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Des soldats tirent des coups de semonce pour éloigner les diplomates étrangers à Jénine ; Tsahal s’excuse
L'armée affirme que le groupe s'est écarté de l'itinéraire approuvé ; des vidéos montrent des représentants du Royaume-Uni, de la France, du Canada, de la Russie, de la Chine et d'autres pays prenant la fuite alors que des coups de feu retentissent
Un groupe de diplomates venus de près de 25 pays a cherché à se mettre à l’abri, lors d’un déplacement qui avait été organisé mercredi dans la ville de Jénine, en Cisjordanie, après que les soldats israéliens ont procédé à des tirs de sommation qui visaient à les mettre en garde.
Selon le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, aucun blessé n’a été signalé lors de cette confrontation. Le groupe de délégués étrangers comprenait des des diplomates venus de Grande-Bretagne, du Canada, de France, de Chine, de Russie et de l’Union européenne, entre autres.
L’armée israélienne a présenté ses excuses pour l’incident – qui risque de détériorer encore davantage les liens entre Jérusalem et une grande partie de la communauté internationale, dans un contexte de critiques croissantes à l’égard de la prise en charge, par l’État juif, de la guerre à Gaza et de son traitement des Palestiniens.
Selon l’armée israélienne, l’incident s’est produit lorsque la délégation a quitté l’itinéraire convenu en coordination avec l’armée « en raison du fait que la région est une zone de combat active ».
Le groupe « a dévié de l’itinéraire et est entré dans une zone où il n’était pas autorisé à se trouver », a déclaré l’armée, confirmant que les troupes stationnées sur place ont tiré des coups de semonce en l’air, sans faire de dégâts ni de blessés.
La radio de l’armée a cité un responsable de la défense israélienne qui a déclaré que les soldats qui ont tiré en l’air ne connaissaient pas l’identité du groupe qui s’approchait de la porte et qu’ils avaient cherché à les éloigner.
« L’armée regrette la gêne occasionnée », ont fait savoir les militaires dans un communiqué.
A la suite de cet incident, Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, a indiqué que toutes les menaces à l’encontre de la vie de diplomates était « inacceptable ».
Israeli soldiers opened fire at a delegation of foreign diplomats, including around 30 ambassadors and consuls, who were visiting the Jenin area. https://t.co/CDe96brrKo pic.twitter.com/rr8zNbknG3
— Clash Report (@clashreport) May 21, 2025
« Nous appelons Israël à enquêter sur cet incident et à demander des comptes à ceux qui en sont responsables », a-t-elle ajouté devant les journalistes.
Un responsable appartenant à des services de diplomatie occidentaux, dont le pays était présent au sein de la délégation, a pour sa part estimé qu’il s’agissait d’un « incident grave auquel nous réagirons ».
Ce qui s’est produit n’a pas été un « simple désagrément », a-t-il dit, répondant aux excuses présentées par l’armée.
« Il s’agit d’un incident grave auquel nous réagirons de manière appropriée et après avoir consulté nos partenaires », a-t-il déclaré.
Le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a exigé mercredi « des explications convaincantes » de la part d’Israël. Un citoyen belge faisait partie du groupe.
« Il va bien, heureusement », a ajouté Prévot sur X à propos de son ressortissant. « Ces diplomates effectuaient une visite officielle à Jénine, qui avait pourtant été coordonnée avec l’armée israélienne, dans un convoi d’une vingtaine de véhicules clairement identifiables », a protesté le chef de la diplomatie belge.
Même son de cloche du côté de l’Espagne, dont le ministère des Affaires étrangères a condamné « fermement » mercredi les tirs de l’armée israélienne.
« Le ministère enquête sur tout ce qui s’est passé. Il y avait un Espagnol dans le groupe de diplomates, qui se porte bien. Nous sommes en contact avec d’autres pays concernés pour apporter une réponse conjointe à ce qui s’est passé, que nous condamnons fermement », a indiqué le ministère dans une courte déclaration transmise à l’AFP.
Madrid a annoncé convoquer le chargé d’affaires de l’ambassade d’Israël à Madrid, en signe de protestation.
« Devant les tirs intolérables de l’armée israélienne lors de la visite de diplomates espagnols, de l’UE et d’autres pays, nous convoquons le responsable de l’ambassade d’Israël à Madrid exigeons des éclaircissements et des responsabilités », a déclaré sur X José Manuel Albares.
