Israël en guerre - Jour 649

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Une immense affiche représentant des musulmans marchant avec leurs drapeaux nationaux vers le Dôme du Rocher à Jérusalem est érigée sur la place Valiasr, dans le centre de Téhéran, le 25 octobre 2023. (Crédit : Atta Kenare / AFP)
Une immense affiche représentant des musulmans marchant avec leurs drapeaux nationaux vers le Dôme du Rocher à Jérusalem est érigée sur la place Valiasr, dans le centre de Téhéran, le 25 octobre 2023. (Crédit : Atta Kenare / AFP)

Israël risquait d’être détruit par l’Iran. Comment le pays s’est sauvé lui-même

L’Iran était à quelques semaines de l’acquisition d’armes nucléaires. Mais contrairement à Gaza en 2023, Israël a fait preuve de vigilance

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le régime iranien était de plus en plus convaincu, ces derniers mois, qu’il serait bientôt en mesure de détruire Israël. L’horloge de la destruction d’Israël, installée sur la place de la Palestine à Téhéran, était bien réelle. Une horloge sous forme de compte à rebours impitoyable annonçant ce que les ayatollahs considéraient comme la fin imminente de l’existence d’Israël, une fin dont ils seraient eux-mêmes à l’origine. Si le régime des mollahs avait été consterné de ne pas avoir été consulté par Yahya Sinwar s’agissant de l’attaque meurtrière qui avait été lancée dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, et de l’absence de toute coordination à ce sujet, il avait été galvanisé par la réussite de ce massacre, une réussite qui semblait confirmer la profonde vulnérabilité d’Israël, et il s’était réjoui de l’instabilité persistante qui avait été provoquée par le pogrom.

L’élimination d’Israël, avait estimé le régime à la fois avec joie et avec une certaine rationalité, était véritablement proche.

Et la vérité est que, aussi apocalyptique que cela puisse paraître, cette estimation était alors sensée.

Une estimation qui avait été, en effet, non-dénuée de raison : cela avait été là le jugement lucide et honnête des chefs militaires et des responsables de la sécurité qui avaient confié aux décisionnaires politiques israéliens, ces derniers mois, qu’Israël devait entrer en guerre contre l’Iran, de préférence au mois de juin – et certainement pas beaucoup plus tard. La fin de l’année 2025 ? Ce serait déjà trop tard. C’était maintenant ou jamais. L’Iran était à quelques semaines de se doter de l’arme nucléaire, avaient-ils dit. Et les capacités balistiques croissantes du régime étaient en train de rapidement devenir une menace existentielle pour l’État juif.

Les leaders politiques avaient écouté. Ils avaient été convaincus. Ils s’étaient coordonnés avec l’administration américaine.

Israël était effectivement entré en guerre.

Et Israël s’est sauvé lui-même.

En route vers Jérusalem

Au mois d’octobre 2023, sur la place Valiasr, une banderole géante avait été déployée. Elle montrait des musulmans marchant sous les drapeaux de leur pays, sous les couleurs de la Palestine, de la Syrie du régime Assad et sous la bannière de différents groupes terroristes pro-iraniens, en direction du Dôme du Rocher, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, un complexe qui se dresse au sommet du Mont du Temple, à Jérusalem. Il s’agissait d’une représentation de la libération de Jérusalem, arrachée au contrôle des Juifs et des sionistes ; une libération apparemment imminente dans le sillage de la prise d’assaut par les terroristes armés du Hamas du sud d’Israël, le 7 octobre, une invasion qui a rapidement tourné au massacre.

Une immense affiche représentant des musulmans marchant avec leurs drapeaux nationaux vers le Dôme du Rocher à Jérusalem est érigée sur la place Valiasr, dans le centre de Téhéran, le 25 octobre 2023. (Crédit : Atta Kenare / AFP)

Au lendemain du 7 octobre, le régime iranien avait accéléré son programme clandestin d’armement nucléaire, accéléré sa production de missiles balistiques, renforcé ses systèmes de défense antiaérienne et lancé une attaque directe à l’encontre d’Israël au mois d’avril 2024 pour la toute première fois, procédant à d’autres tirs de barrage massifs de missiles au mois d’octobre.

Tout en raillant en public la puissance de ces attaques, Israël avait reconnu en privé l’audace de l’Iran et les dangers posés par ses missiles. L’État juif avait observé avec une admiration inquiète les militaires du régime intérioriser et commencer à tirer les leçons de l’échec relatif des deux séries de frappes, analysant la nature des réponses militaires d’Israël.

Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi après une réunion sur le programme nucléaire de Téhéran, avec le ministre allemand des Affaires étrangères, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le ministre britannique des Affaires étrangères, à Genève, le 20 juin 2025. (Crédit : Fabrice Coffrini / AFP)

Toutefois, à la fin de l’année 2024, l’Iran avait perdu du terrain s’agissant de ses proxies. Israël avait éliminé Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, le plus important des groupes mandataires de l’Iran, et le pays avait considérablement affaibli les capacités de l’organisation terroriste, à la fois en faisant exploser des milliers de bipeurs piégés qui appartenaient à ses hommes armés et en détruisant les capacités de missiles et de roquettes de l’organisation chiite dans une grande partie du Liban.

Si le Hamas gardait toujours en captivité des otages israéliens à Gaza et qu’il résistait aux efforts livrés par l’armée israélienne pour anéantir l’ensemble de ses capacités militaires et civiles, le groupe terroriste au pouvoir au sein de l’enclave côtière n’était plus que l’ombre de lui-même, avec ses 24 bataillons. Il y avait eu ensuite la chute du régime d’Assad en Syrie et la réponse rapide de Tsahal, qui avait empêché les principaux actifs militaires de tomber entre les mains du nouveau régime rebelle et qui avait garanti qu’Israël conserverait sa suprématie aérienne dans la région.

Le régime de Téhéran avait réagi en accélérant encore son programme nucléaire. Il avait renforcé ses activités d’enrichissement de l’uranium, augmentant ses stocks d’uranium enrichi à 60 %. La République islamique avait réalisé des progrès significatifs en matière d’armement. Ses principaux scientifiques avaient procédé à des tests et à des simulations qui avaient révélé à quel point les Iraniens étaient proches de la bombe atomique. En violation des traités internationaux et d’une fatwa apparemment lancée contre les armes nucléaires, il devenait évident que les scientifiques travaillaient à permettre une percée rapide vers la bombe.

.Un responsable iranien de la sécurité en tenue de protection traverse une installation nucléaire juste à l’extérieur de la ville iranienne d’Ispahan, le 30 mars 2005. (Crédit : Vahid Salemi/AP)

Dans le même temps, l’Iran avait considérablement renforcé ses capacités de production de missiles. Comme l’avait annoncé ouvertement Israël, l’Iran s’était doté d’un arsenal d’environ 2 500 missiles d’une très grande puissance, un grand nombre étant équipés d’ogives d’une tonne – susceptibles de causer des dégâts considérables – et la République islamique était en passe d’en posséder 4 000 à l’horizon du mois de mars 2026 et 8 000 à l’horizon 2027. Ainsi, la menace des missiles conventionnels devenait un danger existentiel, une menace tout à fait capable de submerger les systèmes de défense antiaérienne israéliens, de semer la mort et la destruction dans tout le pays et, si Israël devait être pris au dépourvu, d’empêcher les avions de l’armée israélienne de réagir avec efficacité.

Avec ses milliers de drones, l’Iran voulait, par exemple, frapper les bases aériennes israéliennes avec pour objectif d’empêcher les avions de l’armée de l’air de décoller pour riposter.

Malgré le revers cuisant subi par le Hezbollah – sur lequel il comptait pour lancer 1 000 à 3 000 roquettes et missiles en direction du territoire israélien le moment venu – le régime était également convaincu que ses plans d’invasion terrestre d’Israël restaient viables, ses proxies et leurs partisans étant susceptibles de reproduire une attaque similaire à celle qui avait été lancée par le Hamas sur presque tous les fronts, y compris depuis la Jordanie. Comme l’avait noté le conseiller à la sécurité nationale Tzachi Hanegbi, le régime croyait que son projet de « destruction d’Israël », planifié de longue date, via une invasion sur plusieurs fronts, un assaut qui serait lancé au beau milieu d’une attaque dévastatrice de missiles et de drones, était viable.

Toutefois, pour atteindre son objectif, l’Iran devait avant tout frapper en premier et prendre Israël par surprise.

L’homme le plus dangereux d’Iran

Surveillant l’Iran avec un niveau de pénétration des services de renseignement bien supérieur à ce que le régime avait imaginé, les responsables militaires et sécuritaires israéliens avaient reçu le feu vert de la hiérarchie politique concernant le lancement d’une action préventive au mois de février 2025.

