gouvernement. J’ai dit à mon équipe : « Écoutez, on ne va pas se contenter d’attendre que CNN décroche son téléphone pour nous interviewer. Nous allons mettre en avant trois choses principales :
En premier, les interviews et les conférences de presse et nous allons utiliser les conférences de presse pour déterminer l’ordre du jour et pour modeler les faits, en nous assurant que les faits qui échappent aux journalistes seront présentés en première ligne.
Deuxième élément, une utilisation massive des réseaux sociaux, en traçant la ligne entre porte-parole du gouvernement, créateur de contenu et commentateur. Et c’est grâce à ça qu’au cours de la guerre, mon compte Instagram a grimpé à 220 000 abonnés. Cela a été entraîné par la guerre parce que nous avons créé des nouveaux contenus en nous disant : « OK, alors comment les gens aimeraient pouvoir avoir à ce type de contenu ? En cliquant sur leur téléphone. Créons donc des contenus relatifs à la démocratie publique et présentons-les comme ça ».
Il y a aussi des posts qui ont été publiés de manière très dynamique sur X. Mon compte est suivi par 180 000 abonnés. La dernière fois que j’ai regardé, depuis le début de la guerre, il y a eu environ 6oo millions d’impressions sur mon compte Twitter seulement, ce qui est plus élevé, en termes d’abonnés, que le ministère des Affaires étrangères et que le porte-parole de l’armée à eux deux. C’est, de loin, la plateforme la plus puissante d’un porte-parole.

Le troisième élément, ce sont les podcasts. Quand j’ai été très récemment à New York, j’ai interviewé Ritchie Torres, membre du Congrès, dans son bureau. Je pense que c’est probablement la première fois que le porte-parole d’un gouvernement étranger obtient ainsi un entretien avec un politicien dans l’exercice de ses fonctions, dans le cadre d’une interview qui ressemble au format qu’on retrouve dans les médias.
Nous nous sommes dit : « Les chiffres sont contre nous dans le monde entier. Nous devons êtes aussi créatifs que possible et utiliser la marge de manœuvre qui nous est offerte ».
Vous avez tweeté un post qui, selon vous, était relativement banal, conforme aux éléments de langage qui étaient les vôtres de toute façon. Puis votre patron vous a dit : « Je vais devoir vous suspendre ». Vous n’avez pas vu la plainte. Vous avez demandé combien de temps vous seriez suspendu ; on vous a répondu qu’on n’en savait rien. Et qu’est-ce qui est arrivé ensuite ?
Rien.
Ce qui voulait dire que depuis trois semaines, vous n’êtes plus autorisé à représenter officiellement Israël ?
Pas d’interviews, pas de conférences de presse.
Est-ce que vous avez été payé pour vos presque six mois de travail ?
Je ne veux pas entrer dans les questions relatives à l’argent. Dans la mobilisation d’urgence qui est survenue au début de la guerre, ce n’est pas comme si tout le monde avait signé un contrat officiel ou un engagement officiel. Mais presque toutes les factures que j’ai pu soumettre ont été payées. Ce n’est pas un problème pour moi.
Vous êtes probablement le porte-parole le plus efficace, le plus éloquent du pays. On vous a dit il y a trois semaines qu’il y avait un petit problème, et fin de l’histoire ? Pas de discussion supplémentaire ? Rien, rien, rien, et vous avez donc réalisé que l’aventure était finie ?
Je m’attendais à ce que tout ça soit résolu en quelques jours parce que ce qui devait se passer, selon moi, c’est qu’il aurait dû y avoir une réponse disant : « Oui, cela a été une simple répétition de la politique mise en œuvre par le gouvernement et un simple rappel des faits ». Peut-être…
Et qui vous aurait envoyé ce courrier, selon vous ?
Eh bien, celui ou celle qui aurait reçu la lettre. Je ne sais pas.
De ce que vous savez aujourd’hui, le Secrétaire aux Affaires étrangères britannique se serait plaint au ministère des Affaires étrangères ?
