Israël en guerre - Jour 587

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Une fresque murale dans le quartier de Mishor Hagefen, à Ofakim, rend hommage aux personnes tuées lors du massacre du 7 octobre 2023, le 19 septembre 2024. (Chaim Goldberg/Flash90)
Une fresque murale dans le quartier de Mishor Hagefen, à Ofakim, rend hommage aux personnes tuées lors du massacre du 7 octobre 2023, le 19 septembre 2024. (Chaim Goldberg/Flash90)

Un quartier d’Ofakim meurtri se transforme en communauté après le 7 octobre

Après l’assassinat de 52 personnes lors du pogrom perpétré par le Hamas, les habitants du quartier se soutiennent et trouvent du réconfort dans des activités communes

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Jusqu’au 7 octobre 2023, Sarai Teherani était une personne très discrète.

« C’était mon mari qui faisait tout le bénévolat », confie-t-elle en faisant visiter à cette journaliste le quartier de Mishor Hagefen, dans la ville méridionale d’Ofakim.

Teherani était chez elle le 7 octobre 2023, avec son mari et leurs trois enfants, alors âgés de 17, 12 et 8 ans, lorsque des terroristes du Hamas ont envahi le quartier et encerclé trois rues.

Son mari, Motti, ambulancier volontaire de l’organisation Hatzalah et détenteur d’un pistolet, était sur le point de sortir combattre quand il a reçu un message lui demandant de rester à l’intérieur.

Peu de maisons dans ce vieux quartier disposent de pièces sécurisées, et nombre de ceux qui ont tenté de rejoindre les abris publics ont été assassinées en chemin.

Ce même jour, plus de 1 200 personnes, en grande majorité des civils, ont été massacrées, et 251 autres kidnappées, par des terroristes du groupe palestinien du Hamas, qui ont déferlé depuis Gaza sur les communautés israéliennes proches de l’enclave, au prix d’actes de violence inouïe, incluant des massacres, des incendies et des agressions sexuelles d’une brutalité et d’un sadisme extrêmes.

« Après le 7 octobre, on m’a conseillé de consulter un psychologue. J’ai appelé en disant : ‘Ne vous inquiétez pas, je veux juste savoir si je suis saine d’esprit’ », raconte Teherani. « Ensuite, j’ai traversé une phase de culpabilité du survivant. Le psychologue m’a dit d’être reconnaissante d’être en vie, de tirer parti de la vie qui m’a été donnée et d’en faire quelque chose de positif. »

« J’ai puisé mon inspiration chez ceux qui, pour me sauver, étaient sortis de leur zone de confort, et j’ai compris que je devais en faire autant », a-t-elle ajouté.

Aussi, lorsque le principal du lycée où Teherani, 37 ans, travaille comme professeure d’anglais, lui a demandé de guider une délégation de l’Agence juive, elle a saisi la balle au bond. Depuis, elle a encadré de nombreuses visites d’Israéliens et de Juifs de la diaspora, accompagnée d’étudiants en tourisme dans le cadre de leurs examens de fin d’études, accueillant aussi bien des directeurs d’école en visite dans la zone frontalière de Gaza que des élèves se préparant à un voyage de mémoire à Auschwitz, en Pologne.

Sarai Tehrani, professeur de lycée, à côté d’une grande peinture murale érigée par le conseil municipal d’Ofakim après le 7 octobre 2023, dans le quartier de Mishor Hagefen, dans le sud de la ville, le 7 avril 2025. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

À Ofakim, les habitants ont placé des bannières et érigé des monuments commémoratifs aux endroits où des résidents ont été assassinés. Grâce à la priorité donnée par la municipalité à Mishor Hagefen – réparations des impacts de balles, rénovation des espaces publics – peu de traces visibles du pogrom subsistent.

La maison de Rachel et David Edry, par exemple, a été entièrement restaurée. L’héroïsme de Rachel, qui avait ému toute la nation, reste gravé dans les mémoires : retenue en otage avec son mari, elle avait réussi à distraire cinq terroristes pendant 15 heures en leur offrant du café et des biscuits. Aujourd’hui, rien ne laisse deviner que de violents combats avaient fait rage juste devant leur porte.

