Israël en guerre - Jour 370

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Meïr Ben-Shabbat, alors chef du Conseil de sécurité nationale, s'exprimant lors d'une réunion trilatérale des conseillers à la sécurité nationale israéliens, américains et russes, à Jérusalem, le 25 juin 2019. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)
Meïr Ben-Shabbat, alors chef du Conseil de sécurité nationale, s'exprimant lors d'une réunion trilatérale des conseillers à la sécurité nationale israéliens, américains et russes, à Jérusalem, le 25 juin 2019. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)
Interview

Meïr Ben-Shabbat: « Pourquoi Israël va à Jénine ? Parce que l’AP ne fait pas son travail. »

Si l’AP ne combat pas plus fermement le terrorisme palestinien, Tsahal devra se lancer dans une opération majeure en Cisjordanie, comme en 2002, au plus fort de la Seconde Intifada, déclare l’ex-conseiller à la Sécurité nationale

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

L’incapacité du dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, à lutter contre le terrorisme est un pari délibéré et risqué, avertit l’ancien conseiller à la Sécurité nationale d’Israël. Et Israël ne devrait pas laisser les attentats terroristes du week-end dernier dicter l’ordre du jour de la visite du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, note Meïr Ben-Shabbat.

« C’est un jeu dangereux », a déclaré le principal assistant de sécurité du Premier ministre Benjamin Netanyahu de 2017 à 2021, au Times of Israel dimanche. « Si c’est destiné à servir de levier pour faire pression sur Israël, c’est avant tout dangereux pour Abu Mazen [le nom de guerre d’Abbas et sous lequel il est connu auprès des Palestiniens]. »

Vendredi soir, un terroriste palestinien de 21 ans originaire de Jérusalem-Est a tué sept personnes, dont un adolescent de 14 ans et en a blessé trois autres dans le quartier de Neve Yaakov à Jérusalem. Le lendemain matin, un Palestinien de 13 ans a tiré sur deux hommes – un père et son fils – et les a grièvement blessés près de la Vieille Ville.

Ben-Shabbat a déclaré que si Abbas ne combat pas plus fermement le terrorisme palestinien, Tsahal pourrait être contraint de se lancer dans une opération militaire majeure en Cisjordanie, comme il l’a fait en 2002 au plus fort de la Seconde Intifada.

« Abu Mazen se souvient bien de l’époque de l’Opération Bouclier défensif », a déclaré Ben-Shabbat. « Il ne veut pas en arriver là, mais il y arrivera. Les services de sécurité israéliens ont pour responsabilité première de protéger les vies israéliennes. Si nous arrivons à une situation où nous devons le faire, nous le ferons. »

« Le terrorisme ne peut pas être un levier pour faire pression sur Israël », a-t-il ajouté. « Si nous leur donnons [à l’AP] ce qu’ils veulent, ils combattront le terrorisme ; sinon, ils nous laisseront nous occuper du terrorisme – cette façon de penser est une véritable erreur. Cela ne doit pas faire partie de la boîte à outils de l’AP. »

Les forces de sécurité et de secours sur les lieux d’une fusillade terroriste meurtrière à Neve Yaakov, à Jérusalem, le 27 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Le chef de l’AP a annoncé qu’il suspendait sa coordination sécuritaire avec Israël la veille de l’attaque de Neve Yaakov, au lendemain d’une opération de Tsahal à Jénine en Cisjordanie contre une cellule terroriste qui a fait dix morts palestiniens, pour la plupart des hommes armés et des membres de la cellule terroriste, mais au cours de laquelle au moins une civile a également été tuée.

Tsahal a déclaré que l’opération de jeudi dans le camp de réfugiés de Jénine était nécessaire pour déjouer les plans d’attaque imminents d’une cellule terroriste locale du Jihad islamique palestinien. Le groupe avait préparé des explosifs et des armes à feu, selon l’armée. Jénine est largement connu pour être un bastion du terrorisme palestinien.