Ce qui a été rapporté dans les médias, c’est que c’était le Foreign Office qui s’était plaint.
Le Foreign Office s’est plaint à son homologue israélien. Vous ne savez rien ?
Je ne le sais pas.
Avez-vous présumé qu’ils s’occuperaient de ça… Avez-vous dit quelque chose, avez-vous fait quelque chose ?
Non.
Parce que cela aurait été inapproprié ?
Parce que cela aurait été inapproprié.
En fait, l’histoire telle qu’elle s’est répandue en Grande-Bretagne, telle qu’elle a été comprise en Grande-Bretagne, c’est que j’ai été suspendu parce que je devais avoir menti. Que j’avais dû mentir à David Cameron, au sujet de notre politique en matière d’aide humanitaire. C’est ainsi que l’histoire a été présentée par la presse britannique… Parce qu’une lettre a été envoyée par David Cameron en réponse à Alicia Kearns, la cheffe de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, une lettre dans laquelle il a rejeté tous les points qui étaient avancés par Israël. Et donc, l’hypothèse qui a été retenue en Grande-Bretagne était qu’en fait, j’avais été suspendu parce que je n’avais pas dit la vérité.
Sauf que c’est, en effet, ce qu’Israël affirme de manière constante, publiquement – qu’il n’y a pas de limitation sur les aides et que le seul problème, c’est leur distribution.
Oui. Mais pour tenter de résoudre ça, je me suis dit qu’il fallait que les gens viennent à moi. Qu’on continue à parler comme ça. Que je n’allais pas commencer à aller sur les plateaux de télévision britanniques pour me défendre, parce que ça ne nous aiderait en rien.
Vous avez adopté ce que vous avez considéré comme « un silence respectueux ? »
Je me suis mis en mode sous-marin. Je ne donne pas d’interview. Je ne donne pas de conférences de presse.

Le jour même ou le lendemain de ma suspension, cette dernière a été signalée par la Douzième chaîne. Et dans la semaine qui a suivi, après que le Premier ministre a déclaré, semble-t-il, qu’il était entouré de gens qui ne parlaient pas anglais, les médias israéliens ont peut-être soudainement réalisé que je n’avais pas accordé d’entretien ou organisé de conférence de presse depuis une semaine et ils ont annoncé que j’avait été suspendu.
Et il y a quelques jours, il y a eu cette information qui m’a totalement pris au dépourvu – je l’ai apprise parce que quelqu’un m’a envoyé un texto pour me dire qu’on avait parlé de moi aux informations – qui disait que la suppression pure et simple de mon poste était envisagée.
Parce que votre poste, c’était vous, vous vous en rendez compte ?
(Rires) Vous dites que « ce poste, c’était moi ». Les gens me demandent : Comment avez-vous réussi à faire ce que vous avez fait avec tout le stress de ces derniers mois ? Pour être honnête, la position dans laquelle je me trouve est tellement surréaliste ! Parfois, cela ressemble à une expérience de hors-corps, parce que tant de choses qui n’ont rien à voir avec moi arrivent autour de moi. Et ce côté surréaliste facilite la résistance aux pressions.
De manière officielle – je cherche à comprendre – la dernière conversation entre toutes que vous ayez eu depuis que vous avez endossé le costume de porte-parole du Premier ministre, c’était avec votre patron, Moshik Aviv, qui vous avait dit qu’il devait vous suspendre et qu’il ne savait pas combien de temps durerait cette suspension ? Vous n’avez pas été tout bonnement renvoyé ?
Non.
Vous le sauriez, je pense. On a dit que vous aviez été renvoyé.
La Douzième chaîne n’a pas vraiment dit ça… La Douzième chaîne a dit : « Il va être limogé ».
Ainsi, en ce qui vous concerne, vous n’avez pas été renvoyé ?
Non.
Donc, vous avez finalement laissé derrière vous votre travail pour vous lancer dans…
Je prends du recul. Je me mets en retrait de ma qualité officielle afin de continuer…
Vous n’avez pas de contrat ?
