Il n’y a pas tout à fait un an, fin mars 2020, Benny Gantz décidait de faire exactement ce qu’il avait promis de ne pas faire : rejoindre un gouvernement dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Gantz avait alors donné trois raisons : Bien que 61 des 120 députés de la Knesset l’aient recommandé comme Premier ministre, il avait dit être incapable de bâtir une coalition stable et voulait donc éviter un retour rapide à une quatrième élection. Ceci étant, il avait fait valoir que sa présence au sein du gouvernement pouvait sauver la démocratie israélienne face à un Netanyahu inculpé. Et enfin, peut-être la raison la plus importante : Israël avait besoin d’un gouvernement d’unité d’urgence pour faire face à la catastrophe naissante de la COVID-19.
Fin mars 2021, Israël retournera néanmoins dans les bureaux de vote. Et si Gantz affirme qu’il a réussi à contrecarrer les efforts de Netanyahu pour affaiblir notre démocratie et échapper à son procès pour corruption, et que les ministres Kakhol lavan du gouvernement ont travaillé d’arrache-pied au nom de l’intérêt de la nation dans la lutte contre la pandémie, il n’est plus une force politique significative.
Son alliance avec Yair Lapid de Yesh Atid et Moshe Yaalon de Telem s’est effondrée lorsqu’il s’est associé à Netanyahu et qu’ils ont choisi de siéger dans l’opposition. Les sondages montrent que Kakhol lavan, qui avait remporté 33 sièges il y a un an dans le cadre de son alliance avec Yesh Atid et Telem, a vu son nombre de sièges se réduire telle une peau de chagrin pour avoisiner les 5.
Dans une interview donnée mercredi dans les bureaux de son parti à Tel Aviv, Gantz, le ministre de la Défense, le ministre de la Justice et encore théoriquement le Premier ministre d’alternance, a exprimé un mélange de profond grief, de colère et de détermination. Grief que, selon lui, il soit largement ridiculisé et clairement sur le point d’être puni par les électeurs pour avoir essayé de « faire passer Israël en premier », comme le promettait son fameux slogan politique – alors que Netanyahu, un « menteur » et un « manipulateur », bénéficie toujours d’un large soutien. Colère que la saga de l’année passée soit, selon lui, déformée par ses détracteurs, y compris ses anciens alliés politiques et les médias. Et la détermination de ne pas mettre fin à sa carrière politique par un échec, mais plutôt de ranimer Kakhol lavan en tant que force électorale.
Entrer dans un gouvernement d’union avec Netanyahu, a-t-il dit, « était la bonne chose à faire à l’époque », rappelant avec insistance la dure réalité d’une crise sanitaire sans précédent dans l’histoire du pays. « Qui a dissous Kakhol lavan ? Yair Lapid et [Moshe] Bogie Yaalon. S’ils étaient entrés dans la coalition avec moi, avec 35 sièges, savez-vous quelle force politique nous aurions eue ? »
Il est catégorique : il refuse de prolonger une nouvelle fois les douze années consécutives de Netanyahu au pouvoir en passant sous le seuil électoral et en gaspillant des dizaines de milliers de votes anti-Netanyahu. « Je ne serai tout simplement pas dans cette situation. » Et il insiste sur le fait qu’après une carrière de près de 40 ans en uniforme qui a culminé avec ses quatre années en tant que chef d’état-major de l’armée israélienne, il a appris au cours des deux dernières années les règles du jeu politique. Il résume amèrement ces règles : « ne pas croire les gens ».
Gantz s’est montré poli mais combatif dans notre entretien, visiblement indigné par le traitement critique dont il fait l’objet, et déterminé à présenter son point de vue. Il a contesté mes questions et m’en a renvoyé certaines, comme vous le verrez. Nous avons échangé en hébreu ; ce qui suit est une transcription légèrement modifiée.
Times of Israel : Vous avez eu une période très difficile en politique. Vous vous présentez à nouveau. Quels sont les résultats que vous avez obtenus pour que les électeurs vous choisissent à nouveau ?
