Israël en guerre - Jour 399

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Des manifestants brandissent des pancartes et des drapeaux israéliens devant le siège de la BBC à Londres, le 16 octobre 2023, pour demander à la chaîne d'information de qualifier le Hamas de « terroriste ». (Daniel Leal / AFP)
Des manifestants brandissent des pancartes et des drapeaux israéliens devant le siège de la BBC à Londres, le 16 octobre 2023, pour demander à la chaîne d'information de qualifier le Hamas de « terroriste ». (Daniel Leal / AFP)
Interview

« La couverture du conflit Israel-Hamas de la BBC est profondément biaisée » – Perez-Shakdam

Cette ancienne partisane de la République islamique d’Iran, aujourd’hui à la tête de l’association We Believe In Israel, s’attaque au plus grand groupe de télévision du monde

LONDRES – L’été dernier, lorsque Catherine Perez-Shakdam a pris la tête du plus grand groupe de campagne pro-Israël de Grande-Bretagne, sa boîte de réception était déjà pleine à craquer.

En plus des répercussions nationales du conflit entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas, le nouveau gouvernement travailliste britannique avait pris toute une série de décisions qui ont consterné et exaspéré une grande partie de la communauté juive du pays et des partisans d’Israël.

Depuis leur arrivée au pouvoir en juillet, les travaillistes ont rétabli le financement de l’Office controversé des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), abandonné une procédure judiciaire qui contestait les mandats d’arrêt de la CPI contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant, et suspendu partiellement des exportations d’armes vers Israël.

À cela s’ajoute la controverse latente sur la couverture par la BBC du conflit entre le Hamas et Israël. Cette controverse a éclaté au début du mois de septembre avec la publication d’un rapport selon lequel la BBC avait fait preuve d’un « parti pris profondément inquiétant » contre l’État juif et avait enfreint ses propres directives éditoriales plus de 1 500 fois dans ses reportages au plus fort de la guerre entre Israël et le Hamas.

Toutefois, il en faudrait plus pour décourager Perez-Shakdam. En mars 2022, après une série de publications sur la plateforme de blogs du Times of Israel, elle a partagé avec le journal son parcours remarquable, passant de porte-parole pro-Téhéran à critique virulente du régime iranien.

Née de parents juifs à Paris dont les propres parents avaient fui les persécutions nazies, Perez-Shakdam a vécu comme musulmane pendant ses études au Royaume-Uni après son mariage avec un Yéménite. Journaliste et commentatrice au Moyen-Orient, elle a été appréciée et jugée digne de confiance par le régime iranien, rencontrant l’ayatollah Ali Khamenei, interviewant Ebrahim Raissi lors de sa première tentative présidentielle en 2017 (il prendra le pouvoir en 2021 et restera président jusqu’à son décès cette année), et participant à une conférence pro-palestinienne à Téhéran à laquelle participait le chef terroriste du Hamas, Khaled Meshaal.

Catherine Perez-Shakdam, citoyenne française d’origine juive, s’entretient avec le futur président iranien Ebrahim Raissi à Mashad en mai 2017. (Capture d’écran : Russia Today)

Mais grâce à sa fille adolescente, qui a adhéré aux idées sionistes, Catherine Perez-Shakdam s’est remise en question et a renoué avec son héritage juif.

« Pendant des années, j’étais motivée par une sorte de haine de moi-même. Puis, j’ai réalisé qu’il était impossible de nier qui je suis », avait alors confié Perez-Shakdam au Times of Israel.

Le parcours de Perez-Shakdam a été couronné par sa nomination, le mois dernier, comme directrice de We Believe In Israel [Nous croyons en Israël]. Elle succède à Luke Akehurst, devenu député travailliste lors des élections générales de juillet. Le groupe de pression cherche à contrecarrer le lobby pro-palestinien bien organisé en mobilisant la base pour soutenir l’État juif.

La dernière campagne du groupe vise la BBC.

Selon un nouveau rapport sur la BBC, dirigé par l’avocat à la double nationalité britannique et israélienne Trevor Asserson, la chaîne publique aurait associé Israël à des crimes de guerre, des génocides et des violations du droit international bien plus souvent que le Hamas. Il soutient que la BBC a minimisé la nature terroriste du Hamas et que le service arabe de la BBC a été l’un des médias mondiaux les plus biaisés dans la couverture du conflit entre Israël et le Hamas.

Catherine Perez-Shakdam, citoyenne française d’origine juive (deuxième à gauche) lors d’une conférence à Téhéran au mois de février 2017. (Autorisation)

Lors d’un entretien avec le Times of Israel, Catherine Perez ne mâche pas ses mots.

