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Au moins deux gouverneurs juifs pourraient devenir les colistiers de Kamala Harris
Josh Shapiro et J.B. Pritzker pourraient rejoindre la course à la vice-présidence du côté Démocrate ; le sénateur Mark Kelly, dont l'épouse est juive, et le gouverneur pro-Israël Andy Beshear seraient aussi dans les starting-blocks
JTA — Tandis que le président américain Joe Biden a mis le point final à sa campagne, tous les regards des personnalités de premier plan du Parti Démocrate se sont tournés vers la vice-présidente Kamala Harris, s’interrogeant sur l’identité de celui ou de celle qui deviendra son colistier. Deux gouverneurs juifs figureraient parmi les favoris.
Les noms de Josh Shapiro (Pennsylvanie) et J.B. Pritzker (Illinois) avaient tous les deux déjà été évoqués comme candidats potentiels quand les pressions sur Biden s’étaient renforcées, le sommant de se retirer de la course à la Maison Blanche. Aujourd’hui, l’un des deux hommes pourrait bien devenir le colistier de Harris si cette dernière devait remporter la nomination. Le nom de Mark Kelly, sénateur de l’Arizona, dont l’épouse, l’ancienne représentante Gabby Giffords, est juive, a également circulé.
Jamais un Juif n’avait figuré comme colistier dans des élections à la présidence à part lorsque Joe Lieberman avait été candidat du parti Démocrate à la présidence, l’année où Al Gore avait tenté d’intégrer la Maison Blanche.
Celui qui sera choisi comme candidat à la vice-présidence devra probablement répondre à des questions sur la guerre qui oppose actuellement Israël au Hamas et sur l’antisémitisme qui sévit aux États-Unis, en particulier s’il est amené à débattre avec le candidat à la vice-présidence républicain, J.D. Vance.
Un candidat juif potentiel, Jared Polis, gouverneur du Colorado, a jeté un froid sur ses chances au cours d’un entretien accordé à CNN : « S’ils étudient la chose et qu’il s’avère qu’ils ont besoin d’un juif gay de 49 ans atteint de calvitie et originaire de Boulder, dans le Colorado, ils ont mon numéro », a-t-il expliqué.
Et une autre Démocrate (non-Juive) célèbre dont le nom a été évoqué semble, elle aussi, avoir écarté tout de go sa candidature. Ainsi, Gretchen Whitmer, gouverneure du Colorado, a dit lundi aux journalistes que « je ne vais pas quitter le Michigan », précisant qu’elle co-présiderait la campagne de Harris.
Voici les personnalités juives favorites dans la course à la vice-présidence démocrate, des personnalités qui ont toutes été approuvées publiquement par le président :
Josh Shapiro, gouverneur de Pennsylvanie
Shapiro, l’un des premiers favoris des pronostiqueurs, représente un état pivot qui est considéré comme crucial pour l’issue de l’élection. Au cours de toute son ascension dans la sphère politique de Pennsylvanie, il a voulu projeter une image nette, celle d’une personnalité droite, et il a investi sa sensibilité juive – il a fait ses études dans une école juive, comme c’est le cas de ses enfants – dans sa campagne au poste de gouverneur. Il a prêté serment à son poste, l’année dernière, sur trois bibles hébraïques.
Quand il était procureur-général, il avait dirigé de multiples plaintes déposées contre l’administration Trump et il s’était assuré que les votes, dans l’état, avaient été tous décomptés au cours des élections présidentielles de 2020. En 2018, il avait pris la tête d’une enquête historique qui avait été ouverte sur les abus sexuels qui avaient été commis dans des institutions catholiques de l’état.
Une publicité de campagne de Shapiro, en 2022, s’attardait sur sa pratique du Shabbat, racontant comment cette pause dans sa semaine de travail l’aidait à s’adapter au mieux à la rigueur de sa campagne électorale.
En tant que gouverneur, il a dénoncé avec ferveur les menaces proférées à l’encontre des étudiants juifs sur les campus de l’état, s’opposant frontalement à l’ancienne présidente de l’université de Pennsylvanie, Liz Magill, avant et après le 7 octobre. Il s’était présenté dans un restaurant casher de Philadelphie, le Goldie, pour y prendre un repas après les appels lancés au boycott de cet établissement de la part des groupes pro-palestiniens.
« Ils ont montré un antisémitisme flagrant », avait-il alors déclaré. « Ils ont manifesté contre un restaurant, simplement parce qu’il appartenait à une personne juive. C’est le genre de trope antisémite auquel on assistait dans les années 1930. »
Depuis l’annonce de son retrait par Biden, il y deux jours, le judaïsme de Shapiro est devenu un sujet qui a fait parler dans les médias. Dimanche soir, John King, présentateur sur CNN qui s’est converti au judaïsme après avoir épousé Dana Bash, sa collègue de travail, a déclaré : « C’est la première fois qu’il est gouverneur, il est Juif, il pourrait être risqué de le choisir ». Des propos qui ont entraîné un retour de bâton de la part de certains qui ont expliqué que ces paroles étaient antisémites ou qu’elles reflétaient l’antisémitisme qui peut exister chez les Démocrates.