Ben-Shabbat, actuellement chercheur invité à l’Institut d’études de sécurité nationale de l’université de Tel Aviv, a déclaré que si l’AP ne soutient pas activement le terrorisme, elle ne parvient cependant pas à le combattre.

« L’AP ne fait tout simplement pas sa part », a-t-il insisté. « Elle ne veut être en conflit avec personne, alors elle laisse les voyous de Naplouse créer le groupe terroriste de la Fosse aux Lions, elle laisse les voyous de Jénine stocker des armes et prendre le contrôle du camp de réfugiés.

« Et elle laisse Israël gérer les conséquences. »

Le dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, montrant un graphique lors de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies au siège de l’ONU, à New York, le 23 septembre 2022. (Crédit : Bryan R. Smith/AFP)

« Si l’AP ne veut pas lutter contre le terrorisme », affirme l’ancien responsable de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, « on ne voit pas pourquoi l’organisation devrait exister ».

« Vous [l’AP] avez reçu la permission d’être ici dans le cadre du processus d’Oslo », a déclaré Ben-Shabbat. « Vous êtes venus ici avec suffisamment de personnes, vous avez reçu des armes, vous avez reçu des responsabilités. Nous entendons toujours cette déclaration selon laquelle ‘l’AP ne peut pas. Elle ne peut pas à Gaza, elle ne peut pas à Jénine, elle ne peut pas à Naplouse’. Si vous ne pouvez pas, alors que faites-vous ici ? »

Les affrontements et les arrestations interviennent à un moment où la violence augmente en Cisjordanie, l’armée poursuivant ses opérations antiterroristes à la suite d’une série d’attentats terroristes qui ont fait 31 morts en 2022.

Farouk Salameh, à droite, tué dans un raid israélien à Jénine le 3 novembre 2022 et son cousin, Wadee al-Houh, à gauche, l’ancien chef du groupe terroriste de la Fosse aux Lions basé à Naplouse, tué dans un raid similaire à Naplouse le 25 octobre 2022. (Crédit : Réseaux sociaux)

« Tout cet épisode commence à Jénine », a déclaré Ben-Shabbat. « Pourquoi Israël va-t-il à Jénine ? Parce que l’AP ne fait pas son travail. »

Feuille de route contre l’Iran

La visite de Blinken en Israël lundi et mardi sera certainement axée, au moins en partie, sur les attentats. Mais Ben-Shabbat a souligné qu’Israël ne doit pas laisser les conversations avec le plus haut diplomate américain se concentrer sur le terrorisme palestinien.

« Ce serait une erreur de laisser la question palestinienne prendre le dessus sur l’agenda de la visite », a-t-il déclaré. « L’approche d’Israël doit être de présenter la question palestinienne comme secondaire lors de la visite de Blinken. »

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken visitant l’université américaine dans la capitale égyptienne, Le Caire, le 29 janvier 2023. (Crédit : Mohamed Abd El Ghany/Pool/AFP)

Blinken rencontrera séparément Netanyahu et Abbas, et appellera « largement à prendre des mesures pour désamorcer les tensions », a déclaré aux journalistes le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel.

Ben-Shabbat a exposé trois raisons pour lesquelles la question palestinienne ne doit pas dominer la visite.

« Premièrement, ne pas laisser le terrorisme palestinien avoir le sentiment qu’il dicte l’agenda diplomatique », a-t-il expliqué. « Deuxièmement, la capacité des Américains à changer les choses chez les Palestiniens est relativement limitée. La clé ici n’est pas entre les mains des Américains, et l’implication de Washington dans ce domaine consiste principalement à faire pression sur Israël. »

Le vice-ministre des Affaires étrangères iranien Reza Najafi, à gauche, et- le porte-parole de l’Agence iranienne de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi, quittant le palais Coburg, où des négociations nucléaires ont lieu, à Vienne, le 5 août 2022. (Crédit : AP Photo/Florian Schroetter)

« Troisièmement, et c’est la raison la plus importante à mes yeux, la principale menace pour Israël et la région est l’Iran. Et l’Amérique est extrêmement importante ici, c’est l’acteur clé. »

« Israël et les États-Unis devraient se concentrer sur la conclusion d’un accord sur une feuille de route contre l’Iran », a-t-il déclaré.