Non.
On vous a dit que vous étiez suspendu d’un travail pour lequel vous n’avez jamais été officiellement engagé ? Et vous partez aujourd’hui de votre côté parce qu’apparemment, vous avez été limogé mais qu’en fait, vous n’en savez rien. C’est cette situation que vous êtes en train de me décrire, n’est-ce pas ?
Laissez-moi vous montrer une vidéo que nous avons réalisée. C’est une vidéo que nous allons poster sur le site de financement participatif…
Vous êtes dorénavant financé par un autre ministère gouvernemental, partiellement financé ?
Les podcasts sont financés par le ministère de la Diaspora. C’est un tournant pour moi de pouvoir accorder des entretiens en tant qu’ancien porte-parole du gouvernement et de pouvoir utiliser cette plateforme.
C’est ce que vous mettez en place pour le moment en présentant ce que vous allez faire à l’avenir ?
Écoutez, il y a trois semaines, j’ai été suspendu jusqu’à nouvel ordre.
Et pas de nouvel ordre jusqu’à présent.
J’en tire les conclusions nécessaires.
Notre situation est catastrophique, en ce moment, en ce qui concerne l’opinion publique mondiale. Les mensonges qui sont racontés sur Israël, le génocide, la famine, font actuellement vivre à Israël une période très dangereuse. Je dois être dans les tranchées.
Parce que vous êtes bon dans cette tâche et que vous pensez que si vous ne pouvez pas l’accomplir dans le cadre officiel du Bureau du Premier ministre et du gouvernement, il est de votre devoir de le faire autrement, quoi qu’il arrive ?
Exactement.
Je n’ai accordé aucun entretien au cours des trois dernières semaines. J’ai des tonnes de choses que j’ai envie de dire, que j’ai besoin de dire et j’ai besoin de faire mon retour sur les écrans de télévision. Et si ce n’est pas en tant que porte-parole du gouvernement, ce sera en tant qu’ancien porte-parole du gouvernement.
Quand les gens vous envoient un courriel ou qu’ils vous téléphonent, aujourd’hui, pour vous demander si vous pouvez leur parler et que vous leur répondez que vous seriez très heureux de le faire et que vous devez toutefois souligner que vous n’êtes plus le porte-parole officiel du Premier ministre, vous vous présentez sous quelle étiquette ?
Ancien porte-parole du gouvernement.
Travaillant en indépendant avec un financement gouvernemental partiel ?
Pour les podcasts. Oui.

OK, alors vous allez faire preuve d’honnêteté face à la situation et les gens voudront vous interroger ou non. Et cette initiative que vous aviez été encouragé à rejoindre il y a maintenant six mois… Qu’avez-vous laissé derrière vous là-bas ?
Au Bureau du Premier ministre ? Mark Regev est un bourreau de travail. Il est mon rabbin, mon professeur. Je le considère comme un mentor, je l’idolâtrais quand j’étais jeune et j’ai vu toutes ses interviews.
Je pense qu’Israël a mis en place un combat bien meilleur dans cette guerre qu’au cours des précédentes, et je vais vous expliquer comment ça se passe.
Pour commencer, tout part du sommet de la hiérarchie. Parce que le Premier ministre, lui aussi, s’est retroussé les manches et qu’il a donné des interviews dans les médias. A chaque fois qu’il prend la parole, il a cette capacité phénoménale à sortir des petites phrases et à distiller les informations. Ensuite, on a le carnet de note, le stylo et le papier et on travaille dessus. Le président, lui aussi, a fait la tournée des médias et il a accordé des interviews. Le ministre Dermer également, en particulier au cours des derniers jours mais pas seulement. Chaque entretien qu’il accorde est une mine d’or en matière d’information et de petites phrases que nous reprenons.
