Décès de Bill Pascrell, un habile équilibriste sur la question d’Israël

JTA – Durant ses quatorze mandats dans le nord du New Jersey, le représentant démocrate Bill Pascrell a représenté les intérêts du quartier de Paterson, le « Petit Ramallah », l’une des plus importantes communautés américano-palestiniennes du pays. Tout en étant un pro-Israélien fidèle et un proche des Arabo-Américains.

Ses étonnantes facultés d’équilibriste ont valu à Pascrell de devenir un des libéraux les plus populaires du Congrès, ce dont témoigne sa déclaration, publiée le 25 octobre 2023, un peu moins de trois semaines après le pogrom du Hamas dans le sud d’Israël.

Dans cette déclaration, il demande la libération des otages du Hamas, qualifie l’attaque de « meurtres odieux et non provoqués contre des civils » et approuve le droit d’Israël à se défendre. Dans le même temps, il demande au président américain Joe Biden « d’empêcher une escalade plus importante », appelle à « la retenue pour protéger les civils palestiniens et israéliens innocents » et à « une aide humanitaire vitale pour faire face aux conséquences en cascade, au niveau régional et mondial, sur les civils et les réfugiés ».

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« C’est essentiel pour établir une base durable, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, leur garantissant les mêmes libertés, la même sécurité, les mêmes opportunités et enfin la même dignité », écrivait Pascrell dans ce communiqué. Quelques jours plus tôt, il avait refusé de signer une résolution appelant à un cessez-le-feu.

Ce que certains pourraient qualifier de complexité, et d’autres, de trahison d’un côté ou de l’autre, était caractéristique de sa position sur le conflit israélo-palestinien.

Pour la génération de Démocrates libéraux pro-Israël à laquelle il appartenait, et dont Biden fait lui aussi partie, cette vision nuancée du conflit est devenue presque impraticable lorsque, de part et d’autre, les belligérants ont exigé une allégeance totale à leur cause suite au pogrom perpétré par le Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a coûté la vie à 1 200 personnes, donné lieu à l’enlèvement de 251 otages et déclenché la guerre à Gaza.

Bill Pascrell, représentant démocrate du New Jersey, lors d’un rassemblement contre les alertes à la bombe contre des centres juifs, au Centre communautaire juif Kaplen à Tenafly, dans le New Jersey, le 3 mars 2017. (Crédit : AP Photo/Julio Cortez)

Décédé mercredi à l’âge de 87 ans alors qu’il se préparait à briguer un 15e mandat, Pascrell avait fait face à des résistances de cet ordre en 2012. Cette année-là, ses principaux adversaires – Démocrate et Républicain –, tous deux Juifs, avaient remis en question sa bonne foi pro-israélienne.

En juin de cette année-là, après plusieurs redécoupages électoraux, il avait dû faire face à une bataille, lors de primaires, contre le représentant Steve Rothman, membre juif de la Chambre en fonction depuis 1997. Israël a joué un rôle important dans la compétition entre les deux hommes, notamment lorsque Pascrell a refusé de dénoncer les militants arabo-américains auxquels le bilan pro-israélien de Rothman posait problème.

Des proches de Rothman ont notamment accusé Pascrell de ne pas suffisamment aider Israël, comme en 2010, lorsqu’il a signé une lettre critiquant l’Égypte et le blocus israélien de la bande de Gaza.

Lors des élections générales qui ont suivi, il a déjoué une tentative animée et têtue du rabbin républicain Shmuley Boteach pour se débarrasser de lui. Boteach, qui se présentait lui-même comme le « rabbin de l’Amérique » et qui a écrit des livres intitulés Kosher Sex ou Kosher Jesus, avait tenté de faire passer Pascrell pour quelqu’un de peu investi envers Israël, pas davantage qu’envers les aspirations arabes à la liberté.

Passé par l’école catholique et élevé dans une famille italo-américaine très unie, Pascrell avait enseigné et fait du bénévolat pour le Parti Démocrate dans sa ville natale de Paterson – autrefois florissante sur le plan industriel, mais qui, dans les années 1960, a connu des moments difficiles. Avant son élection au Congrès, Pascrell avait siégé à l’Assemblée de l’État puis été maire de Paterson. Vétéran de l’armée, il était un ardent défenseur de ceux que l’on envoyait en première ligne : il était très fier de soutenir les pompiers et forces de l’ordre.

Pascrell n’était pas fan de « The Sopranos », la série de HBO sur une famille criminelle italo-américaine, qui tournait souvent à Paterson.

Par voie de communiqué, l’American Israel Public Affairs Committee a dit « sa tristesse suite au décès du représentant Bill Pascrell Jr., leader pro-israélien connu pour son franc-parler durant toute sa carrière au Congrès ».

Avant de tomber malade cet été, Pascrell avait fait campagne en vue de sa réélection en novembre, face au Républicain Billy Prempeh, de Paterson, qu’il avait déjà battu par deux fois.

Bill Pascrell, représentant démocrate du New Jersey, lors d’une audience de la commission des voies et moyens de la Chambre des représentants au Capitole, à Washington, le 20 mars 2024. (Crédit : AP Photo/Mark Schiefelbein)

Compte tenu des profondes tensions liées à la guerre à Gaza, il ne pouvait, cette fois, plus guère compter sur le soutien des Arabes américains. Selon Politico, nombre de ses électeurs musulmans ou arabo-américains auraient souhaité qu’il prenne des positions plus fermes contre la guerre, certains allant jusqu’à dire qu’il « n’était plus le bienvenu dans leurs mosquées, leurs entreprises ou leurs maisons en raison de son soutien indéfectible à Israël ».

En juin, Pascrell avait battu son rival démocrate, le maire de Prospect Park, Mohamed Khairullah, lequel avait déclaré que son opposant avait trahi ses électeurs musulmans en raison de son soutien à Israël.

Pascrell avait réagi en confiant à Politico : « J’entends et ressens puissamment l’angoisse de notre communauté, et comme des millions d’autres Américains, j’aspire désespérément à la fin des combats, au plus vite, à davantage d’aide humanitaire américaine pour protéger les Palestiniens et à la reconstruction de Gaza. »

Malgré les pressions, Pascrell a toujours défendu son soutien à Israël et sa sympathie pour la cause palestinienne. Dans une interview accordée à un blog du New Jersey en janvier dernier, il rappelait qu’il s’était exprimé sur les implantations juives en Cisjordanie mais qu’il soutenait ardemment le financement du système de défense antimissile du Dôme de fer qui protège Israël.

« J’ai toujours voulu rassembler les communautés », déclarait-il. « Je fais en sorte que les communautés ne soient pas en colère les unes contre les autres. »