Prise de bec entre Netanyahu et Gallant à la Knesset

Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, aurait qualifié lundi de « charabia » la promesse du Premier ministre Benjamin Netanyahu consistant à décrocher la « victoire absolue » dans la guerre en cours et aurait remis en question le courage du Premier ministre à prendre des décisions difficiles pour atteindre son objectif.

Les propos de Gallant ont été divulgués aux médias israéliens lors d’un briefing à huis clos des membres de la commission des Affaires étrangères et de la défense de la Knesset.

Netanyahu a réagi aux propos de Gallant en déclarant que le ministre de la Défense était lui aussi lié par la promesse de « victoire absolue », lui reprochant ses propos « anti-israéliens », de nature à entraver les négociations en vue d’un accord sur le sort des otages.

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Selon les propos qui ont fuité auprès des médias israéliens, les députés du Likud se seraient alors confrontés à Gallant, en lui demandant notamment pour quelle raison Israël n’avait pas déclaré la guerre au Liban malgré 10 mois d’attaques incessantes de la part du Hezbollah dans le nord du pays.

« Les conditions actuelles pour une guerre au Liban sont à l’opposé de ce qu’elles étaient au début de la guerre », a expliqué M. Gallant aux députés, ajoutant qu’il avait été un temps favorable à l’idée d’une attaque préventive, au début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre, mais qu’il avait depuis changé d’avis, en phase avec l’évolution de la situation.

Il se dit que, quatre jours après le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, les avions de chasse israéliens étaient prêts à mener une frappe préventive de grande ampleur contre le Hezbollah au Liban mais que le président américain Joe Biden a convaincu Netanyahu d’y renoncer à la toute dernière minute. Il se dit en outre que Gallant aurait tout fait pour que l’attaque ait effectivement lieu.

« J’entends bien tous ces héros avec les tambours de guerre, qui parlent de ‘victoire absolue’ et de tout ce charabia. Je vois aussi ce qu’il est advenu de ce courage quand il s’est agi de parler », a-t-il déclaré, dans une pique à Netanyahu.

Les députés Tally Gotliv (droite), Gilad Kariv (au centre) et Nissim Vaturi assistent à une audience du Comité de la Constitution, du droit et de la justice à la Knesset à Jérusalem, le 11 août 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Rien ne vous permet de qualifier les propos du Premier ministre de ‘charabia’ », aurait répondu la députée Likud Tally Gotliv, une populiste des plus provocatrices.

« Je suis disposé à en débattre avec des arguments et des actes. Je ne suis peut-être pas très bon avec les médias et le milieu politique, mais en matière de sécurité, je sais de quoi je parle », lui aurait répondu Gallant.

A l’issue de la réunion, Gotliv a demandé à Netanyahu de limoger Gallant tout en se plaignant du fait que la présidente de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, lui ait dit de « se calmer » alors qu’elle tentait de défendre le Premier ministre suite aux propos de Gallant.

« Lorsque j’ai posé les questions qui fâchent – que je ne détaillerai pas (je laisse ce soin à ceux qui les rapporteront) -, Yuli Edelstein a proposé à Gallant de quitter la réunion sans apporter de réponse », a-t-elle déclaré en demandant au Premier ministre de prendre des mesures contre le ministre de la Défense.

Gotliv a également reproché à Gallant d’avoir répondu : « Je ne travaille pas pour vous », lorsque la députée d’Yisrael Beytenu, Sharon Nir, lui a posé une question en réunion. Gotliv a dit être intervenue pour défendre Nir, et que Gallant avait quitté la salle cinq minutes avant la fin de la réunion.

Netanyahu a déjà limogé Gallant en mars 2023, lorsque le ministre de la Défense l’avait mis en garde contre le danger pour la sécurité nationale des divisions qui, selon lui, avaient gagné l’armée autour du projet de refonte judiciaire. Devant la vigueur des protestations publiques, M. Gallant avait été réintégré deux semaines plus tard.

Certains membres du gouvernement ont demandé à Netanyahu de limoger de nouveau Gallant, dont ils critiquent la conduite de la guerre.

Dans la déclaration officielle faite à l’issue de cette réunion, M. Gallant a expliqué qu’Israël avait renforcé ses défenses, ces tout derniers jours, face au risque d’attaque de l’Iran et du Hezbollah, et qu’il préparait des contre-attaques voire des actions préventives le cas échéant.

Des véhicules passent devant un immense panneau d’affichage représentant le président iranien Massoud Pezeshkian (à droite) et le chef palestinien du Hamas assassiné, Ismail Haniyeh, sur la place Valiasr à Téhéran, le 12 août 2024. (Crédit : Atta Kenare/ AFP)

Les tensions régionales sont montées d’un cran depuis que l’Iran a promis de venger l’assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran le 31 juillet dernier, qu’Israël n’a ni confirmé ni nié.

L’organisation terroriste libanaise du Hezbollah a également promis de riposter à la mort de son commandant militaire en chef, Fouad Choukr, tué à Beyrouth dans un bombardement aérien israélien quelques heures seulement avant l’assassinat de Haniyeh. Israël tenait Shukr pour responsable de nombreuses attaques contre des civils, dont un tir de roquette, le mois dernier, qui a tué 12 enfants et adolescents sur un terrain de football de Majdal Shams, sur le plateau du Golan.