Cela faisait des années qu’Israël se préparait à bombarder le programme nucléaire iranien – mais l’État juif n’avait toujours pas accordé la priorité à cette nécessité potentielle, ni alloué le budget nécessaire à cette opération, en particulier après la conclusion, par l’administration Obama, d’un accord avec le régime iranien, le JCPOA, une tentative imparfaite dont l’objectif était d’empêcher l’Iran de se doter de la bombe. Le JCPOA avait été ratifié en 2015.

L’armée israélienne, de son côté, avait effectué un exercice sans précédent au mois de mai 2023, simulant une attaque sur plusieurs fronts contre Israël – une attaque qui, selon ce scénario, était déclenchée par une frappe israélienne menée contre des installations nucléaires iraniennes. Mais cela n’avait été qu’en octobre 2024 que Tsahal avait commencé à se préparer sérieusement à une attaque qui prendrait pour cible non seulement le programme nucléaire, mais aussi le programme de missiles balistiques, les systèmes de défense antiaérienne iraniens et bien plus encore.

Le réacteur nucléaire irakien d’Osirak, avant le bombardement israélien de 1981. (Crédits : Wikipedia)

À deux reprises auparavant – en Irak en 1981 et en Syrie en 2007 – Israël avait détruit les programmes d’armement nucléaire de ses ennemis.

Mais les comparaisons sont inappropriées. Il s’agissait alors de frappes audacieuses contre des réacteurs nucléaires isolés. Ce qui s’est produit lors de la dernière campagne a été une attaque d’un tout autre ordre, une attaque lancée contre un ennemi qui pensait avoir conscience de ce qui l’attendait.

À deux reprises auparavant – en Irak en 1981 et en Syrie en 2007 – Israël avait détruit les programmes d’armement nucléaire de ses ennemis.

Au mois d’avril, les planificateurs avaient décidé que le mois de juin serait idéal pour les frappes. Ils avaient estimé que les renseignements dont disposait Israël sur l’Iran ne seraient probablement plus autant d’actualité après cette date, en particulier en ce qui concernait le programme nucléaire – sans doute parce que les dernières phases de cette militarisation étaient susceptibles d’être menées dans des endroits moins évidents que les principaux sites nucléaires actuellement connus. L’armée israélienne serait, de surcroît, au maximum de sa préparation. L’Iran n’aurait pas encore rétabli les systèmes de défense antiaérienne qui avaient été visés et détruits par l’armée de l’air israélienne, au mois d’octobre dernier. Les proxies de Téhéran étaient faibles. Les capacités balistiques de l’Iran ne feraient que se renforcer chaque jour qui passe.

Cela n’avait pas été un hasard si Trump avait donné à l’Iran un délai de 60 jours pour tenter de résoudre la problématique du nucléaire par le biais de la diplomatie. Un délai qui avait expiré le 12 juin.

Les planificateurs militaires avaient estimé que les Iraniens préparaient leur propre offensive, tout en surveillant minutieusement les mesures préventives susceptibles d’être prises par Israël. Les premières frappes israéliennes devaient donc être dévastatrices.

Des lanceurs de missiles balistiques iraniens sont visés par des frappes aériennes israéliennes, dans des images publiées par l’armée israélienne le 16 juin 2025. (Armée israélienne)

Dans les toutes premières heures de la campagne, les principaux commandants du régime devaient être éliminés. C’était également le cas des structures de commandement et de contrôle de l’armée iranienne. Les systèmes de défense antiaérienne devaient être neutralisés. Tout devait être mis en œuvre pour réduire au minimum le nombre de missiles que l’Iran serait en mesure de lancer dans le cadre de sa riposte immédiate. Il était donc indispensable de neutraliser un grand nombre de lance-missiles, de sites de lancement, de stocks de missiles, de réserves de carburant et de personnel depuis l’ouest de l’Iran jusqu’à la région de Téhéran et au-delà. Partout.

Les principales installations nucléaires devaient être prises pour cible avec toute la puissance des capacités israéliennes. Il en allait de même pour les installations de premier plan qui abritaient le programme nucléaire. Il fallait également éliminer les scientifiques, les experts qui œuvraient à faire avancer, en toute clandestinité, le programme nucléaire iranien jusqu’à son objectif final : la fabrication d’une bombe atomique opérationnelle.