Benny Gantz : Les gens doivent comprendre pourquoi j’ai rejoint la coalition avec Bibi [Netanyahu]. Je dois l’expliquer clairement. Je ne suis pas entré à cause de Bibi, ni avec Bibi. Mais plutôt, malgré Bibi. À cause de la pandémie et de la situation dans laquelle se trouvait Israël.
Le fait que nous soyons assis ici maintenant, tous les deux, vaccinés, en bonne santé – ce n’était pas le cas en Israël il y a moins d’un an. Il y a eu une crise sanitaire si immense, avec des conséquences économiques si vastes, et des répercussions extrêmement problématiques pour la société israélienne. J’ai décidé qu’il n’était tout simplement pas juste de continuer à déchirer la société israélienne.
La deuxième chose à comprendre est qu’il n’y avait pas d’alternative. Tous ces discours, ces histoires, il n’y avait pas d’alternative.
Vous n’avez pas eu le soutien de 61 députés [pour une coalition sans Netanyahu] ?
Non.
Même pas avec le soutien extérieur des députés arabes ?
Non, non, non. Ce ne sont que des histoires vides de sens. C’était 61 moins Orly Levy, et moins Yoaz [Hendel] et Tvika [Hauser]. Ça fait 58. Il n’y avait pas 61 pour former un gouvernement ; pas 61 pour légiférer afin d’empêcher Netanyahu de passer des lois personnelles, la loi française [qui lui donnerait une immunité parlementaire pour essayer d’éviter son procès].
Pourquoi tout cela est-il important ? Netanyahu est quelqu’un qui ne peut pas être un [véritable] partenaire. Il peut être un partenaire, au mieux, pour son propre bloc [du spectre politique], et même alors seulement lorsqu’il n’a pas d’autre option – parce qu’il les a aussi abandonnés [dans le passé]. Les conditions politiques dans lesquelles on travaille avec Netanyahu sont très difficiles. C’est un manipulateur. Il n’est pas droit.
Malgré tout cela, malgré ces difficultés, nous [Kakhol lavan] avons réussi à réaliser des choses que les gens oublient.
Nous sommes devenus la moitié du gouvernement. Tout le camp du centre et du centre-gauche devrait se demander quand il a constitué pour la dernière fois la moitié d’un gouvernement. Tout le camp du centre et du centre-gauche devrait se demander à quand remonte la dernière fois où il a exercé son droit de veto sur le programme du gouvernement. Tout le centre et le centre-gauche devrait se demander à quand remonte la dernière fois qu’il a réussi à protéger la démocratie israélienne, comme j’ai réussi à le faire jusqu’à présent.
Examinons les résultats obtenus. Nous avons empêché que l’on porte préjudice à Israël en tant qu’État juif et démocratique, car si l’annexion unilatérale [de certaines parties de la Cisjordanie] avait été réalisée, nous aurions perdu le caractère juif et démocratique [d’Israël] et notre crédit international. Nous avons réussi à préserver le système judiciaire israélien, malgré tous les défis et toutes les attaques dont il a été l’objet.
Maintenant, regardez les miracles relatifs réalisés par chacun de nos ministres dans leur ministère. Permettez-moi de commencer, si vous le permettez, par moi dans le domaine de la sécurité. J’ai assuré la préservation de l’Avantage militaire qualitatif d’Israël, [Qualitative Military Edge – QME]. Sans moi, ce ne serait pas arrivé. Six semaines de travail frénétique, avec des experts. Trois réunions avec le secrétaire à la Défense [des États-Unis] pour s’en assurer – pour permettre au processus de normalisation [avec les États du Golfe] d’avancer sans mettre en danger la sécurité d’Israël.
Regardez le ministère des Affaires étrangères. Gabi [Ashkenazi] l’a ressuscité. Le ministère des Affaires étrangères était mort. Mort. Et nous avons toujours 35 émissaires, qui ont été agréés par toutes les commissions compétentes, et Netanyahu ne les reconnaît tout simplement pas. Ce ne sont pas des nominations politiques – ce sont des nominations professionnelles qui auraient dû être approuvées il y a longtemps.
Regardez le ministère de la Justice – et la protection qu’il a assurée au système judiciaire – à l’époque de [Avi] Nissenkorn [en tant que ministre de la Justice] et maintenant sous mon autorité.
