Une agricultrice et femme d’affaires chrétienne américaine s’est portée volontaire pour travailler dans la salle à manger du kibboutz Shefayim, près de Herzliya, où elle a aidé à servir les résidents évacués de Kfar Aza, un autre kibboutz où, le 7 octobre, des terroristes du Hamas ont assassiné près de 80 personnes, soit un membre sur dix, et en ont kidnappé 18 autres.
« Les gens viennent vers moi dans la salle à manger et ailleurs pour me serrer dans leurs bras », a confié Kari Warberg Block au Times of Israel, à qui elle s’est adressée à l’extérieur de la salle à manger. « Je suis américaine, je ne suis même pas juive, ils sont donc surpris de ma présence et pour eux, ce geste est très significatif. »
Depuis trente jours, Warberg Block, une habitante du Dakota du Nord qui n’a aucun lien personnel ou professionnel avec Israël, fait bien plus que cela : elle est déterminée à devenir la voix des agriculteurs israéliens.
Elle a réalisé des entretiens filmés avec des pionniers de l’agriculture dans les communautés du sud touchées par la guerre, le long de la frontière de Gaza, afin de documenter les défis immédiats auxquels ils sont confrontés en raison des ravages considérables infligés aux terres agricoles, aux équipements et aux machines.
Dans une interview accordée au Times of Israel à la fin de son séjour en Israël, fin janvier, Warberg Block a expliqué qu’elle se servirait de ces images pour faire connaître des technologies agricoles innovantes qui, selon elle, ont déjà profité au monde entier, et qui l’aideront dans ses efforts de collecte de fonds pour soutenir la réhabilitation des communautés agricoles dans le sud du pays.
Warberg Block, qui est depuis rentrée aux États-Unis, a lancé une campagne de collecte de fonds avec comme objectif initial de réunir 360 000 dollars, qui serviront à acheter de nouveaux tracteurs pour les agriculteurs israéliens.
Warberg Block a quitté sa famille aux États-Unis il y a presque deux mois, au moment de Noël, pour se rendre en Israël, convaincue que son devoir, en tant qu’agricultrice depuis 18 ans, était de retrousser ses manches et de chausser ses bottes pour venir au secours des exploitations agricoles dévastées par la grave pénurie de main-d’œuvre qui a suivi le déclenchement de la guerre.
« C’est lorsque votre maison est en feu que vous reconnaissez vos amis. En Israël, les maisons et les fermes ont brûlé », a poursuivi Warberg Block. « C’est dans ces moments de grand traumatisme que l’on a besoin d’un ami. »
Depuis l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, de nombreux Israéliens de tous horizons, des travailleurs de la haute technologie aux étudiants, se sont portés volontaires pour participer à l’effort de guerre, venant pour un jour, parfois deux, cueillir les récoltes dans les exploitations agricoles. De nombreux travailleurs et étudiants étrangers se sont également portés volontaires, mettant leurs vies entre parenthèses pour aider dans les exploitations agricoles du sud, près de la frontière avec Gaza, et celles du nord, près de la frontière avec le Liban, où les habitants ont été évacués.
Avant que le Hamas ne déferle sur Israël le 7 octobre, il y avait dans l’ouest du Neguev quelque 8 000 travailleurs étrangers, dont des Thaïlandais, ainsi que des milliers de Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui, ensemble, constituaient la majeure partie de la main-d’œuvre du secteur agricole de la région. Connue sous le nom familier « d’enveloppe de Gaza », la région compte des milliers d’hectares où sont cultivés poivrons, concombres et de nombreuses variétés d’agrumes. Près de 75 % des légumes cultivés en Israël proviennent de la zone frontalière de Gaza, ainsi que 20 % des fruits et 6 % du lait.
Au cours de son assaut, le Hamas a tué près de 1 200 personnes et en a kidnappé plus de 250 autres, qu’il a amenées de force dans la bande de Gaza. Parmi les morts figurent 32 travailleurs agricoles thaïlandais ; 23 faisaient partie des personnes enlevées ce jour-là. À la suite de cette attaque, le gouvernement thaïlandais a rapatrié des milliers de travailleurs par avion.
Pour Warberg Block, tout a commencé chez elle, à Denver, en Caroline du Nord. Cette femme d’affaires de 60 ans, qui, au lendemain du 7 octobre, s’est mise à suivre l’évolution de la guerre dans les médias, s’est inquiétée du manque de mobilisation de la part de la communauté internationale pour aider le pays et du renversement de la tendance en matière de soutien publique en faveur d’Israël.