« Mishor Hagefen a été notre priorité pour les rénovations », a confirmé une porte-parole de la ville au Times of Israel.

Matan Zangauker, 24 ans, un jeune d’Ofakim, et sa compagne, Ilana Gritzewsky, ont été enlevés de leur maison au kibboutz voisin de Nir Oz ce jour-là et emmenés à Gaza. Gritzewsky a été libérée lors du cessez-le-feu temporaire du 30 novembre, mais Matan est encore aux mains du groupe terroriste du Hamas. Sa mère, Einav, est aujourd’hui une figure centrale de la campagne réclamant un accord pour la libération des otages.

Depuis le 7 octobre, Mishor Hagefen renforce ses racines

La ville d’Ofakim, qui compte environ 40 000 habitants, est située à 29 kilomètres de la frontière de Gaza. Contrairement aux habitants d’autres villes, plus proches de la bande de Gaza et évacuées après les attaques du 7 octobre, les résidents du quartier Mishor Hagefen, à Ofakim, sont restés sur place.

Le crépuscule tombe sur les maisons de la rue Tamar dans le quartier Mishor Hagefen de la ville d’Ofakim, dans le sud du pays, le 7 avril 2025. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

« Avec le recul, je pense que c’était la bonne décision », déclare Hila Sarusi, agente communautaire de la ville. « Nos habitants sont restés dans leurs foyers, les services ont continué de fonctionner. Il y a eu une continuité. Cinq semaines après le 7 octobre, nous avons invité les habitants de la rue Tamar à une représentation théâtrale avec des tables rondes, à l’endroit même où se sont déroulés les combats. »

« C’était comme un playback [une forme de théâtre d’improvisation où les spectateurs racontent des histoires qui sont immédiatement jouées sur scène]. Un acteur et un thérapeute étaient assis à chaque table. Tous ceux qui se sont battus ou qui ont été blessés se sont réunis. C’était une expérience à la fois triste et très forte. Cela a créé une expérience de solidarité, d’unité et d’histoire commune du quartier. Nous avons rassemblé 500 pages d’histoires et les avons utilisées comme base pour un recueil de chansons que nous avons produit pour Hanoukka », raconte Hila Sarusi.

Le même jour, la ville a également ouvert un centre communautaire, Beit BeMishor (La Maison dans le Mishor), dans une propriété de la rue Tamar abandonnée par ses propriétaires après le 7 octobre. Lors de la visite de cette journaliste, peu avant Pessah, le centre était temporairement fermé.

Bruria Neuberger (à gauche) et Hila Sarusi devant l’abri anti-bombes Zeit (olive) utilisé pour des activités communautaires dans le quartier Mishor Hagefen de la ville méridionale d’Ofakim, le 7 avril 2025. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Bruria Neuberger, ancienne directrice d’école, a pris les rênes du centre communautaire, organisant une remarquable diversité d’événements et d’ateliers. Jusqu’en 2024, ces activités attiraient environ 200 participants par semaine, un chiffre qui est tombé cette année à une moyenne de 150.

« Le sentiment de cohésion dans un quartier est moins fort que dans un kibboutz », a expliqué Hila Sarusi. « Je constate un réel besoin et une forte demande pour des activités communautaires. »

« Nous sommes en train de créer une communauté », a affirmé Neuberger. « Des personnes de tous âges, de toutes origines et de tous milieux socio-économiques se retrouvent, avec ou sans leurs enfants, pour des activités qui vont de la thérapie par l’art à la cuisine, en passant par le yoga et le dressage de chiens pour les enfants. »

Teherani a expliqué qu’après le 7 octobre, les habitants cherchaient avant tout à se sentir en sécurité en sortant de chez eux. Ils ont alors réalisé qu’ils se connaissaient souvent très peu.

