La suppression par le département d’Etat du contrôleur de l’antisémitisme crée le malaise
Alors que le poste d'envoyé n'a pas été pourvu, deux salariés seront réaffectés même si Foggy Bottom affirme être encore engagé à combattre la haine. L'ADL et d'autres organisations réclament la réintégration de la fonction

WASHINGTON (JTA) — Le bureau du département d’Etat chargé du contrôle et de la lutte contre l’antisémitisme ne comptera plus d’employés dès le 1er juillet, malgré les inquiétudes exprimées par les responsables juifs concernant le déclassement du poste d’envoyé mis en place par le Congrès.
Une source familière des travaux menés par le bureau a déclaré JTA que les deux derniers salariés, chacun travaillant à mi-temps ou moins, seraient réassignés à une autre fonction à partir de cette date.
L’administration Trump, qui doit encore nommer un envoyé à la tête du bureau, n’a pas commenté les changements de personnel. Lorsqu’il fonctionne, le bureau emploie un employé à mi-temps et l’équivalent de trois salariés à plein temps.
Le département d’Etat a indiqué à JTA dans un communiqué qu’il restait engagé dans la lutte contre l’antisémitisme – citant comme preuve ses outils notamment les rapports annuels établis par le département sur les droits de l’Homme et la liberté religieuse, qui existaient déjà avant que le Congrès ne mandate la création du bureau de l’envoyé en 2004.
« Nous voulons garantir que le Département s’attaque à l’antisémitisme avec la méthode la plus efficace et qu’il continuera à agir dans ce sens », a affirmé le communiqué.
« Le département d’Etat condamne les attaques commises contre les communautés juives et les individus. Nous recommandons sans relâche aux gouvernements du monde entier de s’attaquer et de condamner l’antisémitisme et de travailler auprès des communautés juives les plus vulnérables pour évaluer et fournir les niveaux appropriés de sécurité ».
« Le département, nos ambassades et nos consulats entretiennent une proximité extensive bilatérale, multilatérale et avec la société civile en ce qui concerne les communautés juives », a évalué le communiqué.
« De plus, le département d’Etat continue à consacrer des ressources pour des programmes de lutte contre l’antisémitisme en ligne et dans la vie réelle, ainsi qu’à construire des coalitions d’ONG en Europe. Nous contrôlons aussi étroitement l’antisémitisme dans le monde en le rapportant dans nos rapports sur les pratiques des droits de l’Homme et dans celui consacré à la liberté religieuse, qui documente l’antisémitisme dans 199 pays du monde ».
Le secrétaire d’Etat Rex Tillerson a dit au Congrès au début du mois qu’il pensait que les envoyés spéciaux étaient contre-productifs dans la mesure où ils donnaient une excuse au reste du département pour ignorer le sujet spécifique étudié par l’envoyé.
Les membres du Congrès des deux partis ont poussé l’administration Trump, par le biais de courriers et de projets de loi, à nommer un envoyé et à renforcer le statut du bureau. Ils ont noté que contrairement aux autres envoyés –
dont les postes ont été créés par les prédécesseurs de Truump – le bureau de l’envoyé délégué à l’antisémitisme était statutaire, exigeant d’être pourvu en personnel.
« En tant qu’auteur de l’amendement qui a créé l’envoyé spécial chargé de contrôler et de lutter contre l’antisémitisme, je garde l’espoir que ces postes cruciaux soient pourvus », a indiqué le représentant républicain du New-Jersey Chris Smith, qui avait permis l’élaboration de la loi de 2004, dans une déclaration à JTA.

Les groupes juifs ont fait pression sur le président Donald Trump pour qu’il nomme un envoyé, disant qu’en dépit du témoignage apporté par Tillerson, ce poste avait été essentiel pour encourager diplomates et responsables de tout le département à se concentrer sur l’antisémitisme. Hannah Rosenthal, envoyée spéciale sur cette question au sein de l’administration d’Obama, avait institué une formation dans tout le département pour apprendre à identifier l’antisémitisme.
« L’idée d’avoir un envoyé consacré, qui puisse voyager dans le monde entier pour sensibiliser sur cette question est cruciale », a commenté le directeur général de l’ADL (Anti-Defamation League) Jonathan Greenblatt, des propos tenus à JTA.
« Cela ne signifie pas que tous les ambassadeurs et que toutes les ambassades qui s’attaquent aux problèmes de l’antisémitisme et du fanatisme dans les pays où ils se trouvent ne sont pas précieux », a-t-il ajouté, « mais si l’administration est véritablement engagée » à combattre l’antisémitisme, « le maintien de l’envoyé spécial pour l’antisémitisme semble être une évidence ».
L’ADL a lancé une pétition en ligne jeudi à la Maison Blanche pour que le poste soit pourvu.
Les responsables du centre Simon Wiesenthal, qui a établi de bonnes relations avec l’administration Trump, a fait savoir que si la disparition de ce poste venait en amont d’une réorganisation du bureau, alors c’était compréhensible. Mais des postes restent vacants dans tous les plus grands départements et dans les agences fédérales les plus importantes depuis que Trump a accédé au pouvoir.
« Toutefois, nous sommes déjà en juillet et il n’y a pas de partenaire approprié au sein du département d’Etat avec lequel le Centre Wiesenthal et d’autres pouvons travailler pour réactiver le leadership des Etats-Unis dans la lutte contre l’antisdémitisme à un moment où l’antisémitisme connaît une recrudescence dans le monde », a estimé un courriel écrit par le rabbin Abraham Cooper, doyen adjoint du centre et Mark Weitzman, directeur de ses affaires gouvernementales.
Jason Isaacson, directeur des affaires gouvernementales et internationales de l’AJC (American Jewish Committee) a expliqué que ce poste était essentiel.
« Ce n’est pas comme si la nécessité d’avoir un envoyé spécial avait diminué », a-t-il déploré. « Elle a plutôt augmenté ».