Israël en guerre - Jour 348

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Un tatouage "07.10.23" sur la main droite d'un évacué du kibboutz Erez. (Crédit : Lior Yosefi)
Un tatouage "07.10.23" sur la main droite d'un évacué du kibboutz Erez. (Crédit : Lior Yosefi)

7 octobre – Se faire tatouer, tel un mémorial vivant

Faisant le deuil de leurs proches et de la pire attaque terroriste de l’histoire du pays, de nombreux Israéliens se font tatouer pour garder en eux le souvenir de ceux qu’ils ont perdus

Gal Danguri s’était fait faire un tatouage en lien avec son équipe sportive préférée deux jours avant d’être assassiné.

L’encre n’était pas encore sèche que Danguri était tué, en compagnie de ses deux meilleurs amis, Nadav Bartal et Ofek Ravia, tous trois âgés de 23 ans, au Festival Supernova, à proximité du kibboutz Reïm. Le trio, un groupe d’amis inséparables de la même communauté, avait des tatouages représentant des symboles de main – qui ont été reproduits sur leurs tombes, situées l’une à côté de l’autre.

Moins de deux semaines après leur mort, sept de leurs amis se sont rendus chez la tatoueuse Lior Yosefi – celle qui avait tatoué Danguri quelques jours avant qu’il ne soit tué – pour se faire tatouer leurs propres versions des tatouages de leurs amis en guise de mémorial vivant.

« Gal est venu me voir avec sa petite amie, Koral, le jeudi 5 octobre (…). Je lui ai fait un tatouage : c’était un type incroyable », a déclaré au Times of Israel Yosefi, qui travaille dans un studio de tatouage à Shoham. Puis, le 19 octobre, « cinq de leurs amis sont venus, puis deux autres », pour se faire tatouer en mémoire du trio dont les vies avaient été fauchées.

Yosefi a déclaré que le fait de parler au groupe d’amis pendant qu’elle travaillait était thérapeutique pour toutes les personnes impliquées : « Nous les avons tatoués l’un après l’autre et, à chaque fois que je commençais un nouveau tatouage, je leur demandais d’abord s’ils étaient d’accord pour que je leur parle de ce qu’ils avaient vécu le 7 octobre et de la perte de leurs amis. « Parce qu’il y a des gens qui ne veulent pas parler (…). Il était important pour moi d’être là et d’écouter. »

Dans les semaines et les mois qui ont suivi le massacre perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas, qui a coûté la vie à près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël – dont la moitié avaient moins de 30 ans – les tatouages se sont imposés comme un moyen poignant et généralisé de commémorer les êtres chers et d’immortaliser la pire attaque terroriste de l’histoire d’Israël.

À gauche : les tatouages de Nadav Bartal, à gauche, Gal Danguri, au centre, et Ofek Ravia ; à droite : les tatouages que leurs amis se sont fait faire en leur mémoire après leur décès. (Crédit : Lior Yosefi)

« Un tatouage est une sorte de mémorial », a expliqué Roey Pentagram, tatoueur émérite installé à Tel Aviv depuis des dizaines d’années. « C’est un peu comme d’aller au cimetière et voir un nom sur la pierre tombale, sauf que c’est la personne elle-même qui fait office de pierre tombale. »

Même si lui ne le ferait pas, il dit pouvoir comprendre leur point de vue : « Un tatouage est permanent, il me suivra toute ma vie, et je sais que, de cette façon, je me souviendrai de la personne qui m’était proche et qui est morte, a été tuée ou assassinée. »

Si les tatouages sont devenus monnaie courante après le 7 octobre, ils sont particulièrement visibles chez les survivants de Supernova et chez ceux qui y ont perdu des êtres chers, le tatouage faisant partie intégrante de l’éthique et de la culture des festivals de musique. Malgré la vision de la loi juive – et leur utilisation tristement célèbre durant la Shoah – les tatouages sont très populaires en Israël comme moyen d’exprimer l’individualité et de marquer une tragédie.

« Ne jamais être oublié »

Environ une semaine après le massacre du 7 octobre, Haïm Jelin – ancien membre de la Knesset, ancien maire du Conseil régional d’Eshkol et membre de longue date du kibboutz Beeri – a présenté son nouveau tatouage : la date du 7.10.2023 tatouée de manière symbolique sur son avant-bras.

