IsraAid, l’une des organisations d’aide humanitaire les plus importantes et les plus connues d’Israël, a lancé au début du mois un appel aux fonds pour soutenir une réponse d’urgence au cyclone Chido au Mozambique.
L’organisation a indiqué qu’au moins 94 personnes étaient mortes et que plus de 300 personnes avaient été blessées dans une région où plus d’un million de personnes sont déjà déplacées en raison du conflit en cours.
Comme elle a pu le faire dans de nombreuses régions du monde en crise, IsraAID souhaite apporter une aide d’urgence et réhabiliter les centres communautaires endommagés dans la province septentrionale de Cabo Delgado – une province où elle a noué des relations avec les communautés, les autorités locales et les partenaires humanitaires au cours des cinq dernières années.
Alors que la moitié de son financement provient de sources non juives, l’organisation a réussi à continuer à travailler à l’étranger pendant les quatorze mois qui se sont écoulés depuis qu’Israël a connu sa propre catastrophe, le 7 octobre 2023.
À cette date, quelque 6 000 Gazaouis dont 3 800 terroristes dirigés par le Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël. Les hommes armés avaient tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils et ils avaient enlevé 251 otages de tous âges – commettant de nombreuses atrocités et perpétrant des violences sexuelles à grande échelle.
Le lendemain, le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah soutenu par l’Iran, avait commencé à frapper Israël à l’aide de tirs de roquettes, à la frontière nord. Un cessez-le-feu avec ce groupe terroriste n’a été conclu que le mois dernier.
Après le pogrom du 7 octobre, IsraAid avait mis sa riche expérience à l’étranger au service d’Israël pour la toute première fois, récoltant près de 20 millions de dollars pour des projets nationaux israéliens.
Contrairement à de nombreuses autres organisations d’aide internationale, « nous n’avons pas constaté de diminution spectaculaire des fonds destinés à notre travail en-dehors d’Israël », déclare Yotam Polizer, directeur général d’IsraAid, au Times of Israel.
« Nous avons pu justifier cette année le soutien apporté à ces projets. Mais cela a été une lutte, ce n’est pas cohérent et je ne suis pas convaincu que ce sera facile à l’avenir. »
« De nombreux donateurs affirment qu’ils ne souhaitent soutenir que notre travail en Israël », a-t-il ajouté.
Ces dons affectés au niveau national ne sont que trop familiers au réseau national d’organisations d’aide humanitaire et de développement à l’étranger, dont beaucoup n’ont réussi à se maintenir à flot depuis le 7 octobre 2023 qu’en répondant (volontairement) aux besoins d’Israël pour lesquels les financements ont abondé.
Cependant, une organisation active dans les communautés non juives à l’étranger, TEN, est actuellement à la recherche d’un nouveau foyer, car l’Agence juive a coupé son financement ce mois-ci en raison des besoins énormes en Israël et dans le monde juif.
D’autres organisations disent devoir réduire leurs programmes dans les pays en développement.
Parallèlement, l’investissement de l’État dans le développement à l’étranger par l’intermédiaire de son agence, MASHAV (l’agence israélienne de développement international) qui faisait autrefois figure de référence, est aujourd’hui le plus faible des pays de l’OCDE.
Des priorités philanthropiques en mutation
Ayelet Levin Karp, directrice générale de la branche israélienne de SID (Society for International Development), a noté deux nouvelles tendances au cours de l’année écoulée. « Les philanthropes juifs ont donné la priorité aux dons à Israël ou au soutien dans la lutte contre l’antisémitisme dans leurs communautés, tandis que certaines organisations internationales [non juives] ont pris leurs distances par rapport à l’État juif », a-t-elle déclaré.
Avec plus de 150 membres, SID Israël rassemble des ONG, des gouvernements, des universités, des entreprises, des investisseurs et des philanthropes intéressés ou impliqués dans le développement et l’aide humanitaire à l’étranger. Son objectif est de faire évoluer la politique et l’action israéliennes et d’impliquer le plus grand nombre d’acteurs possible.
Le 13 janvier, elle tiendra sa conférence annuelle à Bat Yam, où seront notamment abordés les défis de l’après-7 octobre. Le Times of Israel sera partenaire de l’événement.
L’indice de SID-Israël (en cours de renouvellement) souligne à quel point la société civile israélienne apporte son aide et son expertise aux pays du Sud et aux pays en guerre tels que l’Ukraine. Cela va de l’agriculture et d’autres types de technologies, en passant par la médecine, l’ingénierie, les évacuations d’urgence, les secours en cas de catastrophe, le soutien et la formation en matière de traumatismes. L’aide englobe la conservation, le développement communautaire, l’autonomisation des femmes, la garantie d’un commerce équitable, l’envoi de médecins clowns et la fourniture de fauteuils roulants aux enfants pour leur permettre d’aller à l’école et de participer à la vie de leur communauté.
