Jack Lew a été nommé ambassadeur des États-Unis en Israël par le président Joe Biden au début du mois de septembre 2023, soit un mois avant l’invasion et le massacre perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël. Il est arrivé pour prendre ses fonctions un mois après cette tragédie. Son séjour, qui touchait à sa fin au moment de l’interview, avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, a été une période de crise terrible, de son propre aveu, « du début à la fin ».
Jeudi 9 janvier 2024, l’ambassadeur s’est assis à Tel Aviv pour une interview exceptionnellement longue avec le Times of Israel – une sorte de conversation d’adieu, teintée d’autant de franchise que ses fonctions diplomatiques le lui permettaient.
L’entretien s’est donc déroulé avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et la conclusion d’un accord de libération des otages et de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza.
Juif orthodoxe, Lew, 69 ans, est un fonctionnaire très expérimenté qui a travaillé comme directeur du budget pour les présidents Bill Clinton et Barack Obama, puis comme chef de cabinet et secrétaire au Trésor d’Obama. Lors de notre entretien, il a abordé de nombreux aspects de la lutte d’Israël contre ses ennemis extérieurs, ainsi que le rôle central du partenariat de l’État hébreu avec son puissant allié.
Ce partenariat a été militairement, diplomatiquement et même psychologiquement essentiel au cours des 16 derniers mois. Il a également été marqué par de fortes frictions entre l’administration de Joe Biden et le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Lew a longuement discuté des tensions, avec nuance, élevant rarement le ton mais usant parfois d’un langage qui souligne sa grande frustration. Lorsque je lui ai demandé de combien de temps nous disposions, il m’a répondu qu’il en avait beaucoup, ce qui était une chance, car, a-t-il ajouté, « j’ai tendance à être long ».
(Jeudi 9 janvier était un jour de deuil national aux États-Unis pour le président Jimmy Carter, avec des bureaux fédéraux dans le pays et des ambassades à l’étranger officiellement fermés au public, Lew a donc probablement eu un peu plus de temps qu’il n’en a habituellement).
Je publie ici la grande majorité de ce qu’il avait à me dire, et c’est effectivement « long ». Ce faisant, il me semble qu’il a donné un aperçu rare et sans conclusions hâtives, des espoirs et des préoccupations du plus haut représentant du partenaire international le plus essentiel d’Israël.
Une grande partie de ce qu’il a dit était fascinante, et parfois révélatrice, de la manière dont l’administration Biden a entrepris son travail diplomatique ici, de ce qui a bien fonctionné, de ce qui n’a pas fonctionné et, surtout, de la raison pour laquelle cela n’a parfois pas fonctionné.

Sans nommer explicitement Netanyahu, il a cité trois des nombreux cas où il affirme que le gouvernement avait gonflé les « petites divergences privées » avec la Maison Blanche, les avait « exagérées et rendues publiques », causant ce qu’il a qualifié d’implications stratégiques négatives : quand Israël a critiqué les États-Unis pour avoir permis l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur un cessez-le-feu à Gaza en mars ; quand Israël a mal interprété la position américaine sur l’opération majeure prévue par Tsahal à Rafah ; et les affirmations israéliennes selon lesquelles les États-Unis ont imposé ce qui équivaut à un embargo sur les armes à Israël alors que, a-t-il dit, « rien n’a été arrêté » sauf un seul envoi de bombes de 900 kg.
Il a également déploré l’incapacité d’Israël à réagir en temps réel aux événements qui se déroulaient à Gaza, affirmant que lui-même et d’autres avaient exhorté en vain leurs homologues israéliens, « à de très nombreuses reprises, souvent au milieu de la nuit : si vous voulez encadrer le narratif, diffusez des informations plus rapidement, parce que vous savez qu’il y aura un article qui sera diffusé et que vous jugerez inexact ».
« L’Amérique a été nourrie d’une couverture médiatique de cette guerre qu’Israël n’a pas réussi à contrer efficacement », a jugé Lew. « Et il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire par la voie diplomatique pour remédier à cela. »
L’opinion publique américaine « est encore largement pro-israélienne », a-t-il fait valoir. Mais « ce sur quoi j’ai dit aux gens ici qu’ils devaient s’inquiéter lorsque cette guerre sera terminée, c’est que la mémoire générationnelle ne remonte pas à la fondation de l’État, ni à la guerre des Six Jours, ni à la guerre du Kippour, ni même à l’Intifada. Elle commence avec cette guerre, et vous ne pouvez pas ignorer l’impact de cette guerre sur les futurs décideurs politiques – pas ceux qui prennent les décisions aujourd’hui, mais ceux qui ont 25, 35, 45 ans aujourd’hui et qui seront les dirigeants des 30, 40 prochaines années ».
Reprenant ce thème, Lew a souligné que « Joe Biden est le dernier président de sa génération, dont les souvenirs, les connaissances et la passion pour Israël remontent à l’histoire de sa fondation ».
Toujours sans nommer Netanyahu, il s’est également interrogé sur l’approche du gouvernement vis-à-vis de la bande de Gaza dans la période d’après-guerre, faisant valoir qu’il n’y a pas d’alternative réaliste à un certain rôle pour l’Autorité palestinienne si Israël ne veut pas devenir la force de sécurité permanente patrouillant dans les rues de l’enclave. Il a également souligné les avantages stratégiques pour Israël d’une normalisation avec l’Arabie saoudite, qui, selon lui, pourrait être réalisée si Israël se montrait crédible sur la question d’un éventuel État palestinien démilitarisé.
La normalisation avec l’Arabie saoudite reste possible, a-t-il dit, « mais il faudra que les dirigeants soient prêts à prendre un certain risque politique ».
Dans ce contexte, il a estimé, en ce qui concerne Biden, que « le fait de se tenir aux côtés d’Israël au cours des 15 derniers mois, en dépit de l’opposition massive des médias et de certains membres de son propre parti, a contribué à rendre le défi de sa réélection insurmontable ».

Des modifications ont été apportées au texte par souci de clarté et de concision, mais la retranscription de l’entretien est relativement complète.
Times of Israel : Vous avez été nommé avant et vous avez commencé à travailler après le 7 octobre. Cela a été votre période – une période de crise terrible.
Ambassadeur Jack Lew : Du début à la fin.
Le président, lorsqu’il est venu ici le 18 octobre, nous a beaucoup soutenus, mais il était également inquiet. Il a mis en garde Israël : Ne vous laissez pas envahir par la rage lorsque vous devrez faire face aux conséquences de cette situation. Pensez-vous que c’est ce qui s’est passé ? Pensez-vous qu’Israël a mené cette guerre de la bonne manière ou qu’il a été consumé par la rage ?
C’est une question complexe, qui ne se résume pas à « l’un ou l’autre ». Lorsque je décris ce qu’était Israël lorsque je suis arrivé ici, et dans une certaine mesure comment je le décris aujourd’hui, je dis qu’Israël est en proie à des traumatismes. C’est un peuple qui n’a pas relégué ce traumatisme au passé, mais celui-ci perdure. Et tant que la question des otages ne sera pas résolue, je ne sais pas d’où pourraient venir la guérison et l’apaisement.

Lorsque je suis arrivé ici en novembre, j’ai été un peu choqué d’entendre les gens dire : « Pas une goutte d’eau, pas une goutte de lait, pas une goutte de carburant [ne doit aller à Gaza] », alors qu’ils parlaient de nourrir des bébés et des civils innocents. Comment définir un civil innocent ? Existe-t-il des civils innocents dans une communauté qui abrite des terroristes partout ? J’ai mis une grande partie de ce que j’ai entendu sur le compte du traumatisme.
Le pays a beaucoup évolué depuis. Il y a des gens dans le pays qui vont défendre cet argument : Il faut tout refuser [en termes d’aide] pour faire pression sur le Hamas. Mais dans l’ensemble, ce que j’ai vu au cours de l’année écoulée, c’est un pays qui s’efforce de relever un défi extraordinairement difficile, en essayant d’éviter que les choses ne dépassent les bornes.
Cela ne veut pas dire que tout s’est bien passé. J’ai passé une grande partie de mon temps ici à encourager, dans le domaine militaire, à agir de manière prudente et ciblée ; à encourager, du côté de l’aide humanitaire, à faire fonctionner un système bureaucratique et un système de sécurité afin d’éviter à la situation de tomber dans la famine ou la malnutrition.
Franchement, je ne pense pas qu’Israël ait eu le mérite, ni les États-Unis, d’empêcher la situation de franchir cette limite. Et c’est difficile : lorsque la situation actuelle de la vie à Gaza est terrible, lorsque les besoins humanitaires sont importants, on n’a pas beaucoup de mérite à empêcher la situation de basculer dans la malnutrition et la famine. Mais je pense qu’il faut reconnaître l’effort herculéen qui a été fait.
Le fait que je puisse maintenant parler d’aide humanitaire avec la plupart des gens dans le pays et avoir une conversation qui reflète des valeurs communes, c’est un changement. Il y a des groupes de personnes qui diront…
Y compris les personnes au centre de la coalition. [Le ministre des Finances Bezalel] Smotrich a déclaré hier : « Lorsque Trump prendra le pouvoir, nous ferons le minimum absolu autorisé par le droit international.
C’est vrai. Mais la réalité, c’est que le droit international sur cette question n’est pas ambigu.
Il y a des choses qui, selon les circonstances, sont très différentes. En ce qui concerne les opérations militaires, nous avons demandé instamment à Israël de réfléchir sérieusement à la question de savoir si la valeur de [certaines] opérations militaires valait le risque pour les civils. J’ai passé beaucoup de temps avec les chefs de l’armée pour essayer de comprendre ce qu’ils pensent de cette question.