« Je me suis dit que le seul moyen pour que les gens comprennent qu’il y a eu une Shoah (…) était de me faire ce tatouage, qui est symbolique, il porte la date de la tragédie du samedi matin », a expliqué Jelin lors d’une entrevue avec les médias. « Le 7 octobre 2023 ne sera jamais oublié. Ni dans 50 ans, ni dans 100 ans. »

Depuis lors, les récits de tatouages commémoratifs se sont multipliés. Après avoir été libérée de 55 jours de captivité dans les geôles du Hamas, Mia Shem, qui a été kidnappée à Supernova, s’est fait tatouer « Nous danserons encore » sur son bras, à côté de la date du 7.10.23. Maya Regev, qui a été libérée de Gaza quatre jours avant son frère, Itaï Regev, s’est fait tatouer « Mon frère, ne t’inquiète pas » en hébreu sur son bras après sa libération. Le frère et la sœur, ainsi que leur père, ont également d’autres tatouages relatifs au 7 octobre.

Alors que les Israéliens pleurent leurs proches, beaucoup ont inscrit leur nom, leur visage ou reproduit leurs tatouages sur leur propre corps en guise de souvenir. Des tatoueurs ont été engagés pour des cérémonies commémoratives ou se sont même installés pendant la shiva – semaine de deuil traditionnelle – pour se mettre au service des endeuillés. La date du massacre, une Magen David, le nom ou le logo du festival et une carte de l’État d’Israël sont autant de choix populaires.

Des tatouages inspirés du 7 octobre créés par la tatoueuse Lior Yosefi dans les semaines et les mois qui ont suivi le massacre. (Crédit : Lior Yosefi)

Gideon et sa sœur Noa Chiell, qui ont tous deux été assassinés lors du Festival Supernova, avaient les mêmes tatouages en hébreu : « Il n’y a rien d’impossible », une devise inscrite sur la pierre tombale de leur grand-père. Plusieurs membres de la famille se sont depuis lors fait tatouer la même chose en signe de solidarité.

Dor Shafir, qui a été tué lors du Festival Psyduck, à proximité du kibboutz Nirim (une fête différente et plus petite que celle du Festival Supernova), avait un tatouage non conventionnel d’un lion mangeant les céréales israéliennes populaires « Kariot » – qui a été gravé sur sa tombe ; plusieurs de ses amis se sont fait tatouer des céréales en sa mémoire.

La défunte festivalière Gaya Halifa avait un tatouage d’un gramophone avec un cœur intégré, et toute sa famille s’est fait tatouer le même tatouage après ses funérailles, ses parents ajoutant la date : 7.10.2023.

L’artiste Pentagram, basé à Tel Aviv, a déclaré qu’il n’avait fait qu’une poignée de tatouages liés au 7 octobre jusqu’à présent, dont deux tatouages de la date et du nom du festival, ainsi qu’une survivante qui s’est fait tatouer le tatouage que son frère décédé n’avait jamais eu le temps de faire.

Un tatouage inspiré du 7 octobre créé par Roey Pentagram. (Crédit : Pentagram Tattoo)

À ce jour, le tatouage le plus intense qu’il ait réalisé est un énorme dessin représentant un char de Tsahal écrasant un terroriste du Hamas au milieu des destructions dans le sud d’Israël.

Il a expliqué qu’il avait fallu environ 12 heures pour le réaliser sur deux jours et qu’il avait été demandé par quelqu’un qui n’avait perdu ni amis proches ni membres de sa famille dans les attaques, « mais qui est très patriote, très sioniste et qui aime profondément Israël ».

Des séances thérapeutiques

La tatoueuse Shelly Eliel, qui vit au kibboutz Maagan Michael, dans le nord du pays, s’est sentie incapable de travailler pendant les deux premières semaines qui ont suivi le massacre. Mais lorsque le kibboutz et les zones environnantes ont commencé à se remplir de personnes évacuées, elle a su qu’elle voulait aider ces personnes à surmonter leur expérience.

