Israël en guerre - Jour 649

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Analyse

Après une campagne spectaculaire en Iran, Israël revient à Gaza

L'armée israélienne a pris le Hezbollah à revers et infligé de lourds dommages à un Iran puissant situé à 1 600 kilomètres de là. Pourquoi alors peine-t-elle à mettre fin au conflit avec le Hamas, un ennemi bien plus faible ?

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des soldats de l’armée israélienne opérant à Gaza, sur une photo diffusée le 16 décembre 2024. (Crédit : Armée israélienne)
Des soldats de l’armée israélienne opérant à Gaza, sur une photo diffusée le 16 décembre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

L’opération – tant attendue – qui a été lancée par Israël contre le programme nucléaire et balistique iranien est maintenant terminée.

Une nouvelle série de combats est tout à fait possible – mais le chapitre qui nous a occupés jusqu’à présent est dorénavant clos. Israël a fait preuve de capacités et de compétences absolument stupéfiantes, presque inconcevables. Le monde entier l’a d’ailleurs remarqué.

Les services de renseignement ont infiltré le cœur de ce qui était très certainement les organisations les plus sécurisées d’Iran. Israël savait très exactement où se trouvaient les généraux et les scientifiques spécialistes du nucléaire sur le territoire de la république islamique, lançant ses missiles et ses drones directement sur leurs appartements et décapitant ainsi les structures de commandement de Téhéran.

Les commandos israéliens ont mené des opérations en jouissant d’une liberté surprenante sur le sol iranien, construisant une base qui accueillait des drones et introduisant clandestinement des systèmes de missiles. Les avions de combat de Tsahal ont détruit les systèmes de défense antiaérienne iraniens, imposant leur supériorité aérienne au-dessus de la capitale iranienne, à l’extrémité du Moyen-Orient.

L’ampleur de la victoire d’Israël n’est pas encore connue, et elle ne le sera pas tant que les services de renseignement n’auront pas examiné tous les éléments à leur disposition et tant que les inspecteurs en provenance de l’international n’auront pas fouillé les décombres. Mais il s’agit bien d’une victoire. Le programme nucléaire iranien a pris un coup dur et si l’Iran décide de le relancer, il devra recourir à une initiative plus secrète, plus compartimentée dont l’aboutissement sera plus lent et plus difficile que la voie qu’il avait jusqu’à présent empruntée. Sa puissance n’a cessé de s’amoindrir s’agissant de ses forces de missiles balistiques : la moitié des commandants chargés des unités de missiles ont été tués et plus de la moitié de ses stocks ont été détruits. Si l’Iran peut très certainement se remettre au travail en vue de se remettre d’aplomb, Israël, de son côté, est susceptible de s’apercevoir des efforts potentiellement livrés par la république islamique pour y parvenir, et de frapper si nécessaire.

L’obstacle de la peur qui entourait jusqu’à présent l’idée même d’une attaque directe à l’encontre des installations déterminantes de l’Iran a été dépassé, peut-être de façon permanente. Après avoir perdu ses chefs militaires, ses installations nucléaires et balistiques et des centaines de soldats, les représailles de Téhéran se sont soldées par la mort de 28 personnes sur le sol israélien, avec des frappes qui ont aussi fait 1 400 blessés et qui ont déplacé 15 000 personnes. Ces ripostes ont assurément infligé des souffrances et des pertes à Israël – c’est indubitable – mais finalement en moindre nombre que ce qu’Israël avait pu anticiper.

Des manifestants scandent des slogans après les attaques américaines contre des sites nucléaires iraniens, tandis qu’une banderole anti-israélienne représentant des soldats iraniens se dirigeant vers le territoire israélien est visible en arrière-plan, à Téhéran, en Iran, le 22 juin 2025. (Crédit : AP Photo/Vahid Salemi)

Les attaques de l’Iran n’ont eu aucun effet sur l’offensive israélienne et toute la région a pu constater la faiblesse de la république islamique. Téhéran n’a pas été en mesure de protéger ses proxies au cours des 20 derniers mois, et pendant ces 12 jours, ses proxies n’ont pas pu protéger l’Iran.

Téhéran n’a pas été en mesure de protéger ses proxies au cours des 20 derniers mois, et pendant ces 12 jours, ses proxies n’ont pas pu protéger l’Iran

La réponse qui a été apportée par la République islamique aux attaques américaines a été encore moins intimidante : une frappe aux missiles télégraphiée et scénarisée sur une base, une attaque qui n’a causé aucun dommage significatif.

