Un commandant de division accusé d’avoir mis des soldats en danger à Gaza – média

Des soldats ayant servi pendant la guerre dans la bande de Gaza ont accusé le commandant de la 252ᵉ division militaire, le général de brigade Yehuda Vach, de mettre en danger la vie des troupes en adoptant une attitude agressive lors des opérations et en envoyant des soldats dans les zones de combat sans préparation adéquate, a rapporté mardi le journal Haaretz.

Les officiers et les soldats ont également affirmé que Vach avait une attitude impitoyable envers les habitants de Gaza, permettant à son propre frère de mener une campagne de destruction au cours de laquelle des dizaines de bâtiments ont été rasés, et qu’il accordait un accès contestable aux civils israéliens autorisés à entrer dans la bande de Gaza sous ses auspices.

L’armée israélienne a rejeté ces allégations, déclarant au journal que toutes les décisions de Vach étaient professionnelles et que ses actions avaient été menées en coopération avec les autorités de commandement de Tsahal.

Cet article de Haaretz est le dernier en date à contenir des affirmations de certains de ceux qui ont servi à Gaza, selon lesquelles les valeurs morales et éthiques dont s’enorgueillit l’armée israélienne se sont érodées au cours de près de quinze mois de guerre dans l’enclave.

La division de Vach opérait auparavant dans la zone du « corridor de Netzarim », qui divise Gaza en deux parties, l’une au nord et l’autre au sud, et qui est considérée comme une route stratégique de premier plan.

Du 17 au 28 août, Tsahal a lancé une opération dans le quartier de Zeitoun, dans le sud de la ville de Gaza, situé à proximité du corridor.

Le colonel Yehuda Vach, alors commandant de l’école d’officiers de l’armée israélienne Bahad 1, lors d’une cérémonie de remise de diplômes aux cadets, le 28 juin 2023. (Crédit : Armée israélienne)

Plusieurs commandants ont indiqué au journal, sous couvert d’anonymat, que Vach continuait d’insister pour atteindre le nord et qu’il ordonnait à ses troupes de pénétrer dans des zones dépourvues des moyens nécessaires ou du soutien du Corps du Génie Militaire et d’autres forces d’appoint qui auraient pu s’assurer que la zone n’était pas piégée par des bombes placées en bord de route.

Un officier supérieur du Commandement du Sud a déclaré à Haaretz qu’à la fin de l’opération, une enquête avait été menée sur le nombre relativement élevé de victimes – huit morts, tous appartenant à la Brigade de Jérusalem, sous la direction de Vach.

La 252ᵉ division a été retirée du corridor de Netzarim en novembre, après un déploiement de trois mois sur ce territoire, et a été remplacée par la 99ᵉ division. Une nouvelle rotation des divisions est prévue en février.

Le général Vach a tenu une réunion avec les commandants au début du mois de décembre afin d’examiner leur déploiement dans le corridor de Netzarim. Il aurait répété une remarque qu’il avait faite par le passé, selon laquelle les Palestiniens ne tireraient aucune leçon de l’assaut du 7 octobre 2023 que s’ils perdaient des territoires.

Un commandant a rappelé que, lors de la réunion, Vach avait déclaré que selon lui, aucun camion d’aide humanitaire ne devait entrer dans le nord de Gaza, où les groupes d’aide affirment qu’il y a une crise due à une pénurie de livraisons.

Le commandant a également déclaré que l’attitude de Vach consistait à dire qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza et que « tout le monde est terroriste ».

Pendant le stationnement de la division dans le corridor de Netzarim, Vach aurait insisté sur la nécessité de donner une image de victoire et, selon un soldat, aurait envisagé d’autoriser les véhicules civils israéliens – conduits par des soldats – à emprunter le corridor en guise de spectacle pour le Hamas.

La plupart des commandants se sont montrés réticents à l’idée de faire conduire des soldats dans des véhicules civils le long du corridor, soulignant les risques d’une attaque du Hamas ou d’une prise à partie accidentelle par d’autres unités de Tsahal, selon Haaretz.

Vue du corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza, le 26 décembre 2024. (Crédit : Emanuel Fabian/Times of Israel)

Vach aurait également organisé une course à travers la bande de Gaza, de la frontière israélienne jusqu’à la mer, sous la forme d’une manifestation sportive, à laquelle participeraient des soldats qui ne porteraient pas de gilets pare-balles. Selon l’article, le chef du Commandement du Sud, le général de division Yaron Finkelman, a interdit l’événement prévu la nuit précédant sa tenue, au grand dam de Vach.

Une source a également fait état d’un autre incident au cours duquel Finkelman a tenu une réunion confidentielle par vidéo avec des commandants de haut rang, dont Vach. Au cours de cette réunion, d’autres participants ont remarqué, derrière Vach, qui se trouvait alors à Gaza, un civil portant une kippa étudier des cartes de la bande de Gaza. Lorsque Vach a réalisé ce qui se passait, il a rapidement ordonné au civil de partir.

Vach est originaire de l’implantation de Kiryat Arab en Cisjordanie et a dix frères, dont deux au moins ont le grade d’officier. L’un d’eux est Golan Vach, colonel dans les forces de réserve.

Selon des sources qui ont parlé à Haaretz, Yehuda Vach a clairement indiqué que ses frères officiers devraient avoir toute latitude pour accéder à Gaza et y opérer.

