Fin de la coopération sécuritaire avec Israël: Washington regrette le choix de l’AP
Les Palestiniens ont déjà tenté de mettre fin à cette coordination par le passé, sans grand succès - en partie en raison des avantages qu'ils tirent de cette relation
Les Etats-Unis ont dit jeudi regretter la décision de l’Autorité palestinienne (AP) de mettre fin à sa coordination sécuritaire avec Israël après un raid israélien au cours duquel neuf Palestiniens ont été tués dans un camp de réfugiés de Jénine, bastion du terrorisme palestinien.
« Evidemment, nous ne pensons pas que ce soit la bonne décision à prendre en ce moment », a déclaré à des journalistes une haute responsable du département d’Etat américain, Barbara Leaf. « Nous pensons, au contraire, qu’il est très important que les parties maintiennent voire approfondissent leur coordination sécuritaire. »
Elle a précisé que les Etats-Unis étaient en « contact étroit » depuis ce matin avec l’Autorité palestinienne et les Israéliens au sujet de ce raid et fait part des « préoccupations » américaines devant la dégradation de la situation sur le terrain.
Les Etats-Unis appellent les deux parties « à la désescalade », a-t-elle encore dit face au « potentiel que les choses puissent encore s’empirer » sur le terrain.
« A la lumière des agressions répétées contre notre peuple et des violations d’accords signés, notamment sécuritaires, nous considérons que la coordination sécuritaire avec le gouvernement d’occupation israélien cesse d’exister à partir de maintenant », a indiqué dans un communiqué le bureau du président de l’AP, Mahmoud Abbas, qui a décrété un deuil de trois jours.
Un responsable palestinien a déclaré que l’AP envisageait également de déposer des plaintes auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, de la Cour pénale internationale et d’autres organismes internationaux.
L’AP avait déjà pris une décision similaire en mai 2020 pour protester contre un projet israélien d’annexion de pans de la Cisjordanie.
La coordination sécuritaire entre Israéliens et Palestiniens – héritée des accord de paix d’Oslo (1993) ayant débouché sur la création de l’Autorité palestinienne – avait repris en novembre 2020. Sa suspension avait eu un effet notamment sur les transferts de patients palestiniens vers des hôpitaux israéliens.
L’armée israélienne a indiqué avoir mené une opération de contre-terrorisme visant des membres de l’organisation terroriste du Jihad islamique palestinien qui, d’après le ministre de la Défense Yoav Gallant, planifiaient une attaque en Israël.
Police publish footage of Yamam officers operating in Jenin this morning. Video shows gun battle and forces launching missiles and explosives at at the apartment where the PIJ members were hiding. pic.twitter.com/O7ThXt5jli
— Emanuel (Mannie) Fabian (@manniefabian) January 26, 2023
D’autres incidents ont éclaté ailleurs en Cisjordanie. Six Palestiniens ont été blessés par des tirs des troupes israéliennes lors d’affrontements près de Ramallah et de Qalqilya, selon des responsables de la santé palestiniens.
Le ministère de la Santé de l’AP a indiqué que lors d’affrontements près de la ville d’al-Bireh, près de Ramallah, une personne a été touchée à la poitrine et grièvement blessée, tandis que trois autres ont subi des blessures plus légères. Les quatre personnes ont été emmenées au centre hospitalier de Ramallah, a indiqué le ministère.
Dans des affrontements distincts près de Qalqilya, deux autres Palestiniens ont été modérément blessés par balle, selon le ministère.
Tsahal n’a pas encore fait de commentaire sur ces affrontements, qui sont survenus après le raid meurtrier de jeudi dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie.
Yousef Yahya Muhiesn, 22 ans, un dixième Palestinien a été tué par balles par les forces israéliennes jeudi, à Al-Ram près de Jérusalem, dans des conditions non précisées.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré pour sa part qu’Israël ne cherchait pas une escalade de la violence.
Après avoir tenu une réunion d’évaluation sécuritaire avec de hauts responsables de la Défense, Netanyahu a salué les forces de sécurité israéliennes.
« Netanyahu a clairement indiqué qu’Israël ne cherchait pas l’escalade, mais a donné l’ordre aux forces de sécurité de se préparer à tout scénario dans les différentes arènes pour assurer la sécurité des citoyens israéliens », a indiqué son bureau dans un communiqué.
Dans un message adressé aux ministres du gouvernement, le Bureau du Premier ministre a affirmé qu’il n’existe « aucune ville refuge pour les terroristes ».
« Partout où l’Autorité palestinienne ne remplit pas son devoir, nous serons obligés d’entrer et de déjouer les attaques terroristes », poursuit le message. Le Bureau du Premier ministre a également souligné que les forces de Tsahal ont essuyé les premiers tirs et ont fait tout leur possible pour éviter de toucher des civils innocents.
Le chef de la police des frontières, Amir Cohen, salue les officiers de l’unité Yamam pour avoir agi avec « courage, sang-froid et professionnalisme sous un feu nourri et au péril de votre vie ».
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken se rendra en Egypte dimanche, puis en Israël et Cisjordanie.
Il se rendra d’abord au Caire les 29 et 30 janvier, où il aura notamment un entretien avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, puis à Jérusalem et Ramallah où il rencontrera Netanyahu, son homologue Eli Cohen ainsi qu’Abbas, selon un communiqué.
Il insistera auprès des deux parties sur « la nécessité urgente de prendre des mesures de désescalade des tensions afin de mettre fin au cycle de violences qui a coûté la vie à trop de personnes innocentes », ajoute le texte.
Le déplacement de Blinken en Israël intervient une semaine après celui du conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, qui avait assuré le Premier ministre israélien du soutien des Etats-Unis.
Il s’agira du quatrième déplacement du secrétaire d’Etat américain en Israël depuis sa prise de fonction.
Au Caire dimanche et lundi, M. Blinken évoquera avec les autorités égyptiennes des questions régionales, y compris portant sur la Libye et le Soudan, selon le communiqué du département d’Etat.
Le ministère des Affaires étrangères du Caire a condamné le raid et exigé « l’arrêt immédiat » de ces activités. L’Égypte a appelé l’ONU et d’autres organismes internationaux à œuvrer pour « mettre fin aux agressions répétées contre le peuple palestinien ».
Ankara, quant à lui, a exprimé sa « tristesse » face aux pertes de vies humaines à Jénine et s’est dit « profondément préoccupé » par l’augmentation des tensions en Cisjordanie, appelant Israël à « empêcher une escalade » dans la région.