Leiter accuse les opposants politiques de Netanyahu de « diffamation par le sang »

L’envoyé d’Israël aux États-Unis, Yechiel Leiter, a accusé jeudi « l’extrême gauche et les médias » de faire tout leur possible pour renverser le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Il a vivement critiqué les opposants du Premier ministre lors d’une interview podcast à forte connotation politique accordée à l’organisation non lucrative de droite PragerU.

Les membres du corps diplomatique sont en principe tenus à l’apolitisme. Ses remarques font donc figure d’exception parmi les politiciens et diplomates israéliens, qui s’expriment rarement en anglais pour critiquer ouvertement leurs adversaires politiques. Netanyahu s’est déjà lui-même livré à cet exercice, ce qui lui a valu d’être sévèrement critiqué dans son pays.

Leiter a ajouté que les opposants politiques du Premier ministre, qui ont accusé ce dernier de prolonger la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza pour des raisons politiques, se rendaient coupables d’une « diffamation par le sang ».

Une diffamation par le sang est une accusation de meurtre rituel, un vieux trope antisémite selon lequel les Juifs utilisent le sang d’enfants chrétiens dans des rituels.

« Il est légitime de s’opposer à un gouvernement. Je me suis déjà opposé à des gouvernements au cours de ma carrière politique, et cela n’a rien de répréhensible. Mais il ne faut pas franchir la ligne rouge, ne pas dépasser les limites. Il ne faut pas proférer des accusations mensongères à l’encontre de son propre Premier ministre », a-t-il souligné.

« Je connais le Premier ministre depuis 40 ans. C’est un homme sensible qui se soucie des gens. Prolonger une guerre ? Quelle folie ! Comment osent-ils proférer de telles insinuations ? Il veut que la guerre se termine par une victoire, car il porte le poids du peuple juif sur ses épaules. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) accueilli par l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Yechiel Leiter, à son arrivée à Washington, le 3 février 2025. (Crédit : Yechiel Leiter/X)

Selon plusieurs sondages successifs, la plupart des Israéliens sont convaincus que Netanyahu est davantage intéressé par son maintien au pouvoir que par la victoire dans la guerre ou la libération des otages. D’après le dernier sondage diffusé samedi sur la chaîne N12, 55 % de la population estime que l’objectif principal de Netanyahu est de rester à la tête du pays.

Leiter a ensuite rejeté les accusations criminelles dans le procès pour corruption en cours contre Netanyahu. « Les accusations s’effondrent comme un château de cartes », a-t-il déclaré.

« Ils ont simplement construit des châteaux de sable. L’idée était de l’épuiser jusqu’à ce qu’il craque. Mais il ne craque pas. »

L’ambassadeur a également affirmé à tort que Netanyahu était devant les tribunaux pour l’affaire dite des « sous-marins », la semaine où il planifiait une opération au Liban. Netanyahu a été interrogé par la police dans le cadre de cette affaire, et plusieurs de ses proches collaborateurs ont été inculpés pour leur implication dans cette affaire, mais le Premier ministre lui-même n’a pas été inculpé et n’est pas jugé pour ce scandale.

« Il était au tribunal la semaine où il planifiait l’opération au Liban. Pour quelle accusation ? Pourquoi avoir commandé des sous-marins à l’Allemagne et pas ailleurs ? Toutes ces accusations sont forgées de toutes pièces. Cela doit cesser », a déclaré Leiter.

Netanyahu, qui fait l’objet de trois inculpations distinctes, témoigne devant le tribunal depuis la reprise de son procès en décembre. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les affaires 1000 et 2000, et de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans l’Affaire 4000.

Interrogé sur les tensions qui auraient éclaté entre Netanyahu et le président américain Donald Trump, Leiter a répondu qu’il s’agissait de rumeurs sans fondement : « Il existe un immense respect entre ces deux hommes. »

« Nous entretenons des relations très chaleureuses et cordiales. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu arrivant dans la salle d’audience du tribunal de Tel Aviv, avant le début de son témoignage dans le procès intenté contre lui, le 7 mai 2025. (Crédit : Moti Milrod/POOL)

Selon lui, « si le président Trump était resté au pouvoir, nous aurions atteint ce stade de normalisation avec l’Arabie saoudite ».