Le succès de l’opération israélienne « Rising Lion » a été à l’image de la campagne menée contre le Hezbollah à la fin de l’année dernière. Au début de cette opération, Israël avait lancé des opérations secrètes, remplies d’audace, et le pays s’était appuyé sur des années de collecte minutieuse de renseignements pour porter atteinte à des milliers de combattants, assassinant des dirigeants de premier plan du groupe. Après deux mois d’opération terrestre, le Hezbollah avait accepté un cessez-le-feu humiliant.

Des personnes en deuil assistent aux funérailles de combattants du groupe terroriste Hezbollah, tués avant le cessez-le-feu du 27 novembre avec Israël, dans le village de Taybeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël, le 6 avril 2025. (Crédit : Rabih Daher / AFP)

De manière notable, le Hezbollah n’a pas levé le petit doigt ni tiré une seule balle ou une seule roquette pendant l’offensive lancée par l’État juif contre la république islamique, sa protectrice.

Maintenant que ce conflit est terminé à l’issue de 12 jours de campagne, l’attention se porte naturellement à nouveau – et avec lassitude – sur une autre opération qui dure, pour sa part, depuis 630 jours et qui se poursuit à Gaza. Dans ce contexte, il est difficile de ne pas se poser la question suivante : comment se fait-il que l’armée israélienne soit aussi efficace, maîtresse de la situation et impitoyable face à ses ennemis les plus puissants, mais qu’elle semble enlisée dans la guerre contre les terroristes du Hamas, une guerre qui n’a atteint aucun de ses objectifs déclarés jusqu’à présent ?

Circonstances et choix

Il est difficile de reprocher entièrement à l’armée israélienne et aux hauts-responsables israéliens le rythme et l’efficacité disparates de la campagne israélienne à Gaza par rapport à celles qui ont été lancées au Liban et en Iran.

D’une part, les objectifs des opérations sont très différents. Israël ne cherchait pas à anéantir le Hezbollah et à le chasser du Liban. Si tel était l’objectif, la campagne au Liban aurait pris des années, et rien ne garantit qu’elle aurait obtenu des résultats probants. Israël cherchait simplement à forcer le Hezbollah à cesser de tirer en direction des villes israéliennes. Le pays cherchait à affaiblir les capacités du groupe terroriste et à éliminer la menace représentée par un possible assaut de la frontière. Ce faisant, il a affaibli l’emprise du Hezbollah sur l’État libanais et il a donné aux acteurs défavorables à l’organisation chiite l’occasion de commencer à éroder son pouvoir sur le territoire qu’il avait fait sien.

Des soldats israéliens, à Meiss El Jabal, dans le sud du Liban, le 10 février 2025. (Crédit : Oren Cohen/Flash90)

Israël ne cherche pas non plus activement à renverser le régime iranien, même si le pays a voulu affaiblir son emprise sur le pouvoir en prenant pour cible les forces de sécurité intérieure et les chaînes de télévision d’État.

Avec des objectifs limités, Israël a pu mener des campagnes limitées.

À Gaza, l’objectif poursuivi par Israël est celui de la « victoire totale », comme aime à le rappeler Netanyahu à l’opinion publique. Le Premier ministre ne cesse de promettre que la guerre ne prendra fin que lorsque le Hamas aura été désarmé, qu’il ne sera plus au pouvoir à Gaza et que tous les otages auront été libérés.

Comme le Hamas estime qu’il peut reconstruire et reprendre Gaza tant que son noyau dur survivra à Israël, il est peu probable qu’il accepte ces conditions. Et la guerre continue.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (deuxième à partir de la gauche) présidant une réunion spéciale du cabinet à l’occasion de la Journée de Jérusalem, dans la Cité de David, à l’extérieur de la Vieille Ville de Jérusalem, le 26 mai 2025. (Crédit : Flash90)

La présence des otages a également modifié la manière dont Israël mène ses combats. Les soldats israéliens prennent grand soin d’éviter les zones où les services de renseignement indiquent qu’il pourrait y avoir des captifs. Certaines parties du centre de la bande de Gaza n’ont pas encore été conquises par l’armée israélienne par crainte de porter atteinte aux otages, et il n’y a pas de solution facile à ce dilemme.

Même sous l’autorité du nouveau chef d’état-major de l’armée israélienne et du nouveau ministre de la Défense, l’opération « Chariots de Gédéon », en apparence plus agressive, cherche à faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte un accord qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des captifs – et non à mettre à genoux le groupe terroriste sur le champ de bataille. Ce qui signifie que les combats sont lents et qu’ils sont influencés par la réussite des négociations avec le Hamas. Jusqu’à présent, les pourparlers ont abouti à deux cessez-le-feu, dont une trêve de deux mois qui avait eu lieu au début de l’année, lors de l’entrée en fonction du président américain Donald Trump.

