Malgré le gel du limogeage de Bar par la Cour suprême, Netanyahu choisit le nouveau chef du Shin Bet
Le Premier ministre a nommé un ex-commandant de la Marine à la tête de l'agence de sécurité ; il aurait protesté contre la réforme judiciaire et ne parle pas l'arabe

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a choisi l’ex-commandant de la marine Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet, indiqué lundi son bureau, malgré le gel par la Cour suprême de la demande du gouvernement de destituer le directeur en exercice de l’agence de sécurité intérieure.
« Après avoir mené des entretiens approfondis avec sept candidats qualifiés, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a décidé de nommer l’ancien commandant de la marine, l’amiral réserviste Eli Sharvit, au poste de prochain directeur du Shin Bet », indique le bureau de Netanyahu dans un communiqué.
« L’amiral Sharvit a servi pendant 36 ans dans l’armée israélienne, dont 5 ans en tant que commandant de la marine. A ce poste, il a dirigé le développement de la force de défense maritime (…) et géré des systèmes opérationnels complexes contre le (groupe terroriste islamiste palestinien) Hamas, le (groupe terroriste islamiste libanais) Hezbollah et l’Iran », ajoute le communiqué.
Sharvit a commencé son service dans la marine en 1985, au rang d’officier. Au fil des ans, il a commandé plusieurs bateaux lance-missiles et a occupé d’autres rôles importants.
En 2006, Sharvit était commandant adjoint de la flotte de bateaux lance-missiles de la marine et, au cours de la deuxième guerre du Liban cette année-là, il a commandé l’un de ses escadrons.
Entre 2007 et 2009, il a été chef de département à la direction des opérations de l’armée israélienne, le seul poste qu’il ait occupé en dehors de la marine.
Sharvit a ensuite repris le commandement de la flotte de navires lance-missiles jusqu’en 2011. Il a ensuite été nommé commandant de la base navale de Haïfa, où il a servi jusqu’en 2014.

Entre 2014 et 2016, il a occupé le poste de chef d’état-major de la marine, avant d’être promu au rang de vice-amiral et de devenir commandant de la marine.
Sharvit a commandé la marine jusqu’en 2021, y compris pendant le conflit de mai 2021 avec le Hamas.
Depuis qu’il a quitté l’armée, il a occupé plusieurs postes de haut niveau dans des entreprises civiles.
Au début du mois, Sharvit a été nommé par le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir, membre d’un groupe d’anciens officiers chargés d’examiner et d’évaluer les enquêtes militaires du 7 octobre.
La candidature de Sharvit va maintenant être examinée par la commission de vérification avant que la décision ne soit transmise au cabinet.
« Le Shin Bet est une organisation qui a beaucoup de crédit à son nom », a déclaré le bureau du Premier ministre, « qui a subi un grave traumatisme le 7 octobre ».
Netanyahu, selon son bureau, « est convaincu que Sharvit est la bonne personne pour diriger le Shin Bet sur une voie qui perpétuera la glorieuse tradition de l’organisation ».
Plus tôt cette année, Sharvit, en tant que PDG d’Elgry Eco Energy, a rédigé un éditorial fustigeant le président américain Donald Trump pour ses politiques climatiques et sa promotion des combustibles fossiles. « Le manque de vision de Trump envoie un message choquant au monde entier sur le mépris de la réalité scientifique, le bien-être de l’humanité et la responsabilité envers les générations futures », a-t-il écrit.
Par ailleurs, il aurait auparavant participé à des manifestations contre les projets de refonte du système judiciaire du gouvernement.
Selon un reportage de Ynet en mars 2023, Sharvit a participé à une manifestation à la rue Kaplan à Tel Aviv, aux côtés d’autres anciens officiers militaires. Il n’a pas lancé d’appel au refus de se présenter au travail, comme l’ont fait d’autres réservistes, mais s’est seulement dit préoccupé par la législation prévue, selon le reportage.
Sharvit ne parlerait pas non plus l’arabe et n’aurait jamais été impliqué dans les affaires palestiniennes mais il ne serait pas le premier chef du Shin Bet à venir de l’extérieur de l’organisation et à ne pas être familier avec son fonctionnement, l’arabe et les affaires palestiniennes. En 1996, Ami Ayalon, également ancien commandant de la marine, a été nommé à la tête du Shin Bet à la suite de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin.
Le gouvernement dirigé par M. Netanyahu a décidé de limoger le chef du Shin Bet, Ronen Bar, évoquant « une perte de confiance professionnelle et personnelle persistante entre le Premier ministre et le directeur du service » qui empêche « le gouvernement et le Premier ministre d’exercer efficacement leurs pouvoirs ».

