Tollé après qu’un candidat à la mairie de NYC a comparé l’Intifada au soulèvement du ghetto de Varsovie

NEW YORK — Le musée américain de la Shoah a condamné mercredi les comparaisons entre le soulèvement du ghetto de Varsovie pendant la Seconde Guerre mondiale et les appels à « mondialiser l’Intifada », au lendemain de propos tenus par un candidat de la mairie de New York, Zohran Mamdani, qui s’est appuyé sur des documents du musée alors qu’il faisait lui-même ce parallèle.

Il s’agit de la dernière controverse en date sur des questions juives pour Mamdani, un militant anti-israélien qui occupe la deuxième place dans les sondages en vue des Primaires du parti démocrate à la mairie de New York.

Le vote anticipé est en cours pour les Primaires – des Primaires qui pourraient bien décider du nom du prochain maire de cette ville majoritairement démocrate et qui abrite la plus importante population juive au monde en-dehors d’Israël.

Mamdani avait été interrogé mardi sur l’expression « Mondialisez l’Intifada » alors qu’il accordait un entretien au podcast « The Bulwark ».

« Intifada » signifie littéralement « soulèvement » ou « secouer ». Toutefois, le terme est principalement associé à la deuxième Intifada qui avait eu lieu au début des années 2000 – au cours de laquelle des terroristes palestiniens avaient tué des centaines d’Israéliens dans des attentats-suicides. « Mondialisez l’Intifada » est un slogan très fréquemment repris par les groupes de manifestants qui appellent à la destruction d’Israël et à la mise au ban des « sionistes » aux États-Unis.

Dans le podcast, Mamdani a refusé de condamner cette expression et, pour la défendre, il a évoqué le soulèvement du ghetto de Varsovie pendant la Shoah, un dernier acte de résistance à l’encontre des nazis qui avait été mené par les Juifs du ghetto qui devaient être ultérieurement déportés et tués. Des propos qui ont initialement été signalés par le Jewish Insider.

Un garçon photographié pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie, en 1943. (Crédit : AP)

« En fin de compte, ce que j’entends chez un grand nombre de personnes, c’est un désir désespéré d’égalité et d’égalité des droits dans la défense des droits humains des Palestiniens », a commenté Mamdani. « Le mot même [d’Intifada] a été utilisé par le musée de la Shoah pour traduire en arabe le soulèvement du ghetto de Varsovie, car c’est un mot qui signifie lutte ».

Mercredi, le musée américain du mémorial de la Shoah, basé à Washington, DC, a condamné cette comparaison sans nommer Mamdani.

« Exploiter le musée et le soulèvement du ghetto de Varsovie pour blanchir le slogan ‘Mondialisez l’Intifada’ est scandaleux et c’est quelque chose de particulièrement offensant pour les survivants », a déclaré l’institution dans un communiqué. « Depuis 1987, des Juifs ont été attaqués et assassinés à ce cri. Tous les responsables doivent condamner son utilisation et les abus de l’Histoire ». (La première Intifada à l’encontre d’Israël avait commencé en 1987.)

Le musée n’a pas répondu à une demande de commentaires où il lui était demandé si ses documents à destination des arabophones traduisaient effectivement « soulèvement » par « intifada  » – mais dans tous les cas, le contexte serait radicalement différent. Lors du soulèvement du ghetto de Varsovie, les Juifs avaient combattu l’oppression meurtrière des nazis, tandis que la deuxième Intifada avait été marquée par les attentats à la bombe perpétrés par l’organisation terroriste du Hamas à l’encontre de Juifs israéliens.

Cette comparaison assimile également implicitement les Israéliens aux nazis, une forme d’inversion de la Shoah que la définition de travail de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance) qualifie d’antisémite. Le maire de New York, Eric Adams, a ordonné à la ville d’utiliser la définition de l’antisémitisme mise au point par l’IHRA au début du mois.

Le musée ne s’exprime que rarement sur les sujets politiques.

Une manifestation menée par Within Our Lifetime à Manhattan, le 17 septembre 2021. (Luke Tress)

La propos tenus par Mamdani ont également entraîné les critiques de responsables juifs, notamment du directeur de l’Anti-Defamation League (ADL), Jonathan Greenblatt, du président de l’American Jewish Committee (AJC), Ted Deutch, et du rabbin Ammiel Hirsch, directeur de la Stephen Wise Free Synagogue de New York, qui est une figure de premier plan du mouvement réformé.

Plusieurs représentants ont également condamné les propos tenus par Mamdani.

Le représentant démocrate juif de New York, Dan Goldman, a déclaré que « Si Mamdani refuse d’accéder à la demande des principales organisations juives qui lui demandent de condamner cette phrase incontestablement antisémite, alors il n’est pas apte à diriger une ville qui compte 1,3 million de Juifs ».

Le représentant juif du New Jersey, Josh Gottheimer, a déclaré pour sa part que « les mensonges pathétiques et haineux de Mamdani sont une gifle flagrante à la communauté juive. Il doit présenter ses excuses immédiatement. »

Le représentant new-yorkais Ritchie Torres a estimé que le discours de Mamdani est « non seulement honteux, mais aussi disqualifiant ».

L’UJA-Federation of New York a fait savoir que « « Mondialiser l’Intifada’ n’est pas un appel à la justice. C’est un appel à la violence antisémite. »

La rhétorique antisioniste est devenue un sujet brûlant, ces derniers mois, après une série d’attaques violentes lancées à l’encontre de Juifs par des militants anti-israéliens en Pennsylvanie, à Washington, DC, au Colorado et dans le Massachusetts.

Les Juifs sont davantage la cible de crimes de haine à New York que tous les autres groupes communautaires réunis. Mamdani a reconnu la problématique de l’antisémitisme dans la ville ; il a mené des actions de sensibilisation auprès des groupes juifs et il a présenté un plan de lutte contre les discriminations anti-juives.

L’année dernière, une conseillère municipale de gauche, Shahana Hanif, avait présenté ses excuses à ses électeurs juifs pour avoir partagé un message sur les réseaux sociaux appelant à « mondialiser l’Intifada ». Hanif et Mamdani ont mutuellement soutenu leurs candidatures respectives.

Mamdani, 33 ans, qui est d’origine indo-ougandaise, est membre de l’Assemblée de l’état où il est le représentant d’une partie du Queens. Il a expliqué que le militantisme pro-palestinien était au cœur de son identité. Il a critiqué à plusieurs reprises Israël, alarmant les groupes juifs, et il s’est déclaré antisioniste.

Au cours de sa campagne pour la mairie, il a également été accusé de ne pas avoir signé les résolutions de l’État de New York commémorant la Shoah. Il a démenti ces informations.

Il est membre du parti d’extrême gauche Democratic Socialists of America, qui a placé l’activisme anti-israélien au cœur de ses actions. Il avait apporté son soutien à un rassemblement anti-israélien largement condamné qui avait eu lieu à Times Square, le lendemain du massacre du 7 octobre 2023.

Mamdani est à la traîne de l’ancien gouverneur de l’état de New York, Andrew Cuomo, dans les Primaires – mais il gagne du terrain. Cuomo a fait savoir que la lutte contre l’antisémitisme était une priorité. Il a exprimé à plusieurs reprises son soutien à Israël et il s’est efforcé de gagner les voix des électeurs juifs pendant la campagne.

Le vote anticipé pour les Primaires a commencé samedi dernier et le jour du scrutin est fixé au 24 juin. L’élection du maire est prévue en date du 4 novembre.