Illustration : Le président américain Donald Trump (à gauche) serrant la main du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le Bureau Ovale, à la Maison Blanche, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : AP)

Pour déloger le Hamas de Gaza, une campagne aérienne ne suffit pas – même si les frappes de l’armée de l’air ont éliminé une grande partie des chefs du groupe terroriste. Tsahal doit capturer des territoires, trouver des tunnels, recueillir des renseignements, fouiller des maisons et engager des combats avec les hommes armés du Hamas.

Mais les circonstances ne sont pas les seules responsables.

Depuis la prise d’assaut, par les hommes armés du Hamas, du sol israélien, le 7 octobre, les décisionnaires israéliens ont agi comme s’ils considéraient qu’ils disposent de tout le temps du monde à Gaza.

La campagne terrestre initiale a été, de par sa conception, lente et délibérée. L’armée israélienne a fait preuve de prudence lors de son offensive majeure à la fin de l’année 2023 et au début 2024. Elle a utilisé une puissance de feu massive pour protéger ses forces – qui n’avançaient qu’à la vitesse à laquelle ses bulldozers pouvaient dégager les routes.

Et Tsahal n’a pas lancé d’attaques simultanées sur plusieurs fronts, comme l’aurait pourtant voulu la doctrine militaire. Les soldats ont commencé par Gaza-City, se déplaçant ensuite à Khan Younès, au mois de décembre. Face aux menaces proférées par l’administration américaine Biden, l’armée n’a lancé son opération à Rafah qu’au mois de mai 2024.

Le président américain Joe Biden annonçant une proposition de trêve entre Israël et le Hamas à Gaza, dans la salle à manger de la Maison Blanche, à Washington, le 31 mai 2024. (Crédit : Evan Vucci/AP)

La politique de coalition d’Israël ne peut pas non plus être ignorée. Il y a eu un large consensus politique au sein de la coalition, et même parmi les partis d’opposition sionistes, sur la nécessité et sur les objectifs des campagnes lancées au Liban et en Iran.

De plus, le Liban est le seul territoire conquis par Israël où aucune implantation n’a été établie, et il n’y a pas de réelle pression politique en ce sens de la part de l’aile droite de la coalition de Netanyahu.

C’est une autre histoire pour Gaza. Le ministre d’extrême droite des Finances, Bezalel Smotrich, et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, ainsi que de nombreux élus du Likud, le parti de Netanyahu, ont ouvertement appelé Israël à rétablir les communautés juives qui avaient été déracinées lors du retrait unilatéral d’Israël de l’enclave, en 2005.

Les ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, à la Knesset, le 29 décembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Netanyahu n’est pas prêt à approuver une telle mesure mais comme à son habitude, il n’en a pas non plus définitivement rejeté l’idée. S’il perd Smotrich et Ben Gvir, son gouvernement s’effondre. Même s’ils ne sont pas susceptibles de faire tomber la coalition, Netanyahu semble extrêmement vigilant s’agissant de leur vision pour l’enclave côtière.

Une réalité qui a empêché Netanyahu de formuler un plan clair pour l’après-Hamas à Gaza. Sans objectif final, aucun effort n’a été livré en faveur de la mise en place d’un gouvernement qui pourrait remplacer le Hamas dans la bande.

Il se peut que ce soit Trump qui résolve cette problématique pour Israël. Selon des informations qui ont été publiées cette semaine, lui et Netanyahu se seraient mis d’accord sur de nouvelles ambitions : la fin de la guerre à Gaza, la prise de contrôle de l’enclave côtière par les États arabes jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne soit prête à prendre le relais, et la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et la Syrie avec Israël.

Sans surprise, Netanyahu a publié une déclaration qualifiant ces informations de fiction – des propos qui ont été interprétés comme un clin d’œil à l’égard de ses partenaires de coalition.

Si la vision de Trump ne se concrétise pas, Israël continuera à jouir de son nouveau statut de puissance militaire incontestée dans la région. L’État juif frappera le Hezbollah quand il le faudra et il pourrait bien attaquer à nouveau une république islamique à la fois intimidée et désorientée.

Pendant ce temps, à Gaza, l’offensive printanière tant annoncée se prolongera jusqu’à l’été, avec un prix élevé pour les soldats israéliens et les civils gazaouis, des otages qui restent en danger quotidien de mort et aucune issue claire à l’horizon.

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