L’effet de surprise était essentiel. Mais il fallait également établir la suprématie aérienne de Tsahal jusqu’à Téhéran pour être en mesure de garantir que les vagues d’attaques israéliennes pourraient se succéder, ce qui permettrait ainsi la prise d’assaut continuelle de cibles essentielles.

Mais comment créer un effet de surprise totale lorsqu’il faut parcourir 1 800 kilomètres pour lancer des frappes ?

D’une part, en réduisant au minimum le nombre de personnes ayant connaissance de l’offensive qui était prévue. Même de hauts responsables de l’armée et de la sécurité – ils étaient nombreux – n’ont été informés de ce qui se passait qu’une fois que l’opération était bien entamée. Seul le cercle très restreint des responsables politiques était pleinement au courant.

D’autre part, en mettant en place des opérations et des mouvements de diversion. Les États-Unis ont expliqué en détail la manière dont ils ont envoyé plusieurs bombardiers B-2 à Guam, des vols qui ont été très médiatisés, alors même qu’ils déployaient secrètement d’autres B-2 qui seraient chargés de larguer des bombes antibunker sur Fordo en date du 22 juin, en tout début de matinée. Les opérations de diversion menées par Israël lors du lancement de la guerre, le 13 juin, ont été encore plus importantes et elles ont été largement passées sous silence jusqu’à présent.

Cette image compare l’installation nucléaire iranienne de Fordo avant et après le bombardement du site par les États-Unis le 20 juin 2025. (Crédit : AP Graphic)

La manière dont l’armée de l’air a condensé ses vols sur une distance de 1 800 kilomètres, au point que l’Iran ignorait tout de l’arrivée des avions, reste un mystère. Mais le fait est que l’Iran a été pris au dépourvu, déstabilisé dans des premières heures de conflit qui se sont avérées être cruciales.

C’est tout l’État d’Israël qui a été réveillé par les alarmes stridentes des téléphones mobiles au moment où l’attaque a commencé, aux premières heures de la matinée du 13 juin – et les porte-parole du Commandement du front intérieur sont apparus sur les chaînes de la télévision nationale pour informer le pays qu’il allait se passer quelque chose, avec notamment une « frappe déterminante en provenance de l’Est ». Entraînés à rester calmes et concentrés – même dans les circonstances les plus effrayantes – les porte-parole semblaient effectivement relativement sereins mais il était évident qu’ils n’avaient aucune idée réelle de ce qui était en train de se produire en Iran et de ce qui pourrait survenir au sein de l’État juif.

L’armée israélienne avait anticipé que l’Iran tenterait de tirer 300 à 500 missiles lors de sa première riposte aux frappes de l’armée de l’air, et qu’il était possible que 300 missiles soient même lancés au cours des quinze premières minutes. En fin de compte, la république islamique n’a procédé à aucun tir pendant 18 heures.

L’armée israélienne avait anticipé que l’Iran tenterait de tirer 300 à 500 missiles lors de sa première riposte aux frappes de l’armée de l’air et qu’il était possible que 300 missiles soient même lancés au cours des quinze premières minutes. C’est la raison pour laquelle ordre avait été donné de mettre en alerte tout le pays. Les Israéliens devaient être prévenus, sans qu’on leur dise précisément de quoi il s’agissait. Il n’est guère étonnant que les porte-parole du commandement du Front intérieur aient ainsi affiché une certaine perplexité.

En fin de compte, la République islamique n’a procédé à aucun tir pendant les 18 heures qui ont suivi l’attaque israélienne. Téhéran savait qu’Israël allait attaquer – mais le régime ne savait pas que ces frappes se produiraient cette nuit-là. Israël a lancé son offensive peu avant 3 heures du matin ; l’Iran a tiré ses deux premières salves de missiles – une série d’une trentaine de missiles à chaque fois – peu après 21 heures.

Le général de brigade Amir Ali Hajizadeh des forces aérospatiales du Corps des gardiens de la révolution islamique, le 1er juillet 2024. (Capture d’écran X. Utilisé conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Un seul officiel iranien a eu le pressentiment, juste avant les frappes, que quelque chose se tramait : Amir Ali Hajizadeh, le chef des forces aérospatiales au sein du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), une organisation inscrite sur la liste noire du terrorisme aux États-Unis. Responsable des missiles et des drones iraniens, Hajizadeh était considéré par les chefs des services de sécurité israéliens comme l’homme le plus dangereux de l’Iran, rien de moins, et il figurait très certainement sur la liste initiale des cibles.

