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Nobel de la paix: Mohammadi fustige le « régime religieux tyrannique et misogyne » en Iran

Les enfants de la militante iranienne, exilés en France depuis 2015, ont lu en français le discours qu'elle a réussi à transmettre depuis sa cellule

La militante iranienne Narges Mohammadi, sur une photo non datée et non localisée, distribuée par la "Fondation Narges Mohammadi" le 2 octobre 2023. (Crédit : Fondation Narges Mohammadi/AFP)
La militante iranienne Narges Mohammadi, sur une photo non datée et non localisée, distribuée par la "Fondation Narges Mohammadi" le 2 octobre 2023. (Crédit : Fondation Narges Mohammadi/AFP)

Emprisonnée dans son pays, la militante iranienne Narges Mohammadi a, par la voix de ses enfants, fustigé le « régime religieux tyrannique et misogyne » en Iran dimanche à Oslo lors de la remise de son prix Nobel de la paix.

« Le peuple iranien, avec persévérance, viendra à bout de la répression et de l’autoritarisme », a assuré la militante de 51 ans. « N’en doutez pas, cela est certain ».

Farouche adversaire du port obligatoire du hijab pour les femmes et de la peine de mort en Iran, Mme Mohammadi est détenue depuis 2021 dans la prison d’Evin de Téhéran et n’a pu recevoir la prestigieuse récompense en personne.

Lors de la cérémonie à l’Hôtel de ville d’Oslo, ce sont donc ses deux jumeaux de 17 ans, Ali et Kiana, exilés en France depuis 2015, qui, tout de noir vêtus, ont lu en français le discours qu’elle a réussi à transmettre depuis sa cellule.

« Je suis une femme du Moyen-Orient, issue d’une région qui, bien qu’héritière d’une riche civilisation, est actuellement prise au piège de la guerre et la proie des flammes du terrorisme et de l’extrémisme », a-t-elle dit, dans ce message écrit « derrière les hauts murs froids d’une prison ».

« Je suis une femme iranienne qui est fière et honorée de contribuer à cette civilisation, elle qui est aujourd’hui victime de l’oppression d’un régime religieux tyrannique et misogyne », a-t-elle ajouté, en exhortant la communauté internationale à en faire plus pour les droits humains.

Fauteuil vide

En son absence, un fauteuil est resté symboliquement vide, surmonté de son portrait.

Maintes fois arrêtée et condamnée ces dernières décennies, Mme Mohammadi est un des principaux visages du soulèvement « Femme, Vie, Liberté » en Iran.

Le mouvement, qui a vu des femmes tomber le voile, se couper les cheveux et manifester dans la rue, a été déclenché par la mort l’an dernier d’une jeune Kurde iranienne de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation à Téhéran pour non-respect du strict code vestimentaire islamique.

Des Iraniens protestent contre la mort en septembre de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran, le 27 octobre 2022. (Photo prise par une personne non employée par l’Associated Press et obtenue par l’AP hors d’Iran, Middle East Images/AP)

« Le hijab obligatoire imposé par le gouvernement n’est ni une obligation religieuse ni un modèle culturel, mais plutôt un moyen de contrôle et de soumission de toute la société », a répété Mme Mohammadi dimanche, qualifiant de « honte gouvernementale » l’obligation faite aux Iraniennes de le porter.

Dans le discours lu devant la famille royale norvégienne, la militante a dépeint une République islamique « essentiellement étrangère à son +peuple+ », dénonçant notamment la répression, la mise au pas du système judiciaire, la propagande et la censure, le népotisme et la corruption.

De la trempe de Mandela

Alors qu’elle était célébrée en grande pompe à Oslo, la lauréate devait, elle, observer une grève de la faim derrière les barreaux en solidarité avec la communauté Bahaïe, plus importante minorité religieuse en Iran, qui se dit victime de discriminations dans de nombreux pans de la société.

Dans l’histoire plus que centenaire du Nobel, Mme Mohammadi est la cinquième lauréate à recevoir le prix de la paix alors qu’elle est en détention après l’Allemand Carl von Ossietzky, la Birmane Aung San Suu Kyi, le Chinois Liu Xiaobo et le Bélarusse Ales Beliatski.

« La lutte de Narges Mohammadi peut être comparée (…) à celle d’Albert Lutuli, Desmond Tutu et Nelson Mandela », a dit la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, citant des grands noms de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, qui ont tous aussi reçu un Nobel.

« Les femmes en Iran luttent contre la ségrégation depuis plus de 30 ans. Leur rêve d’un avenir plus lumineux finira par devenir réalité », a-t-elle affirmé.

Séparés de leur mère depuis plus de huit ans, les jumeaux de Narges Mohammadi disent ignorer s’ils la reverront un jour en vie.

Les jumeaux de Narges Mohammadi, militante iranienne des droits de l’homme et lauréate du prix Nobel de la paix 2023, Ali (G) et Kiana (17), lors d’une interview dans son appartement à Paris, le 5 décembre 2023. (Crédit : Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

« Personnellement, je suis assez pessimiste », a confié sa fille Kiana samedi, tandis que son frère Ali se disait au contraire « très, très optimiste ».

La contestation en Iran a été sévèrement réprimée. Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), 551 manifestants, y compris des dizaines de femmes et d’enfants, ont été tués par les forces de sécurité, et des milliers d’autres arrêtés.

Selon leur avocate en France, la famille de Mahsa Amini a été empêchée de quitter le territoire iranien pour recevoir, dimanche lors d’une cérémonie parallèle en France, le prix Sakharov décerné à la jeune femme à titre posthume.

Les Nobel dans les autres disciplines (littérature, chimie, médecine, physique, économie) ont également été remis dans la journée à Stockholm en présence du roi de Suède.

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