Israël en guerre - Jour 61

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Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, lors d'une cérémonie au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, le 2 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)
Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, lors d'une cérémonie au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, le 2 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)
Interview

Eli Cohen se confie sur son travail de diplomate, le coût de la vie et la refonte judiciaire

Le ministre des Affaires étrangères a défendu ses nombreuses réussites et a affirmé qu’il souhaiterait rester un an de plus à son poste malgré l’accord conclu avec Israel Katz

Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen a encore huit mois de mandat – jusqu’au 29 décembre 2023, date à laquelle il sera remplacé par le ministre de l’Énergie Israel Katz. Ensuite, au cours de l’année 2026, il est censé reprendre son rôle de diplomate principal, du moins selon un accord de rotation interne au Likud.

En raison de cet accord inhabituel, Cohen s’est fixé des objectifs à court-terme pour son rôle prestigieux et a privilégié les voyages dans des lieux où il peut jouer de son influence – tels que Khartoum et Kiev, l’ouverture de l’espace aérien d’Oman aux vols en provenance d’Israël, l’aide apportée à la Turquie à la suite du tremblement de terre dévastateur survenu au début de l’année, et la visite inhabituelle effectuée la semaine dernière au Turkménistan, un pays très isolé où Israël souhaite s’implanter en raison de sa proximité avec l’Iran.

Avant d’arriver au Turkménistan, Cohen s’est rendu avec une trentaine d’hommes d’affaires israéliens à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, où Israël a toute une série d’intérêts : exportations d’armes, vente d’équipements de dessalement de l’eau et de satellites, et la source d’un tiers de ses besoins en pétrole.

Cohen a parlé au Times of Israel de son programme en tant que ministre des Affaires étrangères lors d’une escale à Istanbul, après un vol de quatre heures depuis l’étrange capitale turkmène d’Ashgabat et avant un vol retour vers Tel Aviv.

« Par le passé, le ministère des Affaires étrangères a mis l’accent sur les pays du golfe Persique dans le but d’étendre les Accords d’Abraham, ainsi que sur les pays africains », a déclaré Cohen.

« Avec cette visite, dans deux pays importants et significatifs, nous élargissons notre champ d’action à la région de l’Eurasie. Bien qu’il s’agisse de pays musulmans, la religion n’est pas au centre de leur préoccupation. »

Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et son homologue turkmène Rasit Meredow inaugurant la nouvelle ambassade d’Israël à Achgabat, capitale du Turkménistan, le 20 avril 2023. (Crédit : Shlomi Amsalem/GPO)

Times of Israel : Votre première visite en tant que ministre des Affaires étrangères a été au Soudan. Vous avez noué des relations avec le général Abdel Fattah al-Burhan et vous avez failli signer un accord. Mais les Américains ont demandé d’attendre en raison de l’instabilité de la situation politique dans ce pays, et maintenant tout a empiré. Cette visite n’a plus de sens car le pays est en proie à une lutte entre deux factions militaires.

Cohen : L’important est que le Soudan ne recule pas, que nous ne nous retrouvions pas dans une situation où des éléments islamistes prennent les rênes, comme à l’époque d’Omar el-Béchir [le dictateur soudanais qui a régné pendant 30 ans jusqu’à son renversement en 2019].

Tout le monde sait comment cela commence, mais personne ne sait comment cela finit. C’est pourquoi les États-Unis, Israël, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite déploient une activité intense afin de ramener les choses à leur état antérieur.

Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen, à gauche, rencontrant le dirigeant soudanais, le général Abdel Fattah al-Burhan, à Khartoum, le 2 février 2023. (Crédit : Shlomi Amsallem)

Comment Israël peut-il faire marche arrière au Soudan ?

Nous transmettons des messages et essayons de calmer la situation. Nous sommes également en contact avec les Égyptiens. Dans notre région, il faut faire preuve d’initiative et de dynamisme pour que les choses avancent, et ne pas attendre qu’elles se passent d’elles-mêmes. Le Soudan est en situation de gouvernement de transition depuis plus d’un an. Il est essentiel que les États-Unis s’impliquent davantage.