Israël craignait de l’avoir perdu de vue alors que ses avions prenaient pour cible, avec une grande précision, des personnalités iraniennes de premier plan dans les premières minutes et dans les premières heures de ses frappes – des personnalités traquées dans des endroits aussi précis que les pièces d’un appartement situé à l’étage, dans un immeuble résidentiel. Hajizadeh s’était toutefois rué dans un bunker militaire qu’il croyait sûr, et où il avait convoqué ses principaux collaborateurs. C’est là qu’Israël l’aura finalement trouvé et éliminé, aux côtés de cinq autres officiers supérieurs de l’armée de l’air du CGRI.

Un déversement sans précédent

Les planificateurs militaires et les responsables israéliens en charge des opérations considèrent aujourd’hui l’attaque initiale comme une réussite incroyable – et ils regardent avec la même satisfaction les 12 jours d’offensive concertée qui ont suivi. Le chef d’état-major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a ouvertement déclaré, sans exagération, que le programme nucléaire iranien et les capacités balistiques de la république islamique avaient été « considérablement endommagés ».

Toutes les cibles prédéfinies ont effectivement été attaquées et détruites – ou endommagées – dans la mesure où les planificateurs l’avaient jugé possible, voire au-delà de leurs espérances. Les dernières phases de la guerre – y compris en ce qui concerne les premières heures qui ont suivi l’annonce du cessez-le-feu par Trump, alors que la trêve n’était pas encore mise en vigueur – ont été l’occasion de détruire des centaines de cibles de première importance. C’était encore le cas au moment où le président américain, furieux, s’était publiquement emporté contre « le déversement sur l’Iran d’une quantité de bombes telle que je n’en ai jamais vu auparavant ».

Des personnes en deuil assistant au cortège funéraire des commandants militaires et scientifiques iraniens tués lors des frappes israéliennes sur la place Enghelab (Révolution), dans la capitale Téhéran, le 28 juin 2025. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Les scientifiques nucléaires de haut niveau ont disparu et ils seront difficiles à remplacer. Natanz serait détruit, ainsi que ses centrifugeuses. Ispahan, probablement la seule installation iranienne qui était capable de convertir de l’uranium sous la forme nécessaire aux travaux d’enrichissement et probablement la seule usine capable de convertir l’uranium enrichi en métal solide destiné à être utilisé dans des ogives, est sans doute détruite, elle aussi. Le site de Fordo, où l’Agence internationale de l’énergie atomique des Nations unies avait signalé, en 2023, qu’elle avait trouvé les preuves d’un enrichissement à 83,7 % (juste en dessous du seuil requis pour la fabrication d’armes), n’est plus opérationnel, en grande partie grâce aux bombardements américains.

L’installation iranienne de conversion d’uranium près d’Ispahan, qui retrait le concentré d’uranium pour le transformer en hexafluorure d’uranium, qui est ensuite transporté à Natanz et introduit dans les centrifugeuses pour être enrichi, le 30 mars 2005. (Crédit : AP/Vahid Salemi)

Le programme de missiles balistiques de l’Iran est fortement dégradé. Le pays, selon les estimations, disposerait encore de 700 à 1 000 missiles et de moins de 200 de ses 400 lanceurs d’origine. Mais l’armée israélienne n’a pas seulement visé les missiles et les lanceurs – elle a aussi pris pour cible les tunnels d’où ils émergent pour attaquer, ainsi que les usines qui assuraient leur production et celle de leurs composants. Et en effet, Tsahal a visé d’innombrables installations qui relevaient du secteur chargé de la fabrication de l’arsenal militaire iranien.

Graphique de l’armée israélienne montrant les hauts responsables militaires et nucléaires iraniens tués lors de l’attaque israélienne contre l’Iran le 13 juin 2025. (Crédit : Armée israélienne)

Les drones du régime se sont révélés être une nuisance, certes, mais pas un danger profond. Téhéran en a lancé un millier en espérant causer des dégâts considérables. La République islamique n’est parvenue à enregistrer qu’un seul impact, une maison à Beit Shean.

Il y a de cela douze jours, j’écrivais que l’Iran n’était « qu’à deux mois, voire qu’à une seule semaine » de l’acquisition des capacités nécessaires pour pouvoir fabriquer une bombe opérationnelle.

