Comment un camp de formation fondé par des Juifs a aidé Tim Walz à devenir politicien

JTA — En 2005, un enseignant en histoire-géographie de Mankato, une petite ville rurale du Minnesota, s’était rendu dans un camp de formation politique qui portait le nom d’un sénateur juif progressiste. Il y avait aiguisé ses talents en matière d’organisation collective au niveau local, travaillant notamment sur les campagnes de sensibilisation à destination des électeurs.

Presque deux décennies plus tard, Tim Walz est devenu le candidat à la vice-présidence du parti démocrate dans la course à la Maison Blanche. Et les Juifs qui l’ont formé en sont très heureux.

« Je suis très enthousiaste parce que c’est un gagnant », déclare, mardi, David Wellstone en évoquant Walz. « Et il travaille avec intégrité ».

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Wellstone, aux côtés de son frère Mark, est le cofondateur et l’ancien coprésident de Wellstone Action, une organisation de formation progressiste qui portait le nom de feu leur père, Paul Wellstone, qui était sénateur du Minnesota. Les deux frères avaient créé l’organisation avec pour objectif d’inculquer le progressisme populaire qui était la marque de fabrique de leur père à une nouvelle génération de politiciens.

Le Camp Wellstone, que Walz a fréquenté, avait ainsi été mis en place pour enseigner en l’espace de quelques jours aux aspirants politiciens du Minnesota et des autres états ce qu’ils devaient savoir en plus du réseautage et du porte-à-porte traditionnels, dit David Wellstone.

« Cela se voyait qu’il avait l’étoffe d’un leader », explique-t-il, ajoutant que le camp a aidé à faire du professeur un candidat qui a acquis le goût de la victoire et qui sait se battre pour l’obtenir.

Paul Wellstone (Crédit : Wikimedia Commons)

« J’ai envie de penser – et je le pense – que lorsque le gouverneur Walz est venu au Camp Wellstone, cela l’a aidé à façonner la manière dont il fait aujourd’hui de la politique », continue Wellstone – qui estime que le Camp a modelé « cette manière dont il se connecte avec les gens, cette façon qu’il a d’écouter les gens qui est la même que celle de feu mon père ».

Paul Wellstone, décédé dans un accident d’avion en 2002 alors qu’il était en campagne pour sa réélection, appartenait à une lignée de politiciens juifs de cet état du Midwest qui avaient occupé le même siège au sénat depuis presque quatre décennies – un siège connu familièrement sous le nom officieux de « siège juif » du Minnesota. Il s’était fait un nom dans le mouvement politique progressiste lorsqu’il était professeur au Carleton College et qu’il était parvenu, avec succès, à vaincre le candidat juif républicain qui se présentait alors à sa réélection au sénat, Rudy Boschwitz, dans les années 1990, lui prenant son fauteuil.

Dans cette course, Wellstone avait été considéré comme l’outsider – et le fait qu’il avait épousé une femme baptiste avait entraîné une certaine controverse, avec notamment des courriers qui avaient été envoyés par les partisans de Boschwitz et qui mettaient en cause sa judéité. Une tactique qui n’avait pas porté ses fruits, se souvient David : « La communauté juive du Minnesota s’est rassemblée autour de lui », explique-t-il.

Sénateur, Wellstone avait été largement considéré comme un progressiste convaincu qui était pro-israélien – un positionnement qui, à l’époque, n’était pas considéré comme contradictoire. Il écrivait aussi régulièrement des chroniques pour le magazine Tikkun, un journal juif progressiste et pacifiste. Au moment de sa mort, il se présentait contre un autre candidat juif, Norm Coleman, qui lui avait succédé. A son tour, Coleman s’était incliné en 2008 face au démocrate juif Al Franken.

Wellstone Action, organisation fondée après le décès de Wellstone, était finalement devenue une étape incontournable pour de nombreux démocrates désireux d’entrer dans l’arène politique de l’état. Parmi les anciens élèves du programme, le procureur-général du Minnesota Keith Ellison et la lieutenant-gouverneure Peggy Flanagan — qui, en fait, avait assuré la formation de Walz en 2005 avant de devenir son bras droit ultérieurement (si Harris l’emporte au mois de novembre, Flanagan serait la toute première femme amérindienne à devenir gouverneure dans toute l’Histoire des États-Unis.)

L’année qui avait suivi son programme au camp, Walz était devenu le tout premier ancien élève à s’élever au niveau fédéral lorsqu’il avait été élu au Congrès. En 2018, il avait été élu gouverneur, presque six ans avant que la vice-présidente Kamala Harris ne fasse de lui son colistier.

David Wellstone et Walz sont restés bons amis. Il explique que le gouverneur « est sorti du moule Wellstone s’agissant de la façon dont vous menez une campagne – ce qui consiste à se lier avec les gens ».

Il ajoute qu’il pense que Walz — qui l’a emporté face au gouverneur juif de Pennsylvanie, Josh Shapiro, qui était, lui aussi, en lice dans la course à la vice-présidence – saura se montrer « éminemment équitable » sur les questions qui sont susceptibles de toucher les Juifs américains. Walz entretient des relations chaleureuses avec la communauté juive de l’état et il avait consacré sa thèse de maîtrise à l’enseignement de la Shoah.

« S’il n’est pas Juif, je pense qu’il est un fort soutien de la communauté », s’exclame Wellstone. « Je n’ai aucune inquiétude. Je sais que d’autres en ont mais ce n’est pas mon cas. Je suis réellement très content et je pense qu’il nous représentera très bien, comme il représentera très bien les progressistes ».

Aujourd’hui, le programme auquel Walz avait participé semble très différent – et les voix juives y sont beaucoup moins nombreuses. Les frères Wellstone ont été tous les deux exclus du Conseil d’administration pendant un remaniement général, en 2018, où ils s’étaient querellés avec les autres membres du Conseil sur l’orientation que devait prendre Wellstone Action dans le sillage de l’élection de Trump. Parmi les désaccords qui avaient été révélés, les craintes nourries par David et Mark de voir que le groupe était tombé de manière trop forte dans la politique identitaire tout en ignorant les électeurs blancs vivant en zone rurale qui avaient presque offert l’état à Trump en 2016.

Dorénavant sans aucun familial avec l’héritage de Wellstone, l’organisation Wellstone Action a été rebaptisée Re:Power. Elle se présente aujourd’hui comme une « organisation pro-afro-américains se concentrant sur les femmes de couleur et sur les personnes de couleur transgenres ou intersexuelles, qui œuvre au renforcement de nos organisations et de nos leaders pour les préparer à la grande bataille qui nous attend ». La déclaration de mission du groupe évoque son intention de « construire une démocratie multiraciale libérée, enfin débarrassée du système d’oppression de la suprématie blanche et du patriarcat ». Nous n’avions pas reçu de réponse à notre demande de commentaire au moment de la rédaction de cet article.

Aujourd’hui, David Wellstone est le cofondateur et le directeur-général d’une firme technologique qui fabrique des logiciels aidant à lutter contre les addictions. De son côté, son frère Mark a ouvert un dispensaire dans le Colorado, où il délivre du cannabis thérapeutique. Il dit n’avoir « aucune idée » de ce que sont aujourd’hui les priorités de Re:Power, ajoutant qu’il ne désire plus que le nom de sa famille soit associé à l’organisation.

Mais, note-t-il, l’ascension au sommet de Walz doit être considérée comme une marque de réussite du camp d’entraînement tel qu’il existait jusque-là.

« Je suis incroyablement fier que nous ayons organisé ces camps et je suis incroyablement fier de m’être battu pour les conserver », s’exclame-t-il. « L’héritage continue ».