Les explications qu’ils donnent en privé sont beaucoup plus convaincantes que celles qu’ils donnent en public. En public, la langue et le langage corporel sont conçus pour envoyer un message au Hamas, au Hezbollah et à l’Iran : Ne nous testez pas. Nous sommes prêts à tout.
Mais en réalité, les décisions prises sont beaucoup plus mesurées. Cela ne se reflète pas dans la manière dont le narratif est rapporté au public. Cela nuit en fait à Israël sur le plan international. Non pas que l’ampleur de la guerre serait largement acceptée si elle était décrite de la manière que je suggère, mais au moins il y aurait une plus grande capacité d’écoute.
Israël ne fait pas preuve de suffisamment d’humanité dans son récit – c’est ce que vous dites ?
Il y a un manque d’empathie dans le récit qui fait qu’il est plus difficile pour Israël d’expliquer pourquoi il doit attaquer une école parce que ce n’est pas une école, c’est un fort. Pourquoi il doit utiliser des munitions ciblées pour atteindre un endroit où il est certain qu’il y a des terroristes et où les dommages collatéraux sont limités. Et comment, comme dans toutes les guerres, tous les dommages collatéraux sont une tragédie. Il y a des façons de le dire.
Israël devrait-il le dire davantage ?
Ce serait plus facile pour des gens comme moi qui essaient d’expliquer ce qui se passe ici – non pas pour blanchir, non pas pour dire que tout va bien – mais au moins pour le comprendre dans un cadre qui reflète des valeurs partagées. Ce serait une chose positive. Je sais que ce n’est pas un mode de communication particulièrement attrayant dans la région, parce qu’il est perçu comme un signe de faiblesse. Mais lorsque l’essentiel de vos soutiens cherche à savoir comment vous fonctionnez à cette échelle, il ne s’agit pas seulement de relations publiques.

Dès le début, des critiques se sont élevées aux États-Unis contre l’action d’Israël – à propos de « bombardements aveugles » à un moment donné ; le secrétaire [d’État Antony Blinken] n’a cessé de dire que trop de civils avaient été tués, qu’il fallait cesser de tuer des civils. Puis il y a eu des choses spécifiques – ne pas aller à Rafah, mettre fin à la guerre avant que Tsahal ne s’attaquent au Hezbollah, ne pas riposter avec tout ce qu’Israël a fait contre l’Iran.
Et pourtant, à la fin de cette période, Israël est, et [le conseiller à la sécurité nationale] Jake Sullivan l’a dit en substance…
Jake a été très clair.
… Israël est dans une meilleure position, en partie parce qu’il a fait des choses que l’administration ne voulait pas qu’il fasse.
Sur chacun de ces points, la façon dont vous les avez exposés est un peu plus brutale que je ne l’aurais fait. Le secrétaire d’État n’a pas caché son inquiétude et, en tant que gouvernement, nous n’avons pas caché notre inquiétude quant à l’ampleur des pertes civiles.
[Mais] je ne pense pas que vous ayez entendu le secrétaire d’État, le président ou Jake Sullivan revenir sur la proposition selon laquelle Israël avait le droit et la responsabilité de poursuivre la guerre, que l’élimination du Hamas en tant que groupe armé et de gouvernement est un objectif commun, et que le récit ne peut pas commencer le 8 octobre. Le Hamas a commencé la guerre, et le Hamas continue de détenir des otages, et la guerre est, en ce sens, une guerre juste. Je ne sais pas s’ils utilisent les mots « guerre juste », mais ils ont défini une guerre juste.
Les questions relatives au ciblage sont réelles. De nombreuses questions se posent au sujet de plusieurs incidents, comme c’est le cas après chaque guerre. Il y a eu un processus interne d’examen des choses qui ont pu mal tourner à différents endroits, qui n’a pas été résolu. Lorsque le secrétaire d’État dit qu’il reste des questions à résoudre, c’est qu’il reste des questions à résoudre. Au sein de Tsahal, il y a encore des questions auxquelles il faut répondre. Mais fondamentalement, nous n’avons jamais dit : « Arrêtez la guerre ».
Le message auquel nous nous sommes tenus, avec une certaine discipline, est le suivant : Libérez les otages, cessez le feu, trouvez une voie pour mettre fin à la guerre.
Maintenant, [en ce qui concerne] nos mises en garde sur l’extension de la guerre à d’autres fronts, il faut voir les choses dans le temps. Les conseils les plus fermes ont été donnés au début de la guerre, lorsque Gaza était complètement déstabilisée, lorsque Tsahal était débordé, lorsque tout le monde, y compris les planificateurs militaires ici, s’attendait à une résistance féroce de la part du Hezbollah. Les conseils étaient fermes. Il n’a jamais été question de dire que le Hezbollah n’était pas une cible légitime.
Le Hezbollah a étendu la guerre en attaquant Israël à partir du 8 octobre. Les États-Unis n’ont jamais critiqué Israël pour avoir mené des frappes pendant près d’un an au Sud-Liban, attaqué le Hezbollah et réduit les capacités de ce dernier. Au moment où Israël a pris la décision d’aller de l’avant [en intensifiant la lutte contre le Hezbollah à partir de septembre], il avait déjà considérablement réduit la capacité du Hezbollah à la frontière sud du Liban et à la frontière nord d’Israël.
Il y a aussi des choses que nous ne savions pas. Nous ne connaissions pas certaines capacités dont disposait Israël [référence apparente à l’explosion par Israël de milliers de bipeurs du Hezbollah sur leurs propriétaires, entre autres opérations, NDLR]. Qu’Israël ait déployé ces capacités de manière stratégique ou que les circonstances aient conduit à la décision d’utiliser ces capacités à un moment crucial où elles auraient pu être perdues, elles ont eu dans tous les cas un effet sur la tournure de la bataille.
L’habileté avec laquelle Israël a suivi militairement – de [l’assassinat du chef du Hezbollah Hassan] Nasrallah [lors d’une frappe à Beyrouth], à l’élimination de la capacité de combat du Hezbollah, Jake a reconnu l’importance de cela dans son interview.

On dirait que vous avez regardé ce qui s’est passé à Gaza et que, sur cette base, vous auriez été surpris par l’efficacité avec laquelle Israël s’est attaqué au Hezbollah.
Je ne pense pas qu’il soit nécessairement juste de dire que nous aurions été surpris. Je pense que certains membres de l’armée israélienne ont été surpris.
De l’efficacité de l’opération ?
En effet. Nous avons tendance à considérer les risques d’une manière différente. Nous n’avons jamais remis en question la légitimité de la lutte contre le Hezbollah.
Si vous regardez la manière dont les États-Unis ont soutenu Israël face à l’Iran, depuis le 7 octobre, depuis le « Don’t » [du président Biden] jusqu’à l’envoi de deux porte-avions, d’un sous-marin et de toutes les ressources nécessaires, en passant par la collaboration très étroite entre nos services de renseignement et la mise en place d’une défense aérienne commune en temps réel, qui a prouvé de manière évidente, en avril et en octobre, l’importance des alliances, l’importance de la coordination. Je dirais, du point de vue de nos deux armées, que nous avons [appris que nous] pouvions faire encore mieux que ce que nous pensions pouvoir faire lorsque nous mettons nos ressources en commun de cette manière.
Cela a une valeur presque infinie en termes de limitation des dommages en Israël à des dommages vraiment négligeables causés par les tirs de barrage en provenance de l’Iran. La décision de mettre en place le système de défense antimissile THAAD a encore renforcé cette situation. Je vérifie tous les soirs quand les sirènes retentissent : Qui a tiré [pour intercepter un missile] ? Nous apportons une aide concrète.
Le fait que les États-Unis se soient engagés avec Israël sur certaines de ces questions a eu un impact très positif sur la manière dont Israël a défendu ses propres intérêts. Je vous donnerai deux exemples. L’un concerne l’Iran, l’autre Rafah – un endroit où nous avions manifestement des divergences, mais où elles ont été résolues.
En ce qui concerne l’Iran, nous préférions certainement éviter d’entrer dans une guerre régionale. Mais il y a eu un engagement [entre nous] qui a conduit à un processus de planification où Israël a prouvé son efficacité. Israël a démontré ses capacités de dissuasion. Il a détruit des cibles militaires importantes avec un minimum d’impact sur les civils et sans déclencher de guerre régionale. Je dirais donc qu’il s’agit d’un cas où nous avons travaillé ensemble pour réfléchir à un ensemble de décisions militaires très difficiles à prendre.

