LONDRES – Avec sa chronologie minute par minute, ses nombreux témoignages de survivants et de témoins, sa richesse en preuves médico-légales et en images filmées par des sources diversifiées, le rapport de 316 pages qui a été établi par les parlementaires britanniques le mois dernier, qui entre dans le détail des événements terribles survenus le 7 octobre 2023, est un compte-rendu complet et méticuleux de l’assaut qui avait été commis par le Hamas dans le sud d’Israël.
Une minutie qui n’a rien de surprenant. Le groupe qui a été chargé de rédiger le « rapport de la commission parlementaire du 7 octobre » a été présidé par Andrew Roberts, historien, biographe et expert de premier plan en matière de guerre. Il s’est penché, au cours de sa carrière, sur la bataille de Waterloo comme sur l’actuel conflit en Ukraine.
Ce n’est pas seulement le soutien de longue date apporté par Andrew Roberts à Israël qui l’a amené à accepter de présider la commission. Il cite également son inquiétude face aux tentatives persistantes de blanchir les atrocités qui avaient été commises par le Hamas lors du pogrom – un phénomène qu’il compare au négationnisme de la Shoah.
« Il y a actuellement un mouvement qui, au nom du Hamas et par le biais de ses sympathisants, prétend que le 7 octobre n’a jamais eu lieu », explique-t-il au Times of Israel. L’objectif du rapport a ainsi été de rassembler « un grand nombre de preuves irrécusables pour prouver que tout est réellement arrivé ».
Roberts souhaitait également, dans une perspective historique, rassembler des preuves irréfutables afin de s’assurer que, dans les décennies à venir, « les négationnistes » pourront encore être contestés – même en l’absence de témoins vivants.
Roberts, qui n’est pas juif, ne sous-estime pas l’ampleur du défi.
« Il a fallu des décennies pour que le négationnisme de la Shoah prenne réellement son essor, mais le négationnisme du 7 octobre a commencé alors que les massacres proprement dits étaient encore en train d’avoir lieu », dit-il.
Il reconnaît que le négationnisme des crimes du Hamas contient de nombreuses et sinistres ironies. Faisant référence aux caméras GoPro que portaient les terroristes alors qu’ils commettaient des meurtres, des actes de torture et des viols, il note que le groupe et ses alliés « tentent de nier quelque chose dont ils ont eux-mêmes fourni les meilleures preuves ».
Roberts estime également que le Hamas essaie de « prendre le beurre et l’argent du beurre ».
« Ils essaient de célébrer quelque chose qui, disent-ils, n’est jamais arrivé, et ils tentent de nier quelque chose qu’ils ont célébré », dit-il. « Cela ne ressemble à rien d’autre. En tant qu’historien, vous êtes tenu de prendre parti pour l’un ou pour l’autre camp à propos d’une occasion [ou] d’un grand événement historique comme cela a été le cas du 7 octobre. Et soit vous devez dire que cela s’est produit et que c’était terrible, soit vous devez dire qu’il ne s’est rien passé ».
« On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, et c’est pourtant ce que le Hamas et ses partisans en Occident essaient d’obtenir », ajoute-t-il.
La dépravation de la nature humaine, filmée en temps réel
Roberts, qui siège en tant que membre conservateur à la Chambre des Lords, et les autres membres du groupe – des parlementaires travaillistes et libéraux-démocrates ainsi qu’un ancien procureur général du Royaume-Uni – se sont rendus en Israël et sur les lieux de certains des massacres du 7 octobre.
Roberts explique que c’est à la fois « l’ampleur et la profondeur » de l’assaut qui l’a frappé – non seulement le massacre de plus de 1 200 personnes et l’enlèvement de 251 autres personnes, mais aussi « la dépravation de la nature humaine qu’on a pu constater ce jour-là, les actes de cruauté purs et simples, les violences sexuelles et les humiliations ».
Roberts évoque la « soif de sang » des assaillants – ils ont tué un bébé âgé de seulement dix mois et un survivant de la Shoah qui était âgé de 90 ans – ainsi que la « préméditation de la cruauté ».