Selon un accord interne du Likud, vous avez le titre de ministre des Affaires étrangères pendant un an, puis vous aurez celui de ministre de l’Énergie pendant deux ans. C’est un temps limité. Pour les observateurs extérieurs, il semble que vous essayez d’aller de l’avant pour exercer une influence dans un court laps de temps, n’ayant pas le temps pour des processus plus longs.

A mon avis, une rotation d’un an, de deux ans et d’un an est loin d’être idéale. Il eut été préférable d’échanger les rôles au milieu du mandat du gouvernement, et j’en parlerai bientôt avec Israel [Katz].

Les ministres qui m’ont précédé à cette fonction l’ont fait chacun pendant un an – Israel Katz, Gabi Ashkenazi et Yaïr Lapid. Je pense que le mandat de quatre ans devrait être divisé en deux parties égales. Dès mon entrée en fonction, j’ai formulé un plan de travail basé sur l’hypothèse d’un mandat d’un an, et dès les quatre premiers mois, nous avons réussi à réaliser des percées.

Nous avons jeté les bases des relations avec le Soudan, nous avons amélioré les liens avec la Turquie, nous avons ouvert l’espace aérien d’Oman aux vols, nous avons rétabli nos relations avec la Pologne, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a annoncé qu’elle ouvrirait une ambassade à Jérusalem, nous avons eu une visite importante à Kiev et nous nous sommes rendus en Azerbaïdjan et au Turkménistan. Ce sont des réalisations que d’autres n’ont pas atteintes en [seulement] un an de mandat.

Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen, à gauche, et son homologue polonais Zbigniew Rau, à Varsovie, le 22 mars 2023. (Crédit : Ministère des Affaires étrangères)

D’autres ont-ils vu leur succès diminuer parce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu les aurait sabotés ?

Dans tous les ministères où j’ai travaillé, qu’il s’agisse de l’Économie ou des Renseignements, j’ai lancé des politiques. Partout où j’étais, j’ai travaillé dur. Au ministère des Affaires étrangères, il est facile d’exécuter des politiques relativement rapidement. Ce n’est pas comme au ministère de l’Énergie où, dès lors que vous avez publié un appel d’offres ou un projet d’infrastructure, il peut s’écouler des années avant que les choses ne se concrétisent.

Vous avez rencontré le président azéri Ilham Aliyev. Ces dernières années, Israël a pris le parti de l’Azerbaïdjan dans sa guerre contre l’Arménie dans la région du Haut-Karabakh. Israël a fourni aux Azéris des quantités massives d’armes. Certains rapports font état d’armes à sous-munitions blessant des civils arméniens et dans le même temps, les Azéris affirment avoir gagné la guerre grâce à ces armes. 

La plupart des pays du G7 possèdent de puissantes industries d’armement ; la France et les États-Unis vendent également des armes.

Mais nous ne sommes pas le G7, nous sommes l’État juif. Ne voyez-vous pas là une tache morale – notre message étant « les nations ne prendront plus l’épée contre les nations et ne s’entraîneront plus à la guerre » ?

Nous vivons dans l’une des régions les plus complexes du monde et nous avons développé des capacités militaires massives et puissantes. Je pense que nous agissons de manière responsable et que nous respectons scrupuleusement les règles internationales – nous ne vendons pas d’armes aux pays qui ont des problèmes.

Des sauveteurs transportant le corps d’une femme tuée par des tirs d’obus lors du conflit militaire entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur la région séparatiste du Haut-Karabakh, dans la capitale de la province contestée, Stepanakert, le 6 novembre 2020. (Crédit : Karen Minasyan/AFP)

L’Azerbaïdjan n’est-il pas un tel pays ? N’ont-ils pas pris pour cible des civils non impliqués ?

Nous vendons le même type d’équipement que la plupart des pays démocratiques. Nous avons une commission ministérielle qui examine ces contrats et s’assure que nous ne vendons pas à des pays à risques.

Cette commission s’est-elle réunie depuis l’entrée en fonction du 37e gouvernement ?

Oui, je suis membre de cette commission et elle s’est réunie.

Avez-vous annulé des contrats ?

Non, aucun contrat n’a été annulé.

Lors de votre visite, il a été rapporté que l’Azerbaïdjan avait conclu un accord pour l’achat de satellites auprès d’une société israélienne.