Au sujet de Rafah, il ne fait aucun doute que nous ne pensions pas que Rafah devait être combattu de la même manière que la ville de Gaza, Khan Younès ou les camps centraux [de Gaza]. La population avait été déplacée vers le sud. Elle était très dense. Nous nous sommes dit qu’il était impossible de combattre dans un tel espace sans avoir un impact catastrophique, à moins de mettre la population à l’abri et d’adopter une approche plus ciblée de la bataille. Nos services de renseignement et nos planificateurs militaires ont travaillé en étroite collaboration pour étoffer les plans.
Je ne dirai pas qu’ils ont atteint 100 %. Je veux dire que la zone humanitaire de Mawasi est un foyer pour les gens, mais il y a des défis à relever. Mais les [personnes qui ont été évacuées vers la zone de Mawasi] ne se trouvaient pas à Rafah et n’ont pas été tuées par dizaines de milliers. Le nombre de victimes civiles a été relativement faible à Rafah.
« Vous n’avez pas entendu une seule critique de la part de la Maison Blanche, du Département d’État, du Département de la Défense, des États-Unis, sur l’opération à Rafah. »
Si vous regardez l’action militaire à Rafah, il y a des endroits où les gens peuvent retourner à Rafah, parce qu’il s’agissait d’une action militaire ciblée et basée sur les renseignements. Vous n’avez pas entendu une seule critique de la part de la Maison Blanche, du Département d’État, du Département de la Défense, des États-Unis, sur l’opération à Rafah. C’est une erreur de dire, comme on le fait parfois, « Vous nous aviez dit de ne pas le faire, et nous l’avons fait ». L’opération a été menée de manière à limiter ou à éliminer les frictions entre les États-Unis et Israël, mais elle a également permis d’obtenir de bien meilleurs résultats.
Vous dites que les États-Unis ont empêché Israël d’agir d’une manière qui aurait été désastreuse ?
Ce n’est pas tout à fait ce que je veux dire. Je pense qu’ils avaient une idée différente de la manière dont ils auraient procédé. Je pense qu’ils sont revenus en arrière et qu’ils ont repensé les choses d’une manière très positive en termes d’impact final – à la fois en termes d’impact sur le moment et d’un point de vue stratégique.
Plus généralement, je voudrais revenir sur la position de Blinken [qui dénonce les pertes civiles] à Gaza, sur la position américaine sur la manière dont Israël a géré la guerre à Gaza. J’ai compris ce que vous avez dit, mais c’était presque comme si les États-Unis s’attendaient à ce qu’Israël puisse faire l’impossible – qu’il puisse vaincre le Hamas sans pertes civiles. Les experts militaires diraient que, relativement parlant, Israël a combattu efficacement en ciblant ses ennemis et en essayant de minimiser les pertes civiles dans un environnement urbain où l’ennemi se bat à partir d’écoles, de mosquées, d’hôpitaux, etc.
Pour de nombreux Israéliens, les attentes des Américains à l’égard d’Israël semblent irréalistes. Le sentiment général des Israéliens serait : « Vous, les Américains, n’auriez pas pu faire mieux ».
Pensez-vous que si Israël avait tenu compte des avertissements du secrétaire d’État plus tôt dans la guerre, il y aurait eu moins de victimes civiles ?
Je ne peux pas parler des perceptions en Israël. Je ne pense pas que le message délivré par les États-Unis reflète une compréhension irréaliste de la guerre urbaine. Nous avons mené des opérations de guerre urbaine contre des ennemis qui se trouvaient dans un environnement différent, mais similaire en un sens. Nous avons en fait partagé ce que nous avons appris dans des endroits comme Falloujah et Mossoul, ce qui, je pense, a été un avantage, nonobstant l’expérience antérieure d’Israël à Gaza.
Je ne pense pas que nous ayons jamais eu l’idée qu’il était possible d’arriver à zéro victime. Dire « trop » ne signifie pas que l’alternative est zéro. C’est une fausse simplification du message. Le message était le suivant : il faut agir de manière à minimiser [les pertes civiles]. Et je pense que les combats reflètent le fait qu’Israël [a pris cela] à cœur.
Dans les conversations que j’ai [avec les militaires israéliens], les gens sont offensés [par l’idée] que nous puissions penser qu’ils ne s’en souciaient pas. Je sais qu’ils s’en sont souciés dès le départ. Nous savons qu’en tant que planificateurs militaires, il ne s’agit pas de partir [au combat] sans se soucier de l’impact sur les civils. Mais comme le secrétaire d’État l’a dit à maintes reprises, l’intention et les conséquences doivent toutes deux être respectées… Votre intention de limiter doit être accompagnée d’un effet.
Si l’on considère l’évolution de la guerre, l’impact des combats sur les civils n’a certainement pas disparu, mais le nombre de victimes a considérablement diminué. Quant à la question de savoir quelles cibles méritent de prendre le risque, je pense qu’elle est prise en compte avec le plus grand soin. Depuis mon arrivée jusqu’à aujourd’hui, je pense que tout le monde en apprend chaque jour davantage sur la manière d’être plus efficace dans la poursuite des objectifs militaires et de limiter les dommages collatéraux. Je ne pense pas que nous ayons jamais dit qu’il était possible de réduire les dommages collatéraux à zéro.
Il est important de ne pas confondre les questions que nous avons soulevées comme étant des préoccupations sérieuses – nous avons soulevé des préoccupations sérieuses concernant la limitation des pertes civiles ; nous avons soulevé des préoccupations sérieuses concernant la nécessité d’acheminer suffisamment de nourriture et de fournitures médicales – avec la fixation d’objectifs irréalistes. On ne peut pas considérer comme irréaliste le fait de nourrir des gens pour que la famine ne devienne pas la cause de plus victimes et que les soins médicaux ne soient pas disponibles. Je travaille jour et nuit avec le COGAT pour résoudre ces problèmes.
Avec un certain succès ?
Oui. Le résultat final nous oblige à continuer à nous dépasser.
Mais il y a une certaine préparation, il y a une interaction ?
Oui. J’ai travaillé en étroite collaboration avec les plus hauts responsables du COGAT pendant toute la durée de mon mandat, ainsi qu’avec le ministère de la Défense et le cabinet du Premier ministre. Il ne s’agit pas d’une simple rhétorique – nous disons : « Vous devez le faire ». Je connais mieux les questions opérationnelles que la plupart des membres du gouvernement. Il y a eu des jours où le président des États-Unis connaissait les détails opérationnels [de l’acheminement de l’aide à Gaza], le nombre de camions, leurs déplacements, et voulait savoir si ce qui avait été tenté s’était produit. Nous ne nous contentons pas de dire « faites l’impossible ». Nous sommes en fait un partenaire qui aide à accomplir des choses.
Et vous obtenez une réponse, il y a une volonté d’entendre ce que vous dites ?
Oui, si je devais être plus précis, il y a eu plus de volonté de faire les choses que de volonté de faire de la publicité pour les faire.

Je dis pas ça en terme de consommation extérieure. C’est une question sensible ici en Israël – que font-ils ? Lorsque des manifestants [du côté israélien de la frontière avec Gaza] empêchaient les camions d’entrer, je sais ce que Tsahal a fait. J’en ai parlé tous les jours au ministre de la Défense et à son chef d’état-major. Ils ont fait des choses très difficiles. Et ils ont ouvert la route pour que les camions puissent entrer. Mais ce n’est pas comme si le monde leur avait donné beaucoup de crédit pour cela, parce qu’ils n’ont pas réclamé le mérite.
Israël n’a pas fait de publicité sur le fait qu’il avait fait entrer l’aide avec détermination dans Gaza.
Lorsque l’on dit haut et fort à quel point on est fort, et que l’on essaie de faire plus discrètement ce qui pourrait répondre aux besoins [de la population civile], le monde finit par avoir une vision partielle [de ce que l’on fait]. Surtout lorsque d’autres personnes racontent une histoire qui n’est pas destinée à vous octroyer le bénéfice du doute.
Cette question est liée au contexte dans lequel presque tout ce que nous avons discuté jusqu’à présent s’applique : Gaza compte plus de deux millions d’habitants. Combien d’entre eux ne sont pas identifiés au Hamas, ne le soutiennent pas, n’en sont pas complices ou n’y sont pas impliqués ?
Je ne sais pas comment répondre à cette question. Je pense que personne ne le sait. Si vous voulez poser la question « Qui a activement combattu avec le Hamas et l’a soutenu matériellement ? », étant donné les renseignements qui ont été recueillis [à partir des bases de données du Hamas] dans les tunnels, Israël sera en mesure d’en savoir beaucoup plus à ce sujet.
Comment pénétrer le cœur et l’esprit des gens ? Vous ne pouvez pas poser les questions suivantes : « Quelqu’un a-t-il déjà eu de la sympathie [pour le Hamas] ? » ou « Un membre de leur famille est-il sympathisant ? ». Car très vite, on parle de tout le monde. Lorsque la question de savoir si « tout le monde est un terroriste » se pose, c’est une ligne de conduite qui mène à de très mauvais résultats. Une guerre se termine à un moment donné avec les personnes contre lesquelles vous combattiez, puis avec la population civile. Il faut se concentrer sur les personnes contre lesquelles on s’est battu. S’il s’agit de définir l’ensemble de la population de Gaza, il n’y a pas de solution.
Permettez-moi donc de restreindre mon propos. L’hôpital Kamal Adwan [où les troupes de Tsahal ont opéré en décembre]. Les Israéliens affirment qu’il s’agissait d’un hôpital militaire du Hamas et que le chef de l’hôpital se prévalait du fait qu’il pensait ne jamais être touché, mais qu’il s’agissait en fait d’un membre du Hamas qui dirigeait une base du Hamas. C’est la situation telle que vous la comprenez, ou vous n’en avec pas connaissance ?
Je ne suis évidemment pas sur le terrain, et tout ce que j’ai à dire reflète donc ce que j’entends de Tsahal et de ce qui est diffusé dans les médias par le Hamas.
Je vais vous dire ce que j’ai répondu aux personnes qui m’ont posé cette question à Washington : Connaître le rôle exact joué par un individu dépasse mes capacités d’expert, mais j’ai pu voir quel a été le niveau des combats à l’hôpital Kamal Adwan. Il ne s’agissait pas de la résistance de quelques combattants isolés. Il s’agissait d’une bataille féroce. Il était clair qu’un nombre important de combattants du Hamas y était engagé, avec différents types de moyens, tant en termes de communication que de combat.
« J’ai pu voir quel a été le niveau des combats à l’hôpital Kamal Adwan. Il ne s’agissait pas de la résistance de quelques combattants isolés. Il s’agissait d’une bataille féroce. »
[Quant à savoir s’il s’agissait d’un hôpital ou d’une installation militaire], à un certain niveau, c’était les deux. Des questions se posent quant à la nature de l’hôpital et aux personnes qui y étaient soignées. Je ne connais pas toutes les réponses à ces questions. La difficulté de la lutte contre le Hamas réside dans le fait qu’il s’installe dans des établissements qui étaient des écoles, qui ne le sont plus et qui sont devenues des champs de bataille. Ils utilisent les ressources d’un hôpital et se protègent aux yeux du monde, car il n’est pas bon de se battre dans un hôpital. Nous sommes probablement le seul pays au monde à accorder à Israël le bénéfice du doute.
Et puis nous regardons les conséquences, nous regardons la cible militaire, et nous sommes très mesurés dans ce que nous disons, parce que nous comprenons qu’ils se battent contre un ennemi très complexe.
Nous en saurons plus sur l’hôpital Kamal Adwan en temps voulu. Mais ce que je vois objectivement, c’est la preuve d’une présence significative du Hamas. Est-ce que je sais ce que le directeur savait ou ne savait pas sur ce qui se passait dans son bâtiment ? Comment puis-je le savoir ?
Mais Israël doit être en mesure de répondre aux questions sur la manière dont il traite les personnes qu’il détient et sur les raisons pour lesquelles il les détient. Et le fait que l’accès aux personnes détenues soit si limité conduit à des questions qui ne disparaîtront jamais.
Je voudrais vous poser une question sur les négociations pour la libération des otages et le cessez-le-feu. Le secrétaire d’État [Antony Blinken] a déclaré dans le New York Times qu’à chaque fois qu’il y a eu une médiatisation publique entre les États-Unis et Israël et que la pression s’est accrue sur Israël, le Hamas a renoncé à accepter un cessez-le-feu et la libération des otages. Mais comme nous l’avons déjà dit, il y a eu beaucoup de médiatisations.
Ce que le secrétaire d’État a dit à un certain niveau est tout à fait réel : Chaque fois qu’il y a une médiatisation, le Hamas en profite. Je ne pense pas que l’interprétation de ce qu’il a dit soit correcte. Je ne pense pas que nous ayons créé cette médiatisation. Il y a quelques cas où nous avons eu des difficultés publiques, mais il y a eu de nombreux moments où le gouvernement d’Israël a pris des différends mineurs qui ont eu lieu dans le privé, les a exagérés et les a rendus publics.
« Il y a quelques cas où nous avons eu des difficultés publiques [de désaccord avec Israël], mais il y a eu de nombreux moments où le gouvernement d’Israël a pris des différends mineurs qui ont eu lieu dans le privé, les a exagérés et les a rendus publics. »
L’effet stratégique de cette situation m’a beaucoup troublé. Et je ne peux pas l’expliquer en termes stratégiques. Il y a d’autres termes pour l’expliquer.