Les pourparlers entre Téhéran et les puissances mondiales P5+1 en vue d’un retour à l’accord nucléaire de 2015 (JCPOA) étant au point mort, et les chances de parvenir à un accord s’amenuisant de jour en jour, Ben-Shabbat a exhorté Israël à demander aux États-Unis et aux puissances européennes de déclarer que l’accord est caduc et qu’ils renverront la question du nucléaire iranien au Conseil de sécurité des Nations unies, conformément au mécanisme de « retour en arrière » du JCPOA.

Il a également demandé un renforcement des sanctions sur les exportations pétrolières de Téhéran, une surveillance de ses importations de produits à double usage et un isolement diplomatique accru de l’Iran.

Au cours de la visite de Blinken, a déclaré Ben-Shabbat, « Israël devrait s’efforcer de parvenir à un accord sur de nouvelles mesures visant à retarder les progrès du programme nucléaire iranien, et de parvenir à de nouveaux accords sur une option militaire contre la République islamique ».

L’ambassadeur chinois aux Nations unies, Liu Jieyi, à gauche, et l’ambassadeur français, François Delattre, votant en faveur d’une résolution du Conseil de sécurité approuvant l’accord sur le nucléaire iranien, au siège des Nations unies, le 20 juillet 2015. (Crédit : AP/Mark Lennihan)

Si Netanyahu parvient à des accords avec Blinken sur l’Iran, a-t-il fait valoir, cela ouvrira la porte à des progrès significatifs sur les liens d’Israël avec l’Arabie saoudite et d’autres États arabes du Golfe.

« S’entendre sur une feuille de route ouvre la voie à la guérison de la fracture entre Washington et Ryad », a-t-il dit, « à l’affaiblissement des liens croissants entre les États du Golfe et la Russie et la Chine, et à l’avancement des initiatives visant à aider à gérer la crise énergétique et la crise alimentaire mondiale ».

Les États-Unis ont historiquement pris la tête de la diplomatie au Moyen-Orient.

La visite de Blinken fait partie d’un effort de l’administration Biden pour s’engager rapidement avec Netanyahu, qui est revenu au pouvoir fin décembre à la tête du gouvernement le plus à droite de l’Histoire d’Israël.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le conseiller à la sécurité nationale, Meïr Ben-Shabbat, tenant une vidéoconférence au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, le 9 mars 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le Premier ministre israélien avait entretenu des relations tendues avec le dernier président démocrate, Barack Obama, Netanyahu s’étant ouvertement rangé du côté de ses adversaires républicains contre la diplomatie américaine avec l’Iran.

Le conseiller à la Sécurité nationale de Biden, Jake Sullivan, s’est rendu en Israël ce mois-ci pour discuter de l’Iran, après que les efforts de Biden pour rétablir l’accord nucléaire de 2015 – auquel s’oppose fermement Netanyahu – se sont éteints.

Plus de 20 ans après l’Opération Bouclier défensif

Ben-Shabbat, qui a passé des dizaines d’années à combattre le terrorisme palestinien émanant de Gaza, a déclaré qu’il ne voyait pas les récentes attaques comme une réaction au retour au pouvoir de Netanyahu ou à ses alliés de droite radicale.

Selon lui, le principal contexte de la montée générale de la violence est le fait que l’Opération Bouclier défensif, qui a dévasté l’économie palestinienne alors que Tsahal reprenait les villes de Cisjordanie pour mettre fin à une série d’effroyables attentats-suicides, remonte maintenant à 21 ans.

