Alors que les Juifs vivent encore dans le 7 octobre, des anthologies permettent de nourrir davantage la pensée
Des recueils féminins examinent la vie juive aux États-Unis et l'antisémitisme, ils apportent du réconfort et de l'espoir par leurs prières et leurs poèmes, ou ils racontent l'histoire de femmes juives héroïques

Zibby Owens, autrice et éditrice, raconte qu’au mois de juin dernier, elle s’est retrouvée en pleine réflexion sur les difficultés traversées, au cours des mois précédents, par la communauté juive américaine.
L’amour et l’intérêt que porte Owens aux livres ne date pas d’hier – son grand-père par alliance était propriétaire d’une petite imprimerie et elle-même dit écrire depuis un très jeune âge. Elle se souvient qu’au moment où l’été faisait son retour, elle a ressenti le besoin de trouver les mots les plus aptes à capturer ce qu’elle et les autres Juifs ont pu ressentir dans le sillage du pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.
Le résultat est un recueil d’essais intitulé « On Being Jewish Now », un recueil qui a été édité par sa maison d’édition, Zibby Books, au mois d’octobre – et qui tente de définir ce que signifie être Juif américain aujourd’hui et comment la vie juive a changé depuis le massacre qui avait été commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre.
« Je ressentais une telle frustration », explique Owens qui habite à New York City et qui dit avoir dû faire face à l’antisémitisme et à la haine anti-sioniste depuis des mois, en particulier dans le monde de l’édition et de la littérature. « Ce livre, ce n’est que le début – c’est pour s’affranchir du choc de l’année dernière, pour commencer à passer à l’acte, pour commencer à nous rassembler et à nous mobiliser ».
« On Being Jewish Now » est une anthologie parmi plusieurs autres à avoir été récemment publiées. Le livre rassemble de nombreuses voix qui examinent l’assaut sans précédent qui avait été lancé à l’encontre d’Israël et les suites du massacre – offrant prières, essais pensifs et un message largement positif.
Ce sont soixante-dix sept auteurs qui ont pris la plume pour apporter leur contribution à « On Being Jewish Now »- ils ont eu quatre semaines pour écrire. Le livre a été publié sous forme numérique et audio (ce sont les contributeurs qui prêtent leur voix à la narration) au mois d’octobre. Un livre de poche est sorti au mois de novembre.

« Nous avons fini avec un groupe de contributeurs extrêmement divers, notamment avec la présence d’un Afro-américain juif, de quelqu’un qui est secrètement juif, d’un auteur lié aux Juifs, avec une vaste gamme de points de vue – et le recueil a fini par devenir un livre qui témoigne de toutes les différences qu’il peut y avoir entre les Juifs », s’exclame Owens. « J’ai été surprise parce que j’ai beaucoup pleuré en lisant ces contributions, même celles qui était drôles. Mais c’est l’année aussi qui a voulu ça ».
Toutes les recettes du recueil, qui a été édité par Owens, seront versées à l’organisation à but non-lucratif qui a été fondée par cette dernière et par 32 autres autrices dans le sillage du pogrom commis par le Hamas, Artists Against Antisemitism. Le groupe s’est donné pour mission de sensibiliser à la problématique de la haine antijuive et d’aider à combattre ce phénomène.
Owens, qui est la fille du milliardaire Stephen Schwarzman, qui est à la tête du fonds d’investissement Blackstone, possède également une librairie à Santa Monica, en Californie, où elle présente essentiellement des auteurs indépendants.
Zibby Books sort un ouvrage par mois – habituellement de la fiction littéraire ou des mémoires, et plus rarement des anthologies. Owens connaît bien le genre, malgré tout, après avoir connu le succès avec la publication, en 2021, de l’ouvrage « Moms Don’t Have Time To », un recueil d’essais sur la parentalité et sur d’autres sujets qui avait été publié pendant les confinements entraînés par la pandémie de la COVID-19.
Le recueil avait rapidement eu une suite et « On Being Jewish Now » continue également à faire des vagues après sa publication. Owens fait paraître chaque semaine plusieurs œuvres en lien avec cette thématique sur sa page Substack avec des auteurs d’âge différent, qu’ils soient étudiants à l’universités ou nonagénaires.
« J’ai retrouvé de l’optimisme », dit Owens. « Les gens voulaient simplement se retrouver, être ensemble. C’est dur d’attirer l’attention mais c’est un livre dont les gens ont besoin ».
Prêcher, ma sœur
Pour certains, la prière a été un moyen de trouver du réconfort et de l’apaisement face aux tragédies et à l’angoisse qui a été ressentie au cours des 14 derniers mois.
« Az Nashir – We Will Sing Again », un livre paru au sein de la maison d’édition The Layers Press, est une anthologie de prières et de poèmes liturgiques qui ont été écrits par des femmes de foi. L’ouvrage offre une tribune d’expression artistique à des spécialistes de la Torah, à des enseignants, à des chefs spirituels, à des activistes, à des poètes, à des écrivains et à d’autres qui évoquent avec leurs mots le 7 octobre et la guerre actuellement en cours.