« Les nouvelles ne racontent pas la vraie histoire et, à mon avis, le dialogue est essentiel », a déclaré Warberg Block. « En tant qu’agricultrice ayant grandi dans une ferme familiale du Dakota du Nord et en tant qu’entrepreneur, je suis en mesure de faire connaître l’histoire au reste du monde d’un point de vue très intime et personnel et d’être une voix juste ».
Perturbatrice dans l’âme, Warberg Block est la fondatrice et PDG d’EarthKind, une entreprise qui développe des sachets de mélanges de plantes utilisés pour éloigner les rongeurs et les insectes, à la fois pour les agriculteurs et les particuliers. Elle a fondé EarthKind avec très peu de soutien et l’a transformée en une entreprise d’une valeur de 20 millions de dollars. Les sachets sont vendus à travers les États-Unis par les principaux détaillants, notamment Lowe’s, John Deere, Tractor Supply Company, Ace Hardware, Walmart et Target.
« Je suis très suivie sur le plan social et je suis fière de dire que j’aide Israël, car d’autres ont trop peur de le faire », a indiqué Warberg Block.
Avant de prendre son congé sabbatique en Israël, comme Warberg Block se plaît à l’appeler, elle a dû prendre de nombreuses précautions, car elle est à la tête d’une entreprise qui compte des actionnaires. Elle a donc nommé un PDG intérimaire pour diriger l’entreprise en son absence.
« J’ai mis 50 000 dollars, une somme que j’avais économisée et avec laquelle je comptais m’acheter une nouvelle voiture, mais qui a été utilisée pour couvrir mes dépenses, y compris une tournée dans les communautés du sud avec une équipe de production vidéo, et pour payer mon voyage en Israël », a-t-elle raconté.
Cette grand-mère de sept petits-enfants a expliqué qu’à son arrivée en Israël, elle s’est portée volontaire dans une ferme pour élaguer les vignes et récolter les tomates dans la ville de Kadesh Barnea, dans le Neguev occidental, à proximité de la frontière égyptienne et à environ 40 kilomètres de Gaza.
« Je me trouvais dans une zone de guerre, dans le sud, d’où j’entendais des avions de chasse et où je voyais des nuages de bombe », a raconté Warberg Block. « Mais aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais parfaitement sereine malgré tout ce qui se passait ».
Pour rassembler les histoires personnelles et les difficultés existentielles rencontrées par les agriculteurs locaux, Warberg Block a fait appel à une société de production vidéo locale. Les images de ses visites sur le terrain lui permettront également de faire connaître les technologies innovantes d’agriculture de précision que les agriculteurs ont développées, dans des domaines tels que la gestion de l’eau et l’irrigation au goutte-à-goutte, pour relever les défis de la sécurité alimentaire. Dans les années 1960, la société israélienne Netafim a été la première à développer des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, ce qui a favorisé la transition vers l’irrigation de précision.
« Les Israéliens sont orientés vers les solutions. Les technologies et les variétés agricoles qu’ils développent dépassent toutes les attentes, comme la culture d’ananas dans le désert », a expliqué Warberg Block. « L’agriculture ne devrait pas être possible dans le désert, mais les agriculteurs locaux ont trouvé un moyen de faire pousser des tomates au goût merveilleusement sucré dans les conditions arides et salées du désert. »
« Ils cultivent avec moins d’eau et ont un meilleur rendement », a-t-elle ajouté.
Eran Braverman est l’un des agriculteurs expérimentés qui profitera de la collecte de fonds de Warberg Block. Il a commencé à remettre sur pied l’exploitation laitière ultramoderne du kibboutz Alumim qui a vu ses granges, son grenier à foin et ses camions d’alimentation détruits et incendiés par des terroristes du Hamas. En outre, les 300 000 poulets de la ferme ont été tués et les poulaillers ont été détruits. Les serres du kibboutz ont également été prises pour cible par le Hamas ce jour-là, dans le but de perturber la production agricole, a expliqué Warberg Block.
« En plus de tous ces dégâts, il y a jusqu’à 100 000 hectares de cultures qui ne peuvent pas être récoltées, et les agriculteurs ne peuvent pas en tirer de revenus », a observé Warberg Block.
Le kibboutz Alumim, situé à trois kilomètres de la frontière de Gaza et à mi-chemin entre le kibboutz Kfar Aza et le kibboutz Beeri, comptait 41 travailleurs étrangers, dont 24 thaïlandais et 17 étudiants en agriculture népalais. Ce samedi 7 octobre, neuf Thaïlandais y ont été massacrés, un a été blessé et quatre ont été kidnappés par des terroristes du Hamas. Dix des étudiants népalais ont été abattus, quatre ont été blessés et un a été enlevé.