Pour sa part, le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a qualifié mercredi de menaces « inacceptables » ces tirs de sommation. Il a par ailleurs annoncé qu’il avait convoqué l’ambassadeur d’Israël à Rome.
Tajani a déclaré plus tôt qu’il avait parlé à Alessandro Tutino, le consul général adjoint de l’Italie à Jérusalem, « qui se porte bien et qui faisait partie des diplomates qui ont apparemment été la cible de tirs près du camp de réfugiés de Jénine ».
« Nous demandons au gouvernement israélien des éclaircissements immédiats sur ce qui s’est passé. Les menaces contre les diplomates sont inacceptables », a-t-il dénoncé dans un message sur X.
Paris va également convoquer l’ambassadeur d’Israël après des tirs « inacceptables » contre des diplomates, dont un Français, a annoncé le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
« Une visite à Jénine, à laquelle participait un de nos diplomates, a essuyé des tirs de soldats israéliens. C’est inacceptable. L’ambassadeur d’Israël sera convoqué pour s’expliquer. Plein soutien à nos agents sur place et leur travail remarquable dans des conditions éprouvantes », a écrit le ministre sur X.
Le ministère allemand des Affaires étrangères, qui avait également un représentant dans le groupe, a « condamné fermement » les tirs.
« Le gouvernement israélien doit immédiatement faire la lumière sur les circonstances et respecter l’inviolabilité des diplomates. C’est ce que le ministre des Affaires étrangères, Johann Wadephul, exprimera également à son homologue israélien », a écrit le ministère dans un communiqué.
Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Harris, a condamné « avec la plus grande fermeté » les tirs de sommation de soldats israéliens contre le groupe de diplomates, parmi lesquels se trouvaient deux Irlandais.
« Je suis choqué et consterné par les informations qui indiquent que l’armée israélienne a tiré aujourd’hui (mercredi) à proximité d’un groupe de diplomates en visite à Jénine, dont deux diplomates irlandais en poste à Ramallah. (…) C’est totalement inacceptable et je le condamne avec la plus grande fermeté », a déclaré Harris.
Le ministre des Affaires étrangères néerlandais, laissant libre cours à son indignation, a réclamé des « clarifications » auprès des autorités israéliennes.
« Des soldats de l’armée israélienne ont tiré des coups de feu à proximité d’une délégation diplomatique, qui comprenait un diplomate néerlandais », a déclaré sur X le ministre des Affaires étrangères Caspar Veldkamp.
« Nous condamnons les tirs, avons demandé des éclaircissements aux autorités israéliennes et nous envisageons d’autres mesures », a-t-il ajouté. « Les diplomates devraient pouvoir faire leur travail et les menacer est inacceptable. »
Le Portugal, pour sa part, a convoqué l’ambassadeur d’Israël, a annoncé mercredi le ministre portugais des Affaires étrangères.
« Suite à cet incident, qui remet en question le droit international, l’ambassadeur d’Israël au Portugal a déjà été convoqué », a indiqué dans un communiqué le ministère, « condamnant fermement » ces tirs et précisant qu’un Portugais figurait dans le groupe de diplomates étrangers.
La Turquie a, quant à elle, réclamé une « enquête » immédiate, « condamnant » l’incident « dans les termes les plus vifs », selon le ministère des Affaires étrangères.
« Cette attaque doit faire l’objet d’une enquête sans délai et les auteurs doivent rendre des comptes », a indiqué le ministère dans un communiqué, précisant qu’un « employé du Consulat général de Turquie à Jérusalem » se trouvait avec le groupe.
Une colère partagée en Égypte, où le pays a condamné mercredi « dans les termes les plus forts » les tirs israéliens.
Le Caire « exige qu’Israël fournisse toutes les clarifications nécessaires » sur les circonstances de « cet incident contraire à toutes les normes diplomatiques », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, précisant que l’ambassadeur égyptien à Ramallah faisait partie de la délégation.
Ahmad al-Deek, conseiller politique du ministère des affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, qui accompagnait la délégation, a condamné « cet acte irréfléchi de l’armée israélienne ».
« Elle a donné à la délégation diplomatique une impression de la vie que mène le peuple palestinien », a-t-il déclaré.
Le Premier ministre canadien, Mark Carney, a qualifié mercredi de « totalement inacceptables » les coups de feu et a exigé « une explication immédiate sur ce qui s’est passé. C’est totalement inacceptable ». La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a convoqué l’ambassadeur d’Israël à Ottawa pour exiger des réponses.
