« Têtes coupées » lors de manif : Netanyahu soutient l’appel à mener des arrestations

Samedi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a semblé approuver l’appel lancé à l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet pour qu’elle arrête « des dizaines de personnes pour incitation au meurtre » après qu’un homme enveloppé dans des bandages ensanglantés s’est allongé au sol au milieu de répliques de sa tête lors d’une manifestation anti-gouvernement organisée par des familles d’otages à Tel Aviv.

« Il faut le dire clairement : les têtes coupées, tout comme les manifestations d’aujourd’hui, n’ont rien à voir avec les otages », a écrit le Forum Tikva (« espoir » en hébreu), qui regroupe les familles d’otages opposées à la conclusion d’un accord avec le groupe terroriste palestinien du Hamas, dans un message publié sur le compte officiel de Netanyahu sur le réseau social X.

« Au contraire, ce sont des personnes qui ont décidé de sacrifier les otages pour tenter de renverser le gouvernement. »

Cet appel a été lancé quelques jours après la déclaration sous serment de Ronen Bar, le chef du Shin Bet que le gouvernement cherche à limoger, accusant Netanyahu de faire pression sur lui pour qu’il utilise les outils de l’agence de sécurité intérieure contre les militants anti-gouvernement. La procureure générale Gali Baharav-Miara, que le gouvernement cherche également à évincer, a déclaré que le renvoi de Bar risquait de priver le Shin Bet de son indépendance.

Dans le message partagé par Netanyahu, le Forum Tikva a écrit qu’il était « difficile de savoir où se situait le Shin Bet face à ces représentations claires et dangereuses de meurtres ».

« Nous ne pouvons qu’espérer que la querelle entre le Premier ministre et Ronen Bar n’affectera pas les positions du Shin Bet sur tout ce qui touche à la sécurité du Premier ministre », a écrit le forum, affirmant que c’était la seule explication possible au « silence entourant les manifestations de meurtre et de haine ».

De gauche à droite : la procureure générale Gali Baharav-Miara, à la résidence présidentielle, à Jérusalem, le 13 février 2025 ; le Premier ministre Benjamin Netanyahu au tribunal de Tel Aviv, avant le début de son témoignage dans le procès intenté contre lui, le 12 mars 2025 ; le chef du Shin Bet Ronen Bar, à l’Académie nationale de police, à Beit Shemesh, le 14 juillet 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90 ; Tomer Appelbaum/POOL ; Chaïm Goldberg/Flash90)

Le Forum Tikva est plus petit que le Forum des familles des otages et disparus, un autre groupe de familles d’otages qui soutient la fin de la guerre à Gaza afin d’obtenir un accord pour la libération des otages et organise chaque samedi soir des rassemblements largement apolitiques sur la Place des Otages.

Les manifestations organisées rue Begin, où la photo a été prise, sont liées à un troisième groupe de familles d’otages appelé Forum Haïm (« vies » en hébreu). Ses membres s’opposent ouvertement à Netanyahu et à son gouvernement. Ces manifestations rassemblent des militants de plusieurs groupes de gauche.

Dans une déclaration distincte concernant la manifestation organisée rue Begin, un porte-parole du Likud, le parti de Netanyahu, a qualifié cette manifestation de « folie » et a déclaré qu’elle « incitait au meurtre et à la décapitation du Premier ministre ».

« Où sont la procureure générale et Ronen Bar ? », a demandé le porte-parole, joignant une photo de la scène, sur laquelle on peut voir un homme torse nu, portant des bandages ensanglantés sur la poitrine et la tête, allongé immobile dans la rue, agrippant un drapeau d’Israël.

Des manifestants protestant contre le gouvernement et réclamant un accord pour la libération des otages détenus dans la bande de Gaza, devant le siège du ministère de la Défense, rue Begin, à Tel Aviv, le 26 avril 2025. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Plusieurs masques représentant Netanyahu sont disposés autour de la tête de l’homme, chacun portant un autocollant avec un slogan tel que « coupable » ou « danger ».

Netanyahu et ses alliés politiques se plaignent depuis longtemps des incitations à la haine à leur encontre et à l’encontre de leurs familles, accusant le système judiciaire, les forces de l’ordre et la procureure générale de ne pas réagir face aux propos violents tenus par certains membres de la population.

La décision du Premier ministre, prise le 21 mars, de renvoyer Bar alors que le Shin Bet enquêtait sur d’éventuels liens entre les collaborateurs du Premier ministre et le Qatar, qui soutient le Hamas, a incité les partis d’opposition et les groupes de veille du gouvernement à saisir la Haute Cour pour demander l’annulation de cette décision.

Les requérants ont accusé Netanyahu d’avoir tenté d’entraver l’enquête dite du « Qatargate » et d’avoir limogé Bar pour des raisons politiques. Ils ont demandé au tribunal d’annuler la destitution de Bar, arguant qu’elle avait été prononcée dans un contexte de conflit d’intérêts et pour des motifs inavoués.

Les détracteurs de Netanyahu l’accusent également de vouloir faire porter à Bar la responsabilité de l’échec de la prévention du pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël, tué plus de 1 200 personnes et pris 251 otages, déclenchant ainsi la guerre à Gaza.

Netanyahu a déjà évoqué une théorie du complot selon laquelle Bar aurait eu connaissance de cet assaut et aurait volontairement caché cette information au Premier ministre.

Lors d’une conférence de presse dimanche dernier, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a demandé à Netanyahu de mettre fin à l’incitation contre Bar avant qu’elle ne débouche sur un « meurtre politique ».

Bar, qui a accepté la responsabilité de son incapacité à empêcher l’assaut sanglant du Hamas, aurait déclaré aux familles endeuillées qu’il démissionnerait d’ici le 15 mai.