Je vais vous donner quelques exemples. Il y a eu un moment où nous étions à l’ONU pour essayer d’obtenir du Conseil de sécurité qu’il adopte des résolutions liant la libération des otages à un cessez-le-feu. Le monde nous échappait. Nous avons modifié la structure grammaticale d’un paragraphe liant les deux. Nous avons dit que notre politique n’avait pas changé.
Et le gouvernement israélien s’est joint au Hamas pour dire : « Nous avons changé de politique ». Eh bien, la dernière fois que j’ai vérifié, le gouvernement des États-Unis a le droit de définir sa propre politique. Pourquoi était-il nécessaire de dire « Nous avons changé de politique » parce que la grammaire et la structure des phrases étaient différentes ?
Vous parlez de la résolution adoptée en mars.
Vous avancez le calendrier. Nous devons maintenant opposer notre veto aux résolutions. Nous sommes les seuls à opposer notre veto. Nous essayions de prolonger la période pendant laquelle nous n’étions pas les seuls à lier les [appels à la libération des otages à un cessez-le-feu], parce que nous pensions que c’était le moyen de faire sortir les otages. Nous pensions que c’était le moyen de maintenir la pression mondiale sur le Hamas. Et je pense que faire cette différence était un choix.

Je vais vous donner un autre exemple, un exemple très important. Nous avons parlé de Rafah tout à l’heure. Vous pouvez choisir de caractériser cela comme « Nous avons dit à Israël de ne pas [mener une opération de grande ampleur] », ou comme « Nous avons décrit des conditions dans lesquelles, peut-être, cela semblait impossible », mais quand vous trouvez comment le faire de cette façon, cela prouve que ce n’était pas impossible.
L’administration américaine n’a pas donc dit : « N’allez pas à Rafah » : N’allez pas à Rafah. Vous disiez plutôt : « N’allez pas à Rafah de la manière dont vous nous présentez les choses » ?
Ils n’ont pas eu tort d’entendre que nous n’étions pas enthousiastes à l’idée de mener la bataille à Rafah, qui compte environ deux millions d’habitants. Mais nous n’avons jamais dit qu’il ne fallait pas y aller. Nous avons dit : « À moins que vous ne puissiez déplacer les gens… ».
Et nous ne pensons pas que vous puissiez le faire, d’ailleurs. Cela a également été dit.
C’est aussi ce qui a été dit. C’est vrai.
Vous nous avez prouvé que nous avions tort, et donc… ?
C’est bien. Et vous n’avez jamais entendu un mot de critique [sur la façon dont Israël a géré Rafah].
Le troisième exemple que j’allais donner est, d’une certaine manière, le plus important : La question de l’embargo [ostensiblement imposé par les États-Unis à Israël].
Nous n’avons jamais imposé d’embargo sur les armes, ni en mai, ni depuis. Jamais. Nous avons eu un désaccord public au sujet de bombes de 900 kg.
Le mot « embargo » est assez dur. J’ai beaucoup travaillé sur les sanctions au cours de ma carrière au département du Trésor et au département d’État. « Embargo » est un mot qui a une signification très spécifique.
Nous n’avons jamais imposé d’embargo sur les armes, ni en mai, ni depuis. Jamais.
Nous avons eu un désaccord public au sujet de bombes de 900 kg. Pourquoi est-ce que ce désaccord s’est transformé, alors que le plus proche allié d’Israël, qui l’a soutenu tous les jours depuis le 7 octobre, avec des flux extraordinaires de matériel et de soutien, en embargo ? Ce n’était pas le cas.
Je comprends à présent que certaines choses aient été ralenties, et je comprends qu’il y ait eu des divergences d’opinion légitimes sur la question de savoir si le ralentissement était de nature politique ou simplement bureaucratique. Mais rien n’a été arrêté à l’exception d’un type d’arme.
Vous pouvez dire : « Oh, mais c’est une arme importante ». C’est une conversation que l’on peut avoir entre amis les plus proches, sans trop d’exposition, pour savoir quelles sont les bonnes façons d’utiliser des bombes de 900 kg dans des zones urbaines densément peuplées. Dire que votre allié le plus proche vous a imposé un embargo, je pense que cela fait plus de mal que de bien.
Je me suis opposé à cette idée au sein des cercles gouvernementaux. Je l’ai fait en public. Ce sont des choix que vous faites en termes de caractérisation des différences. Je ne pense pas que, dans aucun de ces cas, nous ayons voulu créer la médiatisation qui a fini par être perçue par le Hamas. Je pense qu’il s’agissait d’un mauvais calcul stratégique.
À des fins politiques.
Je fais attention à ce que je dis.
Les détails réels : Les États-Unis n’ont pas livré de bombes de 900 kg à Israël au cours des 15 derniers mois ? D’autres armes sont-elles concernées ?
Tout le reste a été fluide. Il y a peut-être eu des périodes où c’était plus lent, mais d’une manière générale, [c’est fluide].
Au cours des premiers mois de la guerre, nous avons contourné toutes les procédures normales. À deux reprises, le secrétaire n’a pas informé le Congrès. Aux États-Unis, il est très difficile de contourner le Congrès. La plupart des gens ne survivent pas au fait de contourner le Congrès. Mais il s’agissait d’une situation d’urgence et le fait d’envoyer ce qui était nécessaire dans les délais impartis constituait une mesure spectaculaire. Il existe normalement un processus d’examen compliqué avant l’approbation des transferts militaires, qui a été court-circuité.
Au fur et à mesure que l’on s’enfonçait dans la guerre, l’argument consistant à sauter toutes ces procédures devenait plus difficile à défendre et, si l’on continuait à le faire, on risquait de compromettre notre capacité à maintenir notre soutien. Car si l’on va trop loin dans le contournement du Congrès, il arrive que l’on reçoive une leçon. Il a donc fallu un peu plus de temps pour que les différentes voies d’examen aboutissent à certaines choses.
Pour que le secrétaire prenne une décision, de nombreux bureaux différents doivent donner leur accord. Certaines personnes ont-elles pu comprendre que, puisque nous ne contournons pas le processus, elles n’ont pas à se précipiter ? Peut-être. Les bureaucraties sont des bureaucraties partout. C’est le cas dans tous les gouvernements.
Je pense que cela a été perçu comme étant lié aux bombes de 900 kg. Franchement, étant donné le soutien personnel que le président a manifesté, et pas seulement manifesté – le soutien personnel du président ne date pas de quatre ans, mais de 50 ans. Il vient de son cœur. Étant donné que le secrétaire d’État a fait tout ce qui était humainement possible pour aider les États-Unis à soutenir Israël et à parvenir à un meilleur résultat, il aurait pu y avoir un peu plus de confiance dans le fait que ce n’était pas notre intention.

Je ne peux même pas vous dire ce que font beaucoup de ces choses sur la liste [du matériel fourni à Israël par les États-Unis]. Il s’agit d’un niveau de détail technique que les décideurs politiques n’ont pas l’habitude d’aborder. Je sais pertinemment qu’il n’y a pas eu de décision au sommet sur ces choses, parce qu’ils ne savent même pas ce que font certaines d’entre elles.
L’affaire des bombes de 900 kg est importante…
Oui, et nous l’avons dit publiquement.
… qui n’a aucun rapport avec [les capacités potentielles d’Israël face à] l’Iran ?
Je vais faire attention à la manière dont je réponds à cette question. Les opérations militaires d’Israël au Liban, en Syrie et en Iran n’ont clairement démontré aucune diminution de la capacité d’Israël à atteindre ses objectifs stratégiques.

La question de savoir comment s’assurer, à l’avenir, qu’Israël dispose de ce dont il a besoin, au moment où il en a besoin, n’a pas été affectée négativement. Il y a eu une prise de décision prudente… mais cela n’a pas eu d’incidence sur le résultat. Ce n’est pas une politique qui dit qu’Israël ne recevra jamais de bombes de 900 kg.
Qui est responsable du fait qu’il n’y a pas eu d’accord sur les otages ? Là encore, le secrétaire d’État [Antony Blinken] a rejeté la faute sur le Hamas le week-end dernier. Mais en privé, et notre journaliste l’a rapporté depuis Washington, certains responsables américains disent que ce n’est pas vraiment le cas, qu’une grande partie de la faute revient à Netanyahu, qu’il a ajouté de nouvelles conditions, qu’il a ralenti les négociations. L’Égypte et le Qatar ont blâmé Israël, et la plupart des Israéliens blâment Netanyahu pour ne pas avoir conclu d’accord plus tôt. Que s’est-il donc passé ?
C’est une question difficile parce que le secrétaire d’État a été très clair, Jake [Sullivan] a été très clair, Brett [McGurk, l’envoyé de la Maison-Blanche pour le Moyen-Orient] a été très clair, le Hamas a été inflexible et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas conclu d’accord. Cela peut être vrai, mais il est également vrai qu’Israël a pris des mesures qui ont été difficiles à mettre en œuvre.
Je pense en fait que certaines des mesures prises par Israël n’ont pas eu d’impact matériel sur la conclusion ou non d’un accord, mais qu’elles ont déplacé la responsabilité aux yeux du public, de la manière que vous décrivez, en raison de ce qui a été dit.

