Le ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire est aux prises avec un projet du ministère des Finances qui verrait la suppression de 105 postes de son service de formation et de développement, ainsi que sa privatisation dans le cadre du budget 2025.
Le service recueille et rassemble les résultats de la recherche et les utilise pour organiser des cours à l’intention des agriculteurs dans des domaines tels que les cultures de plein champ, les agrumes, la technologie piscicole et l’économie agricole.
Le Trésor a indiqué que les réductions permettraient d’économiser 85 millions de shekels sur trois ans. Si elles sont approuvées, elles s’ajouteront aux 145 positions supprimées au sein du ministère de l’Agriculture sur trois ans dans le cadre du budget 2024, lequel a démarré avec 95 licenciements en janvier.
Selon un communiqué du ministère de l’Agriculture, les deux séries de suppressions de postes équivaudront à une réduction globale de 20 % des effectifs, et contribueront à un risque éventuel d’échec à long terme de l’agriculture, voire de pénurie alimentaire dans quelques années.
Le plan, sur lequel le gouvernement se prononcera fin octobre, est inclus dans la version finale du projet de loi de programmation économique, qui fait partie du budget 2025, présenté le 14 octobre.
Ces réductions vont également à l’encontre des plans de l’administration Tekuma, mise en place par le gouvernement pour réhabiliter les communautés situées dans un rayon de sept kilomètres autour de la frontière de Gaza.
Dans son premier rapport d’activité publié la semaine dernière, Tekuma a présenté des programmes visant à développer l’agriculture et à former une nouvelle génération d’agriculteurs dans le cadre de la réhabilitation de la région.
Mais avec Israël en guerre sur plusieurs fronts, le ministère des Finances est confronté à un déficit budgétaire croissant.

Cependant, ces coupes représentent un revers pour le ministère de l’Agriculture, les agriculteurs israéliens et l’impérieuse nécessité d’assurer la sécurité alimentaire du pays, soulignée depuis le pogrom meurtrier perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre dernier.
La Turquie, par exemple, a interrompu ses exportations de tomates vers Israël, qui représentent habituellement un quart des 200 000 tonnes consommées chaque année, ce qui a entraîné une hausse des prix.
À Eilat, dans le sud d’Israël, l’un des trois ports du pays fonctionne à peine en raison des attaques des Houthis soutenus par l’Iran au Yémen.
Les agriculteurs israéliens sont malmenés depuis des années par les politiques gouvernementales qui encouragent les importations de produits frais sans les aider à être compétitifs.
Pas de stratégie pour la sécurité alimentaire
Au début de l’année, le ministère de l’Agriculture a ajouté la sécurité alimentaire à son titre.
Il dirige une initiative interministérielle visant à créer un plan national de sécurité alimentaire sur 25 ans.
David Levy, directeur général de l’Association israélienne des producteurs de grandes cultures, a déclaré à propos du ministre de l’Agriculture Avi Dichter (Likud) que celui-ci « est très minutieux, pose beaucoup de questions, essaie de comprendre la situation et se rend dans les champs avec ses équipes ».
Toutefois, selon Levy, bien que le ministre « soit à l’écoute », il n’a « aucun contrôle sur l’argent ».

Il fut un temps où les agriculteurs israéliens étaient la fierté d’Israël, l’incarnation de l’idéal sioniste du retour à la terre.
La gravité de l’état actuel de l’agriculture au cours de ces dernières décennies est décrite dans un long rapport (en hébreu) préparé par la Dr Liron Amdur pour HaShomer HaChadash (Nouveau gardien), qui sera présenté à Dichter dans les semaines à venir.
HaShomer HaChadash, créé en 2007, envoie des volontaires pour garder des fermes (et, plus récemment, des zones urbaines) et vise à transmettre les valeurs du sionisme, l’amour de la terre et un retour aux idéaux et pratiques de l’agriculture. De nombreuses personnalités ont siégé à son conseil d’administration et elle entretient des liens étroits avec les services gouvernementaux et le Fonds national juif KKL-JNF.

Selon le rapport, si 90 % des fruits et légumes sont produits en Israël (principalement pour le marché local), 90 % des céréales, du sucre et du poisson sont importés. Cela signifie que près de 80 % des calories du régime alimentaire israélien et 96 % du blé et des autres céréales proviennent d’importations ou en dépendent.
Le nombre de propriétaires d’exploitations agricoles a chuté de 45 000 en 1990 à 13 000 aujourd’hui, la plupart des agriculteurs juifs ayant la cinquantaine ou la soixantaine, selon le rapport.
Seulement 0,9 % des Israéliens employés travaillent dans l’agriculture, contre 4 % en 1990, alors que la moyenne de l’OCDE est de 4,5 %.
Seulement 0,2 % du budget de l’État est investi dans l’agriculture, poursuit le rapport, ce qui est moins que dans les pays de l’OCDE. Cet argent provient principalement de droits de douane sur l’importation de certains produits alimentaires, de petites subventions destinées au secteur de l’assurance agricole et d’investissements dans la formation et la recherche, ces derniers étant aujourd’hui menacés.
Le rapport donne des exemples de la manière dont d’autres pays présentant des similitudes avec Israël, tels que le Qatar et Singapour, évoluent vers un certain niveau d’indépendance alimentaire. Il contient de nombreuses recommandations.
Celles-ci comprennent la création d’une autorité gouvernementale chargée de la sécurité alimentaire et la préparation d’un plan stratégique assorti de budgets appropriés ; l’augmentation des fonds alloués à l’agriculture et aux systèmes alimentaires ; des mesures incitatives pour encourager les chercheurs à tester et à appliquer leurs connaissances en Israël, et l’extension des polices d’assurance subventionnées par l’État aux agriculteurs afin de les encourager à essayer de nouvelles variétés ou des techniques qui pourraient ne pas fonctionner.
Le rapport demande plus d’eau pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de produire suffisamment pour faire face à une croissance démographique de 2 % par an, et pour permettre l’irrigation du blé à mesure que les températures augmentent ; pour réduire le gaspillage alimentaire ; et pour raccourcir la chaîne d’approvisionnement alimentaire grâce à des programmes « de la ferme à l’assiette ».

