Pezeshkian: Les frappes au Liban sont un « piège » visant à entraîner Téhéran dans la guerre

Le président iranien a accusé lundi Israël de chercher à étendre la guerre au Moyen-Orient et de tendre des « pièges » pour entraîner son pays dans un conflit plus vaste.

Massoud Pezeshkian a déclaré à une vingtaine de représentants des médias que l’Iran ne souhaitait pas que la guerre actuelle à Gaza et les frappes aériennes à la frontière israélo-libanaise s’étendent. Il a ajouté que si Israël affirmait ne pas vouloir d’une guerre plus large, il prenait des mesures qui montraient le contraire.

Pezeshkian a évoqué les explosions meurtrières de bipeurs, de talkies-walkies et d’autres appareils électroniques au Liban la semaine dernière, qu’il a imputées à Israël, ainsi que l’assassinat du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran, à la veille de son investiture.

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« Ils nous entraînent vers un point où nous ne voulons pas aller », a déclaré le dirigeant iranien à propos d’Israël. « Il n’y a pas de vainqueur dans une guerre. Nous ne faisons que nous tromper nous-mêmes » si nous croyons cela.

« Nous savons mieux que quiconque que si une guerre plus importante devait éclater au Moyen-Orient, cela ne bénéficierait à personne dans le monde. C’est Israël qui cherche à élargir ce conflit », a-t-il déclaré lors d’une table ronde avec des journalistes.

Le dirigeant iranien se trouve à New York pour sa première participation à la « semaine de haut niveau » de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU.

De la fumée s’élevant après des frappes aériennes israéliennes sur des villages dans le district de Nabatiyeh, vu depuis la ville de Marjayoun, au sud du Liban, le 23 septembre 2024. (Crédit : Hussein Malla/AP)

Depuis le 8 octobre 2023, le Hezbollah, groupe terroriste libanais soutenu par l’Iran, a attaqué presque quotidiennement des communautés et des postes militaires israéliens le long de la frontière commune aux deux pays, et Israël a répondu par des frappes aériennes.

Lundi, des frappes aériennes israéliennes de grande envergure visant le Hezbollah dans le sud du Liban ont fait au moins 492 morts et 1 645 blessés, selon Beyrouth. Israël a averti que les frappes contre le groupe allaient s’intensifier et les civils libanais ont été sommés de fuir les zones où le groupe terroriste soutenu par l’Iran était soupçonné de dissimuler des armes.

De son côté, le Hezbollah a tiré de multiples salves de roquettes sur Israël, déclenchant des sirènes dans le nord d’Israël et jusqu’à certaines implantations de Cisjordanie près de Tel-Aviv. La veille, le groupe terroriste a bombardé les communautés du nord avec au moins 150 roquettes dans l’un de ses barrages les plus intenses depuis que les combats ont éclaté le 8 octobre de l’année dernière.

Pezeshkian a fait allusion aux appels lancés par l’Occident pour que l’Iran ne riposte pas afin de ne pas compromettre les efforts des États-Unis en vue d’un cessez-le-feu dans la guerre menée par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza, qui a débuté lorsque le groupe terroriste a attaqué Israël le 7 octobre 2023, tué quelque 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et enlevé 251 otages.

« Nous avons essayé de ne pas répondre. Ils n’ont cessé de nous dire que la paix était à portée de main, peut-être dans une semaine ou deux », a affirmé M. Pezeshkian, semblant faire référence aux appels à la retenue des Occidentaux après la mort d’Ismaïl Haniyeh, ex-chef politique du Hamas tué en Iran le 31 juillet dans une attaque imputée à Israël, en pleine négociations sur un cessez-le-feu à Gaza.

« Mais nous n’avons jamais atteint cette paix insaisissable. Chaque jour, Israël commet de nouvelles atrocités et tue de plus en plus de personnes – des personnes âgées, des jeunes, des hommes, des femmes, des enfants, des hôpitaux, d’autres infrastructures », a-t-il ajouté.

Des Libanais fuyant les frappes aériennes israéliennes en cours, à Sidon, au Liban, le 23 septembre 2024. (Crédit : Mohammed Zaatari/AP)

Israël affirme s’efforcer de minimiser les pertes civiles et souligne que le Hamas utilise les Gazaouis comme boucliers humains, en menant ses combats depuis des zones civiles, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles et des mosquées.

