Les démocrates « ne s’expriment pas » sur Gaza par peur du lobby pro-israélien – Bernie Sanders

Le sénateur américain Bernie Sanders a accusé jeudi les groupes de pression pro-israéliens, en particulier l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), de museler les critiques des démocrates américains sur la guerre à Gaza en menaçant de financer des primaires à leur encontre.

« Il se trouve que je pense que ce qui se passe à Gaza est horrible, que nous voyons des enfants, en ce moment même, mourir de faim », a dit le socialiste indépendant du Vermont dans l’émission The Late Show, avec le comédien Stephen Colbert. « Mais pourquoi pensez-vous qu’il n’y a pas plus de démocrates qui s’expriment sur cette question ? »

« Parce que si vous vous exprimez sur cette question, vous aurez des super PAC – comme l’AIPAC – qui s’en prendront à vous de la même manière qu’Elon Musk s’en prend aux républicains » qui ne respectent pas la ligne de leur parti sur des questions telles que les soins de santé, a ajouté Sanders, faisant référence à l’homme le plus riche de la planète, qui a contribué massivement à la campagne électorale du président américain Donald Trump.

Dans la politique américaine, un « super » comité d’affaires publiques (PAC) est une organisation qui a le droit de dépenser des fonds illimités en faveur d’un candidat à une fonction publique dans la mesure où elle ne se coordonne pas directement avec la campagne du dit candidat. Les PAC ordinaires, en revanche, peuvent dépenser jusqu’à 5 000 dollars pour un seul candidat.

L’AIPAC, une organisation fondée en 1954, n’avait pas collecté de fonds pour des candidats à titre individuel avant les élections de la mi-mandat de 2022, lorsqu’elle avait créé un PAC affilié et un super-PAC. L’année dernière, l’AIPAC aurait dépensé 14,5 millions de dollars, la somme la plus élevée jamais atteinte, pour faire perdre son siège au représentant démocrate Jamaal Bowman de New York, qui avait accusé Israël de génocide à Gaza.

L’existence des super PAC, aux États-Unis, a été rendue possible par l’arrêt rendu en 2010 par la Cour suprême américaine dans l’affaire Citizens United v. the US Federal Election Committee. Ce jugement avait établi que les dépenses politiques s’apparentaient à un discours politique et qu’elles étaient donc protégées par le premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression.

Sanders, qui s’est insurgé contre « l’oligarchie » américaine dans le sillage de la réélection de Trump, a déploré que ce jugement rendrait le gouvernement américain insensible aux « besoins des gens ordinaires ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prononçant un discours retransmis par vidéo lors d’une conférence de l’AIPAC, le 18 mars 2024. (Crédit : Capture d’écran GPO)

« Pourquoi les personnes les plus riches deviennent-elles encore plus riches alors que 60% de notre population vit d’un chèque de paie à l’autre, et alors que 800 000 personnes dorment dans les rues ? », s’est interrogé Sanders, s’exprimant devant Colbert.

Sanders, qui est juif et qui a fait du bénévolat dans un kibboutz israélien dans sa jeunesse, est l’un des plus féroces critiques d’Israël au sein du Congrès américain, où il avait fait son entrée en 1991 en tant que représentant. Il est devenu sénateur en 2007.

Il s’était fait connaître au niveau national lors de sa campagne inattendue de 2016 pour l’investiture démocrate lors de l’élection présidentielle américaine. Sanders aura été le seul candidat à la présidence des États-Unis à ne pas se présenter à la conférence de l’AIPAC.

Le sénateur, qui collabore avec les démocrates au sein du Congrès – même s’il n’est pas lui-même membre du parti – avait déçu certains de ses partisans d’extrême gauche en rejetant les appels à un cessez-le-feu à Gaza après l’attaque sanglante qui avait été commise par le Hamas, le 7 octobre 2023, un assaut qui avait fait plus de 1 200 morts, le groupe terroriste prenant également 251 personnes en otage. Le 7 octobre a été à l’origine de la guerre en cours à Gaza.

Sanders aura émis des critiques croissantes à l’égard du Premier ministre Benjamin Netanyahu au fur et à mesure de la guerre et il a appelé les États-Unis à cesser d’envoyer des armes à Israël. La législation qu’il avait introduite à cet effet avait été rejetée par le Sénat américain.

Dans un discours prononcé au Sénat après le dernier rejet de la loi, au mois d’avril, Sanders avait formulé les mêmes critiques que celles qu’il a exprimées jeudi dans l’émission de Colbert.

« Si vous êtes un républicain et que vous votez contre l’administration Trump-Musk d’une manière ou d’une autre, vous devez rester vigilant et vous attendre à recevoir un appel d’Elon Musk », a-t-il déclaré. « Si vous êtes démocrate, vous devez vous inquiéter des milliardaires qui financent l’AIPAC ».

« C’est quelque chose que l’Histoire ne nous pardonnera pas », a-t-il ajouté. « Il est grand temps que nous disions au gouvernement Netanyahu que nous ne lui fournirons pas davantage d’armes de destruction ».

Le sénateur Bernie Sanders lors de la Convention nationale démocrate, à Chicago, le 20 août 2024. (Crédit : AP Photo/Brynn Anderson)

Le ministère de la Santé de Gaza, qui est placé sous la direction du Hamas, affirme que plus de 52 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Ce bilan est invérifiable et il ne fait pas de distinction entre civils et hommes armés.

Israël, de son côté, disait, au mois de janvier, avoir tué environ 20 000 terroristes dans les combats et 1 600 terroristes supplémentaires à l’intérieur d’Israël, le 7 octobre.

L’État juif souligne que le Hamas utilise les civils de Gaza comme autant de boucliers humains et qu’il combat depuis les zones civiles – habitations, hôpitaux, écoles et mosquées.