Le livre a été publié par Rachel Sharansky Danziger, Anne Gordon et Shira Lankin Sheps – trois amies appartenant au même groupe d’écriture qui envisageaient, au départ, de réaliser un petit ouvrage d’une quarantaine de pages ou « un petit projet », explique Gordon. Le résultat final s’avère être plus ambitieux – avec 558 pages de prières, d’illustrations et autres. Le livre a été publié au mois de septembre, de manière à coïncider avec les Grandes Fêtes juives.
« De plus en plus de gens se sont présentés avec des choses puissantes à dire en long et en large », indique Gordon. (Gordon est, par ailleurs, la rédactrice en chef adjointe en charge des blogs du Times of Israel. Sharansky Danziger et Lankin Sheps sont des contributrices aux blogs publiés sur la plateforme du Times of Israel).
L’anthologie a été réalisée en quelques mois, pendant une partie du printemps et pendant une partie de l’été. Ce sont 55 auteurs ou artistes qui ont contribué à écrire 116 prières ou à concevoir 30 œuvres d’art pour le volume, écrit en anglais et en hébreu. Le livre, disent les autrices, a été créé pour accompagner les livres de prière et non pour se substituer à eux.

Certains écrivains ont envoyé plusieurs textes, ayant plus d’un point de vue à exprimer. D’autres se sont d’abord sentis mal à l’aise à l’idée d’écrire une prière – mais ce sont ces textes qui s’avèrent finalement être parmi les plus puissants, fait remarquer Gordon.
« Il y a une grande variété de textes et tous ne parleront pas à tout le monde – mais chacun d’entre eux est émouvant à sa manière », déclare-t-elle.
« Il y a beaucoup d’interrogations, de frustration, de douleur et de colère », ajoute-t-elle. « Les gens sont en colère contre Dieu ou ils se posent des questions – il n’y a rien de très optimiste. C’est un ouvrage qui est très fidèle à l’expérience que nous avons pu vivre pendant ces douze derniers mois ».
Presque toutes les prières du livre se terminent sur une note d’espoir, fait-elle toutefois remarquer.
« C’est un cadeau de la communauté pour la communauté », conclut-elle.
Plusieurs manifestations publiques ont été organisées pour le lancement du livre – dont une avec le père de Danziger Sharansky, l’ancien refuznik et homme politique Natan Sharansky.
Les trois amies prévoient de continuer à organiser des débats autour de leur ouvrage et de se joindre à des groupes d’étude féminins. Elles veulent également mettre en place des programmes pour les jeunes femmes qui étudient dans les séminaires israéliens.
« Il y a l’essentiel dans ces prières, avec des allusions aux textes liturgiques, à la théodicée et à la philosophie – et elles soulèvent des interrogations », note Gordon. « Ce mélange de tradition et de modernité est très riche et il pourrait alimenter des réflexions ultérieures ».
En quête de chutzpah
Les ouvrages « On Being Jewish Now » et « Az Nashir » sont tous les deux fortement influencés par les points de vue féminins des rédactrices et de leurs collaboratrices – mais pour les histoires héroïques de femmes juives qui luttent contre l’adversité, il y a « Chutzpah Girls : 100 Tales of Daring Jewish Women ».
Sortie chez Koren Books au mois de novembre, cette anthologie contient cent biographies courtes et hautes en couleur de femmes juives – et fières de l’être – qui ont façonné l’Histoire et qui ont aidé à créer un monde meilleur. L’ouvrage a été aussi publié par ses co-autrices, Tami Schlossberg Pruwer et Julie Silverstein, et il est accompagnée par des portraits originaux qui ont été réalisés par des femmes artistes juives.
« Chutzpah Girls » ne parle pas du 7 octobre spécifiquement – mais le livre est fortement influencé par le pogrom et par la guerre qui a suivi dans la bande de Gaza.

« Cela a été un véritable voyage », raconte Tami Schlossberg Pruwer, qui vit à Tel Aviv.
Elle et Silverstein avaient commencé à travailler sur le livre avant le 7 octobre, mais elles ont finalement changé d’orientation pour mieux faire face à une période difficile et complexe.
« Après le 7 octobre, le livre a pris une toute autre ampleur, avec un renforcement de l’identité juive alors que nous sommes tous obligés d’expliquer des histoires impossibles aux enfants cette année », dit Schlossberg Pruwer.
Les jeunes filles et les femmes qui apparaissent dans le livre sont des héroïnes ou des militantes moins connues – qu’il s’agisse de la Première ministre israélienne Golda Meir, de l’influenceuse Noa Tishby, de la styliste Judith Leiber, de la refuznik soviétique Ida Nudel ou de Ruth Bader Ginsburg, juge iconique au sein de la Cour suprême des États-Unis.

Il y a toutefois aussi certaines héroïnes du 7 octobre – comme Rachel Edry, originaire d’Ofakim, qui avait réussi à apaiser les terroristes qui avaient envahi sa maison en leur parlant et en leur offrant des biscuits jusqu’à ce que la police puisse trouver un moyen d’entrer pour lui porter secours. Les hommes armés avaient été tués.
Les cent femmes présentées dans le livre sont toutes restées fidèles aux valeurs du judaïsme, explique Silverstein, qui vit à Jérusalem et qui est mère de cinq enfants.
Comme c’est le cas également pour une grande partie du reste du pays, la distance séparant Silverstein des différentes lignes de front ne l’a pas empêchée d’être bouleversée par la guerre. Au cours des 14 derniers mois, certains de ses enfants ont perdu leurs professeurs et certains de ses amis ont perdu des fils ou des filles.
« Nous avons tendance à nous décourager en ce moment mais nous avons eu le privilège d’écrire sur les femmes juives dans cet ouvrage », dit Silverstein. « Ces femmes sont au cœur de notre histoire et elles ont connu des moments sombres, des moments semblables à ceux que nous traversons aujourd’hui ».
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