A LIRE : Aux US, des Juifs ignorent si c’est bon pour eux d’avoir un vice-président juif
Andy Beshear, gouverneur du Kentucky
Beshear est une espèce rare dans le paysage politique de 2024 : il est le gouverneur Démocrate d’un état qui reste fermement rouge. Le sens politique qui est le sien, estiment certains stratèges Démocrates, pourrait le rendre précieux pendant la campagne – même s’il ne parvient pas à faire basculer le Kentucky vers le bleu.
Dans son état, les plus importantes batailles politiques qui ont été menées par le gouverneur ont porté sur des sujets brûlants, comme les soins de santé pour les transgenres et le droit à l’avortement. Sur ces deux questions, le gouverneur chrétien qui répète que ses « valeurs sont ancrées dans ma foi » a trouvé des alliés parmi les Juifs du Kentucky.
L’année dernière, Beshear a opposé son veto à une loi qui interdisait certaines interventions médicales sur les jeunes transgenres – une loi que les députés républicains, majoritaires au parlement de l’état, avaient présentée quelques semaines après que le fils transgenre du seul membre juif de la Chambre s’est suicidé. Les républicains étaient passés outre son veto. En réponse, une parlementaire de l’état démocrate avait prononcé un discours, à la Chambre, qui était devenu viral ; une prise de parole qui lui avait été inspirée par l’un de ses électeurs juifs orthodoxes. Elle avait alors fait le lien entre la législation anti-transgenre et l’antisémitisme.
Beshear s’est aussi opposé à la loi imposant une interdiction quasiment totale de l’avortement, qui avait été dénoncée devant la justice par trois femmes juives qui avaient affirmé qu’elle contrevenait à leur droit à la liberté religieuse. Une plainte qui avait été rejetée par un juge au mois de juin. Il avait estimé ne pas avoir les compétences nécessaires pour agir.
Beshear a exprimé son soutien à Israël depuis l’attaque du 7 octobre. Il a indiqué que lui et sa femme avaient « prié pour le peuple d’Israël » tout de suite après le pogrom. Au mois de décembre, il avait établi un groupe de travail chargé de lutter contre l’antisémitisme dont plusieurs politiciens et leaders communautaires juifs étaient membres. Il avait ultérieurement demandé à ce panel de s’attaquer à l’hostilité grandissante qui s’exprimait à l’encontre des étudiants juifs sur les campus des établissements d’enseignement supérieur de l’état.
Mark Kelly, sénateur de l’Arizona
Autre responsable élu d’un état pivot déterminant, Kelly a la réputation d’être un modéré du point de vue politique (il était indépendant avant d’intégrer le parti Démocrate en 2018). Sa carrière de capitaine au sein de l’US Navy et d’astronaute à la NASA avait aidé à polir son image auprès des électeurs avant qu’il ne soit choisi pour se présenter, en 2020, au sénat, pour remplacer feu John McCain. En 2022, Kelly avait battu son challenger Blake Masters, un républicain d’extrême-droite qui avait repris une citation nazie sur un post paru sur internet. Il avait ainsi conservé son siège au Sénat.
Kelly a épousé l’ancienne représentante américaine Gabby Giffords, qui est Juive. Le couple a été uni dans le cadre d’une cérémonie juive. Si Harris devait choisir Kelly, les deux candidats figurant sur le bulletin présidentiel démocrate auraient un conjoint juif. Le mari de Harris, Doug Emhoff, a tenu un rôle de premier plan dans les efforts livrés par l’administration Biden pour combattre l’antisémitisme et Kelly, de son côté, a co-parrainé la loi de lutte contre l’antisémitisme au sénat et il a siégé au sein d’un groupe de travail bipartisan officiant dans la lutte contre la haine antijuive.
Après que Giffords a survécu à une tentative d’assassinat en 2011, Kelly avait pris la parole lors du Petit-déjeuner national de prière et il avait fait une prière pour les victimes de la fusillade massive qui avait été offerte, à l’origine, par le rabbin qui l’avait marié. Il est devenu depuis un défenseur fervent du contrôle des armes à feu.
Kelly a indiqué qu’il entretenait un lien avec Israël qui remonte à bien avant sa carrière au sénat et sa relation avec Giffords, évoquant l’amitié qu’il avait tissée avec l’astronaute israélien Ilan Ramon lorsque les deux hommes étaient stationnés à Houston. Ramon avait été l’une des victimes de l’explosion de la navette Columbia, en 2003.
