Alors que le doute subsiste, l’Iran dit que ses sites nucléaires ont été « gravement endommagés »

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmaïl Baghaei, a confirmé mercredi que les installations nucléaires du pays avaient été « gravement endommagées » par les frappes américaines, alors que les évaluations divergent quant à l’ampleur de la réussite des opérations contre le programme nucléaire de Téhéran.

S’exprimant au micro d’Al-Jazeera, Baghaei a refusé de donner plus de détails, mais a concédé que les frappes menées dans la nuit de samedi à dimanche par des bombardiers américains B-2 à l’aide de bombes à charge pénétrante avaient été conséquentes.

« Nos installations nucléaires ont été gravement endommagées, cela ne fait aucun doute », a-t-il déclaré.

Plusieurs évaluations contradictoires concernant les dégâts causés par les frappes américaines et israéliennes au cours des douze jours de guerre contre la République islamique ont été émises.

Des responsables des agences de renseignement israéliens ont déclaré mercredi à CNN que les frappes de l’armée de l’air israélienne sur l’Iran avaient retardé de deux ans le programme nucléaire de Téhéran, sous réserve que la reconstruction des installations ne soit pas entravée.

Leur évaluation était similaire à celle du ministre des Affaires étrangères Gideon Saar avant que les États-Unis ne lancent leurs frappes dimanche, et à celle de Tsahal à la fin de la guerre, qui a déclaré qu’il était encore « trop tôt » pour évaluer les dégâts, tout en affirmant que le programme avait pris plusieurs années de retard.

Cette image satellite fournie par Maxar Technologies montre de nouveaux cratères de frappes aériennes dans le périmètre de l’installation nucléaire iranienne de Fordo, au nord-est de la ville de Qom, le 24 juin 2025. (Crédit : Image satellite ©2025 Maxar Technologies/AFP)

La Maison Blanche a publié mercredi un communiqué de la Commission israélienne de l’énergie atomique (CIEA) indiquant que le site nucléaire souterrain de Fordo était « inutilisable » à la suite des frappes. Quelques minutes plus tard, le bureau du Premier ministre a partagé ce communiqué avec la presse israélienne.

« La frappe dévastatrice des États-Unis sur Fordo a détruit les infrastructures critiques du site et rendu l’installation d’enrichissement inutilisable », indique le communiqué.

« Nous estimons que les frappes américaines sur les installations nucléaires iraniennes, combinées aux frappes israéliennes sur d’autres éléments du programme nucléaire militaire iranien, ont retardé de plusieurs années la capacité de l’Iran à développer des armes nucléaires. »

Toutefois, selon une évaluation moins optimiste de sources israéliennes citées par la chaîne ABC News, les conséquences des frappes américaines sur le site d’enrichissement d’uranium iranien de Fordo, bien qu’elles soient encore en cours d’évaluation, n’étaient pas satisfaisantes.

Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer le succès opérationnel, deux sources israéliennes se sont entretenues avec la chaîne – l’une d’elles a semblé minimiser les dégâts à Fordo, allant jusqu’à qualifier le résultat de « vraiment pas bon ».

Les deux sources ont indiqué ignorer la quantité d’uranium enrichi que l’Iran aurait transférée avant les frappes, ainsi que le nombre de centrifugeuses restantes et utilisables pour enrichir de l’uranium à l’avenir.

Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a déclaré mercredi qu’il était possible qu’une grande partie de l’uranium hautement enrichi de l’Iran ait été déplacée par Téhéran peu après les premières frappes, et ait ainsi échappé aux attaques.

Le 13 juin, premier jour des frappes israéliennes, la République islamique aurait informé l’AIEA de sa décision de prendre des « mesures spéciales » pour protéger ses matières et équipements nucléaires.

Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, lors d’une réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, au siège de l’agence à Vienne, en Autriche, le 23 juin 2025. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

« Ils ne sont pas entrés dans les détails, mais c’était clairement le sens implicite de leurs propos, nous pouvons donc imaginer que cette matière est bien là », a déclaré Grossi lors d’une conférence de presse en présence de membres du gouvernement autrichien.

Il faudra sans doute attendre plusieurs mois avant d’obtenir des conclusions définitives, si tant est qu’il y en ait, a déclaré une source à la chaîne américaine.

Un autre rapport plutôt pessimiste paru mardi indiquait qu’une évaluation préliminaire des services de renseignement américains avait déterminé que les frappes américaines n’avaient retardé le programme de Téhéran que de quelques mois.

De plus, un rapport des services secrets américains divulgué cette semaine suggère que les frappes sur les installations nucléaires iraniennes n’ont pas détruit leurs composants souterrains et qu’une grande partie des stocks d’uranium enrichi de l’Iran aurait déjà été déplacée avant les bombardements. La Maison Blanche a rejeté les conclusions de ce rapport , tout en condamnant sa divulgation.

Le président américain Donald Trump s’exprimant lors d’une réunion avec le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte lors du sommet de l’OTAN, à La Haye, aux Pays-Bas, le 25 juin 2025. (Crédit : Alex Brandon/AP)

Cependant, mercredi, le président américain Donald Trump a déclaré que des agents israéliens dépêchés sur place après les frappes américaines avaient affirmé que ce site nucléaire stratégique avait été « détruit ». Les responsables israéliens ont déclaré à la chaîne publique Kan qu’ils n’étaient pas au courant d’une opération israélienne sur ce site.

Se voulant lui aussi optimiste, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a déclaré mercredi à Politico que l’Iran s’était « considérablement éloigné de l’arme nucléaire » à la suite des frappes américaines.

Israël et l’Iran sont entrés en guerre ouverte le 13 juin, lorsqu’Israël a lancé l’Opération « Rising Lion ». Cette campagne a consisté en une série de frappes aériennes visant les principaux dirigeants du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime iranien, des scientifiques nucléaires, des sites d’enrichissement d’uranium et le programme de missiles balistiques.

Israël a déclaré que cette offensive était nécessaire pour empêcher la République islamique de réaliser son projet déclaré de détruire l’État juif. Le 22 juin, les États-Unis ont frappé des installations nucléaires iraniennes clés à Natanz, Fordo et Ispahan.

Les autorités iraniennes affirment que plus de 600 personnes ont été tuées lors de ces frappes, un bilan qui ne fait pas la distinction entre les civils et les membres du CGRI ou de sa milice paramilitaire, les Basij.

En réponse aux attaques israéliennes, l’Iran a lancé plus de 550 missiles balistiques et environ 1 000 drones sur Israël. Selon les autorités sanitaires, les attaques iraniennes ont fait 28 morts et des milliers de blessés en Israël. Les missiles ont frappé des immeubles, deux universités et un hôpital, causant d’importants dégâts. L’Iran a également tiré sur une base américaine au Qatar après les frappes américaines, qui n’ont fait aucun blessé.