Aujourd’hui, Zamir a confié à ses collègues, semble-t-il, que l’Iran n’était plus un État du seuil nucléaire et que ses plans d’anéantissement d’Israël avaient pris des années de retard.

Le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir, et le chef sortant du Shin Bet, Ronen Bar, rencontrant les généraux au quartier général du Commandement du Sud, à Beer Sheva, le 6 mai 2025. (Crédit : Armée israélienne)

« Seuls » 14 % des missiles iraniens ont atteint leur cible

Il n’y a toutefois absolument aucune raison de se réjouir. Israël s’est laissé glisser dans un péril existentiel, et le succès stupéfiant de la guerre de douze jours n’est qu’une victoire temporaire.

L’Iran ne va pas disparaître. Et tant que les ayatollahs resteront au pouvoir, il est certain qu’ils relanceront leurs initiatives en vue de la destruction d’Israël. Comme l’a fait remarquer l’ancien Premier ministre Naftali Bennett dans une interview accordée samedi dans la soirée, « c’est clair qu’ils vont commencer à relancer dès maintenant » le programme nucléaire. « L’essentiel est de les empêcher de le faire », a-t-il ajouté.

Tout en se réjouissant et en exprimant leur profond soulagement face aux résultats obtenus lors de la guerre, les hauts responsables militaires et sécuritaires restent déterminés à ne pas sous-estimer le régime et sa volonté farouche d’anéantir Israël. Il ne s’agit finalement que d’un coup particulièrement dur qui a été porté dans un combat à mort. Ce n’est pas la fin de la lutte existentielle.

De gauche à droite : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu visite le site d’impact d’un missile balistique iranien ayant endommagé l’Institut Weizmann à Rehovot, le 20 juin 2025. (Crédit : Itai Ron / Flash90) ; Le président américain Donald Trump après son arrivée à la base conjointe Andrews dans le Maryland, le 21 juin 2025. (Crédit : Mandel Ngan / AFP) ; Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, lors d’un discours télévisé, le 13 juin 2025. (Crédit : Bureau du guide suprême iranien via AP)

Et même cette fois-ci, malgré des frappes initiales spectaculaires, l’Iran a progressivement retrouvé son équilibre.

L’armée israélienne a tiré plus de 4 000 projectiles de précision de différents types sur des cibles spécifiques – notamment sur des symboles du régime, comme l’était le siège de la chaîne de télévision publique dont un présentateur s’est trouvé dans l’obligation de se mettre à l’abri en plein direct. Le régime est toujours debout, et son leader, Ali Khamenei, est sorti de son bunker pour affirmer que non seulement que l’Iran ne se rendra jamais, mais aussi que c’est la République islamique qui a gagné la guerre.

Ce n’est pas le cas. Israël a maintenu sa suprématie aérienne sur Téhéran et l’État juif a sélectionné ses cibles à sa guise, avec la capacité de continuer à le faire. Téhéran n’avait pas été attaquée depuis la guerre Iran-Irak, il y a 30 ans. Quelque part dans l’esprit du régime, il y avait peut-être un refus d’admettre qu’Israël pouvait passer à l’action, qu’il oserait seulement le faire.

Un membre du personnel hospitalier circule dans une zone endommagée du complexe hospitalier Soroka bombardé par un missile iranien, à Beer Sheva, en Israël, le jeudi 19 juin 2025. (Crédit : AP Photo/Leo Correa)

Mais si « seulement » 14 % des missiles tirés par la république islamique ont touché des zones peuplées et des infrastructures stratégiques — les États-Unis ayant joué un rôle très important en matière de défense du territoire — ils ont causé de lourds dégâts.

Vingt-huit personnes ont été tuées. Toutes étaient des civils, à l’exception d’une des victimes. Plus de 3 000 personnes ont été hospitalisées, dont 23 qui étaient grièvement blessées. Des dizaines d’habitations ont été détruites ou endommagées, des immeubles résidentiels et des tours de bureaux ont été détruits, et environ 13 000 personnes ont été déplacées. L’hôpital Soroka de Beer Sheva, une crèche de la même ville, un bâtiment abritant des laboratoires scientifiques au sein de l’Institut Weizmann à Rehovot, la raffinerie de pétrole Bazan à Haïfa, un centre de rééducation pour enfants handicapés à Bnei Brak, ont tous été directement touchés et détruits.