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D’un point de vue historique, cela est inhabituel. « La soif de sang est fréquente dans l’Histoire, mais il est très rare qu’elle ait été mise en place avec autant d’anticipation et de soin » – avec cette « intention de nuire » qui était évoquée dans le passé.
Le rapport établi par la commission parlementaire du 7 octobre, créée par le groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Israël, ne sera pas une publication officielle de la Chambre des communes ou de la Chambre des lords. Roberts dit que certains, sur les réseaux sociaux, l’ont déjà qualifié de « propagande sioniste » – Internet, plaisante-t-il, est devenu « le mur universel des toilettes » – mais il estime qu’il ne peut pas être facilement « intellectuellement et rationnellement poussé à la marge ».
Le groupe d’experts a veillé à s’en tenir aux faits, évitant les spéculations et se concentrant uniquement sur les événements survenus le 7 octobre.
« Nous n’avons pas essayé de faire ce que d’autres rapports ont pu mieux faire que nous – c’est-à-dire examiner les échecs des services de renseignement et tout ce qui s’est passé en arrière-plan », explique Roberts.
Le rapport affirme que le Hamas savait qu’une « victoire militaire était improbable » et qu’il a cherché à déclencher des représailles israéliennes qui seraient susceptibles d’isoler le pays sur le plan international, suscitant l’indignation dans le monde entier. Toutefois, Roberts conteste l’idée que, dans ces conditions, le Hamas soit d’ores et déjà sorti victorieux.

« En termes de guerre de propagande, je pense qu’ils ont gagné dans le sens où sur les sites de réseaux sociaux – dégoûtants et ridicules – comme TikTok et Instagram, vous recevez… dix fois plus de propagande anti-israélienne que de faits et de vérités pro-israéliens », déplore-t-il.
Mais, poursuit-il, la guerre elle-même n’est pas terminée et il ne sera pas possible de désigner un victorieux entre les deux camps tant que les deux parties n’auront pas cessé de se battre – une perspective qui semble encore lointaine. En effet, citant les célèbres paroles de Winston Churchill lorsqu’il était devenu Premier ministre du Royaume-Uni en 1940, Roberts estime que c’est Israël qui finira par l’emporter, mais qu’il faudra « encore beaucoup de sang, de labeur, de larmes et de sueur. »
L’histoire mouvementée des attaques surprises
Roberts est persuadé que le Hamas pourra être vaincu – une conviction qui repose en partie sur l’histoire mouvementée des attaques surprises. Elles peuvent donner à l’agresseur un avantage momentané, mais, à de « très rares » exceptions près – comme la guerre des Six Jours de 1967, au cours de laquelle Israël avait lancé une attaque préventive – elles n’ont que rarement abouti à un succès final. L’attaque sournoise lancée par le Japon sur Pearl Harbor en décembre 1941, l’assaut qui avait pris pour cible Israël à Yom Kippour, en octobre 1973, l’invasion des îles Malouines par l’Argentine au mois d’avril 1982 et la prise du Koweït par Saddam Hussein au mois d’août 1990 s’étaient soldés par la défaite de l’attaquant.
Si une attaque surprise « semble être une bonne idée sur le moment… en fin de compte, elle conduit à une situation bien pire pour ceux qui la lancent », estime Roberts. « Si vous lancez une attaque surprise barbare, vicieuse, vous ne devez pas être surpris de la réponse », déclare l’historien, qui note « la rage et la fureur sacrées » chez ceux qui ont été attaqués.
Auteur d’une biographie de Churchill très saluée, Roberts a déjà comparé la position d’Israël à celle de la Grande-Bretagne en 1940.
Au cours de cette période de 12 mois – du mois de juin 1940 au mois de juin 1941 – la Grande-Bretagne et son Commonwealth avaient été le fer de lance contre « la menace de la tyrannie », tout comme le courageux Israël représente aujourd’hui le fer de lance de la civilisation contre la tyrannie et la barbarie du terrorisme et de l’extermination islamiques fondamentalistes, avait-il écrit dans le Jewish Chronicle au mois d’octobre dernier.
