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Analyse

Les partis haredim détournent l’arrêt sur la conversion à des fins électorales

Les ultra-orthodoxes ont passé la semaine à mettre en garde contre des conversions de migrants et d'étrangers, qui sont en fait inexistantes

Haviv Rettig Gur

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le ministre de l'Intérieur Aryeh Deri (au centre), le ministre de la Santé Yaakov Litzman (à gauche) et le député Moshe Gafni (Torah VeYahadout) à la troisième conférence du parti Shas à l’hôtel Ramada, à Jérusalem le 16 février 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de l'Intérieur Aryeh Deri (au centre), le ministre de la Santé Yaakov Litzman (à gauche) et le député Moshe Gafni (Torah VeYahadout) à la troisième conférence du parti Shas à l’hôtel Ramada, à Jérusalem le 16 février 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La décision de la Haute cour de Justice sur la citoyenneté israélienne accordée aux convertis non-orthodoxes en Israël semble avoir insufflé un nouvel élan dans les campagnes des partis ultra-orthodoxes Shas et Yahadout HaTorah.

Les deux partis dégringolent dans les sondages en raison de la colère généralisée des électeurs haredim face à la gestion de la pandémie par le gouvernement, et en particulier face à ce que de nombreux Israéliens haredim considèrent comme une discrimination injuste de la part du gouvernement à l’égard de leur communauté, en raison de la critique des violations des distanciations sociales.

Yahadout HaTorah, qui représente le courant ashkénaze de la communauté haredi, a chuté dans les sondages à six sièges, contre sept et huit sièges lors des trois dernières élections. Le Shas, l’homologue sépharade de Yahadout HaTorah, obtiendrait sept sièges selon les sondages, contre huit et neuf lors des trois dernières élections.

Cette baisse dans les sondages reflète probablement plus qu’une simple erreur statistique. Un sondage réalisé en début de semaine pour la station de radio Kol Hai a révélé que seuls 49 % des Israéliens se décrivant comme Haredim avaient l’intention de voter pour Yahadout HaTorah, contre 66 % il y a un an. Près d’un tiers, soit 30 % de ceux qui se définissent comme « hassidiques », ont déclaré qu’ils voteraient plutôt pour le Parti sioniste religieux, socialement conservateur et d’extrême droite.

Il s’agit d’un seul sondage, d’un indicateur qui ne peut pas être considéré comme la preuve d’un changement radical. Mais, associé à la chute des principaux sondages, il commence à donner une image inquiétante de la situation pour les partis haredim.

Le député Moshe Gafni (à droite) et le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri lors d’une réunion de la commission des finances de la Knesset, le 27 février 2018. (Flash90)

Les députés ultra-orthodoxes pensent en tout cas que la baisse est réelle.

C’est ainsi que Yahadout HaTorah a ouvert un groupe WhatsApp pour les journalistes politiques cette semaine – une première pour le parti qui s’abstient généralement d’utiliser Internet – afin de publier une vidéo de campagne affirmant que les communautés juives réformées pensent que les chiens sont Juifs.

Pour ne pas être en reste, Shas a publié des images de campagne et des interviews de chefs de partis affirmant que le mouvement réformé avait pour objectif de convertir des dizaines de milliers de travailleurs étrangers et de demandeurs d’asile, en leur accordant la citoyenneté en vertu de la Loi du retour.

Yahahout HaTorah est passé à la vitesse supérieure jeudi quand son président, le député Moshe Gafni, est revenu sur la vidéo avec les chiens et l’a associée aux demandeurs d’asile.

« J’aurais pu faire des clips bien pires », a-t-il déclaré au micro de la radio militaire. « J’aurais filmé les [demandeurs d’asile] soudanais dans le sud de Tel Aviv qui expliquent comment les réformés tentent des les convertir. Vous ne pouvez pas cacher la vérité. Les réformés qui font des bar-mitsvot pour leurs chiens sont ceux qui comparent les gens à des chiens. »

Les partis ont saisi toutes les occasions cette semaine pour soulever le spectre de l’immigration massive en provenance du tiers monde qui résulterait du jugement de lundi, de la perte par Israël de son caractère juif face à une « assimilation » – c’est-à-dire de mariages mixtes – et d’une Haute Cour engagée, selon les termes d’un éminent activiste, à transformer Israël, passant d’un « État juif » à un « État de nombreuses nations ».

Migrants et demandeurs d’asile

Ces réactions des Haredim à l’arrêt de lundi sont fascinantes non seulement pour les mensonges qu’elles contiennent (nous en dirons plus à ce sujet dans un instant), mais aussi pour les vérités qu’elles évitent soigneusement.

Les principales affirmations des campagnes des partis ultra-orthodoxes déforment la décision de la Cour.

En voici un exemple : l’avertissement selon lequel des dizaines de milliers de demandeurs d’asile sont sur le point d’être convertis en masse par les mouvements réformé et conservateur et se verront accorder la citoyenneté israélienne.