« Les temps sont à la plus grande vigilance et aux préparatifs car les menaces de Téhéran et de Beyrouth peuvent se matérialiser à tout moment. Pour autant, il est important que tout le monde comprenne que préparation et vigilance ne sont pas synonymes de peur ou de panique », a déclaré M. Gallant.

« Ces tout derniers jours, nous avons fait en sorte de renforcer nos défenses et de nous doter d’options de riposte offensives, et même d’actions préventives, absolument partout, quel que soit l’endroit, avec toujours à l’esprit l’objectif de protéger les citoyens de l’État d’Israël », a-t-il ajouté.

Lors de cette réunion toujours, M. Gallant s’est dit favorable à un accord – même en plusieurs étapes – avec le Hamas pour régler le sort des otages.

« Il est de notre devoir, en tant que décideurs, de faire en sorte de remporter des succès opérationnels… pour favoriser la libération des otages. Pour faire advenir ces conditions, il convient d’exercer une forme de pression militaire susceptible d’aboutir à un accord pour [libérer] les otages, même si cela se fait en plusieurs étapes », a-t-il déclaré.

Les négociations en vue d’un accord devraient reprendre ce jeudi, mais le Hamas a déclaré dimanche soir qu’il n’y enverrait pas de délégation et qu’il avait demandé aux médiateurs de présenter un plan basé sur les précédents pourparlers, au lieu de s’engager dans de nouvelles discussions sur des projets modifiés.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (à droite) avec le ministre de la Défense Yoav Gallant lors d’une conférence de presse, à Tel Aviv, le 16 décembre 2023. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Peu de temps après cette réunion à la Knesset, le cabinet du Premier ministre a publié une déclaration en réaction aux fuites. Cette déclaration porte le titre « Gallant est lui aussi lié par la ‘victoire absolue’ ».

« Lorsque Gallant tient des discours anti-israéliens, il nuit aux chances de parvenir à un accord sur la situation des otages », lit-on dans le communiqué.

« Il ferait mieux de s’en prendre [au chef du Hamas, Yahya] Sinwar, qui refuse d’envoyer une délégation aux négociations, et qui était et demeure l’unique obstacle à un accord sur les otages. »

Cette déclaration rappelle la position de Netanyahu selon laquelle Israël doit remporter une « victoire absolue », ce qui, selon le cabinet du Premier ministre, consiste en l’élimination des capacités militaires et de gouvernance du Hamas et la libération des 111 otages enlevés le 7 octobre et encore aux mains du Hamas.

« C’est la directive claire du Premier ministre Netanyahu et de son gouvernement, et elle s’applique à tous – Gallant y compris », conclut le communiqué.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant (à droite) rencontrant le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Herzi Halevi, le chef du Directorat des Opérations, le général de division Oded Basiuk, et le chef du Directorat des Renseignements militaires, le général de division Aharon Haliva, dans son bureau, à Tel Aviv, le 4 août 2024. (Crédit : Ariel Hermoni/Ministère de la Défense)

Gallant s’est lui ensuite insurgé contre des fuites « mal intentionnées » de propos tenus en des « enceintes placées sous le sceau de la confidentialité ».

Dans sa déclaration, Gallant nie toute forme de critique envers Netanyahu et souligne son parfait alignement avec les objectifs de guerre israéliens – à savoir démanteler le Hamas à Gaza et obtenir la libération des otages retenus par le groupe terroriste depuis le 7 octobre dernier.

« Cela fait maintenant 48 ans que je suis au service de l’État d’Israël, que ce soit en uniforme ou au sein du gouvernement. Je suis bien décidé à continuer à mener à bien ma mission tout en étant fidèle aux priorités qui sont les miennes depuis toujours, à savoir la sécurité de l’État d’Israël, le renforcement de Tsahal et des organisations de sécurité, entre autres », a-t-il indiqué.

« Les temps sont difficiles et il nous faut rester fermes et prendre des actions, défensives et offensives, puissantes. Notre devoir est de tout faire pour assurer la protection des citoyens d’Israël et nuire à l’ennemi », a-t-il poursuivi.

Einav Zangauker, dont le fils Matan est retenu en otage à Gaza depuis le 7 octobre 2023, a affirmé que la déclaration du Premier ministre plus tôt dans la journée accusant le Gallant de nuire aux chances d’Israël de parvenir à un accord sur les otages indiquait que Netanyahu torpillerait les prochaines négociations prévues plus tard cette semaine.

« J’attends du Premier ministre qu’il arrête de prendre pour cible son ministre de la Défense et l’équipe de négociation », a-t-elle déclaré à la Douzième chaine israélienne. « J’attends du Premier ministre qu’il fasse preuve de leadership et qu’il ramène mon fils à la maison après dix mois, et qu’il ramène tous les otages, vivants et morts, jusqu’au dernier. »

« J’exige que le Premier ministre… trouve une solution diplomatique [pour ramener les otages chez eux], pour discuter des plans d’après-guerre à Gaza. Tous les chefs de la sécurité du pays disent que les obstacles à un accord ont été levés. Cela signifie que nous pouvons procéder à un accord », a-t-elle déclaré.