Les archives de Jérusalem livrent la ‘preuve flagrante’ du génocide arménien
Un télégramme issu des tribunaux militaires en 1919 prouve la dissimulation par les Turcs des tueries de masse
Lors d’une découverte marquante, un historien turc a déclaré avoir trouvé dans la copie d’un recueil d’archives à Jérusalem la « preuve » incontestable attestant que l’empire ottoman a mené le génocide de façon préméditée de centaines de milliers d’Arméniens et qu’il a tenté d’en faire disparaître toute trace.
Après des années à rechercher des preuves irréfutables du génocide, Taner Akcam, spécialiste né en Turquie et qui travaille dorénavant au sein de la Clark University à Worcester dans le Massachusetts, indique qu’il a découvert un télégramme qui était égaré depuis longtemps et qui avait été utilisé comme preuve devant des tribunaux militaires lors des procès qui avaient déterminé la culpabilité des planificateurs de ces tueries de masse, a fait savoir samedi le New York Times.
« Jusqu’à une période récente, la preuve flagrante manquait », a expliqué au journal Akcam, qui est considéré comme l’une des plus grandes autorités de la cause arménienne dans le monde. Il s’agit de cette preuve flagrante ».
Le télégramme, qui avait été écrit à l’origine en langage codé, est une demande de détails sur le terrain de la part d’un responsable turc de haut-rang, Behaeddin Shakir, sur les déportations et les meurtres d’Arméniens dans la région de l’Anatolie, située dans l’est de la Turquie, dit l’article de presse.
Le document, trouvé par Akcam dans la copie d’archives détenues par le Patriarcat arménien de Jérusalem, est une version décryptée du télégramme original qui avait été utilisé pour aider à condamner Shakir, reconnu coupable d’avoir planifié les meurtres.
Selon Akcam, cette découverte prouve à la fois l’existence des tribunaux et, pour la première fois, une planification officielle, délibérée et volontaire des massacres.
Akcam a qualifié cette trouvaille de « séisme dans notre domaine » et il a exprimé l’espoir qu’elle aiderait à supprimer « la dernière brique dans le mur du déni ».
Les meurtres de 1,5 millions d’Arméniens par les Turcs ottomans à l’époque de la Première Guerre mondiale sont largement considérés par les spécialistes comme le premier génocide du 20e siècle.
La Turquie dément toutefois que ces morts aient constitué un génocide, affirmant que le nombre de victimes a été surestimé et que les morts ont été victimes de la guerre et d’émeutes civiles.
Ankara a admis l’existence des massacres à grande échelle mais a expliqué qu’ils avaient en lieu dans un contexte d’auto-défense, contre ce que le régime turc décrit comme un soulèvement des Arméniens qui avait été inspiré par les Russes.
Lundi, ce sera la commémoration annuelle du jour où 250 intellectuels arméniens environ ont été rassemblés lors de ce qui est dorénavant considéré comme la première étape des massacres.
Pendant des années, Akcam, ainsi que d’autres historiens, ont recherché des documents émis par des tribunaux militaires dans les années 1919-1920 pour constituer des preuves de première main du génocide et démontrer la dissimulation ultérieure de ce dernier.
Avec les destructions des retranscriptions d’audiences de la cour et des documents originaux, les chercheurs se sont appuyés jusqu’à présent sur les résumés des journaux ottomans pour obtenir des informations sur ces procès.
Le télégramme a été découvert dans un recueil de registres des tribunaux qui avaient été sortis de Turquie en 1922 par des leaders arméniens craignant qu’ils ne soient détruits par les nationalistes turcs qui allaient plus tard s’emparer du pays.
Amenés à Jérusalem dans les années 1930, ces recueils avait été placés dans les archives du Patriarcat arménien mais ils étaient restés inaccessibles aux chercheurs, indique l’article. Récemment toutefois, Akcam a découvert que le recueil entier avait été photographié dans les années 1940 par un moine arménien qui avait transmis les clichés à un neveu qui habite actuellement New York.
Après des heures de travail laborieux passées à dépouiller les photos, Akcam était finalement parvenu à faire le lien entre certains documents et la lettre à en-tête du ministère turc de l’Intérieur de l’époque.