Roberts admet toutefois volontiers que la Grande-Bretagne, qui n’avait pas encore été rejointe par les États-Unis et la Russie mais qui bénéficiait d’un solide soutien de l’Empire et du Commonwealth, était moins seule qu’Israël ne l’est aujourd’hui. À l’exception des États-Unis, dit-il, « il est difficile de regarder dans le monde et d’y trouver des pays qui sont vraiment pleinement derrière Israël dans ce qui est, dans sa nature, une lutte entre la civilisation et la barbarie ».
Il s’inquiète du fait que les Occidentaux « aiment s’attaquer à eux-mêmes… et ils aiment se reprocher » des ripostes pourtant parfaitement raisonnables » à des attaques surprises telles que celles du 11 septembre ou du 7 octobre. Il fait la comparaison avec Pearl Harbor.

« Personne n’a attaqué FDR [Franklin Delano Roosevelt, qui était le président des États-Unis au début de la Seconde Guerre mondiale], ni même à l’époque le président Truman [une bombe nucléaire avait été larguée sur Hiroshima et Nagasaki sous son administration], pour avoir sanctionné l’attaque de Pearl Harbor avec si peu de compassion, alors qu’aujourd’hui, tout le monde semble bondir et critiquer l’Occident pour avoir puni ces massacres qui sont tout aussi horribles », explique Roberts.
Toutefois, Roberts est convaincu que Churchill aurait reconnu le positionnement qui est celui d’Israël aujourd’hui et qu’il aurait fait part de sa sympathie à son égard.
« C’était un sioniste. Il ne se laissait pas aller à l’antisémitisme comme le faisaient un si grand nombre de gens de son âge, de sa classe et de son milieu. Il soutenait la déclaration Balfour et il pensait que le côté ‘judéo’ de la civilisation judéo-chrétienne… apportait au christianisme son éthique et son aspect moral positif », explique-t-il.
Roberts raconte que la fille de Churchill l’avait un jour averti de ne jamais supposer ce que l’ancien Premier ministre aurait pu dire à propos d’un événement après sa mort, en 1965 – mais qu’il est heureux de donner son avis.
« Il me semble très clair qu’il aurait été aussi indigné que n’importe quel autre être humain convenable, rationnel et logique par ce qui s’est passé le 7 octobre, et qu’il aurait certainement été en faveur d’une terrible sanction s’abattant sur le Hamas », explique Roberts. « C’était un humaniste et il aurait donc voulu minimiser les pertes civiles à Gaza, et je pense que les soldats israéliens ont tenté de le faire au mieux ».
Peut-être que, comme Roberts, Churchill aurait perçu un point commun entre l’ennemi qu’il avait vaincu et celui auquel Israël est confronté.
« Le chevauchement entre l’idéologie du Hamas et l’idéologie nazie est bien coloré sur le diagramme de Venn », déclare-t-il.
Bien entendu, ajoute-t-il, il est toujours « difficile et dangereux » d’établir des analogies historiques directes. Le déchaînement meurtrier du Hamas ne saurait être comparé à la tuerie industrielle perpétrée par les nazis, même si les premiers portaient des caméras GoPro et qu’ils diffusaient leurs « actions monstrueuses » sur Facebook – tandis que les nazis s’étaient efforcés de dissimuler leurs crimes et de détruire les chambres à gaz en 1945.
« L’analogie entre le Hamas et les nazis me semble tout à fait évidente », s’exclame l’historien. « Je pense qu’il faudrait être délibérément obtus pour ne pas voir le lien ».
L’attaque sanglante du 7 octobre et le conflit qui a suivi n’ont fait que confirmer la conviction de Roberts – qui dit être convaincu que le déclenchement d’une guerre est un acte « profondément immoral ».
« Les guerres sont des choses vraiment terribles, c’est la raison pour laquelle il ne faut pas les déclencher », dit-il, « et c’est aussi la raison pour laquelle il faut les combattre de la manière la plus humaine possible – ce que, je pense, Israël a fait ».
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