La plupart des habitants des communautés situées à la frontière sud ont été évacués vers le centre du pays, mais de nombreux agriculteurs reviennent tous les jours pour s’occuper de leurs bêtes, et notamment de leurs vaches qui n’ont pas été traites et leurs poulets qui n’ont pas été nourris, qu’ils ont dû laisser derrière eux.
Parmi eux, Motti Barak, directeur des opérations agricoles au kibboutz Beeri, où 100 personnes ont été assassinées et 25 autres ont été kidnappées par des terroristes du Hamas le 7 octobre.
Barak et sa femme ont été évacués dans un hôtel de Tel Aviv, mais il revient tous les jours. Quelques jours après l’assaut, alors que les combats faisaient toujours rage, Barak est retourné au kibboutz Beeri et a rassemblé les vaches qui erraient en liberté. Les guidant à travers les rues tachées de sang et entre les chars de l’armée, il les a ramenées dans un endroit sécurisé où elles ont pu être nourries.
« De nombreuses vaches ont souffert de mastite parce qu’elles n’ont pas été traites et, pendant des jours, personne n’a pu s’en occuper et les soulager », a expliqué Warberg Block. « Aujourd’hui, les vaches peuvent à nouveau être traites trois fois par semaine, mais elles sont encore traumatisées. »
Pour sa collecte de fonds, Warberg Block s’est associée à ReGrow Israel, une initiative qui a créé un fonds d’urgence pour aider à restaurer et à reconstruire les communautés agricoles durement touchées dont les équipements et les machines agricoles ont été détruits lors des attaques terroristes du 7 octobre.
L’initiative a dressé une liste des communautés kibboutzim touchées par la guerre, précisant leurs besoins les plus urgents en termes d’équipements et de machines agricoles, afin de les aider à reprendre le plus rapidement possible l’exploitation de la terre. Ces besoins vont des tracteurs aux systèmes d’irrigation et de contrôle de l’eau, en passant par les systèmes de refroidissement, les conteneurs à lait et les chariots élévateurs.
Le gouvernement israélien verse des compensations aux communautés situées dans un rayon de 7 kilomètres autour de la frontière de Gaza pour les dommages indirects causés par la guerre, mais le processus prend du temps et les agriculteurs n’ont pas le temps d’attendre une aide financière ou un remboursement, car ils ont besoin d’argent pour se préparer à la prochaine saison de culture.
« Je collecte des fonds pour acheter un nouveau lot de tracteurs – le meilleur ami de tout agriculteur », a déclaré Kari Warberg Block. « Plus d’un million d’agriculteurs et d’entreprises, dont John Deere, utilisent nos produits, et je leur demanderai de contribuer. »
C’est là qu’interviennent les images filmées par Warberg Block lors de sa visite auprès d’agriculteurs et d’agronomes locaux dans les communautés du Sud touchées par la guerre.
« Du point de vue d’un agriculteur, le fait d’avoir été ici et d’avoir tout documenté, c’est un paquet prêt à partir : Je peux montrer que c’est ce qui s’est passé ici, et vers où ira l’argent, et qui en seront le bénéficiaires, ce qui apporte une touche très personnelle, et ce n’est pas politique », s’enthousiasme Warberg Block. « Les agriculteurs doivent savoir qu’ils bénéficient du soutien et de l’aide d’autres agriculteurs : C’est un langage commun et c’est l’une des choses les plus importantes que je puisse faire ».
De retour chez elle, en Caroline du Nord, Warberg Block a prévu de se proposer pour des séries de conférences, de participer à des podcasts, de rédiger des notes de synthèse et des dossiers d’information, et de préparer des reportages vidéo sur les agriculteurs qu’elle a rencontrés en Israël et sur les approches innovantes de l’utilisation des technologies dans l’agriculture qu’elle a découvertes au cours de son « congé sabbatique ».
« Les agriculteurs que j’ai rencontrés sont tellement ouverts au partage qu’ils m’ont laissé les filmer, et c’est l’une des choses que je veux que le monde sache : ce sont des amis du monde et un peuple étonnamment résilient », a précisé Warberg Block. « Israël se distingue par son approche holistique de l’agritech : c’est un pays où la coopération est très importante, et je pense que c’est un très bon modèle pour l’avenir. »
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.