Une photo de Mitterrand avec Pétain a bien failli lui ruiner sa carrière politique

C’est l’histoire d’une photo qui est restée secrète pendant 52 ans. Le journaliste Patrice Duhamel revient dans son nouveau livre « La photo » (éditions L’Observatoire) sur l’unique rencontre entre le maréchal Pétain et François Mitterrand le 15 octobre 1942, soit trois mois après la rafle du Vel d’Hiv, immortalisé par un photographe de l’époque.

Invité sur le plateau de « C à vous » sur France 5, le 4 avril dernier, Duhamel retrace l’histoire de la publication de cette photo, plusieurs fois retardée malgré le potentiel explosif qu’elle contient pour la carrière du futur président.

Plusieurs présidents de la République et ministres français ont eu envie de rendre la photo publique, mais ne l’auraient pas fait à cause d’une « jurisprudence du général De Gaulle », explique Duhamel qui précise avoir lui-même entendu qu’il existait « un document explosif sur François Mitterrand » à la fin des années 1970.

Cette « jurisprudence » fait référence au fait que lors de la campagne présidentielle de 1965, et alors même que De Gaulle allait probablement se retrouver en ballottage face à François Mitterrand, le général aurait dit à son Premier ministre, qui lui a présenté la photo après un conseil des ministres : « Mitterrand est une arsouille, mais je ne ferai pas la politique des boules puantes ».

« Je ne veux pas affaiblir la fonction présidentielle », aurait-il ajouté.

En 1981, opposé à Mitterrand dans les élections présidentielles, Valéry Giscard d’Estaing a lui aussi hésité à sortir la photo dont il pensait, comme tous ceux qui à l’époque en avait connaissance, qu’elle signerait la mort politique de Mitterrand. Les deux candidats finissent par sceller un pacte pour ne pas avoir recours aux attaques personnelles lors de la campagne, selon le récit de Patrice Duhamel.

Couverture de l’essai intitulé « La photo » de Patrice Duhamel, publié le 2 avril 2025. (Crédit : éditions L’Observatoire)

En 1994, la photo est finalement publiée pour la toute première fois dans la biographie de celui qui était désormais président de la République, « Une jeunesse française » (éditions Fayard), signé par le journaliste Pierre Péan qui s’intéressait au parcours de Mitterrand pendant la Seconde Guerre mondiale.

Qualifiant Mitterrand de « vichysto-résistant », Patrice Duhamel explique que Mitterand était « sincèrement pétainiste, puis sincèrement résistant ».

Ce qualificatif rappelle les mots de Pierre Péan, qui estimait en août 1994, d’après une archive télévisuelle diffusée dans « C à vous », que Mitterand « adhère complètement au maréchal et à la révolution nationale » dans un premier temps.

« On peut dire qu’il est pétainiste à deux exception près », ajoute-t-il. « Il est anti-allemand et il n’est pas antisémite. »