Une chanteuse arabe ayant déclaré que Haïfa se trouve en Palestine interdite d’événements municipaux

Le maire de Haïfa, Yona Yahav, a interdit dimanche à une chanteuse arabe de se produire lors d’événements municipaux, en réponse à sa description d’un concert donné la veille dans la ville comme ayant eu lieu en Palestine.

Lina Makhoul, 31 ans, qui avait remporté en 2013 la deuxième saison du concours de chant The Voice Israel, a invité ses abonnés Instagram à son concert donné samedi soir au Fattoush Bar, dans le centre-ville de « Haïfa, PAL [Palestine] », première date d’une tournée qui, selon ses dires, la mènera à Utrecht, Los Angeles, New York, Berlin et Paris.

Cette annonce a provoqué un petit tollé sur les comptes de réseaux sociaux d’Israéliens. L’influenceur arabe israélien de droite Yoseph Haddad a qualifié Makhoul de « chanteuse soutenant le terrorisme » et a demandé qu’on lui retire sa citoyenneté.

Yahav, qui avait annulé la semaine dernière le spectacle d’un artiste d’extrême droite, a écrit dimanche matin sur Facebook : « Lina Makhoul, vous feriez mieux de rentrer dans le rang : Haïfa est une ville de l’État démocratique juif d’Israël, et elle le restera pour toujours. Rien, et certainement pas vous, ne changera cela. »

« La musique est censée rapprocher les peuples, et il est regrettable que vous utilisiez votre talent pour nuire à la coexistence dans le pays où vous avez grandi », a poursuivi Yahav.

« Tant que je serai maire, vous ne vous produirez dans aucun événement municipal. »

לינה מחול היא זמרת תומכת טרור שמבחינתה חיפה היא עיר בפלסטין ובעצם כל ישראל מבחינתה שייכת לפלסטין… חבל שנותנים לה להופיע בישראל, אם היא גם ככה לא מכירה במדינת ישראל הגיע הזמן לשלול לה את האזרחות הישראלית! pic.twitter.com/2sVHjpeAmT

— יוסף חדאד – Yoseph Haddad (@YosephHaddad) April 26, 2025

Une photo de l’annonce de Makhoul était jointe au message de Yahav, sur laquelle « PAL » était barré et remplacé par « ISR », pour Israël.

Malgré la controverse, la salle a confirmé au Times of Israel que le concert de Makhoul avait bien eu lieu comme prévu. Un porte-parole de la ville a précisé que l’interdiction ne s’appliquait qu’aux concerts organisés par la municipalité et que celle-ci ne pouvait pas empêcher la chanteuse de se produire dans des salles privées. Le porte-parole a ajouté que Makhoul avait déjà fait des déclarations problématiques par le passé.

Yahav, ancien député du parti Avoda et maire de Haïfa depuis longtemps, qui a été réélu en mars, encourage la coexistence entre les Juifs et les Arabes. L’an dernier, il avait ordonné aux écoles juives de la ville mixte d’enseigner l’arabe à leurs élèves. Avant les élections législatives de 2021, il avait également créé un parti judéo-arabe qui n’a finalement pas participé à la course à la Knesset.

Selon la page internet de la municipalité, Haïfa comptait environ 296 000 habitants en 2020, dont près de 11,5 % d’Arabes. La ville abritait une importante population arabe avant la Guerre d’Indépendance d’Israël en 1948, dont la plupart ont fui.

Le candidat à la mairie de Haïfa, Yona Yahav, déposant son bulletin de vote dans un bureau de vote le matin du premier tour des élections municipales, à Haïfa, le 27 février 2024. (Crédit : Flash90)

La semaine dernière, la municipalité de Yahav a annoncé avoir annulé le spectacle prévu mercredi soir à l’occasion de Yom HaAtsmaout – le Jour de l’Indépendance – par le tandem des rappeurs israéliens Subliminal et The Shadow, en raison des opinions « discordantes » de ce dernier.

The Shadow, de son vrai nom Yoav Eliasi, est un fervent partisan du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir.

Makhoul, dont la biographie Instagram indique « 100 % indépendante, 100 % palestinienne », est née dans l’Ohio de parents palestiniens chrétiens. Elle et sa famille sont retournées en Israël lorsqu’elle était jeune fille et se sont installées à Akko, au nord de Haïfa.

Elle a connu un succès rapide après avoir remporté The Voice, fait la première partie de Queen et Adam Lambert au Parc HaYarkon en 2016 et été choisie pour prêter sa voix à la version arabe de l’application de navigation Waze en Israël.

En 2018, Yedioth Ahronoth rapportait que Makhoul avait refusé de se produire lors des célébrations de Yom HaAtsmaout en raison de son identité palestinienne. À l’époque, Makhoul avait contesté cette information, soulignant qu’elle avait déjà travaillé bénévolement pour des institutions israéliennes, notamment des synagogues et le service de secours du Magen David Adom (MDA).

Selon le site d’information palestinien Raya, Makhoul est devenue une artiste indépendante en 2020. Depuis lors, elle s’est montrée plus critique à l’égard d’Israël. Au printemps 2021, elle avait été publiquement réprimandée par son propre imprésario pour avoir exprimé son soutien aux Palestiniens lors des violences qui avaient éclaté dans les villes mixtes du pays. Akko n’avait pas été épargnée.

En mai, elle a mis fin à « sept mois de silence » sur la guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza en chantant une chanson sans paroles destinée, selon elle, à exprimer la souffrance des Palestiniens dans ce conflit, qui a été déclenché lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre 2023, tuant plus de 1 200 personnes et en prenant 251 autres en otage.

En août, elle a fait la promotion sur Instagram d’une collecte de fonds pour les enfants de Gaza. Elle s’est également attiré les foudres de certains médias israéliens après avoir partagé une discussion à la Knesset au cours de laquelle un député semblait approuver le viol de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, qu’elle a légendée : « Est-ce légitime ? Je demande un ami ».