Permettez-moi de vous donner un exemple : tout le monde se concentre sur le corridor de Philadelphi [qui longe la frontière entre Gaza et l’Égypte]. Comme la plupart des questions, il s’agit d’un problème complexe. Lorsque le cadre [d’un accord] a été convenu [en mai], Israël ne se trouvait pas dans le corridor de Philadelphi. Alors, bien sûr, [le cadre d’accord] ne l’a pas abordé. Le cadre n’aborde pas spécifiquement la question de la présence militaire.
Il est divisé entre la phase 1 et la phase 2 – ce qui se passe dans la phase 1, ce qui se passe dans la phase 2. La première phase n’appelait pas à un retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza ou d’un endroit spécifique. Elle prévoyait le retrait des forces armées des zones densément peuplées et le début de leur réduction.
Le fait de focaliser comme point décisif le corridor Philadelphi en le faisant passer de la phase deux à la phase un n’a pas changé la possibilité d’avoir un accord de phase un, avec un délai pour le mettre en œuvre. Il aurait pu y avoir un conflit sur le corridor de Philadelphi, mais vous l’auriez découvert après la libération d’un grand nombre d’otages. Le moment choisi pour mettre l’accent sur ce point – je sais qu’il est défendu comme étant, ‘Nous voulions être clairs’. Personne ne doit se méprendre.
Mais de très hauts responsables du gouvernement israélien ont également déclaré : « Si certaines choses se produisent, si nous sommes sûrs de savoir ce qu’elles arriveront, si nous avons la capacité de protéger nos intérêts en matière de sécurité, nous pouvons même envisager de nous retirer du corridor de Philadelphi ». Des ministres de premier plan l’ont dit. Alors pourquoi cette question a-t-elle été soulevée ?
Je ne pense pas que ce soit la raison de l’échec.
Le fait que nous n’ayons pas eu de phase 1 ?
Oui, je ne pense pas que ce soit la raison.
Je pense que la raison, et cela se reflète dans les propos tenus par le secrétaire d’État Blinken au cours du week-end, est que le Hamas, jusqu’à ce jour, n’a pas été en mesure de faire face à la crise : Le Hamas, jusqu’à ce jour, s’est montré extrêmement têtu concernant les informations sur les otages, sur les personnes qui seraient libérées et sur les conditions de l’échange d’otages contre des prisonniers. Et lorsque nous nous sommes rapprochés [de leurs positions], les conditions se sont durcies.
En juillet, notre stratégie consistait donc à régler les problèmes qui distrayaient le Hamas. Faire en sorte que le monde fasse pression sur le Hamas pour qu’il cesse d’insister sur des choses impossibles et laisser la phase 1 commencer, sauver des dizaines de vies, et entrer dans la période de négociation de la phase 2. Toute l’attention portée au corridor de Philadelphi a laissé une impression qui n’est pas exacte. Si l’attention n’avait pas été portée sur le corridor de Philadelphi, je ne pense pas que nous aurions vu le Hamas plier suffisamment pour qu’il y ait un accord. Nous espérons que nous y parviendrons cette semaine. Nous sommes toujours en train d’essayer d’y parvenir.
Faire en sorte que le monde fasse pression sur le Hamas pour qu’il cesse d’insister sur des choses impossibles et laisser la phase 1 commencer, sauver des dizaines de vies, et entrer dans la période de négociation de la phase 2. Toute l’attention portée au corridor de Philadelphi a laissé une impression qui n’est pas exacte.
Je veux être sûr de bien comprendre. Même si Netanyahu n’avait pas évoqué la nouvelle condition du maintien des troupes de Tsahal dans le corridor de Philadelphi, vous n’êtes pas convaincu que nous aurions obtenu une phase 1. Mais cela n’a certainement pas aidé, et cela a certainement enlevé une partie de la pression sur le Hamas.
Je pense que cela a détourné l’attention de l’intransigeance du Hamas d’une manière qui n’était pas utile d’un point de vue stratégique.
Pourquoi serions-nous optimistes aujourd’hui ? Y a-t-il une raison ? Parce que le secrétaire d’État est optimiste. Y a-t-il quelque chose que nous ignorons ? Le Hamas a-t-il bougé ?
Beaucoup de membres du gouvernement sont optimistes. Nous ne le saurons que si nous atteignons la ligne d’arrivée. Nous nous sommes approchés de la ligne d’arrivée suffisamment de fois. Je vis en optimiste, mais je n’y croirai que lorsque je le verrai. Le fait que les négociations se poursuivent à Doha, le fait que des hauts fonctionnaires, pas les plus hauts, mais de très hauts fonctionnaires, sont représentés là-bas. Ils se penchent sur les détails les plus durs, les plus brutaux. Il s’agit de conditions de négociation tout simplement impies. [Libérer] des personnes condamnées à perpétuité pour sauver la vie d’innocents.
Des personnes condamnées à perpétuité qui sortiraient en Cisjordanie, déterminées à semer le plus de troubles possible.
Sans savoir avec certitude qui est vivant et qui est mort, et sans savoir avec certitude quand et comment ils seront délivrés.
Il y a des questions légitimes qu’Israël pose, et il y a des intérêts sécuritaires légitimes qu’Israël poursuit et continuera de poursuivre. Je dis simplement que l’attention que nous portons au Hamas est le reflet de notre expérience dans les négociations auxquelles nous avons participé, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu d’éléments qui ont rendu les choses plus difficiles.
Il n’y a pas de négociations dans lesquelles les choses sont claires comme de l’eau de roche à chaque instant. Mais notre sentiment se reflète dans les commentaires du secrétaire d’État. Le Hamas – d’abord Yahya Sinwar et maintenant Mohammed Sinwar – s’est montré très intransigeant.
Lorsque le secrétaire d’État Blinken était ici [en août], à un moment où nous faisions pression pour revenir aux négociations avec plus d’espace et un effort sérieux pour montrer que nous avions bougé, par exemple, sur le corridor de Philadelphi, le secrétaire d’État Blinken a quitté cette réunion avec des assurances [confirmées publiquement par Netanyahu] sur les questions clés que le gouvernement d’Israël ferait les choses que nous jugions nécessaires.
Il a été critiqué en Israël pour avoir cru le Premier ministre. La couverture médiatique qui a suivi cette visite a été stupéfiante. Comment avez-vous pu croire [ce que le Premier ministre vous a dit] ? Il s’agit d’une question intérieure ici en Israël, qui doit être abordée par le peuple israélien.
Après leur rencontre, Netanyahu a annoncé qu’Israël avait accepté [la dernière proposition de rapprochement des États-Unis]. Le Times of Israel a été à peu près le seul média à en faire état. Personne ne l’a même rapporté parce qu’il n’était pas jugé crédible. Elle n’est devenue crédible, si je me souviens bien, que lorsque le secrétaire d’État a déclaré lors de sa conférence de presse du soir : « Oui, Netanyahu a accepté ».

Mais si vous revenez en arrière et que vous lisez la couverture médiatique de ce voyage, c’est stupéfiant. On se demandait comment il pouvait être aussi naïf. Comment a-t-il pu se laisser berner ? Ce que j’ai dit à l’époque, et ce que je crois aujourd’hui, c’est que lorsque vous traitez avec l’un de vos plus proches alliés et que le Premier ministre dit oui à trois choses que vous lui demandez de dire, comment pouvez-vous sortir d’une pièce et dire : il a dit oui, mais je ne le crois pas ? Il s’agit donc d’un problème intérieur.
Je me suis senti mal à l’aise parce que la presse américaine s’en est fait l’écho en disant : « Comment le secrétaire d’État a-t-il pu le croire ? » Et c’est très dommageable. Vous devez être en mesure de faire des affaires avec vos homologues, où quand ils disent oui, vous dites qu’ils ont dit oui.
C’est pourquoi, à la fin du mois de mai, le président a annoncé ce qui était en fait une proposition que Netanyahu lui avait transmise et a dit : « J’espère que vous allez vous y tenir ». Netanyahu s’est ensuite évertué à dire que cette offre n’impliquait pas un engagement à mettre fin à la guerre et à retirer l’intégralité des forces de Tsahal. Nous avons publié le document et nous n’y trouvons pas cette interprétation.
J’ai une mémoire raisonnable du déroulement des événements. [Mais] il faudrait que je revienne en arrière et que je vérifie pour pouvoir répondre à cette question en toute confiance.
Avec Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, nous avons deux politiciens très extrémistes au sein de notre gouvernement, et les États-Unis ont décidé de ne pas les sanctionner, mais ne se sont pas vraiment engagés avec eux. Personnellement, je ne pense pas que quoi que ce soit puisse faire bouger Ben Gvir. Mais je ne suis pas sûr pour Smotrich, qui a un tel pouvoir et une telle responsabilité en ce qui concerne la Cisjordanie, et des politiques sur des questions telles que les colonies.
Sur de nombreuses questions qui concernent l’Autorité palestinienne et les politiques de colonisation en Cisjordanie, nous nous sommes profondément engagés avec le gouvernement. Et même sur les questions relatives à l’aide humanitaire à Gaza, où le ministère des Finances a un rôle à jouer, nous avons été profondément impliqués avec le gouvernement, en abordant le type de questions que le ministre des Finances introduit dans le débat et l’espace politique.
La question de l’engagement direct ou indirect est une question sur laquelle les gens peuvent avoir des divergences de vues légitimes. J’ai exprimé mon point de vue en privé. Le fait que d’autres personnes aient partagé mon point de vue n’est pas une raison suffisante pour que j’en discute en public. Mais j’ai passé énormément de temps ici à m’engager sur les questions sur lesquelles il a un impact important.