Un soldat de Tsahal montant la garde à Naplouse pendant l’Opération Bouclier défensif, en 2002. (Crédit : Unité du porte-parole de Tsahal/Flickr)

« Le public [palestinien] qui a vécu l’Opération Bouclier défensif ne veut vraiment pas revenir à cette époque », a déclaré Ben-Shabbat. « Mais la jeunesse connaît moins ces expériences. »

Il a également pointé du doigt les réseaux sociaux comme un moyen pour les terroristes palestiniens d’être glorifiés, et pour les jeunes Palestiniens d’être radicalisés. « Il peut s’agir d’un petit nombre d’attaquants, mais ils ont un large cercle de partisans. Et cela est lié au sentiment qui émane d’Abu Mazen. Si vous fournissez des incitations aux attaquants, vous encouragez la population, et vous les transformez en héros de la société. »

« Nous devons exercer une pression sérieuse sur l’Autorité palestinienne autour de tout ce qui a trait à la création d’une atmosphère différente », a-t-il poursuivi.

Ben-Shabbat a déclaré que la réponse de son ancien patron aux attaques du week-end a été appropriée.

« De façon générale, je pense que sa réaction est responsable, rationnelle, extrêmement réfléchie, et offre une réponse à cette réalité », a-t-il déclaré. « Le défi n’est pas simple, puisque nous parlons de terrorisme diffus….. Le défi est avant tout celui des services de sécurité. Dans ces circonstances, je pense que les politiques du Premier ministre sont extrêmement responsables. »

Des policiers et des secouristes sur les lieux d’une fusillade à Bnei Brak, le 29 mars 2022. (Crédit : Avshalom Sasson/Flash90)

Bien qu’arrêter les terroristes – des « loups solitaires » – soit un défi majeur, Ben-Shabbat a fait valoir qu’Israël peut réduire de manière significative le nombre d’attentats. Idéalement, les renseignements permettraient aux forces de sécurité d’attraper les terroristes potentiels avant qu’ils ne prennent la fuite.

« Si ce n’est pas le cas, alors la réaction la plus efficace est au moment de l’attaque », a-t-il poursuivi. « Plus les tentatives terroristes se termineront par la neutralisation de l’assaillant sans aucune victime de notre côté, plus ils comprendront qu’ils vont mourir sans raison. »

« Avoir plus de porteurs d’armes à feu autorisés en Israël, comme le préconise Netanyahu, contribuerait à cet effort », a-t-il soutenu.

Israël a également la capacité de réduire la glorification des terroristes. « Souvent, les services de sécurité israéliens disposent d’informations sur la situation personnelle de l’agresseur. Amour non partagé, isolement social, conflit familial. Et souvent, ils évitent de les rendre publiques parce que cela semble contraire à l’éthique. »

Des proches de la famille Shalalda regardant une pelleteuse démolir leur maison familiale à Al-Tur, dans l’est de Jérusalem, le 2 juillet 2020. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Ben-Shabbat a ajouté que la série de mesures décidées par le cabinet de sécurité samedi soir serait efficace.

« Il est important de détruire rapidement les maisons des terroristes », a-t-il dit. « C’est un moyen de dissuasion. Je peux dire, d’après ma propre expérience, qu’il y a de nombreux cas de personnes que nous avons arrêtées et qui nous ont avoué qu’elles projetaient de commettre des attentats, et nous leur avons demandé pourquoi elles ne les avaient pas commis. La chose qui leur barrait la route était les implications pour leurs familles. »

Le cabinet de sécurité a décidé de sceller immédiatement la maison du terroriste qui a perpétré l’attaque de vendredi, Alqam Khayri, dans le quartier A-Tur de Jérusalem-Est, avant sa démolition.

Les ministres ont également décidé d’annuler le bituah leumi [l’assurance nationale] et d’autres droits pour les membres de la famille des terroristes qui soutiennent leurs actions.

« Toute personne qui commet un attentat perdra non seulement sa maison de famille », a déclaré Ben-Shabbat, « mais aussi son pain et son bien-être économique ».

« Il s’agit de créer une conscience différente », a ajouté Ben-Shabbat.

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