Dans un appel biblique, dénonçant Trump, Cory Booker affirme : « Hineni »

Juste au cas où personne n’y aurait prêté attention, le sénateur Cory Booker a dit « Hineni », « je suis là » en hébreu, dix-neuf heures après le début de son discours sous forme de marathon devant le sénat américain, mardi – tirant profit de sa facilité connue avec la langue pour faire preuve de ses désaccords profonds avec le président américain Donald Trump.

Ce mot en hébreu – il apparaît à plusieurs reprises dans la bible quand Abraham et Isaac répondent à l’appel de Dieu – a été l’une des nombreuses références juives avancées par Booker au cours de son allocution, qui a commencé lundi soir à 19 heures et qui s’est achevée mardi dans la soirée.

Booker, représentant démocrate du New Jersey, a fait savoir que ce discours visait à rallier l’opposition à Trump et à démontrer que son parti était capable de prendre des mesures audacieuses face à une administration qui n’hésite pas à faire preuve d’une forte agressivité pour mettre en œuvre son programme.

Mardi, peu avant 15 heures, Booker s’est laissé aller à toute une série de critiques à l’encontre de l’administration Trump – une série qu’il a conclue par le verset biblique.

« Nous devrons dire à l’Histoire ce que nous avons fait, ce que nous avons fait quand ils s’en sont pris à nos principes constitutionnels, ce que nous avons fait quand ils menaçaient les juges de les destituer parce que ces derniers avaient pris des décisions justes. Nous devons dire ce que nous avons fait lorsqu’ils se sont emparés de cabinets d’avocats, menaçant leurs activités s’ils ne voulaient pas se prosterner devant le grand chef. Où étions-nous quand ils ont fait disparaître des gens d’Amérique sans respecter la procédure régulière, comme l’a dit lui-même Antonin Scalia ? Où étiez-vous quand ils s’en sont pris aux soins de santé des personnes en situation de handicap, aux soins de santé des enfants, aux soins de santé des femmes enceintes, aux soins de santé des personnes âgées ? Où étiez-vous quand ils s’en sont pris aux vétérans, les licenciant de leur emploi sans raison valable, s’attaquant aux services dont ils dépendent ? Où étiez-vous quand nous avons tourné le dos à l’Ukraine ? Où étiez-vous lorsque nous avons tourné le dos à nos alliances ? Où étiez-vous quand ils ont fait chuter l’économie avec des droits de douane, quand ils ont fait chuter l’économie en la menaçant pour saper la confiance des consommateurs ? Où étiez-vous ? »

« Combien de choses devront donc ainsi encore se passer avant que nous répondions à cette question ? Et comme on le dit en hébreu, je réponds : « hineni« . « Hineni ». Voici, Seigneur, je suis là », a-t-il ajouté.

Peu après, Booker a invité la sénatrice Jacky Rosen, qui est Juive et qui représente le Nevada, où vit sa mère, à prendre la parole. Booker a fait l’éloge de Rosen, qui a exercé « l’un des métiers les plus difficiles de tous les États-Unis, celui de présidente d’une communauté religieuse », avant de l’écouter s’exprimer avec attention. Après l’avoir entendue, il a ajouté à sa boutonnière un ruban jaune, qui symbolise la lutte en faveur de la remise en liberté des otages israéliens qui sont encore retenus en captivité à Gaza.

« Je suis heureux que nous ayons fondé le Caucus qui rassemble Juifs et Afro-américains. Le seder de Juneteenth approche », a dit Booker à Rosen, faisant référence au groupe qui s’est formé en 2021. « Je vais mettre ce pin’s comme vous le faites, en pensant à Edan Alexander et à tous ceux qui souffrent. Je suis tellement reconnaissant de notre amitié et de ce que nous avons fait ensemble dans la lutte contre l’antisémitisme, de ce que nous avons fait ensemble pour les accords d’Abraham ».

Alexander est l’un des 59 otages qui se trouvent encore à Gaza, des otages qui avaient été kidnappés lorsque des milliers d’hommes armés du Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël et qu’ils y avaient commis un massacre, le 7 octobre 2023. Le jeune homme avait grandi dans le New Jersey avant de s’installer en Israël et de s’engager dans l’armée.

Le discours de Booker n’a pas été pas un acte d’obstruction à proprement parler dans la mesure où il n’a pas visé à bloquer l’adoption d’un projet de loi. Il a néanmoins retardé les travaux du Sénat, battant le précédent record de durée d’un discours prononcé à cette tribune – un record qui avait été établi en 1957, lorsque le républicain Strom Thurmond avait pris la parole pendant plus de 24 heures pour bloquer l’adoption d’un projet de loi sur les droits civiques.

Conformément au règlement de l’institution, Booker est resté debout sans interruption pendant la totalité de son intervention.

Après plus de 25 heures, la voix rauque, Booker a déclaré qu’il cédait la parole – mettant un terme à son discours et suscitant des applaudissements nourris de la part des personnes présentes.

Cette citation en hébreu, dans son allocution de mardi, n’a toutefois pas été sans précédent de la part du représentant démocrate. En effet, en 2020, il avait récité une ligne de sept mots tirée de la liturgie juive sur CNN. L’année précédente, il avait évoqué les valeurs juives de « chesed » et de « tzedakah » en réponse à une affirmation faite par Trump – et répétée depuis à de multiples reprises – qui laissait entendre que les démocrates faisaient preuve de déloyauté à l’égard des Juifs et d’Israël.

L’affinité du sénateur pour le judaïsme provient du lien qu’il avait tissé avec la L’Chaim Society à l’université d’Oxford, où il était boursier Rhodes, et avec son ancien directeur, le rabbin Shmuley Boteach. Les deux hommes devaient ensuite emprunter des chemins politiques différents et ils devaient se perdre de vue.