Mais à la suite de recours déposés par l’opposition israélienne et une ONG, la Cour suprême a suspendu le 21 mars le limogeage de M. Bar par le gouvernement, jusqu’à l’examen des recours d’ici le 8 avril.
La procureure générale du pays, Gali Baharav-Miara, qui joue aussi le rôle de conseillère juridique du gouvernement, a averti M. Netanyahu que la décision de la Cour suprême lui « interdisait » temporairement de nommer un nouveau chef du Shin Bet.
Mais M. Netanyahu a insisté sur le fait qu’il appartenait à son gouvernement de décider qui dirigerait l’agence de sécurité intérieure.
La décision de limoger le chef du Shin Bet a provoqué d’importantes manifestations en Israël.
Une partie des Israéliens dénoncent ce qu’ils considèrent comme une dérive autocratique du Premier ministre, à la tête d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël.
Les chefs de l’opposition ont réagi à la nomination d’Eli Sharvit au poste de prochain chef du Shin Bet, en déclarant que si l’ancien chef de la marine était un excellent commandant, il devra prouver qu’il est loyal envers la loi et l’État plutôt qu’envers le Premier ministre.
Le dirigeant du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a déclaré que Sharvit avait « des valeurs et de l’expérience », mais qu’il ne devrait pas être nommé à la tête du Shin Bet tant que la Haute Cour n’aura pas statué sur le licenciement par Netanyahu de Bar.

« Sharvit est un excellent homme et commandant, avec des valeurs et de l’expérience. Un homme indépendant qui a toujours été guidé par les intérêts de la sécurité d’Israël, et je ne doute pas que cela continuera à être le cas à l’avenir », a indiqué Gantz dans un communiqué.
« Cependant, ce qui est clair, c’est que le Premier ministre a décidé ce matin de poursuivre sa campagne contre le système judiciaire et de conduire l’État d’Israël vers une dangereuse crise constitutionnelle. La nomination du chef du Shin Bet ne doit être effectuée qu’après une décision de la Haute Cour », a précisé Gantz.
Le président du parti Israël Beytenu, Avigdor Liberman, a déclaré à la chaîne publique Kan que si Sharvit était un « excellent » commandant, sa nomination « soulève de nombreuses questions ».
« Je connais Sharvit, c’était un excellent commandant de marine », a déclaré Liberman. « [Cependant] il n’a aucune formation en matière de renseignement, aucune connaissance pertinente, donc les considérations qui ont conduit à sa nomination soulèvent de nombreuses questions ».
Le chef du parti Les démocrates, Yair Golan, a fait valoir que Sharvit devra prouver qu’il est loyal envers la loi et l’État, et non envers Netanyahu.

« Sharvit est un homme digne et honnête. Sa nomination à la tête du Shin Bet sera soumise à l’approbation de la Haute Cour de justice », a écrit Golan sur X.
« Cependant, sa nomination par un Premier ministre qui a lancé une attaque contre l’État de droit et l’Israël démocratique lui pose un énorme défi », écrit Golan.
« Nous ne sommes pas dans une période normale, et ce n’est pas une nomination normale. Chaque chef du Shin Bet est confronté à des pressions, mais ils n’ont jamais été obligés de faire face à un Premier ministre déterminé à démanteler les institutions démocratiques pour échapper à la menace de la justice », a déclaré Golan.
« Le public attend [du chef du Shin Bet] qu’il soit totalement indépendant, qu’il continue d’enquêter sur l’argent qatari, y compris sur l’implication du Premier ministre lui-même, et qu’il se range fermement du côté de la démocratie, de la loi et de la vérité », a écrit Golan, faisant référence à l’enquête en cours du Shin Bet sur les liens présumés entre les principaux collaborateurs de Netanyahu et le Qatar, qui soutient le Hamas.
« C’est une tâche difficile, presque impossible, mais c’est son devoir. Il devra prouver que sa loyauté va uniquement à la loi et à l’État, et non à celui qui l’a nommé », a conclu Golan.