Ensemble, ces organisations proposent un emploi rémunéré aux équipes à l’étranger (et aux cadres en Israël) et permettent à des milliers d’Israéliens de faire du bénévolat dans leur domaine de prédilection.
« En plus d’apporter une contribution significative au monde en développement, nos organisations jouent un rôle de diplomatie douce et présentent le pays sous un jour positif », a déclaré Levin Karp.
« L’image d’Israël dans le monde n’est guère positive et l’investissement de l’État dans les pays en développement, qui était autrefois important, est proche de zéro. »
Elle a ajouté que les pays en développement offraient également des opportunités économiques à Israël, à une époque où de nombreuses entreprises israéliennes étaient confrontées à un « boycott silencieux » en Europe occidentale.
Faits relatifs aux réductions de financement
Les informations recueillies de manière anecdotique par Levin Karp auprès des organisations basées en Israël sont confirmées par les chiffres d’Olam, une autre organisation cadre.
Avec 81 organisations membres, dont 31 ont leur siège à l’étranger, Olam met l’accent sur la contribution du monde juif au développement et à l’aide à l’étranger. Cependant, Olam et SID Israël coopèrent étroitement, étant donné que de nombreuses ONG appartiennent aux deux organisations.
Dyonna Ginsburg, PDG d’Olam, a déclaré au Times of Israel que 27 des 70 organisations ayant répondu à un questionnaire en janvier avaient déclaré avoir constaté une perte de soutien depuis le 7 octobre 2023.
En juin, Olam et le Livelihood Impact Fund ont accordé un million de dollars de subventions à 23 organisations en mesure de prouver que ces pertes étaient liées à la guerre.
Les 22 candidats (tous ont reçu des subventions, et un autre, jugé digne d’intérêt, n’a pas présenté de demande) ont fait état d’une perte de revenus totale de 2 millions de dollars entre le 7 octobre 2023 et la présentation de leur demande en juin 2024, conséquence directe de la réorientation des priorités philanthropiques.
Ginsburg a souligné que certains des candidats dépendaient fortement des campagnes de dons modestes, souvent en fin d’année, qui ont été durement éprouvées en 2023. (Elle n’a pas encore reçu les chiffres pour 2024).
« Lors de l’examen des demandes de subvention, trois organisations ont signalé des pertes de financement de la part de donateurs non juifs qui souhaitaient prendre leurs distances par rapport aux organisations juives ou israéliennes », a poursuivi Ginsburg.
« L’une des organisations, présente en Israël mais dont le siège se trouve en Amérique latine, a écrit que les donateurs et les organisations philanthropiques transféraient leur financement à Gaza et que le logo de l’organisation israélienne pouvait ‘interférer’ de manière négative. »
L’impact sur les militants
Les événements des quatorze derniers mois ont eu un impact direct sur les militants du développement et de l’aide à l’étranger, et ce à bien des égards.
Shoshan Haran a fondé Fair Planet, un projet de semences agricoles de renommée internationale.
L’époux de Shoshan, Avshalom « Avshal » Haran, a été assassiné par des terroristes au kibboutz Beeri le 7 octobre, ainsi que la sœur de Shoshan, Lilach Kipnis, et son mari, Eviatar Kipnis.
Shoshan, sa fille Adi, son gendre Tal et ses petits-enfants Naveh, 8 ans, et Yahel, ainsi que la sœur d’Avshalom, Sharon, et sa fille Noam, ont tous été pris en otage à Gaza. Fin novembre 2023, tous, à l’exception de Tal, ont été libérés dans le cadre d’un accord de trêve.
Une autre figure de proue de Beeri, Vivian Silver, mieux connue pour son travail de rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, a également été assassinée ce jour-là. Elle avait participé à la fondation de l’AGEEC-NISPED, une organisation juive et bédouine qui a travaillé dans des pays africains tels que le Cameroun.
Gili Navon, directeur général d’Amar Majuli, qui vit près de la frontière libanaise, fait partie des personnes évacuées depuis octobre 2023 de leurs maisons dans le nord pour échapper aux bombardements du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.
De nombreux Israéliens travaillant à l’étranger sont rentrés chez eux au lendemain du 7 octobre pour rejoindre les rangs de l’armée israélienne, ce qui a entraîné des frais de vol et une pénurie de main-d’œuvre. D’autres, désireux de s’envoler vers l’étranger, ont été gênés par le manque de transporteurs disposés à atterrir en Israël.
Natan, une organisation humanitaire mondiale qui compte plus de 1 700 bénévoles et ouvre des dispensaires dans les zones sinistrées, a vu ses revenus chuter de 70 % cette année par rapport à l’année dernière et à l’année précédente, selon Alice Miller, PDG et seule personne salariée de l’organisation.
