80 ans après le nazisme, l’antisémitisme est en hausse dans le monde entier – rapport

Alors que le monde marque le 80e anniversaire de la fin officielle de la Seconde Guerre mondiale en Europe, l’antisémitisme a continué à monter en flèche depuis que le Hamas a lancé sa guerre contre Israël le 7 octobre 2023, selon un rapport (en anglais) publié mercredi par le J7, un groupe de travail des grandes communautés contre l’antisémitisme.

Le J7 est un partenariat entre les organisations juives des sept pays ayant les plus grandes populations juives en dehors d’Israël : Argentine, Australie, Canada, France, Allemagne, Royaume-Uni et États-Unis.

Le rapport, présenté à Berlin à la veille de la date anniversaires des forces alliées sur l’Allemagne nazie, le 8 mai, fournit des détails sur la montée de la haine antijuive dans chaque pays et appelle les gouvernements et les sociétés du monde entier à agir.

Les données montrent de manière écrasante que « les politiques existantes contre l’antisémitisme, et la manière dont elles ont été mises en œuvre, n’ont pas réussi à atténuer le tsunami de haine visant les individus, les communautés et les institutions juifs au lendemain du 7 octobre », indique le rapport.

La guerre à Gaza a commencé après que des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre 2023, tuant 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant 251 otages.

Le taux d’incidents antisémites par habitant juif a atteint des niveaux alarmants, soulignant la vulnérabilité accrue des communautés juives dans le monde, fait valoir le rapport.

La lutte contre l’antisémitisme nécessite une stratégie globale, « de l’ensemble de la société », impliquant tous les niveaux de gouvernement, les entreprises, les institutions académiques et la société civile, a déclaré le J7, exhortant les gouvernements à adopter et à mettre en œuvre les lignes directrices mondiales pour la lutte contre l’antisémitisme, un cadre international lancé à Buenos Aires en juillet 2024 et approuvé par de nombreux pays.

En Argentine, les incidents antisémites ont augmenté de 44 % en 2023 par rapport à 2022, selon la Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas (DAIA), qui suit les incidents antisémites au nom de la communauté juive argentine. Parmi ces incidents, 56 % ont eu lieu en ligne.

Le monde universitaire est devenu un environnement particulièrement difficile pour les chercheurs et les étudiants juifs, car les universités et les espaces éducatifs argentins ont connu une augmentation de 15 % des incidents anti-israéliens en 2023, selon le rapport.

Bien que le nombre d’incidents en Argentine n’ait pas atteint les niveaux alarmants observés dans d’autres pays du J7, il y a une grande inquiétude quant aux impacts potentiels à retardement, note le rapport.

Des gens manifestent à Buenos Aires le 24 février 2025 en faveur de la libération de tous les otages détenus à Gaza depuis l’assaut du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. (Photo de JUAN MABROMATA / AFP)

L’Australie a connu une augmentation massive des crimes de haine contre les juifs, le Conseil exécutif des juifs australiens (ECAJ) faisant état d’une hausse de 316 % des incidents antisémites au cours de la période de 12 mois qui s’est achevée le 30 septembre 2024. Cette situation a créé un sentiment généralisé d’insécurité au sein de la communauté juive, selon le rapport.

De nombreux Juifs australiens estiment que les réactions du gouvernement et de la police ont été lentes et timides, et qu’elles n’ont commencé à changer qu’après l’incendie criminel d’une synagogue à Melbourne en décembre 2024, note le rapport.

Au Canada, la communauté juive est confrontée à une augmentation des menaces de violence contre des individus et des institutions, à un antisémitisme institutionnel perçu dans les écoles et à des préoccupations selon lesquelles le gouvernement applique une politique de deux poids deux mesures à l’égard d’Israël, selon le Centre pour les affaires israéliennes et juives (CIJA).

Alors que les Juifs représentent moins de 1 % de la population canadienne, 19 % de tous les crimes haineux signalés en 2023 étaient antisémites, y compris des attaques violentes telles que des tirs d’armes à feu contre des écoles juives et des incendies criminels contre des synagogues.

Des enquêtes ont montré que 98 % des juifs canadiens estiment que l’antisémitisme est un problème grave, et 82 % estiment que le Canada est devenu moins sûr pour les juifs depuis le 7 octobre 2023, selon le rapport.

Etudiants et militants pro-palestiniens manifestent pour la huitième journée consécutive devant un campement anti-israélien sur le campus de l’Université McGill à Montréal, au Canada, le 4 mai 2024. (Photo d’Alexis Aubin / AFP)

En France, les actes antisémites ont presque quadruplé en 2024, avec
1 570 incidents enregistrés, soit 62 % de tous les crimes de haine religieuse dans le pays, selon l’organisation juive Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF). Parmi ces incidents, 65 % comprenaient des agressions violentes contre des personnes et plus de 10 % étaient des agressions physiques. Cette recrudescence a créé un climat dans lequel les Juifs français ressentent de plus en plus le besoin de cacher leur identité, par exemple en retirant les mezouzot des maisons ou en changeant leur nom en ligne, indique le rapport.