Les Azéris nous ont dit qu’ils avaient choisi une société israélienne pour conclure un accord d’achat de satellites, mais je dois dire que l’accord le plus important concerne la vente d’installations de dessalement de l’eau. Par ailleurs, la visite à Bakou visait essentiellement à remercier les Azerbaïdjanais d’avoir ouvert une ambassade en Israël après 30 ans de relations.

Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen rencontrant le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev à Bakou, le 19 avril 2023 (Crédit : Shlomi Amsalem/GPO)

Cela s’est produit grâce au dégel des relations avec la Turquie et comme conséquence indirecte des Accords d’Abraham.

Regrettez-vous votre tweet contre le gouverneur de la Banque centrale d’Israël à propos de l’augmentation des taux d’intérêt ? Son action a refroidi le marché, ce que vous [les gouvernements dirigés par le Likud] avez tenté de faire pendant de nombreuses années, lorsque Moshe Kahlon était ministre des Finances.

Je ne regrette pas ce tweet et je ne l’ai pas supprimé parce que j’ai dit clairement qu’il fallait utiliser d’autres outils pour stopper l’inflation, et pas seulement augmenter les taux d’intérêt.

En tant que personne ayant travaillé dans les agences de notation de crédit, en tant que comptable et connaissant le sujet, je sais qu’il existe deux outils pour lutter contre l’inflation : l’outil monétaire et l’outil fiscal. Le gouverneur et le ministre des Finances se sont facilité la vie. Ils auraient pu utiliser d’autres outils tels que la réduction des droits d’accise, la réduction du coût de l’électricité, ce qui aurait réduit l’inflation. La légère réduction du coût des appartements aujourd’hui est annulée par la forte augmentation des prêts immobiliers.

Les jeunes couples qui ont contracté un prêt immobilier ont beaucoup moins de revenu disponible en raison de l’augmentation des échéances. N’est-il pas possible de critiquer le gouverneur ? À notre époque, si vous pensez différemment d’un haut fonctionnaire, il devient intouchable et vous serez fustigé.

La plupart des gens qui m’ont critiqué savent que j’ai raison. Le gouverneur doit rester indépendant, mais ce que j’ai dit, c’est que nous devons utiliser différents outils pour réduire l’inflation et c’est donc sciemment que je n’ai pas supprimé ce tweet.

Le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, s’exprimant lors d’une conférence de presse à la Banque centrale, à Jérusalem, le 2 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Les hausses de taux d’intérêt ont commencé avant que vous n’entriez en fonction, ce n’est donc pas comme si le gouverneur faisait cela contre votre gouvernement.

Je ne pense pas qu’il le fasse contre nous, ou pour des considérations politiques – je ne lui attribue aucune considération politique. Mais il est aussi le conseiller économique de l’État et il doit proposer d’autres outils pour lutter contre l’inflation. L’augmentation des taux d’intérêt réduit le revenu disponible et la consommation personnelle, ce qui, en fin de compte, provoquera du chômage et réduira la viabilité des investissements.

Mais réduire les droits d’accises et les coûts de l’électricité afin de réduire l’inflation ne relève pas de l’autorité du gouverneur.

C’est pourquoi j’ai dit que le ministre des Finances est également responsable de la situation et qu’il dispose d’une indépendance en matière de budget. Oui, la réforme du système judiciaire est importante, mais je pense aux jeunes qui doivent payer leur prêts immobiliers et qui sont fauchés tous les mois.

Vous avez travaillé pour une agence de notation, comment voyez-vous la décision de Moody’s de réduire les perspectives d’évolution de la note de crédit ?

Moody’s a dit en substance que les chiffres d’Israël sont très bons, mais comme il y a une réelle division au sein de la population israélienne – la réforme [judiciaire] crée des tensions dans la société – ils ont donc réduit les perspectives de notation sans fondamentalement comprendre la réforme.

Des milliers d’Israéliens manifestant contre le programme de réforme du système judiciaire du gouvernement, à Tel Aviv, le 22 avril 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Ils ont réagi à la dynamique. J’ai beaucoup de respect pour les manifestants qui viennent manifester devant chez moi. Mais en ce qui concerne la notation de Moody’s, il n’est pas raisonnable que les gens s’expriment contre Israël dans le monde entier.