La Chine a « fermement » dénoncé jeudi les coups de feu tirés par les forces et assure suivre « de près cet incident et s’oppose fermement à toute action qui menace la sécurité du personnel diplomatique.
Pékin « exige l’ouverture d’une enquête approfondie et appelle à des mesures pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent », a déclaré lors d’un point presse régulier Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Dans des vidéos qui ont été diffusées par l’Autorité palestinienne, des soldats pointent leur fusil en direction d’une route bloquée par un grand portail jaune. Des coups de feu retentissent alors que des dizaines de personnes quittent le secteur, certaines affichant des signes de panique en se réfugiant dans leurs voitures.
Un diplomate présent lors de la visite a confirmé à l’AFP avoir entendu des « tirs répétés » provenant de l’intérieur du camp de réfugiés de Jénine.
Le groupe, qui comprenait également des représentants de Jordanie, d’Égypte, du Maroc, d’Espagne, d’Inde et d’autres pays, était en déplacement dans cette ville du nord de la Cisjordanie, qui a fait l’objet de plusieurs opérations antiterroristes israéliennes de grande envergure ces dernières années. Les délégués se sont aussi rendus au siège du gouvernorat de Jénine, selon le porte-parole officiel de l’Autorité palestinienne, WAFA.
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne a condamné « le crime odieux commis par les forces d’occupation israéliennes, qui ont délibérément visé par des tirs réels une délégation diplomatique accréditée auprès de l’État de Palestine lors d’une visite sur le terrain dans le gouvernorat de Jénine ». Tsahal a indiqué que les soldats avaient tiré en l’air.
Hussein al-Sheikh, vice-président de l’Organisation de libération de la Palestine, a également réagi à l’incident, écrivant dans un message posté sur X : « Nous condamnons fermement les tirs des forces d’occupation israéliennes sur les envoyés diplomatiques arabes et étrangers qui étaient en visite dans le gouvernorat de Jénine ». Il a appelé la communauté internationale à freiner ce qu’il a décrit comme « l’irruption brutale » des forces israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
We strongly condemn the shooting of the Israeli occupation forces on the Arab and foreign diplomatic envoys who were on a visit to Jenin Governorate. We call on the international community to curb this brutal eruption of the occupation forces in the Palestinian territories.
— حسين الشيخ Hussein Al Sheikh (@HusseinSheikhpl) May 21, 2025
Selon l’armée israélienne, l’incident s’est produit lorsque la délégation a quitté l’itinéraire convenu en coordination avec l’armée « dans la mesure où la région est une zone de combat active ».
Le groupe « a dévié de l’itinéraire et il est entré dans une zone où il n’était pas autorisé à se trouver », a déclaré Tsahal, qui a confirmé que les soldats stationnés sur place ont procédé à des tirs de sommation, sans faire de dégâts ni de blessés.
La radio militaire a cité les propos tenus par un responsable israélien de la Défense qui a déclaré que les soldats à l’origine de l’incident ignoraient qui étaient les membres du groupe qui s’approchait de la porte, et qu’ils avaient cherché à les éloigner.
Le commandant de la division de Cisjordanie, le général de brigade Yaki Dolf, a immédiatement ouvert une enquête dès qu’il a été clairement établi que le groupe était composé de diplomates étrangers.
Le général de brigade Hisham Ibrahim, chef de l’administration civile – une instance du ministère de la Défense qui fait partie du COGAT – a ordonné aux officiers de l’unité de s’entretenir immédiatement avec les représentants des pays concernés.
« Il y aura rapidement des entretiens personnels avec les diplomates pour les informer des résultats de l’enquête initiale », a annoncé Tsahal.
Cet incident survient quelques jours après que le Royaume-Uni, la France et le Canada ont publié lundi une déclaration commune aux termes desquels le montant de l’aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza est « tout à fait insuffisant » et qu’ils menacent Israël de « mesures concrètes », y compris de sanctions, pour ses activités à Gaza et en Cisjordanie.
Mardi, le Royaume-Uni a suspendu les négociations de libre-échange avec Israël en raison de l’intensification de l’assaut contre Gaza et a pris une nouvelle série de sanctions contre les résidents d’implantations en Cisjordanie.
Par ailleurs, la responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Kaja Kallas, a déclaré que l’Union réexaminait un pacte européen régissant les relations commerciales avec Israël en raison de la manière dont ce dernier a mené la guerre dans la bande de Gaza.