Prenez le ministère de la Défense, en plus du QME : le déménagement de Tsahal [des bases clés] vers le sud d’Israël – 30 % des personnes de la périphérie vont être absorbées par nos établissements technologiques et les bases d’entraînement spéciales que nous allons établir. Nous avons maintenu le silence dans le sud [à la frontière de Gaza]. Nous continuons à lutter contre le Hezbollah, à nous attaquer à tous les efforts de transfert [d’armes] en Syrie.
Regardez le ministère de la Culture et des Sports. Enfin, il y a un ministre qui ne cherche pas à imposer une sorte de censure nationale sur les arts et la culture en Israël.
Au ministère de l’Agriculture, pour la première fois depuis dix ans, il y a un ministre qui s’occupe réellement de l’agriculture.
Prenez le ministère des Affaires de la Diaspora – la décision du gouvernement pour un plan stratégique sur la collaboration avec les Juifs de la Diaspora, le travail de grande envergure que la ministre [Omer] Yankelevich effectue. Elle est toujours avec nous, bien que je sois désolé qu’elle ait pris une décision personnelle [de ne pas se représenter à la Knesset].
Prenez le ministère du Tourisme – l’ouverture des villes vertes. L’ouverture [du tourisme] maintenant.
Regardez le cabinet Corona – la création même du cabinet Corona. Prenez le fait que nous avons fait appel au Commandement du Front intérieur de Tsahal [dans la gestion de la pandémie]. La crise a été gérée en grande partie sans le ministère de la Défense, parce que Netanyahu ne voulait pas que [l’ancien ministre de la Défense Naftali] Bennett acquière de l’importance. Aujourd’hui, Tsahal aide 300 municipalités du matin au soir.
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Nous avons donc fait tout cela. Nous ne nous sommes pas contentés de rester assis devant un clavier et de pianoter.
Et pourtant, vous comprenez que le soutien à votre parti s’est effondré parce que vous avez abandonné la seule promesse fondamentale que vous aviez faite à vos électeurs – ne pas servir dans un gouvernement avec Netanyahu [tant qu’il serait poursuivi au pénal].
En effet. C’est pourquoi j’ai commencé par vous expliquer que je ne voulais vraiment pas siéger avec Netanyahu. Et je ne veux pas siéger avec Netanyahu aujourd’hui. Mais l’essentiel est qu’il y a eu une pandémie. Vous ne pouvez pas prétendre que ce facteur n’existait pas.
Les gens confondent le fait d’être déprimés avec moi et celui d’être déprimés à cause de moi. Mais j’aimerais savoir quand Yair Lapid a exercé plus de contrôle sur Netanyahu que moi. Donnez-moi un exemple. Ensuite, je me tairai. Demandez-lui, quand a-t-il exercé plus de contrôle sur Netanyahu que moi ?
Qui a dissous Kakhol lavan ? Yair Lapid et [Moshe] Bogie Yaalon. S’ils étaient entrés dans la coalition avec moi, avec 35 sièges, savez-vous quelle force politique nous aurions eue ?
J’ai dû faire des compromis sur certains points car, en fin de compte, je n’avais que 17 sièges dans la coalition. Avec 35 sièges dans la coalition, le pays aurait été très différent. Si Yesh Atid avait fait partie de la coalition d’unité, Meir Cohen aurait été le président de la Knesset et non Yariv Levin. [Lapid] est resté fidèle à son programme. A-t-il des réalisations politiques ? Je n’en suis pas certain.
Je suis déjà à cinq sièges, et je vais en obtenir six, sept et huit. Pourquoi ne pas demander à Meretz d’abandonner la campagne ?
Néanmoins, vous risquez maintenant de prolonger à nouveau le mandat de Netanyahu si vous passez sous le seuil électoral [et que les votes pour Kakhol lavan sont perdus].
Je ne passerai pas sous le seuil. Ce ne sont que des histoires vides de sens. Je suis déjà à cinq sièges, et je vais en obtenir 6, 7 et 8. Pourquoi ne pas demander à Meretz d’abandonner la campagne ?