Le professeur Eldad Tzahor, de l’Institut Weizmann des sciences de Rehovot, à l’endroit où se trouvait son laboratoire, détruit par un missile iranien le 15 juin 2025. (Autorisation)

Le régime iranien, dissimulant la vérité, fait de son mieux pour minimiser les dommages d’un tout autre ordre qui ont été causés à ses installations nucléaires et militaires ainsi qu’à ses hommes. Les responsables politiques et militaires israéliens savent que les dégâts relativement mineurs qu’ils ont essuyés sont d’ores et déjà bien trop importants pour les leaders iraniens.

Savoir quand s’arrêter

Les chefs militaires et politiques avaient convenu au préalable de fixer des objectifs réalisables dans le cadre de cette offensive – des objectifs qui consistaient à « créer les conditions pour empêcher la nucléarisation de l’Iran à long terme et pour améliorer l’équilibre stratégique d’Israël ». Après douze jours, l’armée israélienne a annoncé que ces objectifs avaient été atteints et que la position d’Israël risquait de s’affaiblir si le conflit devait se poursuivre, avec une république islamique qui se renforcerait en contraste.

L’armée israélienne avait estimé que plusieurs de ses avions pourraient être abattus et que des pilotes pourraient être capturés. Cela ne s’est pas produit. Elle avait évalué que 400 personnes pourraient trouver la mort sur le front intérieur si la guerre durait 30 jours. Un nombre qui serait ensuite appelé à augmenter.

Une pilote de l’armée de l’air israélienne se dirigeant vers un avion de chasse F-16 avant de décoller pour frapper l’Iran, sur une photo publiée le 22 juin 2025. (Crédit : Armée israélienne)

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à qui l’armée israélienne a attribué le mérite d’avoir su mettre en place les conditions qui ont permis aux États-Unis de se joindre à l’attaque, avait reconnu la nécessité d’éviter une guerre d’usure et de ne pas laisser à l’Iran le temps de modifier l’équilibre des forces dans le cadre du conflit. Le président américain Donald Trump ayant très publiquement négocié un cessez-le-feu, la guerre a ainsi pris fin.

Contrairement à Gaza, où le conflit se poursuit dans la mesure où les objectifs d’élimination de la menace incarnée par le Hamas et de remise en liberté de tous les otages n’ont pas été atteints, la mission a été accomplie en Iran. L’armée israélienne a été prête à mettre en danger la vie de ses soldats et la vie des civils pour faire face à une menace existentielle – mais elle n’a pas voulu le faire quand elle a considéré que cette menace avait été éliminée, du moins dans un avenir proche, et qu’elle a estimé qu’il y avait de fortes chances que des gains supplémentaires soient assombris par des pertes plus importantes.

Montage photos des 28 victimes des missiles iraniens en juin 2025, de gauche à droite : Yevgenia Blinder, Eti Cohen Angel, Yisrael Aloni, Manar Khatib, Shada Khatib, Hala Khatib, Manar Khatib, Miki Nahum, Belina Ashkenazi, Efrat Saranga, Meïr Vaknin, Mariia Pieshkurova, Daisy Yitzkahi, Hadassah Belo, Kostiantyn Tutevich, Illia Pieshkurov, Anastasia Buryk ; Cpl. Eitan Zacks, Noa Boguslavsky, Uri Levy, Igor Fradkin, Daniel Avraham, Avraham Cohen, Naomi Shaanan, Ivette Shmilovitz, Yaakov Belo et Michal Zacks. Aucune image d’Olena Sokolova n’est disponible. (Crédit : Times of Israel/Autorisation)

Israël souhaite voir les États-Unis conclure un « bon accord » avec l’Iran et le pays espère pouvoir contribuer aux dispositions nécessaires dans le cadre d’un tel accord. Mais l’État juif ne doute pas du fait que l’Iran fera tout ce qui est en son pouvoir pour contourner les obstacles – même les plus stricts – à la reprise de son programme de fabrication de bombes. Si Tsahal doit frapper à nouveau, les militaires estiment qu’ils pourront le faire en quelques jours.

Pas de capitulation

Une nouvelle œuvre a fait son apparition ces derniers jours sur la place Valiasr. Il ne s’agit plus d’une scène représentant la marche vers Jérusalem, vue de dos. Sur cette composition, il y a des Iraniens de tous les horizons – des chefs militaires reconnaissables, mais aussi des stars du football, des ingénieurs, des femmes – dont le regard interpelle directement les passants.