Objectivement, il est difficile de le faire par le biais d’intermédiaires. Mais nous avons assez bien réussi à travailler sur ces questions. Beaucoup d’entre elles ont trait au financement de l’Autorité palestinienne. C’est parfois une coïncidence, mais le fait d’avoir un ancien secrétaire au Trésor ici à un moment où les questions financières sont centrales m’a donné la capacité de m’engager à un niveau professionnel avec les gens.
Si vous regardez les considérations de sécurité faites par toutes les agences de sécurité, la plupart des choses que nous préconisons sont des choses qu’elles préconisent également, parce qu’il ne serait dans l’intérêt de personne que le couvercle se referme sur la Cisjordanie au milieu des circonstances actuelles.
Qu’il s’agisse de trouver un moyen de maintenir les flux financiers pour que l’Autorité palestinienne puisse payer ses salaires, de mettre en place le séquestre en Norvège, nous avons été profondément engagés. Même si nous ne nous asseyons pas pour négocier face à face, lorsque vous négociez sur des questions où le ministre des Finances a finalement autorité, vous négociez indirectement.
Je voudrais vous poser quelques questions sur les relations américano-israéliennes. Vous êtes manifestement très attaché à la nature de ces relations bilatérales. Êtes-vous inquiet pour le bien-être de ces relations ? Et êtes-vous inquiet de la façon dont Israël est perçu aux États-Unis ?
Oui, je pense que cette guerre a été perçue à travers un prisme différent dans le monde entier et en Israël. En regardant les informations en Israël, on ne voit pas ce qui se passe à Gaza. Une fois de temps en temps. On s’intéresse beaucoup aux otages, ce qui est tout à fait légitime, compréhensible et approprié. L’accent est mis sur les pertes subies par Tsahal. Là encore, c’est tout à fait approprié. Mais on a pas l’autre côté de l’équation.
Dans l’espace international, c’est l’inverse. Tout ce que l’on voit, c’est l’impact sur les civils à Gaza. On ne rappelle pas que tout a commencé le 7 octobre par une attaque brutale qui se poursuit parce que des otages sont retenus dans des conditions épouvantables.
En regardant les informations en Israël, on ne voit pas ce qui se passe à Gaza… Dans l’espace international, c’est l’inverse. Tout ce que l’on voit, c’est l’impact sur les civils à Gaza.
Il y a donc deux réalités différentes, et je pense que le monde et Israël se porteraient mieux s’ils regardaient l’ensemble du tableau. En Amérique, nous avons continué à raconter toute l’histoire à notre public. Le changement a été moins radical que dans le reste du monde. Dans le reste du monde, c’est comme si le 7 octobre n’avait pas eu lieu.
Dans le reste du monde, c’est comme si le 7 octobre n’avait pas eu lieu.
Pensez-vous que les médias américains ont fait du bon travail pour naviguer entre ces deux récits contradictoires ?
Mon impression est quelque peu limitée parce que je suis ici… Je pense qu’il y a eu une tentative de couvrir les deux côtés. Mais je vois souvent des expressions comme « les rapports du ministère de la Santé palestinien et les affirmations de Tsahal ».
Oui, tout d’abord, le choix de « rapports » et « affirmations », et aussi, bien sûr, le ministère palestinien de la Santé à Gaza est le Hamas.
Ce sont les seules données disponibles. Je ne peux pas critiquer les gens qui les utilisent, mais le langage choisi doit refléter son incapacité en tant que source objective. Je pense que « prétend » est un peu fort pour un allié de confiance. On pourrait dire qu’ils « disent ».
Certaines des chaînes d’information et certains des organes de presse les mieux dotés en sources au monde se montrent implacablement crédules à l’égard des affirmations du Hamas. Certaines de ces affirmations sont peut-être vraies, mais beaucoup d’entre elles sont invérifiables.
Je pense qu’il y a des problèmes dans les deux sens. Lorsque le gouvernement israélien montre une photo d’un marché en plein air dans la ville de Gaza ou à Khan Younès, comme s’il s’agissait d’un exemple typique de ce à quoi ressemble Gaza aujourd’hui, il s’étonne que le monde ne dise pas : « Oh, il n’y a pas de problème. Personne ne croit que c’est représentatif. Vous pouvez montrer dix photos différentes, cela ne prouvera pas que les conditions générales [à Gaza] sont bonnes.
Les données fournies par les ministères palestiniens sont contestées. Elles ne sont pas claires et ne font certainement pas la distinction entre les combattants et les civils.
Les gens ont tendance à se concentrer le jour où quelque chose se produit. Les médias qui présentent un point de vue pro-Hamas racontent instantanément une histoire. Une histoire qui, avec le temps, s’avère ne pas être tout à fait exacte. « 35 enfants ont été tués. » Au final, ce n’était pas 35 enfants. Il y en a eu beaucoup moins. Il s’est avéré que les enfants tués étaient des enfants de combattants du Hamas. Ce n’est pas toujours le cas, mais nous essayons de faire en sorte que l’information circule, mais la presse avance, le monde avance. Et dans les cercles politiques, vous pouvez faire en sorte que les gens restent concentrés en disant que c’est mal, mais ce n’était pas tout à fait ce que l’on croyait. Aux yeux du monde, la première histoire qui sort est celle qui crée une impression.
Nous avons insisté [auprès d’Israël] à de très nombreuses reprises, souvent au milieu de la nuit : si vous voulez encadrer le récit, diffusez l’information plus rapidement, car vous savez qu’il y aura un rapport des faits que vous jugerez inexact.
Cela reflète un point de tension entre le Hamas et Israël à bien des égards. Le Hamas est une organisation terroriste. Israël est une démocratie établie. Personne ne prête attention aux violations des droits de l’homme commises par le Hamas. On attend d’Israël, à juste titre je pense, qu’il adhère au droit international que des pays comme le nôtre respectent.
« Nous avons insisté [auprès d’Israël] à de très nombreuses reprises, souvent au milieu de la nuit : si vous voulez encadrer le récit, diffusez l’information plus rapidement, car vous savez qu’il y aura un rapport des faits que vous jugerez inexact ».
Le Hamas publie un rapport sans données précises qui établit un récit. Israël essaie de comprendre ce qui s’est passé et d’être totalement exact. Et le temps qu’ils publient leurs données, je peux les envoyer aux responsables à Washington, mais le monde ne sait jamais qu’elles existent.
Vous avez insisté ? Vous avez pris contact avec qui en Israël et vous avez dit : « Les gars, quelle est votre version de l’histoire » ?
Je ne dirai pas exactement à qui nous parlons.
Mais j’ai souvent parlé à des gens à une, deux ou trois heures du matin et je leur ai dit : « Quand Washington se réveillera, si votre version de l’histoire n’est pas connue… ».
C’est terminé.
Parce que c’est ainsi que fonctionnent les médias d’information.
Et ils se contentent de hausser les épaules ?
Non, ils ne se contentent pas de hausser les épaules. L’explication honorable est que Tsahal ne veut pas dire ce qui s’est passé tant qu’ils ne sont pas sûrs d’avoir raison.
C’est en ce qui concerne Tsahal. Qu’en est-il de la diplomatie publique civile ?
Ils dépendent des rapports de Tsahal, donc c’est un processus dérivé. Comment accélérer les choses ? Comment trouver le moyen de dire quelle est votre évaluation initiale ?