Il n’a pas répondu directement à la question de savoir si Téhéran répondrait désormais plus directement à Israël.

« Nous entendons toujours dire que le Hezbollah a tiré une roquette. Si le Hezbollah ne faisait même pas ce minimum, qui le défendrait ? », a dit le président iranien.

« Curieusement, nous sommes toujours considérés comme l’auteur de l’insécurité. Mais regardez la situation telle qu’elle est », a-t-il insisté, alors que les Etats-Unis, premier soutien d’Israël, mais aussi leurs partenaires occidentaux accusent Téhéran de soutenir le Hamas et de déstabiliser le Moyen-Orient.

En avril, l’Iran a lancé une attaque sans précédent de missiles et de drones contre Israël après l’assassinat de plusieurs généraux iraniens en Syrie. La République islamique a tiré quelque 300 projectiles depuis l’Iran, qui ont presque tous été interceptés. Hormis cette attaque, Téhéran a toutefois préféré cibler Israël par l’intermédiaire de groupes mandataires dans toute la région.

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, a également condamné les frappes israéliennes contre le Liban lundi, avertissant que « la nouvelle aventure des sionistes aura des conséquences dangereuses ».

Le ministre des affaires étrangères du pays, Abbas Araghchi, a partagé sur X des photos qui circulaient sur les réseaux sociaux et qui proviendraient du Liban, montrant ce qui semble être une ambulance en flammes et une femme âgée blessée.

« Les crimes d’Israël, rendus possibles par les États-Unis, sont clairs comme de l’eau de roche et le monde entier peut en être témoin. Ne détournez pas le regard. Ce mépris brutal et criminel de la vie humaine ne peut plus durer. L’Iran ne restera PAS indifférent. Nous sommes aux côtés des peuples du Liban et de la Palestine », a-t-il déclaré.

Dans une vidéo, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a recommandé en fin de journée aux Libanais de « s’éloigner des zones dangereuses » dans l’attente de la fin de « l’opération ».

Son homologue libanais, Najib Mikati, a dénoncé « un plan de destruction » de son pays, où les écoles resteront fermées mardi.

Imad Kreidieh, directeur de la société libanaise de télécommunications Ogero, a déclaré lundi à Reuters que plus de 80 000 appels automatisés demandant aux habitants d’évacuer leur quartier avaient été détectés sur le réseau. Tous n’ont pas reçu de réponse.

Le ministre libanais de l’Information, Ziad Makary, a déclaré que son ministère avait reçu un appel ordonnant l’évacuation du bâtiment, mais il a ajouté que le ministère ne ferait rien de tel. « Il s’agit d’une guerre psychologique », a déclaré Makary à Reuters.

Par ailleurs, le ministère égyptien des Affaires étrangères a appelé lundi « les puissances internationales et le Conseil de sécurité des Nations unies à intervenir immédiatement » pour mettre fin à « la dangereuse escalade israélienne au Liban ».

L’Egypte a dit redouter une « guerre totale » au Moyen-Orient, avertissant que l’escalade entre Israël et le Hezbollah pourrait saper les efforts pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

L’Égypte a de nouveau exprimé sa « solidarité » avec le Liban et a affirmé son « rejet total de toute violation de la souveraineté et du territoire du Liban ».

La Turquie a accusé Israël, par ses frappes militaires au Liban, d’être « entré dans une nouvelle phase » qui va « mener toute la région au chaos », après une intensification des frappes contre le Hezbollah.

« Les attaques d’Israël au Liban marquent une nouvelle phase dans sa volonté de mener toute la région au chaos », a affirmé le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Il est impératif que toutes les institutions chargées de maintenir la paix et la sécurité internationales, particulièrement le Conseil de sécurité des Nations unies, tout comme la communauté internationale, prennent sans délai les mesures nécessaires », a ajouté le ministère turc des Affaires étrangères.

En date de lundi matin, le Hezbollah avait donné le nom de 506 membres tués par Israël au cours des accrochages en cours, principalement au Liban, mais aussi en Syrie. Soixante-dix-neuf membres d’autres groupes terroristes, un soldat libanais et des dizaines de civils auraient également été tués.

Israël a perdu 26 civils et 22 réservistes de l’armée israélienne dans des attaques de roquettes, de missiles et de drones menées par le Hezbollah.

Emanuel Fabian et Lazar Berman ont contribué à cet article.