Je trouve difficile à croire que tout ça soit vraiment relatif au tweet adressé à David Cameron parce que je n’ai fait que relayer une politique et des faits et que c’est un faux problème
Mais concernant les opérations des services de diplomatie publique, Mark Regev fait encore des interviews occasionnelles si c’est vraiment quelque chose d’important, comme un entretien avec Christiane Amanpour, ou une interview avec Hardtalk. Tal Heinrich, qui est officiellement une porte-parole du Bureau du Premier ministre, a embarqué dans un vol, le 7 octobre, et elle est revenue en Israël. Elle donne des interviews et elle assure certaines conférences de presse. Avi Hyman, lui aussi, a commencé au début de la guerre, il a commencé par accorder des entretiens et aujourd’hui, c’est lui qui fait la plupart des conférences de presse… Ophir Falk. Quelques autres sont arrivés récemment… pour prendre en charge certaines conférences de presse…
Pensez-vous que quelqu’un voulait votre tête ? Ou est-ce que vous pensez qu’en définitive, vous avez peut-être dépassé les limites dans votre réponse à David Cameron ? Et où se trouve Sara Netanyahu dans tout ça ?
Je trouve difficile à croire que tout ça soit vraiment lié au tweet adressé à David Cameron parce que je n’ai fait que relayer une politique et des faits et que c’est un faux problème. Je ne sais réellement pas ce qui s’est passé en arrière-plan depuis. Je ne le sais vraiment pas.
Est-ce que vous avez offensé des gens, selon vous ? Vous n’avez jamais rencontré Sara Netanyahu. Et au fait, vous avez rencontré le Premier ministre ?
Je n’ai jamais rencontré le Premier ministre.
Dans vos six mois de carrière, vous n’avez jamais eu de tête à tête avec le Premier ministre ?
Pas une seule fois.
Mon job, c’était la partie officielle. J’aurais pu ne pas écrire sur Twitter et continuer à travailler. Je n’avais pas à créer de contenus, je n’avais pas à créer de podcasts. Mon travail, c’était de donner des interviews et de faire des conférences de presse. C’était au cœur de mon job. Au pic de la guerre, il y avait des jours où j’en faisais dix par jour. Avec Mark et Tal, nous faisions facilement deux dizaines d’entretiens ou plus par jour. On était là, sur les écrans de télévision, à tenter de réfuter tous les mensonges qui pouvaient être racontés.
Si un incident particulier devait se dérouler, je savais qu’il y aurait la conférence de presse quotidienne. OK, voyons ce que l’armée dit. Il y a un groupe de veille indépendant qui dit ça. Tentons de l’utiliser de manière à former le narratif. Et je pense réellement que l’une des leçons que nous aurons à tirer pour la prochaine guerre – que Dieu nous en préserve qu’il n’y en ait pas de prochaine – c’est celle d’améliorer nos réponses en communication de crise.
Je vais vous donner un exemple. J’étais à New York, il y a quelques semaines, lors d’une visite de diplomatie publique. J’avais été invité par Hillel à prendre la parole lors de la conférence de l’organisation et j’ai greffé là-dessus une visite de tous les studios de télévision de New York.
Et un jour, le Secrétaire américain à la Défense [Lloyd Austin] a indiqué qu’Israël avait tué 25 000 femmes et enfants à Gaza. Ce qui s’est propagé à la vitesse d’un feu de forêt dans le monde entier : les États-Unis l’ont confirmé ; c’est un chiffre encore plus élevé que celui qui est avancé par le Hamas ; ça veut dire qu’Israël doit mentir, bla bla bla…
Et j’ai commencé à voir, en l’espace de quelques heures, des journalistes qui disaient que le Pentagone avait clarifié ses propos. Alors au moment même où je suis au beau milieu de tous ces événements différents, à New York, je tente désespérément de trouver la vidéo du point-presse du Pentagone sur YouTube. Je venais tout juste de revenir dans ma chambre d’hôtel. J’enregistre la conférence de presse du porte-parole du Pentagone sur mon téléphone ; je la coupe ; je mets des sous-titres et dans l’extrait où il s’exprimait, [Austin] faisait référence au total des chiffres, il faisait référence aux chiffres du Hamas, les États-Unis n’avaient pas de chiffre indépendant. J’ai donc écrit un post sur X sur le sujet et j’ai interpellé Sky News, déplorant la publication, sur sa page X, de la déclaration originale de Lloyd Austin alors que le Pentagone avait d’ores et déjà clarifié ses propos. Mais les dégâts avaient déjà été commis.