Le 17 octobre 2023 (lorsque le Hamas a faussement accusé Israël d’avoir bombardé l’hôpital Al-Ahli et tué des centaines de personnes), aucun responsable civil n’a déclaré : « Nous ne ciblons pas les hôpitaux. Nous étudions la question. » Personne n’a même prononcé ces mots. Même au niveau le plus élémentaire, je trouve [l’échec actuel de la diplomatie publique en temps réel] stupéfiant.
Nous avons des difficultés avec cela parce que vous vous demandez si je m’inquiète pour l’Amérique. L’Amérique a été nourrie d’une couverture médiatique de cette guerre qu’Israël n’a tout simplement pas réussi à contrer efficacement. Et il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire par la voie diplomatique pour y remédier. Mon mégaphone s’adresse principalement au monde politique. J’ai plus d’impact sur la communication publique ici qu’aux États-Unis. Il serait inapproprié pour moi d’essayer de façonner l’opinion publique aux États-Unis.
L’Amérique a été nourrie d’une couverture médiatique de cette guerre qu’Israël n’a tout simplement pas réussi à contrer efficacement.
C’est donc une observation sur les modes de communication modernes dans la guerre moderne : le Hamas s’est superbement débrouillé en combattant de cette manière, et c’est lui donner du crédit pour avoir fait quelque chose de très mal…
Ils ont été efficaces, et Israël ne l’a pas été.
C’est vrai. Mais vous savez, l’opinion publique américaine est encore largement pro-israélienne. Ce que j’ai dit aux gens ici, c’est qu’ils doivent s’inquiéter de la fin de cette guerre, car la mémoire générationnelle ne remonte pas à la fondation de l’État, ni à la guerre des Six Jours, ni à la guerre du Kippour, ni même à l’Intifada.
Cela commence par cette guerre, et vous ne pouvez pas ignorer l’impact de cette guerre sur les futurs décideurs politiques – pas ceux qui prennent les décisions aujourd’hui, mais ceux qui ont 25, 35, 45 ans aujourd’hui et qui seront les dirigeants des 30, 40 prochaines années. Nous parlons en termes de ce que les gens ont absorbé.
J’ai grandi avec l’histoire de la fondation [de l’État d’Israël]. Je me souviens de la guerre des Six Jours. Ce n’est pas le souvenir qu’auront les futurs décideurs politiques. Joe Biden est le dernier président de sa génération dont les souvenirs, les connaissances et la passion pour Israël remontent à l’histoire de la fondation.
Qu’est-ce que cela signifie pour la relation entre Israël et le parti démocrate ?
Permettez-moi de prendre cette question à deux niveaux, car si vous me demandez si je suis inquiet, je le suis pour les limites des deux partis.
Le parti républicain adhère de plus en plus à une philosophie isolationniste. Il est quelque peu périlleux qu’Israël fasse exception à cette règle. Si la règle générale est de s’occuper de ses propres affaires, ce n’est pas la même chose que les républicains avec lesquels j’ai travaillé au fil des années sur la politique au Moyen-Orient, qui sont interventionnistes et considèrent qu’Israël fait partie de notre présence dans le monde. Si vous n’appréciez pas notre présence dans le monde, cela diminue l’importance que vous accordez à votre meilleur allié dans la région.
Du côté démocrate, la sympathie et l’empathie pour la cause palestinienne sont larges mais ne conduisent pas à un sentiment anti-israélien, sauf à l’extrême. Je pense franchement que la résolution et le traitement de la question des différends israélo-palestiniens sont essentiels pour Israël, mais c’est ce sur quoi les membres du parti démocrate vont se concentrer. C’est ce sur quoi nous nous sommes concentrés en faisant pression pour la normalisation israélo-saoudienne, pour la mise en place d’un processus visant à reconnaître la nécessité d’une autonomie palestinienne à l’avenir. Traiter cela comme quelque chose qui ne mérite même pas d’être exprimé, c’est s’aliéner les gens. Ce n’est qu’à la marge que les gens deviennent anti-Israël.
« Je pense que le défi de conserver un large soutien bipartisan est un défi qui peut être gagné. Mais cela doit être un objectif. »
Donc si l’on regarde l’arithmétique, si l’on perd les deux marges, il faut rester bipartisan. Vous avez besoin d’un large soutien. Et je pense que le défi de conserver ce large soutien bipartisan est un défi qui peut être gagné. Mais cela doit être un objectif. Cela fait 76 ans qu’Israël aborde l’Amérique de cette manière. Je mettrais et j’ai mis fortement en garde contre le risque de changement, car on ne sait pas laquelle de ces deux marges finira par devenir un plus grand défi. Vous voulez conserver votre capacité, quoi qu’il arrive, à garder une majorité.
Cette administration et la future administration semblent croire qu’une certaine normalisation saoudienne reste possible pour Israël. Est-ce basé sur le sentiment que l’actuelle coalition israélienne est prête à en faire assez pour rallier les Saoudiens à sa cause ?
Je ne travaille pas directement avec les Saoudiens sur ce dossier, mais je travaille en étroite collaboration avec notre équipe. Il reste profondément dans l’intérêt d’Israël, de l’Arabie saoudite et de l’Amérique qu’il y ait une normalisation saoudienne. Les deux questions seuils qui doivent être résolues pour que cela soit réalisable sont le calme à Gaza et une voie vers le traitement des questions d’autonomie palestinienne. Je ne pense pas que cela signifie accepter un état final, un résultat final. Cela peut signifier l’utilisation d’un langage qui est très contraignant ici en termes de ce qui serait potentiellement un résultat si les conditions nécessaires sont remplies.

Les conditions nécessaires ont toujours été la sécurité d’Israël, le droit d’Israël à se défendre et l’absence d’un État palestinien militarisé. J’ai essayé de mille façons différentes d’engager une conversation à ce sujet depuis que je suis ici. Je pense qu’il est juste de dire que la plupart des Israéliens ne sont pas prêts à avoir cette conversation. Je pense qu’il est également juste de dire que, pour cette raison, les dirigeants n’ont pas fait grand-chose pour les préparer aux choix difficiles qui les attendent.
Sur le plan stratégique, il y a la normalisation saoudienne, qui est énorme. Quant à ce qu’il faut dire sur un État palestinien, c’est assez peu. Cela doit être sincère et réel. Les paroles doivent être suivies d’un engagement, et elles ne fonctionneront que si elles fonctionnent.
Pour moi, dire des choses qui sont politiquement difficiles en échange de choses qui sont stratégiquement existentielles n’est pas un choix si difficile à faire. C’est ce que j’essaie de faire depuis des mois. Lorsque je le fais de cette manière, j’amène les gens à avoir une conversation. Je les amène à cesser de dire : « Vous, les Américains, vous venez ici en disant ces choses délirantes ».
« En se rangeant du côté d’Israël au cours des 15 derniers mois, malgré l’opposition massive des médias et de certains membres de son propre parti, on peut dire que cela a contribué à rendre insurmontable le défi qu’il devait relever pour être réélu. »
Mais il faudra pour cela des dirigeants prêts à prendre des risques politiques. Le président Biden a démontré avec beaucoup de force ce que signifie avoir le caractère nécessaire pour prendre des risques politiques. En se rangeant du côté d’Israël au cours des 15 derniers mois, malgré l’opposition massive des médias et de certains membres de son propre parti, on peut dire que cela a contribué à rendre insurmontable le défi qu’il devait relever pour être réélu.

Il l’a fait parce que c’était la bonne chose à faire. J’espère que l’on y prêtera attention et qu’il sera considéré comme une leçon objective.
J’aimerais vous faire part d’un peu de ma philosophie personnelle, et il y a une question à la fin : Il me semble que ce tout petit pays est entouré d’un grand nombre de personnes qui veulent le détruire. Nous avons baissé notre garde sur un front, et nous en subissons encore les conséquences, et il s’agissait en fait de l’un des envahisseurs potentiels les moins puissants. Il s’agit d’un pays profondément menacé dans une région impitoyable. En même temps, il a un gouvernement qui divise, un gouvernement extrémiste, qui colore l’impression que chacun se fait de cet Israël, et qui, je pense, est une menace pour la démocratie israélienne. Comment réagissez-vous à cette description ?
En tant que simple citoyen, j’ai le luxe de pouvoir m’exprimer sur la politique intérieure israélienne. En tant que représentant des États-Unis ici, je pense pouvoir dire que nous avons exhorté les dirigeants de ce pays, tant au sein de la coalition qu’en dehors de celle-ci, à démontrer par leurs actions et leurs paroles soulignaient l’importance de mener la guerre de la bonne manière, de rechercher la paix de la bonne manière et d’envisager l’avenir de la bonne manière.
Le fait qu’il s’agisse d’un défi politique ne devrait pas être une surprise compte tenu des menaces auxquelles Israël est confronté tout autour de lui et de la nature divisée du débat politique ici. Je pense que la question de la protection des institutions démocratiques – de la liberté d’expression à l’intégrité des systèmes juridiques – est quelque chose de très clair pour nous. Nous en parlons non seulement ici, mais aussi dans le monde entier. Je vais devoir remettre à plus tard la question de savoir « comment vous analysez l’impact des acteurs actuels de la coalition ».
Permettez-moi d’essayer de vous poser une question plus large sur laquelle vous pourrez peut-être donner un peu plus d’informations. L’essence même de l’alliance est qu’il s’agit d’une alliance entre deux nations libres, deux nations démocratiques. Êtes-vous inquiet pour le bien-être de cette relation dans le contexte de ce qui se passe avec la démocratie israélienne ? Ou, pour le dire autrement, êtes-vous inquiet de ce qui se passe pour la démocratie israélienne en raison de l’impact potentiel que ça pourrait avoir sur ce qui est une relation essentielle, une relation existentielle ?
J’élargirai encore davantage votre question. Je m’inquiète de la santé de la démocratie dans de nombreuses régions du monde. C’est quelque chose qui prend des décennies et des siècles à construire et qui peut être endommagé en peu de temps. C’est un grave danger. C’est vrai dans mon propre pays. C’est vrai ici. C’est vrai dans de nombreuses autres parties du monde.
Je pense qu’un des fondements de la relation américano-israélienne est la relation entre deux grandes démocraties. Lorsque nous disons qu’il est essentiel qu’Israël reste un État juif et démocratique, nous ne prenons pas la deuxième partie à la légère.
Je ne veux pas ignorer la capacité de la démocratie à perdurer, que ce soit ici ou ailleurs. Mais il faut de la vigilance et de l’action politique.
La souveraineté populaire revient au peuple. Peu importe qu’il s’agisse d’un système d’élection directe ou d’un système de coalition. Les gens votent. Lorsqu’ils votent, ils le font en connaissance de cause. Les candidats doivent s’exprimer de sorte à ce que le public puisse leur dire : C’est ce que nous voulons. Je ne connais pas de meilleur système que la souveraineté populaire, mais dans un système démocratique, il y a le risque que les gens ne se sentent pas concernés.
« Lorsque nous disons qu’il est essentiel qu’Israël reste un État juif et démocratique, nous ne prenons pas la deuxième partie à la légère. »
C’est là que je me tourne vers les dirigeants. Les dirigeants doivent faire comprendre les enjeux. Ce fardeau incombe à l’opposition comme à la coalition. La manière de s’engager, d’unir les gens, de subordonner les intérêts individuels aux intérêts du pays est implicite dans tout cela.

Je suis un optimiste. D’une certaine manière, je considère que le système israélien permet des solutions plus faciles que d’autres systèmes. Si un groupe veut former un autre type de coalition, il n’est pas nécessaire d’avoir des extrêmes fous en son sein. Il existe de multiples façons d’y parvenir. Mais il faut mettre de côté certaines questions individuelles, des questions personnelles, et donner la priorité au bien de la nation, par rapport à d’autres choses qui sont importantes mais pas nécessairement existentielles. C’est un défi de la démocratie.
Le peuple d’Israël a fait preuve, tout au long de cette guerre, d’une énorme capacité de résistance et d’un esprit d’unité en tant que nation. Cela a duré longtemps et a été mis à l’épreuve dans de nombreux moments. La suite dépend du peuple. J’espère sincèrement que les gens ne renoncent pas à leur rêve.
J’aimerais vous poser encore quelques questions, si vous avez le temps.
Je voudrais en fait dire un mot sur le président Carter. En effet, aujourd’hui, les États-Unis enterrent un président, organisent des funérailles pour un président. Je suis assis ici dans un pays dont la sécurité a été renforcée par ses efforts à Camp David pour forger un accord avec l’Égypte, qui est passée d’une nation hostile à une nation avec laquelle Israël entretient des liens étroits, même s’ils ne sont pas toujours faciles, et où, près d’un demi-siècle plus tard, cet accord fait partie des fondements de la sécurité de la nation.

