Pat Gelsinger démissionne, laissant Intel en pleine crise industrielle et stratégique

Pat Gelsinger, PDG d’Intel Corporation, a démissionné après moins de quatre ans à la tête de l’entreprise, confiant la direction intérimaire à deux adjoints, tandis qu’Intel, géant déclinant de la fabrication de semi-conducteurs, recherche un remplaçant permanent.

Gelsinger, qui a démissionné le 1er décembre, a quitté l’entreprise avant d’achever un plan quadriennal ambitieux et coûteux, lancé pour rétablir la domination technologique d’Intel. Ce plan visait à fabriquer les puces informatiques les plus rapides et les plus avancées, un marché dominé désormais par Taiwan Semiconductor Manufacturing (TSMC), qui produit pour des rivaux d’Intel comme Nvidia.

Sous sa direction, Intel, fondée en 1968 et longtemps symbole de la puissance technologique de la Silicon Valley, a continué de s’effondrer. Nvidia, leader dans les puces pour l’intelligence artificielle, affiche aujourd’hui une capitalisation boursière 30 fois supérieure à celle d’Intel. En 2017, Intel avait racheté la société israélienne Mobileye pour plus de 15 milliards de dollars, la plus grande sortie d’une entreprise technologique israélienne à ce jour.

Ces dernières semaines, Intel, l’un des principaux employeurs et exportateurs d’Israël, a licencié plusieurs centaines d’employés dans ses centres de développement de Haïfa, Petah Tikva et Jérusalem, dans le cadre d’une campagne de rationalisation globale. En juin, le fabricant américain de puces a suspendu un important projet d’expansion de son usine en Israël, qui prévoyait le versement de 15 milliards de dollars additionnels destinés à élargir son usine de fabrication de puces à Kiryat Gat, dans le sud du pays.

Tout au long de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, déclenchée par le pogrom du groupe dans le sud du pays le 7 octobre 2023, Gelsinger a loué le courage des Israéliens, qu’il a décrits comme « le peuple le plus résilient de la planète », notant que, malgré les combats, le géant américain des semi-conducteurs avait réussi à respecter tous ses engagements en matière de fourniture de puces et de développement de produits à partir du pays.

Gelsinger a tenté de rassurer les investisseurs et les autorités américaines, qui subventionnent le plan de redressement d’Intel, affirmant que ses objectifs de fabrication restaient sur la bonne voie. Les résultats complets de ces efforts ne seront toutefois connus qu’en 2025, lorsque la société espère réintroduire une puce phare d’ordinateur portable dans ses propres usines.

L’usine de fabrication d’Intel à Kiryat Gat, dans le sud d’Israël. (Crédit : Autorisation)

« Bien que nous ayons réalisé des progrès significatifs pour regagner notre compétitivité en matière de fabrication et développer des capacités de fonderie de classe mondiale, nous savons qu’il reste beaucoup à faire au sein de l’entreprise et nous nous engageons à rétablir la confiance des investisseurs », a déclaré Frank Yeary, président indépendant du conseil d’administration, dans un communiqué.

L’action Intel a perdu plus de la moitié de sa valeur cette année et a été remplacée le mois dernier par Nvidia dans l’indice Dow Jones Industrial Average.

Pour diriger l’entreprise en attendant la nomination d’un nouveau PDG, Intel a désigné le directeur financier David Zinsner et la cadre supérieure Michelle Johnston Holthaus comme co-directeurs généraux intérimaires. Ces changements interviennent moins d’une semaine après que les autorités américaines ont octroyé 7,86 milliards de dollars de subventions à Intel.

En juillet 2021, Gelsinger avait annoncé un plan de redressement ambitieux, prévoyant une série de nouvelles usines dans l’Ohio pour un montant de 20 milliards de dollars et une augmentation sans précédent de la main-d’œuvre, pour atteindre 132 000 employés, plus qu’Intel n’en avait jamais employées, même à l’époque où elle régnait sur le marché des puces.

Cependant, ces investissements massifs ont coïncidé avec l’effondrement post-pandémique du marché des ordinateurs portables et des PC, ce qui a fait chuter les marges d’Intel à des niveaux historiquement bas et suscité l’intérêt de repreneurs potentiels.

Ces difficultés ont contraint Intel à adopter des mesures d’austérité, comprenant des licenciements, des cessions d’actifs et la fermeture de certaines divisions. Parmi elles, la startup israélienne Granulate, spécialisée dans l’informatique en cloud, rachetée pour 650 millions de dollars en 2022, a récemment vu ses opérations interrompues.

Mobileye Global, Inc. Amnon Shashua, fondateur et PDG, et Pat Gelsinger, PDG d’Intel, brandissent des plaques avant de sonner la cloche d’ouverture du Nasdaq sur le site du Nasdaq MarketSite à New York, le 26 octobre 2022. (Crédit : Michael M. Santiago / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

« L’action a perdu plus de 60 % sous son mandat, ce qui ne devrait pas être une grande surprise », a déclaré Ryan Detrick, responsable de la stratégie de marché pour la société de conseil en investissement Carson Group. « Une nouvelle direction est nécessaire pour redresser la barre et on peut affirmer que toutes les grandes décisions stratégiques qu’il a prises seront réexaminées, y compris celle de se concentrer sur la fabrication en sous-traitance. »

Gelsinger n’a également pas réussi à rivaliser avec Nvidia dans le domaine des puces pour l’IA, qui a propulsé cette dernière vers une valorisation historique de 3 000 milliards de dollars en alimentant des outils comme ChatGPT.

« Au final, il faut des produits de pointe, de l’innovation et de l’exécution, ce qui n’a pas été le cas sous la direction de Gelsinger », a déclaré Hans Mosesmann, analyste chez Rosenblatt Securities.

Le modèle de fonderie, au cœur du plan de redressement de Gelsinger, visait à faire d’Intel un acteur majeur de la fabrication sous contrat. Intel avait annoncé plusieurs clients, tels que Microsoft et Amazon.com, mais aucun d’entre eux n’a été en mesure de fournir aux usines d’Intel l’énorme volume de puces nécessaires pour les rendre rentables.

Cette absence de progrès tangibles, combinée à une frénésie de dépenses dans la fonderie de l’entreprise, a exacerbé les tensions au sein du conseil d’administration, entraînant le départ de Lip-Bu Tan. Ce membre influent du conseil d’administration, qui avait lui-même redressé une entreprise en difficulté dans le secteur des puces électroniques, avait fini par quitter l’entreprise en raison de désaccords avec la stratégie de Gelsinger.