Netanyahu choisit un nouveau chef du Shin Bet : réactions en Israël

Plusieurs membres de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont critiqué lundi le choix de l’ancien commandant de la marine, le vice-amiral (Rés.) Eli Sharvit, comme prochain chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet en raison de sa participation à des manifestations contre le projet de refonte judiciaire mené par son gouvernement.

« Remplacer une personne ayant une vision du monde kafkaïenne par une autre ayant une vision similaire ne résout pas le problème, mais ne fait que le perpétuer dans un cadre différent », a affirmé le ministre du Patrimoine, Amichaï Eliyahu (Otzma Yehudit), en référence aux manifestations anti-gouvernement qui se sont déroulées dans la rue Kaplan, à Tel Aviv.

« Si nous voulons renforcer le système démocratique, nous devons nous assurer que les dirigeants d’organisations stratégiques telles que le Shin Bet s’engagent à respecter la volonté du peuple telle qu’elle s’exprime lors des processus électoraux démocratiques », a écrit Eliyahu sur le réseau social X.

Sharvit n’est « pas apte à diriger le Shin Bet », a jugé la députée Tally Gotliv (Likud), qui prédit que la nomination ne sera finalement pas effectuée. Elle affirme qu’il existe des personnalités de droite « très dignes et hautement qualifiées » qui « conviennent parfaitement au poste de chef du Shin Bet ».

« S’il proteste, il ne sera pas à la tête du Shin Bet. Qu’il continue à
protester », a déclaré le député Nissim Vaturi (Likud) à la chaîne de la Knesset.

À gauche : Ronen Bar, chef du Shin Bet ; à droite : le Premier ministre Benjamin Netanyahu. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash 90 ; Dudu Bachar/POOL)

Les chefs de l’opposition avaient également commenté à la nomination d’Eli Sharvit au poste de prochain chef du Shin Bet, en déclarant que si l’ancien chef de la marine était un excellent commandant, il devra prouver qu’il est loyal envers la loi et l’État plutôt qu’envers le Premier ministre.

Le dirigeant du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a déclaré que Sharvit avait « des valeurs et de l’expérience », mais qu’il ne devrait pas être nommé à la tête du Shin Bet tant que la Haute Cour n’aura pas statué sur le licenciement par Netanyahu de Bar.

« Sharvit est un excellent homme et un excellent commandant, avec des valeurs et de l’expérience. C’est un homme indépendant qui a toujours été guidé par les intérêts de la sécurité d’Israël, et je ne doute pas que cela continuera à être le cas à l’avenir », a indiqué Gantz dans un communiqué.

« Cependant, ce qui est clair, c’est que le Premier ministre a décidé ce matin de poursuivre sa campagne contre le système judiciaire et de conduire l’État d’Israël vers une dangereuse crise constitutionnelle. La nomination du chef du Shin Bet ne doit être effectuée qu’après une décision de la Haute Cour », a précisé Gantz.

Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, le député Benny Gantz, dirige une réunion de faction à la Knesset, le 24 mars 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a déclaré sur la chaîne publique Kann que si Sharvit était un « excellent » commandant, sa nomination « soulève de nombreuses questions ».

« Je connais Sharvit. C’était un excellent commandant de marine », a déclaré Liberman « [Cependant], il n’a aucune formation en matière de renseignement ni aucune connaissance pertinente, donc les considérations qui ont conduit à sa nomination soulèvent de nombreuses questions. »

Dans une nouvelle prise de parole avant la réunion hebdomadaire de sa faction, à la Knesset, il a estimé que « la série de manipulations » autour du scandale du Qatargate et du remplacement du chef du Shin Bet, Ronen Bar, « est destinée à cacher les véritables priorités de l’État d’Israël. »

Qualifiant les derniers développement du scandale de « tremblement de terre médiatique d’une intensité de 9 sur l’échelle de Richter », Liberman a déclaré que les pirouettes de Netanyahu avaient vocation à détourner l’attention des Israéliens de trois grandes priorités nationales : la libération des otages, la création d’une commission d’enquête d’État sur le 7 octobre et enfin l’adoption d’une loi universelle sur la conscription.

« Nous ne devons pas oublier quelles sont les priorités », a dit Liberman. « Ces trois questions sont essentielles à la sécurité de l’État comme à notre résilience civile. Et malheureusement, elles sont évincées de l’attention publique. Je demande à mes amis de l’opposition de ne pas oublier quelles sont les bonnes priorités. La Knesset va suspendre ses travaux, mais ces trois questions demeurent d’actualité – sans solution ni réponse. J’espère aussi que les membres de la coalition reviendront à la raison et comprendront qu’au-delà des effets de manche et des gros titres, il y a une réalité complexe. »

Le chef du parti Les démocrates, Yaïr Golan, a fait valoir que Sharvit devra prouver qu’il est loyal envers la loi et l’État, et non envers Netanyahu.

« Sharvit est un homme digne et honnête. Sa nomination à la tête du Shin Bet sera soumise à l’approbation de la Haute Cour de justice », a écrit Golan sur X.

Le chef du parti Les Démocrates, Yaïr Golan, s’adressant aux médias devant la Knesset, le 24 mars 2025. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

« Cependant, sa nomination par un Premier ministre qui a lancé une attaque contre l’État de droit et l’Israël démocratique lui pose un énorme défi », a-t-il ajouté.

« Nous ne sommes pas dans une période normale, et ce n’est pas une nomination normale. Chaque chef du Shin Bet est confronté à des pressions, mais ils n’ont jamais été obligés de faire face à un Premier ministre déterminé à démanteler les institutions démocratiques pour échapper à la menace d’être traduit en justice. »

« Le peuple attend [du chef du Shin Bet] qu’il soit totalement indépendant, qu’il continue d’enquêter sur l’argent qatari, y compris sur l’implication du Premier ministre lui-même, et qu’il se range fermement du côté de la démocratie, de la loi et de la vérité », a écrit Golan, faisant référence à l’enquête en cours du Shin Bet sur les liens présumés entre les principaux collaborateurs de Netanyahu et le Qatar, qui soutient le groupe terroriste palestinien du Hamas.

« C’est une tâche difficile, presque impossible, mais c’est son devoir. Il devra prouver que sa loyauté va uniquement à la loi et à l’État, et non à celui qui l’a nommé », a conclu Golan.

Selon certaines sources, Netanyahu serait en train de reconsidérer cette nomination, et il est de plus en plus improbable que Sharvit finisse par remplacer l’actuel chef du Shin Bet, Ronen Bar.

Netanyahu a semblé prêt à revenir sur son choix de nommer Sharvit à la tête du Shin Bet lundi après-midi, quelques heures après que l’annonce surprise a suscité les railleries des alliés du Premier ministre et les accusations de chicaneries politiques de ses ennemis.

Une source proche de Netanyahu avait précédemment déclaré au Times of Israel que le Premier ministre était susceptible d’annuler la nomination de Sharvit, sans toutefois en préciser la raison.

Netanyahu n’avait pas encore pris de décision finale sur la question, avait ajouté la source. Le bureau du Premier ministre a refusé de réagir.