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A Strasbourg, un cursus pour des imams « ancrés » dans la République

L'attente est double : celle "de la communauté musulmane" française qui souhaite "des imams et des cadres religieux formés"; mais aussi l'attente "nationale", avec la fin programmée des imams détachés, venus de l'étranger

La grande mosquée de Strasbourg construite par l’architecte italien Paolo Portoghesi, inaugurée le 27 septembre 2012 (Crédit : Claude Truong-Ngoc/CC BY-SA 3.0)
La grande mosquée de Strasbourg construite par l’architecte italien Paolo Portoghesi, inaugurée le 27 septembre 2012 (Crédit : Claude Truong-Ngoc/CC BY-SA 3.0)

« Elaborer un discours religieux en phase avec les réalités de notre société » : à Strasbourg, un cursus ambitionne de former des imams à un islam modéré, alors que se profile l’an prochain la fin des imams « détachés ».

Sur le grand écran tactile, Kalilou Sylla écrit avec son stylet en arabe et en phonétique les concepts-clés de son cours sur les ablutions. « N’oubliez pas de compléter votre glossaire avec les mots en arabe », rappelle le jeune imam (27 ans) de la Grande Mosquée de Strasbourg (GMS) à la vingtaine d’élèves.

Studieux, ces derniers, garçons et filles pour la plupart âgés d’une vingtaine d’années, notent méticuleusement, qui sur leur ordinateur portable, qui sur un cahier. Des livres passent de mains en mains : le « Précis des sciences du Hadith », « La non-conformité aux quatre écoles juridiques »…

Depuis début octobre, une cinquantaine de personnes, principalement des jeunes étudiants ou salariés originaire de la métropole strasbourgeoise, se retrouvent chaque samedi dans le bâtiment qui abritait dans le centre de Strasbourg une ancienne salle de prière pour y suivre les enseignements – des sciences religieuses à l’arabe, beaucoup n’étant pas arabophones – du tout nouveau Institut Islamica.

« Principalement » des jeunes « qui ont la volonté de maîtriser leur religion et de (la) pratiquer de manière éclairée », explique entre deux cours Kalilou Sylla.

Porté par la GMS et l’Union des Mosquées de France (UMF), Islamica est un institut privé et ne délivre pas encore de diplôme. Mais dès l’an prochain, un cursus de formation d’imams sur trois ans va démarrer, dans un contexte de besoin croissant d’imams en France.

Dans le cadre de la loi sur le séparatisme, 2024 sonnera en effet la fin des imams « détachés » en France, alors que le pays ne compte actuellement que « sept ou huit » instituts de formation, indique Saïd Aalla.

Islamica « est né d’un besoin réel », insiste le président de la Grande Mosquée de Strasbourg. L’attente est double : celle « de la communauté musulmane » française qui souhaite « des imams et des cadres religieux formés »; mais aussi l’attente « nationale », avec la fin programmée des imams détachés, venus de l’étranger. Islamica a pour vocation d’accompagner « cet effort » de formation, insiste M. Aalla.

L’institut strasbourgeois s’inscrit dans la tradition sunnite malikite, dite « de l’islam du juste milieu », majoritaire en France, précise-t-il.

« Née en Andalousie », elle a « déjà un ancrage européen » et « c’est la seule aujourd’hui qui prend les us et coutumes » des sociétés « en considération », relève Saïd Aalla. Selon lui, c’est « la plus adaptée à s’enraciner dans un contexte laïque » car elle favorise « une religiosité apaisée qui ne rentre pas en contradiction (…) avec les valeurs de la République mais au contraire s’y insère et s’y adapte facilement ».

La première promotion d’Islamica regroupe « des personnes qui n’ont pas forcément toutes vocation (…) à devenir cadres religieux ou religieuses », analyse Kalilou Sylla.

« Ancrage » républicain

Mais l’objectif, c’est bien d’aller l’an prochain « vers un cursus à temps plein toute la semaine » pour « former des cadres religieux et religieuses » capable « d’officier dans les mosquées de la meilleure manière possible ».

« J’ai commencé en prenant des cours à la mosquée comme à peu près tout le monde ici », dit Asmaa, 16 ans. A Islamica, « j’ai voulu approfondir (…) pour des raisons personnelles » et, « pourquoi pas, enseigner à mon tour » en tant que mourchidate (prédicatrice) par la suite, poursuit la lycéenne qui entend poursuivre ses études pour « avoir un autre métier à côté ».

Jawad, 20 ans, ne se voit « pas forcément imam » mais dit vouloir diffuser une « bonne façon de montrer l’islam » face aux « préjugés ». L’étudiant en troisième année de pharmacie loue la qualité de l’enseignement à Islamica, loin des réseaux sociaux où prospèrent des prédicateurs autoproclamés qui « n’ont pas forcément étudié, voire pratiquement jamais » les textes islamiques.

Les réseaux, Kalilou Sylla y est justement présent : « C’est une nécessité » afin de « contrebalancer » les propos de certains « qui prennent la parole sur le plan religieux sans être spécialisés dans ce domaine-là », tranche l’imam.

Il est nécessaire d’avoir des « imams bien formés religieusement mais qui ont aussi un ancrage dans les valeurs de la République », résume Saïd Aalla.

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