Si deux semaines avant les élections, ils sont en dessous ou autour du seuil, je suis sûr…
Eh bien, je ne serai tout simplement pas dans cette situation.
Vous avez prévenu que, dans un gouvernement de transition après les élections et avant la formation d’un nouveau gouvernement, si Kakhol lavan est absent de la Knesset, Netanyahu pourra faire toutes sortes de choses horribles…
C’est exact.
Il va virer [les ministres de Kakhol lavan] et commencer à légiférer [pour échapper à son procès]… ?
Je vais vous donner un exemple. Lors d’une réunion du cabinet le mois dernier, je me suis opposé à une décision [sur la prolongation du confinement]. Netanyahu l’a fait voter contre ma volonté. Le procureur général l’a invalidé, car le vote était illégal [une violation de la Loi fondamentale quasi-constitutionnelle d’Israël : Le gouvernement, telle qu’amendée par Netanyahu et Gantz dans leur accord de coalition l’année dernière]. Netanyahu lui a dit : « Vous n’êtes qu’un conseiller ». [Mais] un second vote a dû être organisé.
Et c’est un indice de ce qui va arriver [si Kakhol lavan est absent de la Knesset] ?
Exactement.
C’est le conseil juridique qui vous a été donné ?
Il y a ceux [les experts juridiques] qui disent une chose, et ceux qui en disent une autre.
Ce n’est donc pas clair ?
Ce n’est pas clair.
Mais il va essayer ?
C’est sûr ! Vous semble-t-il raisonnable que le pays n’ait plus de budget depuis deux ans ? Pas pour moi, non. Mais le fait est que cela a servi ses intérêts, c’est donc ce qu’il a fait. Il n’a pas de limites. Sa seule considération est son propre intérêt. (L’échec de l’adoption du budget de l’État a été le seul prétexte par lequel Netanyahu a pu déclencher des élections anticipées, et éviter la promesse de sa coalition de faire alterner le poste de Premier ministre avec Gantz en novembre 2021).
Qu’est-ce qui vous fait dire cela, en particulier ? Ce n’est pas un aventurier militaire. Il dirige le pays de manière raisonnable en ce qui concerne la région. Pourquoi insistez-vous sur le fait qu’il est si dangereux pour l’État ?
L’impact de sa détresse personnelle et juridique dépasse toutes les frontières. C’est de cela qu’il s’agit. Il va sacrifier l’économie. Il va sacrifier la démocratie. Il sacrifiera tout. C’est un homme qui a dit qu’il avait foi dans les juges d’Israël, mais une fois qu’il s’est agi de son cas, il les a fustigés sans relâche. C’est un homme qui reconnaît qu’Israël a besoin d’une économie stable, mais il ne veut pas adopter le budget. C’est un homme qui est tellement imbu de lui-même qu’il ne m’a annoncé que deux jours avant l’accord de normalisation [avec les Émirats arabes unis] ; j’ai dû alors m’occuper du QME.
Il n’est plus la même personne qu’il était jusqu’en 2015. Et je n’ai aucune explication, si ce n’est la menace juridique qui pèse sur lui.
Sa gestion de la pandémie – ouverture de l’aéroport, mise en place des vaccinations. Tout cela est calculé avec un œil sur les élections et ses intérêts ?
Il aurait voulu maintenir le confinement total, et n’a commencé à ouvrir que maintenant, parce qu’il pense que cela serait bénéfique pour lui lors des élections. Nous avons fait pression pour les réouvertures partielles précédentes, en tenant compte des considérations sanitaires et économiques, et de leurs conséquences pour la société israélienne. Tout cela s’est mis en travers de son chemin.
Netanyahu pense qu’il est plus grand que Ben Gurion et il essaie de rattraper Poutine
Il n’a pas fait entrer le ministère de la Défense dans le jeu très tôt. Il n’a pas géré l’aéroport de manière cohérente. Le plan de « feux de signalisation », qui différencie les zones de contagion supérieures et inférieures, n’a pas été approuvé à ce jour car il serait gênant pour lui à cause des Haredim, gênant pour lui politiquement. Il a exclu l’électorat arabe, puis est parti faire des affaires [électorales] avec lui. Tout cela est politique.
