Face à la COVID-19, les Juifs d’Inde se protègent – et aident leurs voisins
Les groupes juifs acheminent les aides venant des organisations internationales juives et tentent de gérer les demandes d'assistance croissantes de la communauté
JTA — Nissim Pingle, chef du centre communautaire juif de Bombay, n’a pas quitté son habitation depuis le mois de mars dernier.
C’est à ce moment-là que la COVID-19 a commencé à ravager l’Inde. Cette seconde vague d’infections a submergé le système de soins et entraîne actuellement un bilan quotidien d’au-moins 4 000 morts. Un bilan presque sans pareil dans le monde jusqu’à maintenant – avec un nombre d’individus qui succomberait à la maladie en l’absence d’un accès à l’oxygène ou aux lits d’hôpitaux.
Les 7 000 Juifs approximativement qui vivent en Inde, dont la majorité résident à Bombay, appartiennent généralement à une minorité privilégiée qui a les moyens de se mettre à l’isolement. Mais même au sein de la communauté, l’anxiété face à la fureur de l’épidémie est croissante au sein des foyers multigénérationnels, très courants en Inde.
Les parents de Pingle vivent chez lui, aux côtés de son épouse et de leurs deux jeunes fils. Le nombre de cas de coronavirus s’élevant autour de lui, il a fermé hermétiquement le domicile familial – devenu un rempart contre la pandémie et ses malheurs.
« Ce sont les jeunes, dans les familles, qui contractent le coronavirus, parfois sans afficher de symptômes, et qui le transmettent aux plus âgés, qui sont aussi les plus vulnérables dans les foyers », explique-t-il.
Aujourd’hui, Pingle – qui est âgé de 41 ans – tente de transformer le centre communautaire juif qu’il dirige, et qui accueille habituellement des événements communautaires, en base d’opérations au service de l’initiative d’assistance lancée par le JDC (American Jewish Joint Distribution Committee) en direction de l’Inde. Le JDC, qui intervient lors des catastrophes naturelles dans le monde entier et qui finance par ailleurs le centre communautaire, a fait livrer aux hôpitaux indiens trois respirateurs – chacun coûtant environ 10 000 dollars – depuis Israël, explique Pingle.
Ces livraisons entrent dans le cadre d’un effort global, mené par les Juifs d’Inde et d’ailleurs, visant à combattre ce qui semble être une crise humanitaire aux proportions sans précédent. Les Indiens, en majorité, vivent avec moins de 3,10 dollars par jour, selon les chiffres de la Banque mondiale, en l’absence de conditions d’hygiène de base dans certains endroits. L’Inde se distingue également par la prévalence des foyers multigénérationnels et par un confinement qui empêche de nombreux citoyens de s’assurer un gagne-pain – ce qui implique que de nombreux Indiens se trouvent dans une situation de profond besoin, même si eux et leurs familles parviennent à survivre à la COVID-19.
« Nous sommes avant tout des Indiens », déclare Yael Jirhad, consultante à Bombay. « La situation nous brise le cœur. »
Le mari de Jirhad, Ralphy, participe à une initiative mise en place par le Rotary Club. Les membres amènent ainsi de la nourriture et d’autres produits essentiels aux résidents les plus pauvres de la ville.
La Maison ‘Habad de Bombay, dirigée par le rabbin Israel Kozlovsky et son épouse, Chaya, collecte des fonds auprès des donateurs du monde entier qui, dans le passé, avaient financé les structures de la communauté juive dans la ville, dans le but de fournir de quoi manger et d’autres produits indispensables aux non-Juifs qui vivent là-bas et dans les villages avoisinants, où les familles dépendent très largement des salaires gagnés à la ville – mais qui ne sont plus versés depuis que le pays est immobilisé par le confinement.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a commencé à déployer des milliers de générateurs d’oxygène à l’Inde, entre autres équipements médicaux. Et IsraAID, une organisation à but non-lucratif israélienne, aide aussi les zones les plus touchées, avec le soutien de l’AJC (American Jewish Committee).
Jeudi, l’UJA Federation-New York, la plus importante fédération juive aux États-Unis, a annoncé qu’elle ferait parvenir 200 000 dollars d’aides à l’Inde.
Ces contributions représentent une goutte d’eau dans un océan de besoins : l’Inde connaît de nouveaux records en termes de nombre de nouveaux cas et de décès quotidiens, tandis que la campagne de vaccination a, de son côté, ralenti. Il est impossible de manquer, dans les médias du monde entier, les images lugubres des crémations de masse. Les États-Unis ont interdit les voyages depuis le pays.
Si la communauté juive est moins impactée que de nombreuses autres, il y a néanmoins des signes des répercussions de la crise de la COVID-19 sur les Juifs indiens.
Le nombre de personnes issues de la communauté juive ayant demandé le soutien financier et matériel de la JDC a augmenté d’environ 35 % en 2019, selon un responsable de l’organisation américaine. Environ 160 membres de la communauté bénéficient actuellement d’une assistance.
La Maison ‘Habad reçoit également des demandes croissantes de la part des Juifs, dit Kozlovsky.
Pour de nombreux Juifs indiens, les effets de la crise sont avant tout psychologiques.
La vie communautaire, à Bombay, s’est arrêtée depuis le mois de mars. Il y a normalement sept synagogues actives et trois écoles juives dans la ville, même si deux parmi ces dernières comptent un plus grand nombre d’élèves non-Juifs qu’appartenant à la communauté. Il y a également une maison de retraite, le centre communautaire Evelyn Peters de Pingle et plusieurs cimetières juifs.
Le couple Jirhad, dont les deux fils vivent à l’étranger, sont les seuls résidents de leur habitation à Bombay, où le foyer moyen compte cinq personnes. Vivre loin de leurs enfants et de leurs autres parents est par moment difficile, estime Yael, en particulier dans une société où la famille a une telle importance.
Mais cela a permis au couple, pendant la pandémie, de se porter volontaire là où l’aide est nécessaire, sans craindre que le virus n’infecte les autres membres de la cellule familiale.
La famille de Herzel Simon, membre de la congrégation de la synagogue affiliée au mouvement ‘Habad à Bombay, a fait particulièrement attention à ne pas contracter le virus, vivant avec le père de Herzel qui a été opéré au mois de janvier – ce qui le rend particulièrement vulnérable aux complications entraînées par la maladie.
Mais Simon, 46 ans, a toutefois attrapé le variant local du virus qui, selon les scientifiques, est spécialement contagieux. Il n’a affiché aucun symptôme, et l’infection n’a été découverte qu’après un test sanguin qui avait révélé la présence d’anticorps. Son père n’a pas montré de symptômes mais Simon précise que cette expérience l’a beaucoup inquiété.
Rester à la maison – même en ayant conscience de la crise dévastatrice qui s’abat autour de chez eux – a eu des bons côtés pour Pingle et sa famille. Son fils aîné, Aviv, 12 ans, a davantage de temps pour étudier avant sa bar mitzvah, aux côtés de son grand-père âgé de 73 ans, Shaul, qui, pendant de nombreuses années, a été chantre dans la synagogue locale.
« Comme la majorité des Juifs indiens, nous sommes assurément mieux protégés que la population indienne en général. Mais pour mes parents, l’isolement a été difficile parce qu’ils ne sont vraiment pas beaucoup sortis de la maison », s’exclame Pingle.
« Et pourtant, nous sommes devenus plus proches que jamais cela n’a été le cas. Et si nous avons envie d’aller à la synagogue, que nous en avons besoin, nous pouvons toujours nous rendre dans la chambre de mon père. Il possède tellement de livres que cela ressemble à une synagogue », explique-t-il.
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