La sécurité alimentaire nécessite 1,4 million d’hectares de terres agricoles supplémentaires
Le rapport cite un document non publié du ministère de l’Agriculture d’Akko datant de 2021, selon lequel il serait possible de parvenir à une indépendance et à une sécurité alimentaires en consacrant 570 000 ha à l’agriculture d’ici 2050 (date à laquelle la population devrait atteindre 16 millions d’habitants). Cela impliquerait d’ajouter 150 000 ha sur 25 ans à la superficie existante, soit environ 6 000 ha par an.
Le rapport HaShomer HaChadash a calculé que c’était possible, compte tenu du fait que quelque 650 000 ha n’avaient pas encore été désignés pour l’agriculture, le développement, les réserves naturelles ou les parcs nationaux.

« Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce gouvernement et les précédents ont négligé la sécurité alimentaire », a confié Yoel Zilberman, PDG et cofondateur de HaShomer HaChadash, au Times of Israel. « L’agriculture israélienne est un besoin existentiel. »
« Nous dépendons de la Turquie, de la Jordanie et de l’Ukraine, ce qui nous expose à un risque réel. »
Établi en 2007 par Zilberman, un agriculteur originaire du Moshav Tzippori dans le nord d’Israël, et On Rifman, du Kibboutz Revivim dans le Neguev, HaShomer HaChadash a des points communs avec HaShomer, une organisation de défense juive fondée dans la Palestine pré-étatique en avril 1909 pour aider à la garde des implantations juives.
Néanmoins, alors que l’organisation initiale était issue du sionisme socialiste, l’organisation actuelle est souvent considérée comme étant de droite. Zilberman insiste sur le fait qu’elle est apolitique.

« L’organisation est passée par différentes étapes », explique-t-il. Elle a commencé par pallier le manque de sécurité et de travailleurs dans les fermes. Elle a ensuite créé une infrastructure éducative qui comprend aujourd’hui un mouvement de jeunesse de plus de 22 000 étudiants de la troisième à la terminale (dont 3 000 issus de la communauté bédouine), six internats agricoles (l’objectif est d’atteindre 100), des programmes de préparation à l’armée et de service national, ainsi que des emplois après le service militaire.
Selon Zilberman, l’organisation a pu envoyer 300 000 volontaires pour aider les agriculteurs israéliens lorsque les travailleurs étrangers sont rentrés chez eux à la suite du pogrom du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, au cours duquel nombre de travailleurs étrangers ont également été assassinés et pris en otage dans la bande de Gaza par les terroristes du groupe.
Elle a également créé des entreprises afin de lever des fonds pour les jeunes agriculteurs et le développement des technologies agricoles et alimentaires.
« Nous nous considérons comme un commando, comme un remorqueur qui guide le grand navire vers le port », a-t-il expliqué. « Nous créons une infrastructure qui permettra au gouvernement de faire avancer les choses d’une manière plus large et plus stratégique. »

Une fixette sur les prix des denrées alimentaires
Zilberman a accusé le ministère des Finances de faire une fixation sur les prix des denrées alimentaires, notant que l’augmentation des importations n’avait pas fait baisser les prix dans les rayons des supermarchés. « Ils nous ont promis la concurrence, mais ils ont oublié que quelques grands distributeurs, aux mains d’une poignée de familles, contrôlent l’ensemble de la chaîne alimentaire », a-t-il déploré.
Le ministère de l’Agriculture a reconnu dans un communiqué que la réduction des droits de douane et les mesures visant à encourager les importations n’avaient pas permis de faire baisser les prix et avaient entraîné un déclin de l’agriculture.
Selon Zilberman, le groupe travaille « dur pour faire comprendre au monde israélien et juif que notre dépendance alimentaire nous expose à des risques, mais qu’elle constitue également l’une de nos plus grandes opportunités ».
« Si nous, en tant que ‘Start-Up Nation’, parvenons à apporter des solutions en matière d’alimentation et d’eau à l’ensemble de notre région, cela nous aidera également à changer les relations », a assuré Zilberman.