« Cette couverture est consternante, fondamentalement biaisée. Elle présente Israël comme un État paria qui n’a pas le droit de se défendre, remettant presque en question son droit à l’existence en décrivant les actions du Hamas comme celles d’un groupe de résistance. C’est sournois, vicieux et insidieux », dit-elle

Ajoutant que, ”en tant que chaine payante, la BBC a, à mon avis, le devoir d’informer correctement la population… Malheureusement, [cela] n’a pas été le cas. » (La BBC est financée par une redevance que tous les Britanniques possédant un téléviseur sont légalement tenus de payer).

En Grande-Bretagne, cette approche a contribué à la montée de l’antisémitisme et au fait que « l’antisionisme est devenu la nouvelle norme ». Perez-Shakdam défend vigoureusement son engagement. « Les gens peuvent ne pas être d’accord avec moi, mais je pense que nous devons être très forts », dit-elle. « Après le 7 octobre, il n’est plus temps de se voiler la face avec des mots courtois. »

La campagne de We Believe In Israel – grâce à laquelle plus de 2 000 emails ont été envoyés au directeur général de la BBC, Tim Davie, dans les 48 heures qui ont suivi son lancement – appelle la BBC à ouvrir une enquête indépendante sur sa couverture du conflit entre Israël et le Hamas. Elle demande également à la BBC de « reconnaître publiquement que la désinformation diffusée par la BBC a porté préjudice aux communautés juives et à Israël », et demande à la chaîne d’établir de nouvelles normes pour éradiquer la partialité.

Selon Perez-Shakdam, la campagne menée par son organisation n’est pas motivée par une hostilité à l’égard de la BBC, qui prévaut au sein du parti conservateur d’opposition et de ses alliés dans les médias, ainsi qu’à l’extrême gauche. « Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, ni d’une tentative pour faire tomber la BBC », a-t-elle précisé. « Il s’agit simplement de relever le niveau du journalisme et de garantir que l’éthique de l’impartialité reste une priorité. »

Catherine Perez-Shakdam. (Crédit : Autorisation)

La méthodologie du rapport a été contestée par la BBC et, lors de sa comparution devant la commission des communications et du numérique de la Chambre des Lords cette semaine, Davie a défendu la couverture de la chaine.

« Je pense que nous faisons globalement du très bon travail, ce que confirment nos études sur les réactions du public, bien que nous ne soyons pas parfaits », a-t-il admis. Samir Shah, président de la BBC, a suggéré que la couverture du conflit soit l’objet du prochain « examen thématique » de la BBC.

Perez-Shakdam n’est pas satisfaite de la réponse de la BBC jusqu’à présent.

« La BBC a de sérieuses explications à fournir et je ne pense pas qu’elle soit prête à le faire ; elle a déjà redoublé d’efforts dans son entêtement, » affirme-t-elle. Elle pense que le gouvernement pourrait devoir intervenir. « L’argent des contribuables est utilisé via la redevance télévisuelle. Le gouvernement doit agir. Il ne s’agit pas d’une question de liberté d’expression, mais de responsabiliser la BBC pour un service qu’elle ne fournit pas, en violation de ses propres règles. »

Le thème de la « responsabilité » revient souvent dans les propos de Perez-Shakdam. Les médias et la communauté internationale ne cessent de demander à Israël de répondre de ses actes », observe-t-elle. « Il est donc grand temps d’exiger la même responsabilité de la part des autres et de les obliger à assumer la leur. »

Perez-Shakdam est également en colère contre la décision du gouvernement de limiter les ventes d’armes à Israël et reproche aux ministres d’avoir « abandonné » un allié du Royaume-Uni au moment où il en avait le plus besoin. Elle est particulièrement outrée par les propos du ministre des Affaires étrangères, David Lammy, exprimés au moment où les Israéliens enterraient six otages exécutés de sang-froid par le Hamas. « C’est épouvantable. Je n’ai pas de mots, absolument aucun », a-t-elle déclaré.

Perez-Shakdam a rejeté l’argument du Premier ministre Keir Starmer selon lequel le gouvernement n’a fait que suivre la procédure légale. « C’est une réponse politique classique », a-t-elle expliqué, « il essaie de se dérober face à ses responsabilités ».

Le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy faisant une déclaration sur les ventes d’armes à Israël, le 2 septembre 2024. (Crédit : Capture d’écran PRU/AFP)

Elle accuse les travaillistes d’être motivés par le désir de « marquer des points ».

« Quand les politiciens ne défendent pas les intérêts du pays, mais ceux de leur base, cela pose problème. À mon avis, cela révèle un calcul très politique », dit-elle.

