Cisjordanie: Une journaliste palestinienne tuée à Jénine

Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont tué la journaliste palestinienne Shatha al-Sabbagh dans le camp de réfugiés de Jénine, selon une déclaration qui a été publiée par sa famille sur sa chaîne Telegram.

La jeune femme, étudiante en journalisme d’une vingtaine d’années très active sur les réseaux sociaux, est morte d’une balle dans la tête.

La famille a dit qu’elle tenait l’Autorité palestinienne pour directement responsable de la mort de la journaliste, affirmant que les opérations lancées par l’Autorité palestinienne contre les groupes terroristes du Hamas et du Jihad islamique à Jénine et Tulkarem représentaient une « escalade dangereuse, signes que les services de sécurité de l’Autorité palestinienne se sont transformés en « instruments de répression menant des actions terroristes contre le peuple au lieu de protéger sa dignité et de s’opposer à l’occupation [israélienne] ».

Selon le communiqué publié par les proches ce dimanche, Shatha al-Sabbagh a été tuée par « une balle tirée par un tireur embusqué des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, ce qui est un crime odieux ».

« En tant que proches de la martyre Shatha al-Sabbagh, nous tenons l’Autorité palestinienne et ses forces de sécurité directement responsables de ce crime. »

Les proches de la victime ont ajouté que cette dernière se trouvait en compagnie de sa mère lorsqu’elle a été abattue dans un quartier « très bien éclairé… et sans affrontements » à ce moment-là, laissant entendre qu’il s’agissait d’un acte délibéré.

« Malgré cela, les tireurs embusqués des forces de sécurité lui ont tiré dessus », poursuit le communiqué.

Le groupe terroriste palestinien du Hamas a, lui aussi, pointé du doigt ses rivaux de l’Autorité palestinienne, dénonçant « un acte criminel qui s’ajoute au sombre dossier de l’appareil sécuritaire ».

Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne mènent des opérations contre les groupes terroristes à Jénine, des raids qui ont permis d’interpeler ou de tuer des membres du Hamas et du Jihad islamique, de saisir des armes et de neutraliser des engins explosifs. Cette opération a fait suite au vol, par des terroristes, de deux véhicules de l’AP à Jénine, début décembre – les véhicules avaient ensuite avaient été exhibés dans les rues.

Le Syndicat des journalistes palestiniens a demandé la formation d’une commission d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur les circonstances de l’incident.

From the site of the tragic death of Palestinian journalist Shatha Al-Sabbagh, who was fatally shot and killed by a PA forces sniper’s bullet in Jenin camp, the occupied West Bank. pic.twitter.com/yLM3Z2mo2E

— Quds News Network (@QudsNen) December 28, 2024

De leur côté, les forces de sécurité palestiniennes ont fait savoir par voie de communiqué que ce « crime odieux a été commis par des hors-la-loi à l’intérieur du camp de Jénine », et elles se sont engagées à enquêter sur les circonstances de cet assassinat.

L’Autorité palestinienne mène des actions contre les groupes terroristes de Jénine – des actions qui, selon elle, sont destinées à ramener la sécurité et la stabilité dans la région, au moment où Ramallah semble donner le signe de vouloir jouer un rôle important dans la gestion de la bande de Gaza une fois la guerre terminée.

Plutôt rares, les affrontements interpalestiniens se sont intensifiés depuis l’arrestation par la police de plusieurs activistes dans les environs de Jénine. Depuis le 5 décembre dernier, ils ont causé la mort de 11 personnes, parmi lesquelles cinq membres des forces de sécurité et six civils.

La ville et le camp de réfugiés de Jénine sont des bastions de factions armées qui s’estiment plus efficaces que l’Autorité palestinienne pour lutter contre Israël.

Les forces de sécurité palestiniennes présentes sur le site d’une manifestation contre les affrontements entre les forces de sécurité palestiniennes et les groupes terroristes, dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie, le 16 décembre 2024. (Crédit : Jaafar Ashtiyeh/AFP)

Le groupe terroriste palestinien du Hamas, basé à Gaza, également présent en Cisjordanie, a également accusé les forces de l’AP.

« L’assassinat de sang-froid et délibéré de la journaliste Shatha… est un acte criminel qui s’ajoute au sombre bilan de ces appareils de sécurité coupable de meurtres, d’arrestations et de maltraitance envers notre peuple », a déclaré le Hamas, lui-même impliqué depuis des années dans des cas d’abus et de persécutions contre ses opposants à Gaza, ainsi que dans d’innombrables attaques terroristes et autres atrocités commises sur des Israéliens, à commencer par le pogrom du 7 octobre 2023.

L’Autorité palestinienne jouit d’une présence relativement forte dans les villes du sud et du centre de la Cisjordanie, où elle parvient à maintenir l’ordre public. Mais dans la partie nord du territoire, en particulier dans les camps de réfugiés des environs de Jénine, Naplouse et Tulkarem, l’Autorité palestinienne peine à imposer son autorité aux groupes terroristes qui s’y trouvent.

Confrontée à une crise de légitimité en raison de son incapacité à créer un État palestinien ou même à organiser des élections, la cote de popularité de l’Autorité palestinienne a fortement diminué, particulièrement dans le nord de la Cisjordanie où ses rivaux ont pris les armes et contestent son autorité.

Des factions rivales du Fatah, parti du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ont condamné les récentes arrestations, accusant les forces de sécurité de collaborer avec Israël.