Le colonel (Rés.) Golan Vach sur les lieux d’une mission de recherche et de sauvetage de l’armée israélienne après un tremblement de terre, en Turquie, le 8 février 2023. (Crédit : Armée israélienne)

Le colonel (Rés.) Golan Vach commandait auparavant l’Unité nationale de recherche et de sauvetage (jusqu’en janvier 2024), mais des commandants de la 252ᵉ division ont déclaré à Haaretz qu’au cours de la guerre, il avait dirigé une petite unité louche qui se consacrait à la destruction de bâtiments dans la bande de Gaza.

Les commandants qui se sont entretenus avec Haaretz n’ont pas pu préciser si les membres de l’unité étaient tous des soldats ou si certains étaient également des civils. Un commandant a décrit ces derniers comme ressemblant à des « Jeunes des Collines », expression désignant les résidents d’implantations radicaux de Cisjordanie.

Alors que l’armée s’engageait dans une opération de nettoyage de bâtiments le long du corridor de Netzarim pour des raisons opérationnelles, l’unité de Golan Vach opérait manifestement de manière indépendante, selon l’article. Haaretz a affirmé que personne au sein de la division ou du Commandement du Sud n’était en mesure de dire qui faisait partie de l’unité ou quelle était sa mission.

Un réserviste chargé d’assurer la sécurité de l’unité a affirmé que l’objectif était de « raser Gaza le plus possible et le plus rapidement possible ».

Le réserviste a déclaré que les membres de l’unité avaient dit à leur service de sécurité que l’objectif était de détruire 60 bâtiments par jour. En pratique, ils n’ont réussi à en détruire environ que six par jour.

L’unité a œuvré pendant environ un mois, selon l’article. Puis, le 10 septembre, les soldats ont trouvé une ouverture menant à un tunnel, parmi les centaines de kilomètres de tunnels que le Hamas a creusés sous la bande de Gaza. Selon les sources, Golan Vach y est entré seul, sans avoir au préalable suivi les procédures pour s’assurer qu’il n’y avait pas de pièges ou de risque d’effondrement du tunnel.

Le tunnel s’est en effet effondré et il a fallu deux heures pour l’extraire. Il souffrait de blessures modérées.

Une enquête militaire sur cet incident a été rédigée par Golan Vach lui-même, bien que Finkelman, dans ses propres remarques, ait déclaré que Vach avait agi contre les ordres en pénétrant dans le tunnel et qu’il avait causé une diversion inutile des autres troupes.

Les troupes de l’armée israélienne de la 252ᵉ division opérant dans le corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza, sur une photo publiée le 3 octobre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

À la suite de cet incident, l’unité de destruction des bâtiments a été dissoute, selon l’article.

D’autres soldats ont affirmé qu’un autre frère cadet de Vach, dont le nom ne figure pas dans cet article, pénétrait également dans la bande de Gaza sans autorisation préalable, emmenant parfois des civils avec lui.

C’est au cours de la présence de la 252ᵉ division à Gaza que les troupes auraient fait entrer clandestinement Daniella Weiss, cheffe de file du mouvement pro-implantations, dans la bande de Gaza afin d’étudier les possibilités de réinstallation. Weiss est à la tête des efforts de repeuplement du nord de la bande de Gaza. Tsahal a déclaré avoir mené une enquête approfondie sur ces allégations, mais n’avoir trouvé pour l’instant aucune preuve de son entrée dans la bande de Gaza.

Dans sa réponse à l’article de Haaretz, l’armée a déclaré que la division avait travaillé à élargir l’espace de sécurité des troupes présentes dans le corridor de Netzarim et « qu’une série d’opérations avait été approuvée à tous les niveaux, en accord avec les ordres et les procédures de combat ».

La cheffe de l’organisation du mouvement pro-implantations Nachala, Daniella Weiss, répondant aux questions lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion d’un événement visant à promouvoir le rétablissement des implantations à Gaza, le 21 octobre 2024. (Crédit : Jeremy Sharon/Times of Israel)

En ce qui concerne Yehuda Vach, l’armée a qualifié ses décisions de « professionnelles et pratiques, en pleine coordination avec tous les commandants ».

« Les allégations selon lesquelles la division mettrait en danger de manière inutile ses combattants, que ses missions manqueraient de moralité et que les victimes seraient traitées avec peu de respect sont inexactes », a-t-elle déclaré.

Tsahal a également déclaré que l’unité dirigée par Golan Vach était une unité de réservistes autorisée qui avait reçu un entraînement approprié. En ce qui concerne l’effondrement du tunnel de Golan Vach, l’armée a déclaré que l’incident avait fait l’objet d’une enquête par le Commandement du Sud « de manière approfondie et professionnelle, et que les leçons nécessaires avaient été tirées de cet incident ».

En ce qui concerne l’entrée non autorisée de civils dans la bande de Gaza, l’armée a affirmé que ces allégations étaient « incorrectes » et que Yehuda Vach n’avait pas tenu les propos qui lui ont été attribués au sujet de Gaza.

Au début du mois, Haaretz a publié un autre article dans lequel des soldats ont fait part de leurs préoccupations concernant Yehuda Vach et ses ordres de tir ouvert dans la zone du corridor de Netzarim, qui, selon eux, causent la mort de civils. Dans cet article, des sources ont également accusé Vach de demander des frappes aériennes en prétendant qu’il s’agissait d’une couverture nécessaire pour les troupes sous le feu de l’ennemi, afin de contourner les formalités administratives habituellement liées à ce type d’action.

À ce moment-là, l’armée avait déclaré que « les frappes ne visaient que des cibles militaires et qu’avant d’exécuter les attaques, de nombreuses mesures étaient prises pour limiter les atteintes aux civils non impliqués ». Les événements suscitant des inquiétudes quant à des écarts par rapport aux ordres et à la bonne conduite de Tsahal font l’objet d’une enquête, avait souligné l’armée.