Une affiche de campagne du parti Shas représentant des demandeurs d’asile africains et avertissant qu’ils pourraient être convertis au judaïsme et se voir accorder la citoyenneté israélienne par le mouvement réformé. (Capture d’écran Twitter)

Comme l’a écrit la juge en chef Esther Hayut dans son opinion majoritaire : « Il faut souligner à nouveau la règle selon laquelle la Loi du retour ne s’applique qu’aux convertis qui résidaient légalement en Israël avant leur conversion, et ce afin d’empêcher tout abus du droit au statut prévu par la Loi du retour. »

Il faut le dire : les mouvements réformé et conservateur en Israël, conformément à la tradition juive et à la loi religieuse, et dans le cadre de leur politique visant à éviter l’accusation portée dans la dernière campagne haredi, ne convertissent pas ceux qui, selon eux, entrent dans le processus de conversion uniquement pour des gains matériels. En fait, ils n’acceptent pas dans leurs programmes de conversion les migrants illégaux ou les demandeurs d’asile, sauf dans des circonstances extrêmement rares.

Mais même si, comme l’avertissent Shas et Yahadout HaTorah, les mouvements devaient ouvrir grand les portes à ces convertis, la décision de lundi ne leur accorderait pas la citoyenneté israélienne. En fait, il les en exclut explicitement et cite une série de précédents qui les ont également exclus pour les mêmes raisons.

Les échos

Mais les partis haredim n’ont pas été les seuls à s’insurger. Des alliés proches du Likud et du Parti du sionisme religieux se sont joints au chœur des critiques.

« La décision de la Haute Cour est scandaleuse, elle va nous mener à la catastrophe », a déclaré lundi le président de la coalition du Likud, le député Miki Zohar. Zohar n’est pas lui-même haredi, mais il siège sur l’aile droite du parti pour les questions religieuses.

Le député Likud Miki Zohar lors d’une réunion à la Knesset, le 13 janvier 2020. (Hadas Parush/Flash90)

« N’importe qui peut aller voir un rabbin réformé et recevoir la permission d’immigrer en Israël dans les trente jours. Il est évident qu’en très peu de temps, Israël ne sera ni Juif ni démocratique », a ajouté Zohar.

D’autres députés haredim ont exprimé les mêmes positions dans des interviews cette semaine, et là aussi, la déformation des faits est surprenante.

Les personnes converties par les réformés et les Massortis en diaspora ont eu le droit, comme le décrit Zohar, d’immigrer en Israël après leur conversion, depuis une décision de la Haute Cour sur la question en 1989, il y a 32 ans.

Les religieux israéliens feraient bien de s’arrêter un instant et de réfléchir à ce point. La citoyenneté israélienne a été accordée à des convertis non-orthodoxes à l’étranger – les foules imaginées par Zohar de non-Juifs avides de fausses conversions aux mains de « réformistes » sans scrupules – il y a plus de trois décennies.

Où sont ces foules ?

Une femme entrant dans le mikvé, le bain rituel juif. (Crédit : JTA / Mayyim Hayyim)

Le discours des Haredim est tellement empreint d’ignorance sur les Juifs de la diaspora qu’il peut prétendre publiquement que c’est une expérience normative du judaïsme réformé que d’organiser des bar-mitsvot de chiens, est aussi assez ignorant pour croire que les convertis juifs libéraux en Occident tenteront inévitablement de frauder l’immigration à une échelle suffisante pour changer la démographie d’Israël. 32 ans de preuves du contraire ne leur semblent pas pertinents pour le débat.

Vraies et fausses conversions

Il n’y a rien d’inhabituel ou d’exceptionnellement perfide à ce qu’une campagne électorale se joue de la vérité. Le but ici n’est pas simplement de mettre en évidence les fausses déclarations, mais de suggérer qu’elles sont lourdes de sens.

Ce n’est pas un hasard si les craintes qui ont dominé le discours anti-réformiste et anti-conservateur ces derniers jours concernent les migrants africains qui obtiendraient la citoyenneté ou le fait qu’un grand nombre de non-Juifs à l’étranger deviendraient Israéliens.

Des migrants africains partent du centre de détention de Holot pour la prison de Saharonim, un centre de détention israélien pour demandeurs d’asile africains, le 22 février 2018. (Crédit : AFP / MENAHEM KAHANA)

Dans les faits, il n’y a presque pas de convertis en diaspora qui finissent par faire leur alyah, et presque pas de convertis en Israël qui ne sont pas déjà citoyens israéliens.

Et c’est là que le bât blesse.

Les conversions libérales en Israël n’ont pas grand chose à voir avec les migrants africains ou les étrangers non-Juifs. Ceux qui se convertissent grâce aux mouvements libéraux font souvent partie de la communauté israélienne russophone. Ils sont déjà citoyens israéliens, proches de Juifs halakhiques, servent déjà dans l’armée israélienne et considèrent déjà que leur vie est indissociable du peuple juif.

Examen d’une conversion au judaïsme par une cour rabbinique, à Jérusalem, en juillet 2003. Illustration. (Crédit : Flash90)

Et ils n’ont aucun moyen de se convertir dans un pays où les institutions religieuses sont de plus en plus dominées par les règles et les normes les plus strictes et les plus proches du monde haredi.

Ils font partie de la base du parti laïc russophone Yisrael Beytenu, une faction qui se présente maintenant sur un programme explicitement anti-Haredi et dont les électeurs se sentent marginalisés et insultés par les dirigeants et les institutions religieuses haredim.

Les partis haredim avaient besoin d’un coup de pouce pour leur campagne, une menace sinistre qu’ils pourraient exploiter pour alerter les électeurs hésitants. Mais ils avaient besoin d’une campagne qui ne viserait et ne mobiliserait pas également les électeurs d’Yisrael Beytenu.

Et voici en quelques mots le débat sur la conversion d’Israël : des menaces inventées, des campagnes truquées et une danse sans fin autour de vérités politiquement dérangeantes.

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