Bennett : Les Etats-Unis contreront l’Iran en Irak et Israël le fera en Syrie

Jérusalem et Washington se sont divisés le combat contre l’Iran, Israël assumant la responsabilité de la république islamique en Syrie et les Etats-Unis prenant en charge les forces de Téhéran en Irak, a déclaré samedi le ministre de la Défense Naftali Bennett.

Jeudi dernier, Bennett est revenu d’une visite de travail effectuée à Washington, durant laquelle il a rencontré le secrétaire d’Etat à la Défense américain Mark Esper et autres hauts-responsables.

S’exprimant samedi lors d’un événement de campagne, il a expliqué que les deux pays avaient convenu de travailler en tandem pour empêcher l’Iran de créer un corridor terrestre que le pays pourrait emprunter pour faire se déplacer des hommes et des équipements vers le Liban et la mer Méditerranée, à travers l’Irak et la Syrie.

« J’ai rencontré mon homologue, le ministre américain de la Défense Mark Esper, et nous avons défini très exactement notre coopération – les Etats-Unis prennent l’Irak et nous prenons la Syrie », a déclaré Bennett qui prenait la parole dans une synagogue située dans le quartier de Givat Shmuel, à Tel Aviv.

Le département américain de la Défense n’a pas apporté de réponse à notre demande de commentaire dans ce dossier.

Dans son discours, Bennett a confirmé que l’Etat juif avait mené des frappes contre l’Iran en Syrie, la semaine dernière, se référant apparemment à une attaque commise contre des sites liés à Téhéran, jeudi matin, aux premières heures de l’aube.

Des explosions dans le ciel au-dessus de Damas alors que les militaires israéliens lancent des armes antiaériennes vers des missiles à l’approche au cours d’une attaque attribuée à Israël, le 6 février 2020 (Crédit : SANA)

« Nous avons intensifié de manière significative notre action, et notamment cette semaine, à l’aide de très fortes attaques contre l’Iran, contre la présence iranienne, contre des bases iraniennes, contre les missiles sol-air iraniens, contre les combattants iraniens, contre les milices iraniennes en Syrie et plus et plus encore… Et nous observons la manière dont les Iraniens transforment leur force en faiblesse », a-t-il continué.

Israël a fait savoir que le pays ne tolérerait pas une présence militaire iranienne permanente en Syrie et l’Etat juif a mené des centaines de frappes aériennes dans le pays contre des cibles iraniennes, ces dernières années, même si les responsables israéliens n’ont généralement pas voulu reconnaître avoir lancé des raids spécifiques – comme Bennett a semblé ici désireux de le faire.

Cela fait longtemps que les services israéliens de renseignement avertissent que l’Iran oeuvre à établir son corridor terrestre dans le cadre de son combat pour asseoir son hégémonie régionale, en l’utilisant pour armer et renforcer les milices qui oeuvrent sous son contrôle.

« C’est comme un puzzle contigu – l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban. Imaginez une canalisation, mais l’eau serait remplacée par des roquettes et du terrorisme. Si vous parvenez à extraire un morceau du tuyau, alors vous rompez la continuité et la canalisation s’assèche », a expliqué Bennett.

Bennett, leader du parti religieux de droite Yamina issu de la ligne dure, qui a été nommé ministre de la Défense il y a environ trois mois, a présenté sa stratégie pour s’attaquer à la menace posée par Téhéran en disant que son objectif était de faire sortir les forces de la république islamique de Syrie d’ici un an en transformant la Syrie en « Vietnam » de la république islamique, en référence à la guerre américaine désastreuse qui avait été menée par les Etats-Unis dans ce pays de l’est-asiatique.

« Ce territoire qui s’appelle la Syrie – nous y avons une supériorité aérienne et en termes de renseignements », a-t-il clamé. « C’est un mauvais endroit pour les projets d’ancrage de l’Iran ».

Commentant encore les frappes aériennes menées sur des cibles iraniennes en Syrie, jeudi dernier, Bennett a ajouté que « les médias étrangers ont fait savoir, cette semaine, que 23 Syriens et Iraniens avaient été tués pendant l’attaque. C’est un nombre important et nous ferons davantage, encore et encore, pour que la Syrie devienne leur Vietnam ».

Des explosions dans le ciel de Damas entraînées par des armes antiaériennes syriennes au cours d’une attaque attribuée à Israël, le 6 février 2020 (Crédit :SANA)

Il a vivement recommandé des actions d’agression directe à l’encontre de l’Iran et de ses groupes mandataires, affirmant que la stratégie antérieure d’Israël – qui consistait notamment à prendre pour cible des convois de transports d’armements individuels – était inefficace en elle-même.

Bennett, qui raille depuis longtemps les bombardements de ces convois d’armes en clamant qu’ils ne s’attaquent qu’aux symptômes et non aux causes des déboires sécuritaires d’Israël, a estimé que l’armée devait plutôt se concentrer sur des frappes qui viseraient clairement les ressources et les bases de la république islamique au cœur de la Syrie.

« Je ne veux pas pourchasser ces convois parce que pour un convoi frappé, vous en ratez cinq autres et que, petit à petit, le Hezbollah est parvenu à accumuler l’arsenal critique de roquettes qui nous menace aujourd’hui », a-t-il ajouté.

Bennett faisait ainsi référence au fait que depuis la Seconde guerre du Liban, en 2006, le Hezbollah a multiplié par dix son stock de roquettes et de missiles, détenant aujourd’hui, selon les estimations, environ 130 000 projectiles – ce qui est plus important que l’arsenal d’un grand nombre d’armées nationales et ce, malgré les attaques aériennes israéliennes qui ont visé les convois de transport de ces armes.

Il a indiqué que l’Iran était responsable de 70 % des problèmes de sécurité de l’Etat juif à travers la formation et le financement de groupes terroristes tels que le Hamas et le Jihad islamique palestinien à Gaza et que le Hezbollah au Liban.

Le Guide suprême iranien l’Ayatollah Ali Khamenei fait son sermon lors des prières de vendredi à la grande mosquée Imam Khomeini à Téhéran, en Iran, le 17 janvier 2020. (Bureau du Guide suprême iranien via AP)

« Nous avons perdu nos jeunes dans l’opération [bordure protectrice de 2014] à Gaza, dans la Seconde guerre du Liban, dans des batailles contre ces représentants de l’Iran. Et qui s’en sort pendant tout ce temps ? C’est la tête de la pieuvre », a dit Bennett au public de la synagogue de la communauté largement religieuse de Givat Shmuel.

« Nous sommes actuellement dans le processus où nous allons commencer à frapper la tête de la pieuvre – la puissance de l’Iran. Je ne parle pas nécessairement d’une guerre ouverte avec l’Iran dès demain ; j’évoque plutôt quelque chose qui serait similaire à la guerre froide entre l’Union soviétique et les Etats-Unis avec les deux puissances régionales : Israël et l’Iran », a-t-il déclaré.

Bennett a ajouté qu’il préférait éviter d’envoyer des troupes israéliennes au Liban ou à Gaza lors de conflits potentiels futurs.

« C’est jouer sur leur terrain et je veux déplacer le match sur le nôtre », a-t-il expliqué, affirmant qu’affaiblir l’Iran reviendrait inévitablement à affaiblir ses groupes mandataires, le Hezbollah et le Hamas.