Elle observe que la décision du parti travailliste n’a pas été prise en vase clos, mais qu’elle a suivi rapidement les décisions concernant l’UNRWA (qui a fait l’objet d’une autre campagne We Believe In Israel) et la demande de mandat d’arrêt de la CPI. Elle estime que ces décisions reflètent collectivement la pression exercée au sein du parti travailliste et appelle à une « plus grande conversation » au sein du pays à ce sujet.

Perez-Shakdam exprime aussi son inquiétude sur le fait que la menace posée par les ennemis d’Israël à la Grande-Bretagne et à d’autres démocraties occidentales est sous-estimée.

« J’aimerais voir le gouvernement et les médias consacrer la moitié du temps qu’ils consacrent à Israël à essayer de couvrir l’Iran pour mieux informer et sensibiliser le public », a-t-elle expliqué. Selon elle, la République islamique dispose d’un « lobby clandestin puissant » en Occident « par le biais d’une série d’avant-postes ».

L’Iran, dit-elle, « abuse et utilise nos lois sur la charité et les ONG ». Elle accuse également les partisans du régime « d’avoir infiltré… le monde universitaire ». Le résultat, note-t-elle, est visible dans les manifestations anti-Israël sur les campus du Royaume-Uni et de l’Europe occidentale, des États-Unis et du Canada.

Des partisans anti-Israël manifestant devant l’université Columbia, à New York, le 3 septembre 2024. (Crédit : Yuki Iwamura/AP)

Perez-Shakdam critique également le manque d’attention portée au soutien militaire de l’Iran à la Russie dans son invasion de l’Ukraine, (malgré les sanctions imposées en Septembre par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et les États-Unis après le transfert de plus de 200 missiles balistiques à la Russie), ou aux « escadrons de la mort » déployés par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) pour s’en prendre aux opposants au régime.

Quant à sa propre sécurité, en tant que Juive et fervente défenseuse d’Israël, elle reconnaît la réalité de la menace.

« Si vous êtes Juif, la menace est réelle et présente », dit-elle. Le sort des juifs français lui tient à cœur et lui sert d’avertissement : « En France, des gens meurent. Des gens sont attaqués. Les synagogues sont prises pour cible… Comment pourrais-je rester silencieuse ? Nous avons un devoir collectif en tant que juifs de nous protéger et de nous défendre ».

Photo d’illustration : Des soldats français patrouillent le 21 janvier 2015 devant une synagogue à Neuilly-sur-Seine, dans le cadre du plan Vigipirate, un outil central du dispositif français de lutte contre le terrorisme. (Crédit : KENZO TRIBOUILLARD/AFP/Getty Images)

Son évaluation du régime avec lequel elle entretenait autrefois des liens étroits est sans appel.

« Ils ne me font pas peur, car je connais leur nature », a indiqué Perez-Shakdam. « Ce sont des brutes, des fascistes, des gens de la pire espèce. Je les combattrai et je les dénoncerai sans relâche, quoi qu’il arrive. »

Perez-Shakdam se dit inspirée par l’exemple des adolescents qui servent dans Tsahal. « Si des enfants peuvent se battre pour notre liberté et notre survie, alors je le ferai aussi avec les outils dont je dispose. »

Elle est consciente que les groupes pro-Israël en Grande-Bretagne n’ont pas l’impact de ceux qui s’opposent à l’État juif. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’argent, de nombre ou d’organisation, mais aussi de la manière dont le lobby pro-palestinien a « réussi à tisser un narratif dans lequel il se présente comme l’opprimé et le grand libérateur du monde et comme le défenseur de la vérité et de la liberté ». Mais, dit-elle, quiconque connaît un tant soit peu la sinistre existence des Palestiniens sous la domination du Hamas à Gaza sait qu’il n’y a « rien de libérateur » là dedans.

« Je ne pense pas qu’ils comprennent la réalité. Je ne pense pas qu’ils aident en quoi que ce soit les Palestiniens », a affirmé Perez-Shakdam.

Catherine Perez-Shakdam fait appel à la bonne foi des citoyens.

« De nombreuses personnes honnêtes, guidées par leurs convictions, peuvent malheureusement prendre de mauvaises décisions basées sur des informations mensongères », a expliqué Perez-Shakdam. « We Believe In Israel est idéalement placé pour rectifier le tir et fournir les faits réels. Si je présente mes arguments de façon claire et persuasive, je suis convaincue que de nombreuses personnes seront amenées à rejoindre notre cause. »

« Israël incarne la liberté, et le sionisme représente le plus grand mouvement de décolonisation de l’histoire moderne, une réalité que nous devons valoriser », déclare-t-elle. « Nous sommes déterminés à corriger les malentendus et je reste remplie d’espoir. »

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