Des Iraniens filment la vie luxueuse des proches du régime pour un média israélien

Des Iraniens ont filmé clandestinement des scènes de leur capitale pour la chaîne d’information israélienne N12, un acte qui constitue un acte d’espionnage en Iran et qui peut conduire à la peine de mort.

Les séquences, diffusées samedi, montraient des Iraniens dans des centres commerciaux haut de gamme qui, selon les vidéastes, ne sont financièrement accessibles qu’aux personnes proches du régime.

« J’ai filmé cette vidéo au prix de grandes difficultés et en ayant très peur, et j’ai dit que je l’enverrai à la chaîne israélienne N12 », a déclaré en farsi un Iranien de 44 ans qui a envoyé des séquences pour le reportage, se faisant appeler Ali.

« J’ai commis un acte dangereux. Si quelqu’un parle avec des Israéliens, il devient un espion et sera exécuté. »

Le reportage ne laisse apparaître que le bas du visage d’Ali lorsqu’il s’entretient avec le journaliste de la chaîne N12.

« J’ai un master en électronique et je suis au chômage », a déclaré Ali, qui ne cesse de souligner ses difficultés économiques tout au long du reportage.

Une devanture de magasin dans un centre commercial de Téhéran filmée par un dissident iranien. (Crédit : Capture d’écran/N12 ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Ali s’est filmé en train de prendre le métro pour se rendre dans le 1ᵉʳ arrondissement de Téhéran, où résident les hauts responsables du régime et du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime iranien.

« Les gens sont fatigués. Les citoyens iraniens, qui en ont assez de la République islamique, sont mal à l’aise, s’ennuient, sont serviles », a-t-il souligné.

Beni Sabti, un expert de l’Iran, a expliqué à la chaîne N12 que le régime iranien considère la diffusion de telles images en provenance d’Iran comme embarrassante et préjudiciable pour le pays.

Rani Amrani, un autre expert de l’Iran, a déclaré au média que si Ali avait été arrêté, il aurait certainement été condamné à mort.

Le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, s’exprimant lors d’une réunion avec des responsables du gouvernement iranien, à Téhéran, le 8 mars 2025. (Crédit : KHAMENEI.IR/AFP)

Les prises de vue d’Ali dans la rue Fereshteh à Téhéran montrent des centres commerciaux somptueux et des femmes non voilées, alors que le port du hijab est obligatoire en Iran.

« Parmi tous ces produits, il n’y en a pas un qui coûte moins de 200 ou 300 dollars », dit Ali en passant devant les vitrines d’un centre commercial.

« Seul 1 % des Iraniens peuvent faire leurs achats dans un magasin comme celui-ci. Moi, et les gens comme moi, ne le pouvons pas ; 99 % des Iraniens ne peuvent pas se le permettre. »

Le luxe dont les clichés d’Ali témoignent contraste avec la situation économique de l’Iran, qui, selon Sabti, est la pire depuis la révolution islamique de 1979.

Ali a filmé un marché de Téhéran à 18 heures, sans électricité. « Malheureusement, nous n’avons de l’électricité qu’une heure par jour. Dieu seul sait où va l’électricité. »

L’une des séquences diffusées dans le reportage montrait des personnes suspendues en l’air sur des montagnes russes à l’arrêt en raison d’une panne de courant.

« [Le régime] donne de l’argent au [groupe terroriste palestinien du] Hamas, au [groupe terroriste chiite libanais du] Hezbollah, à l’Irak, à l’Afghanistan, et le monde entier reçoit sa part de l’Iran », a déclaré Ali au journaliste de la chaîne N12. « Pourquoi devrions-nous vivre dans une telle pauvreté ? Pourquoi devrais-je être au chômage maintenant ? »

Le reportage se poursuit avec une séquence filmée par un autre Iranien dans un restaurant haut de gamme de Téhéran.

« Si je viens manger un repas dans ce restaurant, cela me coûtera la moitié de mon salaire mensuel », déclare-t-il.

« Seuls les hommes, les enfants des dirigeants du pays, les enfants des politiciens, les Gardiens de la révolution, leurs enfants, eux-mêmes, eux seuls peuvent venir faire leurs achats dans des [magasins] comme celui-ci. »

Le reportage montre également des jeunes Iraniennes proches du régime, en maillots de bain, les cheveux détachés, lors de fêtes mondaines.

« Ils ne cessent de crier ‘Mort à l’Amérique, Mort à l’Angleterre’ alors que leurs enfants ont des passeports américains, britanniques et canadiens », a expliqué Ali à la chaîne N12. « Les gens sont en colère contre eux et sont troublés par leur comportement. »

Manifestations contre le hijab

La chaîne N12 a également interviewé une femme bahaïe, se faisant appelée Miriam (nom d’emprunt), au sujet du mécontentement des Iraniennes face aux lois sur le port obligatoire du hijab.

Miriam a expliqué au micro de la chaîne N12 que si l’application des lois sur le port du hijab s’est un peu « adoucie », les femmes craignent de recevoir des amendes pour avoir conduit sans voile.

« Vous recevez [une amende] si vous êtes prise sans hijab au volant trois fois. Vous recevez trois SMS vous demandant de respecter l’obligation du hijab, et si vous ne le faites pas, ils confisquent votre voiture. »

Une femme bahaïe en Iran interviewée par la chaîne d’information israélienne N12. (Crédit : Capture d’écran/Chaîne N12 ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Miriam a raconté qu’après la mort de Mahsa Amini, morte alors qu’elle était détenue par la police des mœurs iranienne pour ne pas avoir correctement porté son hijab, ce qui avait déclenché de nombreuses protestations, elle avait trouvé le courage de marcher dans la rue la tête découverte.

« Je pense que ce régime ne durera pas. Compte tenu des pressions exercées sur lui et des erreurs qu’il a commises envers son peuple, il ne durera pas. Il finira par s’autodétruire. »

Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle pensait d’Israël, Miriam a répondu : « Nous voulons tous avoir de bonnes relations avec Israël, et nous aimons tous Israël… C’est drôle, beaucoup de femmes iraniennes sont tombées amoureuses des soldats israéliens qui étaient si beaux. Elles espéraient qu’Israël attaquerait l’Iran. »

Ali, qui a déclaré avoir soutenu le régime jusqu’à il y a dix ans, a terminé son interview par un message adressé au guide suprême iranien, Ali Khamenei :

« Sachez-le, Khamenei, vous êtes fini, vous êtes vieux, vous êtes mourant. Personne ne vous remplacera. Nous, le peuple, ne le permettrons pas. Si la classe ouvrière veut se révolter, les balles et les chars ne pourront pas l’en empêcher. Le peuple renversera ce régime… Plus tard, on écrira dans les pages de l’histoire qu’il y avait un pays comme celui-là. C’était le pays le plus riche du monde, mais son peuple était le plus pauvre du monde. »