Les manifestants coupent la branche sur laquelle ils sont assis. Il n’y a aucun lien entre la réforme et le secteur bancaire israélien, qui est stable et réglementé, mais ils agissent pour susciter la panique.

Ce n’est pas que les gens aient agi pour créer la panique, mais plutôt qu’ils aient été alarmés par vous [le gouvernement], par le plan d’action que vous avez mis sur la table. Nous revenons d’Azerbaïdjan, un pays où le gouvernement sélectionne les juges, ce qui a manifestement inquiété les gens, qui pensent que cela crée un problème pour le marché.

Pourquoi les gens se sont-ils alarmés ? Quelqu’un qui pense qu’Israël sera affaibli [par le remaniement judiciaire] applique sa propre interprétation.

En ce qui concerne la nomination des juges, j’ai donné mon avis à Netanyahu : nous sommes la nation la plus fructueuse en matière d’innovation, mais dans le domaine judiciaire, nous n’avons pas besoin d’être créatifs. Il serait préférable que nous prenions un modèle qui fonctionne dans d’autres pays, comme l’Allemagne, et que nous construisions une réforme sur leur modèle.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen lors de la séance plénière de la Knesset, le 13 mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Je ferais une réforme plus substantielle, dans laquelle les magistrats ne seraient en aucun cas impliqués dans la sélection des juges – et seraient nommés uniquement par le Parlement, comme c’est le cas au Bundestag [Parlement allemand].

Mais en Allemagne, il y a d’autres freins et contrepoids, il y a deux chambres du Parlement, un système fédéral, une commission juridique spéciale qui recommande les juges et dont les juristes sont membres.

Je pense que nous devons créer une situation dans laquelle les magistrats ne font pas partie de la commission de sélection des juges. Nous avons besoin d’une situation dans laquelle les juges de la Cour suprême sont nommés par le plénum de la Knesset avec une majorité substantielle d’environ 72 députés, ce qui représente exactement 60 % de la Knesset. Dans un tel processus, la Cour serait plus hétérogène et la confiance du public dans le système judiciaire s’en trouverait renforcée.

Mais une telle proposition n’est pas actuellement à l’ordre du jour.

Maintenant qu’une pause du processus législatif a été prononcée, nous pouvons y réfléchir.

Comment cette affaire va-t-elle se terminer ? Netanyahu va-t-il reporter les votes sur la réforme du régime jusqu’à l’approbation du budget ? Les rumeurs selon lesquelles toute cette affaire va disparaître sont-elles vraies ?

Honnêtement, Netanyahu veut parvenir à un large consensus. Si vous voulez mon avis, si la modification de la commission de sélection des juges est adoptée, certaines des autres parties de la réforme ne seront pas nécessaires.

La commission de sélection des juges du 34e gouvernement d’Israël réunit, avec la ministre de la Justice de l’époque, Ayelet Shaked, la présidente de la Cour suprême de l’époque, Miriam Naor, le ministre des Finances de l’époque, Moshe Kahlon, et d’autres membres de la commission de sélection des juges israélienne, le 22 février 2018. (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

Si la commission de sélection des juges est modifiée, nous nous attendons à ce que l’activisme judiciaire diminue et qu’il y ait moins besoin d’une dérogation de la Haute Cour, par exemple. Lors de la réunion de la faction du Likud, j’ai déclaré que nous devions mettre en place une bonne réforme pour les 20 à 30 prochaines années. Si elle n’est pas construite correctement, elle ne durera tout simplement pas. Un autre gouvernement arrivera et annulera tout.

En tant que membre de la coalition, je ne veux pas contrôler la nomination des juges, je veux un système judiciaire indépendant, hétérogène et fort qui bénéficie de la confiance du public. Parfois, le tribunal doit être intelligent et ne pas chercher à avoir raison.

Prenez la loi sur le hametz, par exemple, je ne pense pas que nous ayons gagné quoi que ce soit avec cette loi. Malheureusement, le tribunal aurait dû dire que tout n’est pas recevable. De même qu’il n’est pas nécessaire de légiférer pour interdire l’utilisation d’une voiture à Yom Kippour, il n’est pas non plus nécessaire de légiférer sur le hametz – les produits au levain – à Pessah. J’aurais préféré ne pas en arriver là.

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