Interrogé sur l’influence croissante du Qatar, Leiter a répondu : « Je suis beaucoup plus mal à l’aise avec le Qatar que quiconque. »

« Le Qatar soutient les incendiaires et les pompiers », a-t-il poursuivi, expliquant que si le Qatar sert de médiateur pour obtenir un cessez-le-feu et la libération des otages et fait pression sur le Hamas pour qu’il les libère, il « adhère également aux idées des Frères musulmans ».

« Ils se plient aux exigences de l’Occident parce qu’ils peuvent exercer une influence grâce à leur argent, et c’est ce qu’ils font », a déclaré Leiter, ajoutant : « Ils ont un programme, et ce n’est pas un programme pro-Occident. »

L’ambassadeur n’a pas mentionné l’enquête en cours sur Jonatan Urich, proche collaborateur de Netanyahu, et Eli Feldstein, ancien porte-parole des affaires militaires, qui font l’objet d’une enquête pour leurs activités présumées pour le compte d’un cabinet de lobbying pro-Qatar alors qu’ils travaillaient comme conseillers du Premier ministre, dans le cadre du scandale dit du « Qatargate ».

Les déclarations de Leiter lors de l’entretien accordé à PragerU ne sont pas les premières remarques peu diplomatiques qu’il ait faites depuis sa nomination au poste d’ambassadeur au début de l’année. En février, il avait accusé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi d’avoir violé l’accord de paix négocié par les États-Unis entre Jérusalem et Le Caire, de profiter du désespoir des Palestiniens qui cherchent à fuir la bande de Gaza et d’agir de manière hypocrite au profit du Hamas.

Ces sévères critiques de l’Égypte et de son dirigeant étaient tout à fait inhabituelles. En particulier depuis le début de la guerre à Gaza, alors que Jérusalem s’efforce de maintenir des relations de travail avec Le Caire, qui a joué le rôle de médiateur entre Israël et le Hamas afin d’obtenir la libération des otages israéliens enlevés par le groupe terroriste palestinien lors du pogrom du 7 octobre 2023 qui a déclenché la guerre.

Ces propos ont irrité Le Caire, qui a ensuite évoqué le sujet lors d’une réunion avec Ron Dermer, le conseiller le plus proche de Netanyahu, selon un responsable israélien et une deuxième source proche du dossier.

Le quotidien Haaretz a ensuite rapporté que l’armée enquêtait pour déterminer qui était à l’origine d’articles et de publications sur les réseaux sociaux affirmant que l’Égypte déployait des forces dans la péninsule du Sinaï, en violation de l’accord de paix avec Israël. Des hauts responsables cités dans l’article ont déclaré qu’ils n’excluaient pas la possibilité que ces informations aient été diffusées par le Qatar afin d’affaiblir la position de l’Égypte en tant que médiateur vis-à-vis des États-Unis, une accusation que le Qatar a réfutée.

Nommé ambassadeur à Washington par Netanyahu en novembre, Leiter est un militant pro-implantations et l’un des premiers habitants du quartier d’Admot Yishaï, fondé en 1984 à Hébron. Deux ans plus tard, il a fondé une organisation visant à soutenir la présence juive dans cette ville sensible de Cisjordanie, divisée entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP).

Maj. (Rés.) Moshe Yedidyah Leiter. (Crédit : Armée israélienne)

Il a également été assistant de Netanyahu lorsque ce dernier était ministre des Finances et s’est présenté sans succès aux élections législatives de 2009 en tant que membre du Likud, le parti du Premier ministre.

Le fils de Leiter, le major (Rés.) Moshe Yedidyah Leiter, a été tué en combattant le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le nord de la bande de Gaza le 10 novembre 2023.