Des tatouages inspirés du 7 octobre encrés par la tatoueuse Shelly Eliel du kibboutz Maagan Michael. (Crédit : Shelly Eliel)

Elle a posté un message sur les réseaux sociaux, invitant les survivants et les évacués à venir dans son petit studio, « et il y a eu un intérêt incroyable ». « J’ai travaillé pendant un mois entier gratuitement, et c’est ce que j’ai pu leur apporter. »

Eliel a indiqué qu’elle avait réalisé une cinquantaine de tatouages liés aux attaques jusqu’à présent, souvent au cours de séances riches en émotions. « Une femme est venue, nous nous sommes arrêtés plusieurs fois et elle a pleuré », a-t-elle raconté. « Je crois fermement que les tatouages sont thérapeutiques (…). Traduire la douleur mentale en douleur physique pour commencer à guérir – je comprends ce besoin. »

Elle a eu une séance particulièrement émouvante avec une famille du moshav Netiv HaAsara qui a survécu à l’assaut, « et qui a traversé l’enfer, et ce n’était pas simple (…). Les choses sont vraiment ressorties », a-t-elle dit. Les cinq membres se sont tatoué le mot « respirer » en hébreu sur leurs bras.

Le phénomène ne s’est pas cantonné à Israël. À Londres, le tatoueur Nick Rose a tatoué gratuitement plus de 200 tatouages sur le thème juif entre octobre et décembre pour les membres de la communauté juive.

La tatoueuse Yosefi est basée à Shoham, dans le centre d’Israël, mais elle a passé deux jours début novembre à Mitzpe Ramon, visitant et tatouant des évacués du kibboutz Erez, près de la frontière de Gaza, et en a tatoué 20 au total.

« Je voulais vraiment donner quelque chose de moi-même, je voulais vraiment entendre des gens qui avaient vécu cette expérience », a-t-elle expliqué, notant que pendant son service militaire obligatoire, elle avait servi comme soldate d’observation stationnée entre Beeri et Nahal Oz. « Je me suis donc sentie très liée. »

Quelques jours seulement après le massacre, Yosefi a déclaré qu’elle avait déjà commencé à recevoir des demandes de clients pour tatouer la date, ou une Magen David, ou encore un hommage à un être cher disparu.

« Les gens ont tout de suite voulu se faire tatouer », a-t-elle dit, précisant qu’elle a depuis réalisé près de 80 tatouages, notamment sur de grands groupes tels que les amis de Danguri, Bartal et Ravia.

Un tatouage de l’icône du 7 octobre Rachel Edery dessiné par Hen Macabi et encré par Lior Yosefi. (Crédit : Autorisation)

Sur l’un de ses clients fidèles, elle a tatoué le visage de Rachel Edery, la survivante d’Ofakim qui est devenue une icône en Israël après avoir servi des biscuits et du café aux terroristes du Hamas qui avaient envahi sa maison, les laissant tranquilles jusqu’à ce que la police les sauve, elle et son époux.

Le client a encré le visage de Rachel sur sa jambe moins d’une semaine après l’attaque du Hamas, disant à Yosefi : « Je pense qu’elle symbolise l’unité de la nation, et je veux la tatouer pour qu’elle soit mon souvenir de la guerre. »

Pentagram a déclaré qu’il pensait que les gens tatoueraient des images liées aux attaques et à la guerre qui s’en est suivie pendant longtemps.

« Beaucoup de gens m’ont dit qu’ils voulaient se faire tatouer, mais qu’ils ne l’avaient pas encore fait », a-t-il souligné. Il a parlé de l’une de ses clientes de longue date qui vit au kibboutz Beeri et qui a été sauvée de sa maison après avoir passé plus de 20 heures à se cacher dans son mamad – la pièce sécurisée. « Au bout de quelques jours, je lui ai envoyé un message pour lui dire que je voulais lui faire un tatouage gratuit, ‘même si je suis sûr que tu n’y penses pas’. Elle m’a répondu : ‘J’y pense beaucoup, j’ai vraiment envie de me faire tatouer maintenant’. »

Il a ajouté que « les personnes qui aiment les tatouages, c’est leur médicament de prédilection » pour traiter les traumatismes.

Il croit qu’avec le temps, les gens se feront de plus en plus tatouer sur le thème du 7 octobre.

« Je pense qu’un tatouage représente souvent la fin du deuil et le début du passage à autre chose », a ajouté Pentagram.

« Pour certains, cela ne pourra se faire que dans un an. »

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