Pentagon confirms: Secretary Austin "was citing an estimate from the Hamas Health Ministry… We cannot independently verify these numbers are accurate." pic.twitter.com/Gly7dzE5hz
— Eylon Levy (@EylonALevy) February 29, 2024
Ce que vous dites, c’est que vous essayez d’éteindre l’incendie mais qu’il n’existe aucun mécanisme pour gérer ce genre de choses ?
Ce n’est pas qu’il n’y a pas de mécanisme mais à l’évidence, l’incendie n’avait pas été éteint à temps.
Et que dites-vous du bilan civil à Gaza ? Vous n’avez aucune information indépendante, n’est-ce pas ? Y a-t-il en Israël une sorte de suivi officiel ?
J’ai vu l’article paru dans le magazine Tablet. J’ai vu l’analyse réalisée par le Washington Institute sur la fabrication des faits. Je sais que la dernière fois que le Premier ministre a évoqué la question dans un entretien accordé à John Spencer, il a évoqué un ratio civils/terroristes inférieur à un contre un.
Avec donc plus de terroristes tués que de civils ?
C’est ce qu’avait dit le Premier ministre dans sa déclaration. Je n’ai pas connaissance d’une éventuelle évaluation indépendante. Nous savons très bien que le Hamas a prouvé qu’il n’y a aucun mensonge qu’il pourra être amené à proférer que les naïfs n’avaleront pas.
Il y a une grande partie de l’opinion publique qui est tout simplement prête à gober automatiquement le pire au sujet d’Israël – comprendre « les Juifs ». Le Hamas manipule cela
Et le pire de ces mensonges ?
Les histoires de viol à Shifa – même Al-Jazeera a fait ultérieurement volte-face en disant qu’elles avaient été totalement fabriquées. Mais il y a des gens qui sont prédisposés à croire qu’Israël est responsable de tout, et qui vont y croire. Il y a aussi la manière dont l’histoire de l’hôpital Al-Shifa s’est propagée comme une traînée de poudre, le dit « massacre de la farine », l’autre incident où Israël a été accusé d’avoir ouvert le feu sur des civils alors qu’en fait non, c’était le Hamas qui avait tiré sur des civils.
Il y a une grande partie de l’opinion publique qui est tout simplement prête à gober automatiquement le pire au sujet d’Israël – comprendre « les Juifs ». Le Hamas manipule cela. La propagande du Hamas se base sur l’hypothèse vérifiée que certains vont croire et qu’ils seront automatiquement prédisposés à croire le pire au sujet d’Israël. Et ils abusent de ça, c’est quelque chose qu’ils exploitent.
Vous avez dit que c’était une crise grave que traversait Israël. Quel est, selon vous, son niveau de gravité et comment les choses vont-elles évoluer ? Je veux dire, on ne sait pas ce qui va arriver sur le champ de bataille mais vous êtes, pour votre part, en train de lutter sur un deuxième front.
Voyez, d’un côté, j’ai vu le sondage réalisé par Harvard-Harris qui a montré, je crois, que 79% des Américains soutiennent Israël face au Hamas ; que les deux-tiers des Américains seraient défavorables à un cessez-le-feu qui laisserait le Hamas au pouvoir ou qui abandonnerait les otages à Gaza. La grande majorité du public de la plus grande superpuissance de la Terre nous soutient encore. Le même sondage montre qu’Israël obtient un taux d’approbation supérieur, au sein du public américain, que CNN et la BBC. Donc si on veut parler du vainqueur dans la guerre qui se joue sur le front médiatique…
Il y a eu un sondage effectué par Gallup, hier, qui a laissé entendre que les Américains, dans leur plus grande partie, n’approuvent pas la manière dont nous menons la guerre…
Et pourtant, quand vous leur demandez si Israël devrait cesser de se battre, laissant le Hamas et pouvoir et les otages à Gaza, ils disent : « Non, continuez, on vous soutient ».