C’est un politicien talentueux. C’est pourquoi j’ai initié une législation visant à limiter la durée du mandat d’un Premier ministre à huit ans. Ce plafonnement permettrait de relancer l’establishment politique. Il est évident qu’il s’y oppose. Il pense qu’il est plus grand que Ben Gurion et il essaie de rattraper Poutine. Il fera tout ce qu’il peut pour neutraliser [cette loi].
Et qu’en est-il de sa gestion de la menace iranienne, et de l’intention de Biden de réintégrer l’accord nucléaire de 2015 ?
Il y a des choses sur lesquelles nous sommes d’accord. Nous sommes tout à fait d’accord sur le fait que l’Iran ne doit pas être autorisé à se doter d’armes nucléaires. Et qu’il ne doit pas être en mesure de se doter de la bombe. Nous sommes tout à fait d’accord sur le résultat souhaité.
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Je suis en faveur d’un partenariat avec l’administration américaine, en maintenant des liens solides. En fin de compte, nous avons trois sources de force, de sécurité nationale israélienne : Notre propre sécurité et nos capacités militaires. Notre moralité. Et le soutien que nous recevons du monde en général et des États-Unis en particulier.
Aujourd’hui, alors que nous sommes confrontés à la CPI, qui nous soutient ? Quand nous avons besoin d’avions de chasse et des énormes achats [militaires] que nous faisons avec des devises étrangères, qui nous soutient ? Soit dit en passant, ce sont des achats qui ont été approuvés à l’époque d’Obama, pas à l’époque de Trump. Nous ne devons pas négliger notre alliance avec les Américains, notre dialogue avec les Américains. Et nous ne devons pas non plus négliger notre capacité à influencer leur pensée. En discutant intensément et longuement avec eux, nous pouvons parvenir à une situation où nous influençons leur pensée. C’est incroyablement important.
Le point sur lequel nous ne sommes pas d’accord concerne donc la force de cette connexion avec l’Amérique sur la question de l’Iran, et non pas sur ce que l’Iran peut obtenir ou ne peut pas obtenir. Sur ce point, nous voyons les choses de la même manière.
Nous sommes tout à fait d’accord sur le fait qu’Israël doit maintenir sa capacité militaire opérationnelle indépendante lorsqu’il s’agit de l’Iran, et nous travaillons ensemble. Lorsqu’il s’agit de la défense et de la sécurité nationales, en général, dans la plupart des cas, nous sommes d’accord. Et nous cherchons à séparer ces questions de la sphère politique.
Il y a une contradiction entre le fait que vous disiez que vous saviez que l’on ne pouvait pas faire confiance à Netanyahu, tout en reconnaissant qu’il s’est joué de vous.
Parce qu’il nous a quand même piégés sur le budget. Nous tous.
Vous me jugez tous parce que j’attends que les dirigeants d’Israël agissent selon les normes requises. C’est ce que vous me dites. Vous dites qu’il vaut mieux être un politicien corrompu et rusé qu’une personne intègre et respectueuse des règles de l’Etat
Mais il s’est joué de vous, précisément, à fond.
Oui.
Pourtant, vous dites que vous saviez qu’on ne pouvait pas lui faire confiance.
Nous étions confrontés au coronavirus, une pandémie aux proportions historiques, et je m’attendais à ce qu’un dirigeant se comporte différemment. Et pourquoi est-il faux de s’attendre à ce qu’un dirigeant se comporte comme un dirigeant, et pas seulement comme un politicien ? Pourquoi est-il erroné d’attendre d’un Premier ministre, confronté à une crise sociale d’une telle ampleur, qu’il se comporte avec la responsabilité requise ?
Vous me jugez tous parce que j’attends que les dirigeants d’Israël agissent selon les normes requises. C’est ce que vous me dites. Vous dites qu’il vaut mieux être un politicien corrompu et rusé qu’une personne intègre et respectueuse des règles de l’Etat.
Vous décrivez une sorte de tragédie, dans laquelle un homme noble entre en politique pour contribuer et faire le bien…
Que voulez-vous… ?
…et est terrassé par quelqu’un qui agit exactement comme on savait qu’il le ferait.