Aucune capitulation dans cette scène. Les Iraniens représentés, civils et militaires, saluent. Des missiles laissent derrière eux des traînées de fumée. Le slogan qui accompagne l’image est le suivant : « Nous sommes tous des soldats de l’Iran ».

Mais cette fois-ci, il n’y a pas de couleurs autres que celles du drapeau iranien. Et l’arrière-plan n’est pas le Dôme du Rocher de Jérusalem, mais le mont Damavand, le plus haut sommet d’Iran. Le régime tente ainsi de transmettre un message d’unité nationale et, peut-être même, de recentrage sur le front intérieur.

Une banderole représentant différentes catégories de la société iranienne est déployée sur la façade d’un immeuble de la place Valiasr à Téhéran, avec un message en farsi qui dit : « Nous sommes tous des soldats de l’Iran », le 22 juin 2025. (Crédit : AFP)

Et pourtant, il est plus que probable que l’Iran ait détourné une partie, voire la majorité de son uranium enrichi vers d’autres sites que ceux qui ont été pris pour cible par Tsahal pendant cette guerre, et c’est aussi le cas pour de nombreuses centrifugeuses. Le territoire de l’Iran est environ 75 fois plus grand qu’Israël, ce qui lui laisse beaucoup d’espace pour construire des usines nucléaires plus petites, pour enrichir et pour fabriquer des armes, tout en essayant d’éviter d’attirer l’attention. De nouveaux scientifiques remplaceront ceux qui sont partis. Il n’est pas impossible que le Pakistan ou la Corée du Nord soient tentés de fournir des armes nucléaires à l’Iran.

De nouveaux dirigeants, peut-être plus radicaux, remplaceront les anciens tant que le régime restera au pouvoir. Et ce régime, humilié pendant douze jours en ce mois de juin, pourrait être plus motivé que jamais à l’idée de se lancer dans la course à la bombe atomique ou, comme il l’a fait jusqu’à présent, à panser ses blessures et à reconstruire patiemment l’ensemble de son programme.

Samedi, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a prédit que l’Iran pourrait reprendre ses travaux d’enrichissement d’uranium « dans quelques mois ». De son côté, Israël s’attend à ce que le régime tente de relancer son programme beaucoup plus rapidement.

« Si nous n’avions pas agi maintenant… »

Israël a échappé de peu à la catastrophe.

L’État juif n’a d’ailleurs pu se sauver lui-même que parce que Yahya Sinwar, craignant des fuites, avait choisi de ne pas coordonner l’opération du 7 octobre 2023 avec l’Iran et avec les autres proxies, estimant – à tort – que le reste de l’axe se joindrait à lui lorsqu’il reconnaîtrait son « succès » et qu’il se joindrait à la marche triomphale vers Al-Aqsa (Israël ne sait toujours pas, à ce jour, pourquoi l’Iran s’est abstenu.)

Le ministre de la Défense israélien, Israel Katz, a affirmé la semaine dernière que l’armée de l’air avait détruit l’horloge de la « destruction d’Israël », installée sur la place de la Palestine à Téhéran, qui comptait les jours jusqu’à la disparition prévue d’Israël en 2040. Il est difficile de dire avec certitude si l’horloge a été détruite. Si tel est le cas, l’Iran la réparera, cela ne fait aucun doute. Et nous sommes tous pleinement conscients que son objectif était d’anéantir Israël bien avant 2040.

C’était le cas. Et ça l’est toujours.

Un chasseur F-15 de l’armée de l’air israélienne décolle pour des frappes aériennes contre les Houthis soutenus par l’Iran au Yémen, 26 décembre 2024. (Crédit : armée israélienne)

Netanyahu a décrit mardi dernier avec justesse cette guerre comme une victoire « historique » et il a déclaré qu’elle ouvrait la voie à de nouveaux accords de normalisation potentiels. Il a également affirmé qu’elle serait respectée pendant des générations et qu’Israël avait « réduit à néant » le programme nucléaire iranien — des évaluations que les responsables de la sécurité ne peuvent, ne doivent et n’osent approuver avec complaisance.

Le Premier ministre a également déclaré qu’Israël aurait été confronté à la destruction dans un avenir proche « si nous n’avions pas agi maintenant ».

Sur ce point en tout cas, il n’y a pas de désaccord possible.

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