Mais la structure de l’information nous est complètement défavorable et quand je me présentais en tant que porte-parole du gouvernement israélien ou de l’Administration de la Diplomatie publique qui dépend du Bureau du Premier ministre, j’avais contre moi non seulement le Hamas et les Palestiniens mais aussi l’infrastructure toute entière des Nations unies, puis tout l’alphabet des organisations de défense des droits de l’Homme qui font du droit international une arme, en le tordant dans tous les sens et en lui faisant dire tout ce qu’ils veulent dans la mesure où ce sera contre Israël.
C’est vraiment un combat pour l’avenir de notre pays, pour l’avenir de notre population et pour ce à quoi ressemblera le monde de demain pour les Juifs de voir que le Hamas et ses propagandistes aux Nations unies sont parvenus à convaincre un si grand nombre de personnes qu’Israël se rend coupable de génocide
J’ai encore vu ça hier soir, un hashtag de l’ONU, à Genève, qui parlait de Francesca Albanese sur X et qui disait : « Une experte indépendante des droits de l’Homme a affirmé qu’Israël avait vraisemblablement atteint le seuil du génocide ». Elle est la seule rapporteuse des Nations unies à avoir été réprimandée par la France et par l’Allemagne à cause de son antisémitisme. Et elle est citée comme étant une experte des droits de l’Homme des Nations unies.
Quand je regarde la décision prise par la Cour internationale de Justice et quand je vois la manière dont les juges ont cherché à rendre leur décision sur la base de ce que pouvait affirmer l’UNRWA par ailleurs – parce que c’est un organe des Nations unies – et en prenant pour argent comptant les déclarations du Hamas, je suis véritablement profondément inquiet.
C’est vraiment un combat pour l’avenir de notre pays, pour l’avenir de notre population et pour ce à quoi ressemblera le monde de demain pour les Juifs de voir que le Hamas et ses propagandistes aux Nations unies sont parvenus à convaincre un si grand nombre de personnes qu’Israël se rend coupable de génocide. Cela a été le fantasme de tous les antisémites, depuis 1945, de placer les Juifs sur le banc des accusés pour les crimes qui avaient été commis par les nazis. Ce qui se passe aujourd’hui.
Nous devons riposter. Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de dire : « Bon, ça va passer, les choses vont revenir à la normale ».
Et c’est la raison pour laquelle je dis – trois semaines après cette suspension jusqu’à nouvel ordre et alors qu’il n’y a pas eu de nouvel ordre – que je pense que j’ai fait un bon travail en prenant la défense d’Israël. Que je pense que ma présence est nécessaire dans les tranchées. Je veux continuer à accorder des entretiens, à m’exprimer, à influencer les choses.
Et si ce n’est pas en tant que porte-parole officiel du gouvernement, ce sera en tant qu’ancien porte-parole du gouvernement et en tant que présentateur d’un podcast qui mettra à disposition d’un nouveau public, dans le monde entier, des informations de qualité au sujet d’Israël.
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Note: Interrogée, le 28 mars, sur un éventuel renvoi de Levy de son poste de porte-parole du gouvernement israélien, l’Administration nationale de la Diplomatie publique a fait savoir qu’il avait été suspendu.
Dans un tweet écrit en anglais en date du 31 mars, Levy a écrit : « Pas besoin d’être porte-parole pour s’exprimer en faveur d’Israël ». Dans une publication parue sur X, en hébreu, il a noté que lui et son équipe de diplomatie publique s’apprêtaient à emprunter « un chemin indépendant ». Il a aussi modifié sa bio sur X, se présentant comme « Ancien porte-parole du gouvernement israélien et ancien conseiller auprès des médias internationaux du président de l’État d’Israël. »