Mais que pensez-vous qu’il va se passer dans notre pays ? [Qui voulez-vous pour diriger le pays :] Un homme intègre, avec une idéologie, sérieux, digne d’un homme d’État, ou un manipulateur et un menteur ? A vous de me le dire.
La première solution.
Eh bien, nous y voilà !
Mais pour que le premier atteigne le pouvoir, il doit jouer le jeu politique – le jeu politique horrible et cruel.
Écoutez bien : J’avais 26 sièges [dans les sondages] avant de me joindre à Yair Lapid. [Hossen LeYisrael, le parti fondé par Gantz, était dans certains sondages à une moyenne de 20 sièges au début de 2019]. Pouvez-vous me montrer quelqu’un d’autre qui a 26 sièges maintenant, à part Bibi ? Yair Lapid a-t-il 26 sièges ?
Et c’est là que réside le drame.
Je ne dis pas le contraire.
Parce que vous aviez une voie royale. Vous étiez sur la bonne voie pour [finalement] gagner le pouvoir avec vos valeurs intactes.
Mais David, en fin de compte, il y a la réalité.
Peut-être aurait-il été préférable d’aller dans l’opposition ? En l’état actuel des choses, nous sommes à nouveau à deux semaines et demie des élections de toute façon.
D’accord, mais l’essentiel est que nous nous sommes sortis de la pandémie avec un gouvernement d’unité. En fin de compte, nous avons réussi à la gérer malgré toutes les difficultés. Et maintenant, nous allons aux élections.
En fin de compte, il ne faut pas légitimer les menteurs et les manipulateurs
Donc, vous êtes en train de dire : Cela en valait la peine. Nous avons sauvé le pays. Nous avons fait des choses merveilleuses. Et nous méritons un certain crédit, et quelques électeurs de plus ?
Absolument. Absolument. Et je pense que de plus en plus de gens le reconnaissent. C’est pourquoi je suis passé d’une position en dessous du seuil, à une position au-dessus du seuil, à cinq sièges et bientôt à six. Parce que de plus en plus de gens se rendent compte de ce que nous avons empêché, de ce que nous avons réalisé et, non moins important, de ce qui doit se passer ici. En fin de compte, il ne faut pas légitimer les menteurs et les manipulateurs.
Pensez-vous que Netanyahu acceptera le résultat des élections s’il perd ?
Je l’espère. Je n’en suis pas certain.
Je n’en suis pas certain car la menace juridique qui pèse sur lui est très lourde. Il est possible que cet homme risque une peine de prison. Je m’attends à tout de sa part.
Le procureur général est intègre ? Vous avez confiance dans le processus juridique ?
Oui, le processus d’application de la loi – le ministère public, les tribunaux – sont des institutions de type étatique qui fonctionnent conformément à la loi. Ses attaques à leur encontre sont irresponsables et sans fondement. Et je fais tout ce que je peux pour contrecarrer ces attaques.
Certains députés de votre parti ont démissionné ou ont rejoint d’autres partis.
Oui, pour de strictes raisons personnelles. Avi Nissenkorn pensait qu’il allait devenir le roi du monde. Ram Shefa a réalisé qu’avec moi, il est en position basse [sur la liste de la Knesset] et qu’il serait mieux placé ailleurs…
En résumé, qu’avez-vous appris au cours des deux dernières années ?
Ne pas croire les gens.
C’est triste. Cette généralisation est très triste.
En politique. En politique. Vous êtes en train de me dire : soyez un manipulateur ou vous ne survivrez pas.
Qu’auriez-vous fait différemment, si vous aviez su il y a deux ans ce que vous savez aujourd’hui ?
Je ne regrette pas d’être entré au gouvernement, pour les raisons que j’ai indiquées. Je suis vraiment désolé de la façon dont cela s’est terminé. Je n’aurais pas accepté le compromis Hauser : je ne lui aurais pas donné [à Netanyahu] ces trois ou quatre mois supplémentaires. J’aurais pu y mettre fin à ce moment-là. Je pensais qu’il aurait adopté un budget.
Avez-vous un bon moyen de faire voter les électeurs le jour des élections ? Parce que l’alliance avec Yesh Atid y a contribué.