La présidente de Wizo Nathalie Riu-Guez (1g), la journaliste Anne Sinclair (2g), le président du Conseil représentatif des institutions juives françaises (CRIF) Yonathan Arfi (C), le nouveau maire du 16e arrondissement de Paris Jeremy Redler avec des partisans et des proches d’otages israéliens participent à un rassemblement appelé « Les Mères de l’Espoir » pour appeler à la libération des 239 otages détenus par le groupe militant palestinien Hamas à Gaza, à Paris, le 17 novembre 2023. Il reste à ce jour 129 otages aux mains du Hamas et de ses complices. (Crédit : ALAIN JOCARD / AFP)

Yonathan Arfi, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, a déclaré se joindre « à nos partenaires du J7 pour tirer la sonnette d’alarme face à la montée inquiétante de l’antisémitisme qui a déferlé sur la France depuis les atrocités du 7 octobre. Ce à quoi nous assistons n’est pas seulement une augmentation statistique, c’est un signal d’alarme sociétal. Il ne s’agit pas d’une crise pour la communauté juive, mais d’un test pour nos démocraties ».

« L’escalade des discours de haine, des menaces et des agressions physiques contre les Juifs dans le monde entier nous rappelle pourquoi la coopération internationale, comme celle du J7, est plus vitale que jamais » a-t-il ajouté.

L’antisémitisme en France cible de plus en plus les étudiants, le ministère de l’Éducation nationale faisant état d’une augmentation de 420 % des actes antisémites dans les écoles au cours de l’année scolaire 2023-2024. Des enquêtes montrent que 64 % de la population française pense que les Juifs ont des raisons de craindre de vivre en France, note le rapport.

En Allemagne, les Juifs sont de plus en plus menacés depuis les attentats du 7 octobre, avec un front antisémite réunissant des éléments de tout l’éventail politique, selon le Conseil central des Juifs d’Allemagne. L’antisémitisme lié à Israël a fortement augmenté dans les universités, sur la scène artistique et culturelle, et dans les représentations d’Israël dans les médias, a déclaré l’organisation.

La police allemande a signalé 3 200 incidents antisémites entre le 1er janvier et le 7 octobre 2024, après avoir enregistré près de 3 000 incidents, soit 32 par jour, au cours des trois mois qui ont suivi l’attentat du 7 octobre 2023.

La montée du parti Alternative für Deutschland (AfD), classé par certains États comme extrémiste de droite, est considérée comme une menace pour la vie religieuse juive en Allemagne et les pratiques telles que la circoncision et l’abattage religieux, selon le rapport. L’AfD insiste sur le fait qu’il soutient la communauté juive.

Des manifestants brandissant des drapeaux d’Israël et des photos de personnes prises en otage par le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, lors d’une manifestation pour protester contre l’antisémitisme et appeler à la libération des otages, devant Downing Street, le 19 novembre 2023. (Crédit : Justin Tallis/AFP)

Au Royaume-Uni, 3 528 incidents antisémites ont été signalés en 2024, ce qui place le pays au deuxième rang après les chiffres établis en 2023, selon le Community Security Trust (CST). Les incidents comprenaient 201 cas d’agressions physiques, 157 cas de dommages à des biens juifs et 223 incidents visant des synagogues.

Cette situation, ainsi que les marches hebdomadaires contre Israël dans les grandes villes du Royaume-Uni, a créé un environnement hostile pour les Juifs que l’Institut de recherche sur les politiques juives a qualifié d’
« antisémitisme ambiant ». Le gouvernement britannique a augmenté le financement de la sécurité de la communauté juive, mais il faut aller plus loin, selon le rapport.

Aux États-Unis, l’Anti-Defamation League a constaté que l’antisémitisme est devenu une réalité persistante, le nombre d’incidents antisémites ayant battu des records pour la quatrième année consécutive. Quelque 9 354 incidents ont été signalés en 2024, soit plus d’un par heure, dont un triste record de 1 694 cas sur les campus universitaires.

Les attitudes antisémites sont en hausse aux États-Unis, près de 24 % des Américains étant d’accord avec six tropes antijuifs ou plus, selon l’ADL. Des enquêtes montrent que neuf juifs américains sur dix estiment que la discrimination à l’égard des juifs a augmenté depuis l’attentat du 7 octobre, tandis que 83 % des étudiants juifs ont déclaré avoir été victimes ou témoins d’antisémitisme depuis cette date.

La lutte contre la haine sur tous ces fronts nécessitera un effort soutenu de la part de toutes les parties de la société, a conclu le J7.

« L’antisémitisme est un défi transnational qui nécessite une coopération transnationale contre la haine antisémite », indique le rapport. « Tout comme les communautés du J7 se sont unies pour lutter collectivement contre la montée de l’antisémitisme, les gouvernements concernés, les organisations de la société civile et d’autres doivent également faire leur part. »