Cette réduction des revenus se traduira probablement par des coupes dans des programmes tels que la formation de psychologues scolaires en Ukraine, la gestion d’un centre de résilience Natan à Kharkiv et la mise en place d’un projet dans un hôpital indien visant à réduire le taux de mortalité néonatale, qui est actuellement d’un sur dix.
Créé il y a 20 ans, Natan envoie des professionnels de la santé sur les sites de catastrophes dans le monde entier pour des périodes de deux semaines, restant cinq à huit mois sur place.
L’année dernière, pour la première fois, Natan a opéré en Israël, mettant en place des dispensaires immédiatement après le 7 octobre pour aider les personnes évacuées des communautés frontalières de Gaza avant que le gouvernement et les caisses d’assurance maladie ne s’organisent pour répondre à la situation.
La plupart des donateurs de Natan sont Juifs et, selon Miller, la plupart de leurs fonds sont désormais destinés à Israël.
Miller a déclaré qu’elle comprenait cela, mais que le message selon lequel Israël n’était pas seulement une question de guerre et que les Israéliens étaient au service des personnes dans le besoin dans le monde entier, indépendamment de leur origine, était également important.
Elle tente plutôt de trouver des donateurs dans les pays touchés par les catastrophes. « Je n’arrive pas à comprendre à quel point les Juifs américains donnent. C’est phénoménal. »
« J’essaie de trouver des donateurs indiens pour l’Inde, des Népalais pour le Népal. C’est différent. Le lien étroit qui unit les Juifs des États-Unis et du monde entier à Israël est unique. »
Selon Levin Karp, contrairement aux ONG actives dans de nombreux autres domaines, la plupart des organisations à but non lucratif travaillant dans le domaine du développement et de l’aide humanitaire à l’étranger ne peuvent bénéficier de subventions du gouvernement israélien (à l’exception d’un certain soutien pour le travail en Ukraine). Cependant, au moins deux d’entre elles ont été partiellement financées par l’État pour rapprocher les Juifs de la Diaspora d’Israël et de leurs racines juives.
L’un d’eux est le Shalom Corps, qui s’est inspiré du nom du Peace Corps, mais n’est pas lié à cette organisation bien connue. Il encourage les Juifs âgés de 16 à 40 ans, soucieux de développement à l’étranger, à faire du bénévolat dans un cadre juif. Il reçoit la moitié de ses fonds du ministère des Affaires de la Diaspora et les complète par des dons privés.
Une autre est TEN.
Créée en 2014, TEN gère chaque année des centres animés par environ 150 bénévoles qui travaillent dans les domaines de l’éducation informelle et de la santé. Cinq de ces centres fonctionnent depuis le 7 octobre, mais sont actuellement fermés car l’Agence juive se concentre davantage sur Israël et les communautés juives à l’étranger. Ces centres se trouvent au Mexique, en Argentine, en Ouganda, au Ghana et au Cambodge.
Son directeur général, Yuval Barda, a déclaré que cette organisation cherchait un autre lieu d’accueil.
Les organisations israéliennes d’aide humanitaire et de développement à l’étranger se sont multipliées au cours des cinq à dix dernières années, et plusieurs universités dispensent désormais des cours sur ces sujets.
Diminution des investissements de l’État dans le développement de l’outre-mer
Par ailleurs, l’État a progressivement réduit ses investissements dans MASHAV, son bras armé en matière de développement à l’étranger, qui faisait autrefois ses preuves.
Dans les premières années de l’État, MASHAV recevait 1 % du PIB israélien pour le travail de développement en Afrique sub-saharienne. En 2022, seulement 0,16 % des dépenses gouvernementales étaient consacrées au développement, selon les chiffres les plus récents du Bureau central des statistiques (CBS) – le taux le plus bas de l’OCDE.
Dans les années 1960, alors que 35 pays africains passaient du statut de colonies à celui de nations indépendantes, MASHAV a contribué à la construction d’hôpitaux, d’aéroports, d’universités et de routes dans presque tous les États africains.
Dans les années 1960, il y avait plus d’une trentaine d’ambassades israéliennes en Afrique. Aujourd’hui, elles ne sont plus que neuf.
« Nous comprenons que les donateurs veuillent se concentrer sur Israël et l’antisémitisme », a déclaré Levin Karp.
« Mais on ne peut pas établir une relation de confiance avec des communautés et des organisations à l’étranger et dire ensuite : ‘Désolé, nous avons une guerre, nous faisons une pause [du travail à l’étranger] pendant deux ans’. »
« Nous avons plus que jamais besoin d’amis à l’étranger, de contrats commerciaux et de la possibilité de discuter d’intérêts communs qui ne sont pas liés à la guerre. »
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