« On entendait parler d’untel ou d’une telle qui avait été tué, qui vivait tout près, et on se disait : ‘Comment se fait-il que je ne les connaissais pas ?’ Cela m’attristait. Nous nous sommes dit que si une telle chose devait se reproduire, à Dieu ne plaise, nous voudrions être en contact les uns avec les autres », a-t-elle confié.

« Bruria travaille sans relâche. Tout ce que nous avons demandé, elle l’a organisé, et grâce à elle, nous avons recommencé à nous sentir en sécurité en sortant », a-t-elle ajouté.

« Je vous dois la vie »

Depuis, les activités communautaires se sont multiplies, avec des défilés de Pourim et des cérémonies pour Yom HaShoah (Journée de commémoration de la Shoah) et Yom HaZikaron (Journée de commémoration des soldats tombés au combat).

Lors d’une cérémonie spéciale, plus de 100 certificats de reconnaissance ont été remis aux personnes ayant combattu et survécu, ainsi qu’aux familles de ceux qui ont été assassinés.

Photographié le 7 avril 2025, un monument à la mémoire du sergent-major Roni Abuharon, 39 ans, se dresse à l’extérieur de la maison rénovée de Rachel et David Edry dans le quartier Mishor Hagefen d’Ofakim, dans le Sud d’Israël. Roni Abuharon, inspecteur au poste de police de Rahat, a été tué en combattant des terroristes du Hamas alors qu’il n’était pas en service, le 7 octobre 2023. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

« Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela a représenté pour le quartier », a déclaré Teherani. « Nous avons vu nos héros. Soudain, on se dit : ‘Wow, je le connais !’ On ressent de l’admiration et de la fierté. »

« Un homme a pris la parole sur scène, et lorsqu’il est descendu, je lui ai dit : ‘Je vous dois la vie’. Et à ce moment-là, j’ai pleinement saisi les liens humains qui existent ici et dont nous n’avons pas conscience en temps normal », a-t-elle ajouté.

L’entrée du Beit BeMishor (la maison dans le Mishor), un centre communautaire créé après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 dans le quartier Mishor Hagefen de la ville méridionale d’Ofakim, le 7 avril 2025. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

L’une des questions soulevées lors des consultations avec la municipalité portait sur la manière de commémorer les morts tout en continuant à vivre, a expliqué Teherani.

« Nous ne voulions pas devenir un nouveau Yad Vashem », a-t-elle souligné, en référence au mémorial et musée national de la Shoah en Israël. « Le conseil a élaboré de nombreuses idées et nous nous sommes interrogés sur l’apparence que nous souhaitions donner au quartier. Nous avons parlé de l’importance d’y insuffler de la vie, de planter des fleurs, peut-être même de créer un jardin pour honorer [les victimes]. Elles sont mortes pour que nous puissions vivre. »

En collaboration avec des architectes, le ministère du Logement et la communauté, le conseil municipal a prévu un budget initial de 20 millions de shekels pour l’aménagement paysager et les infrastructures, notamment un nouvel éclairage public et des caméras de sécurité.

Une fontaine de quartier et un mémorial doivent bientôt être érigés. La municipalité aménage également des pistes cyclables et rénove la promenade à la périphérie ouest d’Ofakim, par laquelle les terroristes avaient pénétré dans Mishor Hagefen.

Mais la nostalgie demeure.

Nouveau pavage et banc où Yuri et Roza Yadgorov, assassinés le 7 octobre 2023, avaient l’habitude de s’asseoir tous les soirs, quartier de Mishor Hagefen, Ofakim, sud d’Israël, 7 avril 2025. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

En parcourant les lieux, Teherani a montré les endroits où de nouveaux trottoirs ont été posés. Mais son regard s’est arrêté sur un banc, celui où un couple âgé, Yuri et Roza Yadgorov – originaires de l’ancienne Union soviétique –, avait l’habitude de s’asseoir chaque soir. Ils ont été assassinés alors qu’ils tentaient de rejoindre un abri anti-bombes public.

Une plaque commémorative a été installée sur le banc, et des roses ont été peintes sur un mur voisin.

Teherani dit qu’ils « faisaient partie du paysage. Et ils ont disparu ».

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