Au sénat, Kelly a soutenu Israël et la solution à deux États avec les Palestiniens. Il a aussi déclaré que certains mouvements de protestation anti-israéliens et pro-palestiniens qui ont agité, pendant le printemps, les campus américains – notamment en Arizona – « sont devenus très violents », estimant que « c’est une bonne chose de faire venir la police » quand de telles manifestations « sombrent dans l’illégalité, avec des actions hors-la-loi. »
Il a récemment dit que conditionner l’aide américaine à Israël serait une initiative « appropriée » si l’État juif ne parvenait pas à imposer des limites au bilan humain du côté civil à Gaza.
Le gouverneur Roy Cooper de Caroline du Nord
Cooper, gouverneur juif à la tête d’un état qui penche aussi plutôt du côté des républicains, a adopté des positionnements sur des questions juives qui ont plu aux responsables de la communauté et aux groupes pro-israéliens. Il a signé une législation qui a fait de la Caroline du nord l’un des états – il y en a actuellement une dizaine – qui a interdit tout commerce avec les compagnies qui boycottent Israël. Au début de l’année, il a aussi ratifié le SHALOM Act, une loi qui a adopté la définition de l’antisémitisme qui a été établie par l’ International Holocaust Remembrance Association (IHRA). Le texte a été présenté par un républicain mais il a bénéficié d’un soutien bipartisan.
« Définir l’antisémitisme est important pour l’arrêter et cette nouvelle loi nous aidera à le faire à un moment où les incidents antisémites sont en recrudescence », avait dit Cooper, qui a occupé des fonctions à responsabilité au sein de son église presbytérienne, à ce moment-là. « Alors que nous protégeons le droit à la liberté de parole, ce texte aide notre état à devenir un lieu plus accueillant, plus inclusif et plus sûr pour tout le monde ».
Cooper a aussi indiqué qu’il était « un bon ami » de la représentante démocrate américaine Kathy Manning (Caroline du nord), ancienne directrice du conseil d’administration des Jewish Federations of North America (JFNA), qui est l’une des plus ferventes défenseuses d’Israël au Congrès. Au mois de décembre, quand Manning avait annoncé qu’elle ne se représenterait pas à la réélection dans son district – dont les frontières avaient été redessinées – Cooper avait écrit sur Twitter qu’elle avait été victime « d’un charcutage électoral et partisan ».
Par ailleurs, la course à la succession de Cooper – qui est limité dans le nombre de ses mandats – a retenu l’attention des Juifs de Caroline du nord : le candidat démocrate, le procureur-général Josh Stein, est Juif, tandis que le nominé républicain, Mark Robinson, est connu pour avoir flirté avec des idées antisémites dans le passé et il a récemment déclaré que « certains auraient besoin d’être tués » (il a ultérieurement affirmé qu’il faisait référence aux nazis et il a indiqué qu’il souhaitait présenter ses excuses pour ses propos antisémites passés).
Le gouverneur de l’Illinois J.B. Pritzker
J.B. Pritzker est le fils d’une famille juive qui a fait fortune dans l’hôtellerie et qui est impliquée depuis longtemps dans la politique démocrate. Sa sœur Penny, qui avait donné beaucoup d’argent pour financer la campagne à la présidentielle de Barack Obama, était secrétaire au commerce d’Obama et elle est aujourd’hui l’envoyée spéciale de Biden chargée de la question de la guerre en Ukraine.
Pritzker a fait savoir qu’il soutenait la candidature de Harris à la présidence et lundi, en réponse aux rumeurs qui laissaient entendre, dans les médias, que lui-même « se présentera à quelque chose », il a publié sur X une référence à un meme populaire parmi les soutiens de Harris : « Vous pensez que je viens tout juste de tomber du cocotier ? »
L’Illinois est un état solidement bleu – ce qui rend improbable le fait que choisir Pritzker apporte à Harris un réel avantage électoral sur la carte. Ses origines aisées peuvent aussi détourner de lui les électeurs issus de la classe ouvrière.
Pritzker a gagné des milliards en tant qu’investisseur. En 2019, juste après sa première élection dans l’état, il avait cité ses racines – il appartient à une famille d’immigrants juifs qui était arrivée sans rien aux États-Unis – pour expliquer sa propre politique. Il a aussi eu des mots très durs à l’égard de l’ex-président américain Donald Trump. Pritzker avait été le premier démocrate à dire que Trump était un criminel après sa condamnation devant un tribunal, au mois de mai, et il n’avait pas retenu ses critiques, là où Biden et d’autres avaient opté pour un silence prudent.
« Donald Trump est raciste, homophobe ; c’est un grincheux et une menace pour ce pays », avait déclaré Pritzker, quelques minutes seulement après l’énoncé de son verdict par le jury. « Il peut dorénavant ajouter une nouvelle qualité à cette liste – celle de criminel ».