Je ne pense pas que ce soit si important. Nous avons un grand dispositif de campagne, une force sur le terrain, un large dispositif pour le jour des élections. Nous sommes bien organisés. Nous avons nos données. Nous n’allons pas disparaître. Nous allons continuer à nous développer, à élargir notre base.
Finalement, l’électeur se rend dans l’isoloir et demande : Qu’est-ce qui est préférable ? Benny Gantz, avec ses 40 ans d’expérience dans le domaine de la sécurité et son intégrité politique, ou autre chose ? La réponse est dans la question.
Mais ils se diront aussi : Et pourtant, il a rejoint Bibi.
Oui. Et Yair Lapid n’a pas siégé avec Bibi ? Gideon Saar n’a pas été avec Bibi pendant des années ?
Mais [pas quand Netanyahu était accusé,] pas après avoir promis…
Mais vous ignorez le fait qu’il y avait le coronavirus. Il n’est tout simplement pas juste, David, de juger cela par rapport à cette promesse de ne pas siéger avec Bibi. Cela doit être jugé par rapport à la situation à laquelle nous étions confrontés. Il y a eu un résultat électoral où nous n’avions pas de gouvernement, et il y a eu une pandémie qu’il fallait gérer. Celui qui ignore cela ne reconnaît pas la réalité.
[Un électeur] peut alors dire qu’il préfère Yair Lapid à moi. D’accord. Mais c’était la réalité. Il n’y avait pas de gouvernement alternatif. Il y avait une pandémie. Il fallait y faire face. Maintenant, les gens peuvent choisir leurs préférences, et je les respecterai bien sûr. Mais c’était la réalité. Il n’y avait pas de réalité différente.
[Entrer dans la coalition] était la bonne chose à faire à l’époque, avec des résultats tragiques dont je ne suis pas responsable. C’est la responsabilité de Netanyahu. D’accord ? Reprochez-le à Netanyahu. Ça me paraît juste. Que voulez-vous que je fasse ?
Après la deuxième campagne, il [Netanyahu] m’a proposé une rotation au bout de six mois. Je ne l’ai pas suivi. Rétrospectivement, on peut dire que c’était une erreur de ne pas l’avoir fait. Je l’ai rejoint, dans de pires conditions, après la troisième campagne, à cause de la pandémie. C’était la raison. Et 66 % des électeurs de Kakhol lavan ont soutenu mon entrée. C’est la réalité.
C’était la bonne chose à faire à l’époque, avec des résultats tragiques dont je ne suis pas responsable. C’est la responsabilité de Netanyahu. D’accord ? Reprochez-le à Netanyahu. Ça me paraît juste. Que voulez-vous que je fasse ?
C’est moi qui suis ici pour faire les choses différemment. Je suis celui qui se lève le matin et qui se bat du matin au soir avec Netanyahu au gouvernement, et qui obtient plus de résultats que toute l’opposition. Quelles sont les réalisations de l’opposition ? Regardez ce que j’ai accompli, en tant que sorte de co-opposition – au sein de la coalition, mais en restant fidèle à mes principes. Il n’y a pas de comparaison possible !
La décision de la Cour suprême de justice de reconnaître les conversions des mouvements juifs libéraux à des fins de citoyenneté ne vous aide sans doute pas ? Elle contribuera à alimenter les campagnes ultra-orthodoxes, et peut-être celles du Likud ?
Il n’y a rien à faire à ce sujet. Je ne peux pas me plaindre des décisions de la Cour suprême. Nous aurions dû reconnaître toutes les conversions, les légaliser par le biais de la législation. La Cour Suprême a attendu et attendu pendant des années…
Elle a attendu les politiciens.
Et a finalement pris une décision.
Pensez-vous qu’il soit nécessaire de modifier l’équilibre entre le pouvoir judiciaire, le gouvernement et le pouvoir législatif ?
Certaines réformes peuvent être entreprises – mais pas par un inculpé qui fait face à trois accusations de corruption. Il faut attendre que quelqu’un d’autre le fasse.
Vous espérez qu’il soit acquitté ? Pensez-vous qu’il sera acquitté ?
C’est du ressort de la Justice.
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