Comme pour tous les dirigeants, les gens peuvent choisir ce avec quoi ils sont d’accord ou non. Mais je pense qu’il faut remercier ici le président Carter pour sa contribution à la sécurité d’Israël, en dépit de ses divergences sur de nombreuses questions importantes.
Ces divergences sont en grande partie apparues après sa présidence. En ce qui concerne l’Iran, [qui n’est pas sans lien avec la présidence Carter], devrions-nous vouloir accélérer la chute du régime ? Israël et les États-Unis vont-ils devoir cibler les installations nucléaires iraniennes ? Savons-nous où ils en sont en matière d’armement ? Quelle est votre vision globale de la situation ?
Il est évident que je ne peux pas m’étendre sur le sujet. Le président a clairement indiqué à de nombreuses reprises à quel point il prenait au sérieux la menace des capacités nucléaires potentielles de l’Iran. Nous avons continué à travailler ensemble pour comprendre où en est l’Iran sur cette voie, s’il a pris ou non une décision stratégique qui l’accélèrerait.
Ayant travaillé sur des éléments clés de l’accord sur le nucléaire iranien, je pense que la décision de s’en retirer a conduit l’Iran à accélérer l’accumulation de matière [radioactive]. Mais il reste encore beaucoup d’autres problèmes à résoudre pour que l’Iran puisse réellement disposer d’une capacité nucléaire.

La question du rôle de l’Iran dans la région nous ramène à ce que nous avons dit à propos de l’Arabie saoudite. À la fin de cette guerre, les alliances de l’Iran dans la région sont plus faibles qu’elles ne l’ont été depuis des décennies. Sa dépendance à l’égard du Hezbollah s’est avérée ne pas être sa première ligne de défense. La défaite militaire du Hamas a permis à un autre de ses mandataires de devenir beaucoup moins menaçant pour la région. Il reste les Houthis, qui sont très dangereux et doivent être pris très au sérieux. Mais si Israël était entouré d’un cercle, il n’est plus qu’un arc de cercle.
On ne peut pas supposer qu’il s’agit d’un état permanent, et il faudra être vigilant pour s’assurer qu’il ne se reconstitue pas. L’Iran doit prendre la décision d’accélérer ou non sur la voie qui mène au type de décision que vous évoquez. Je ne pense pas que cette décision doive être ou sera prise avant qu’une conclusion ne soit tirée.
Enfin, quelle est la voie à suivre pour Gaza ?
Le défi fondamental consiste à créer une alternative au Hamas, en commençant par la sécurité. Et cela va être difficile. Il y a eu beaucoup de conversations qui ont jeté les bases d’idées sur la façon d’aller de l’avant. Mais il va falloir faire preuve d’une certaine volonté pour aborder la question du rôle de l’Autorité palestinienne, car à mon avis, il n’y a pas d’autre solution pour assurer l’administration civile de base.
Qu’en est-il d’une force de sécurité sur le terrain, une force qui n’est pas israélienne ?
La sécurité sera le plus grand défi, parce qu’aller faire de l’administration civile à Gaza sans sécurité est une entreprise assez périlleuse. Je ne pense pas qu’il y ait de solution simple. Je ne pense pas qu’il y ait une solution unique. Mais encore une fois, il faut presque impliquer les Palestiniens.
Nous essayons de négocier une libération des otages. Le Hamas dit : « Nous voulons tirer parti de ces otages pour survivre, nous voulons que vous mettiez fin à la guerre ». Pourquoi, alors, le « jour d’après » ne fait-il pas partie de la discussion ? En d’autres termes, le Hamas veut qu’Israël se retire. D’accord, Israël pourrait être prêt à se retirer si nous disposions d’un mécanisme impliquant, je ne sais pas, les forces égyptiennes et les forces des Émirats arabes unis supervisées par les États-Unis. En d’autres termes, pourquoi ne pas construire un cadre pour que, ce que le Hamas croit qu’il va se passer quand Israël se retirera – qu’il pourra revivre -, ne se produise pas ?
Si votre objectif est de sauver la vie des otages, je ne suis pas sûr qu’aller jusqu’à la fin du statut définitif de l’administration de Gaza soit le moyen d’y parvenir. Il faut procéder par étapes. Nous avons évidemment pensé que l’approche progressive était la plus à même de sauver des vies. Il est évident que les questions que vous soulevez sont au bout du compte. Depuis le début de la guerre, nous disons qu’il faut se concentrer sur le jour d’après pendant que l’on fait la guerre, que l’on ne gagne pas une guerre sur le champ de bataille, mais que l’on gagne une opportunité pour la paix. On gagne une opportunité pour la paix, qui doit consister à mettre en place une nouvelle forme d’administration civile.
Il existe des moyens de mettre en place des forces de sécurité pour résoudre ce problème, mais ce sera difficile, et cela ne se fera probablement pas d’un seul coup, et ce ne sera pas, comme si le premier jour était parfait. Mais il faut bien commencer quelque part. Et si l’on ne commence pas avec les restes de la Force de sécurité palestinienne ou avec une force nouvellement formée, si l’on n’a pas la possibilité de bénéficier d’une formation internationale et d’un soutien logistique, cela n’arrivera pas.
« Depuis le début de la guerre, nous disons qu’il faut se concentrer sur le jour d’après pendant que l’on fait la guerre, que l’on ne gagne pas une guerre sur le champ de bataille, mais que l’on gagne une opportunité pour la paix. On gagne une opportunité pour la paix, qui doit consister à mettre en place une nouvelle forme d’administration civile. »
Ce serait un très bon résultat si les forces de sécurité arabes en faisaient partie. Mais c’est un problème de poule et d’œuf. Elles ne viendront pas et ne feront rien d’elles-mêmes s’il n’y a pas de plan pour passer le relais à une force de sécurité locale. Le rôle de l’Autorité palestinienne n’est pas étranger à cette situation. Ce n’est un secret pour personne : l’AP doit faire le ménage et procéder à de nombreuses réformes importantes. Mais il faut que cela soit possible. Et il doit y avoir une voie pour que l’AP puisse accepter ce qui se passe à Gaza, et peut-être que cela fasse partie de la solution à long terme. Rien de tout cela n’est parfait ou facile.
Je ne peux évidemment pas entrer dans les détails des différentes conversations entre les différents partenaires arabes, Israël et les États-Unis, mais de nombreuses conversations ont eu lieu et des idées ont été émises. Il faut passer des idées à un plan échelonné. Je ne pense pas qu’il soit trop tôt pour accélérer les choses. Le secrétaire d’État Blinken a beaucoup insisté sur ce point, même au cours de ces derniers mois.

Si la conclusion d’un accord sur les otages nous permettait d’entrer dans la première phase, cela nous inciterait à poursuivre ces conversations qui n’aboutissent pas à une conclusion finale et à forcer le processus. Car cela soulève la question de ce qui se passera à la fin dans un délai beaucoup plus court.
Quant à la question de savoir qui serait présent si cela n’aboutit pas, je ne pense pas que la plupart des Israéliens ou Tsahal veuillent qu’Israël devienne une force permanente protégeant les rues de Gaza. Mais il faut bien qu’il y ait quelque chose. Et Israël a des responsabilités en vertu du droit international s’il devient une puissance occupante.
Tout le monde, à l’exception du Hamas, a intérêt à trouver une solution. Tout est lié. Le Hamas peut rêver de se battre un jour de plus. Israël peut vouloir que le Hamas ne puisse jamais rêver de se battre un jour de plus. Il faudra bien un jour se dire qu’il est temps de commencer à construire l’avenir. Il n’y a pas de garanties.
« Tout le monde, à l’exception du Hamas, a intérêt à trouver une solution. »
Israël peut garantir qu’un 7 octobre ne se reproduira jamais. Il peut fournir un plan de sécurité et protéger Israël. Mais il va falloir mettre en place un processus de reconstruction de Gaza dans un environnement où le Hamas a été vaincu en tant que force militaire, en tant qu’armée organisée. Vous avez supprimé leur appareil civil. Et vous ne vous retrouvez pas avec le chaos dans les rues. Pour cela, il faudra progresser sur ces questions.
Où en sommes-nous ? Israël a vaincu l’armée organisée. Et le Hamas en tant que gouvernement civil ? Il n’est pas détruit, n’est-ce pas ?
Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de gouvernance civile à Gaza en ce moment. Ce qui existe, c’est l’accès à l’aide. Et Israël s’efforce de priver le Hamas de cette possibilité. Nous sommes d’accord pour dire que le Hamas ne doit pas être la source [d’aide], mais il est nécessaire de tolérer une certaine capacité résiduelle, car l’alternative est de la supprimer complètement, ce qui n’est pas possible. L’idée est donc de se rapprocher le plus possible de zéro.
Pour l’essentiel, l’aide ne tombe pas entre les mains du Hamas.
Je ne veux pas spéculer sur les pourcentages. J’entends des gens dire que la quasi-totalité [de l’aide est réquisitionnée par le Hamas]. Je ne le crois pas. Il suffit de regarder les images en provenance de Gaza. Les gens mangent de la nourriture.
Le Hamas gagne-t-il de l’argent d’une manière ou d’une autre ? Est-ce qu’il fait payer les camions qui passent, est-ce qu’il impose des paiements d’une manière ou d’une autre ? Volent-ils les camions ? Il y a un peu de tout cela. Je ne sais pas quel est le pourcentage. L’objectif est de se rapprocher le plus possible de zéro. Si l’on décide de ne plus rien faire, le problème n’en sera que plus grave.
Il n’y a pas de solution instantanée. Le défi consiste à mettre en place une alternative au Hamas qui soit dotée d’une capacité de gouvernance et d’une capacité de sécurité. Le plus tôt sera le mieux.
Je vous remercie.