Refonte judiciaire : d’importantes personnalités appellent à un compromis
Un groupe d'ex-conseillers, dont un proche de Netanyahu, Yossi Cohen, ont mis en garde contre les divisions sociales et politiques qui "mettent en danger la résilience nationale"

Un groupe d’anciens conseillers à la sécurité nationale, dont plusieurs ont été nommés par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont exhorté samedi les parties opposées au projet du gouvernement de transformer radicalement le système judiciaire à se rencontrer pour tenter de trouver un compromis.
Dans une lettre envoyée au président de la Knesset, Amir Ohana, les anciens conseillers, dont l’ancien chef de l’agence de renseignement du Mossad et proche allié de Netanyahu, Yossi Cohen, ont averti que l’absence d’accord pourrait compromettre la sécurité d’Israël, car « la résilience nationale de la société israélienne » a permis au pays de faire face aux menaces extérieures.
« Ces dernières semaines, la crise politique s’est transformée en une grave crise sociétale », ont-ils averti. « Ces derniers temps, la réforme judiciaire a été le point de mire. Les commentaires extrémistes qui ont été entendus montrent la profondeur du fossé au sein de la société. Les sentiments de crise et de détresse sont de plus en plus forts parce qu’il n’y a aucun effort sérieux pour parvenir à des accords, quels qu’ils soient. »
Invoquant leur expérience en matière de sécurité, les conseillers ont averti que l’intensité du « conflit social et politique actuel met en danger la résilience nationale ». Ils ont déclaré qu’il incombait donc aux dirigeants de la coalition et de l’opposition de tenir « un dialogue sérieux sans conditions préalables pour parvenir à un accord concernant les relations entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ».
« Ce n’est qu’en parvenant à un accord que la résilience nationale sera renforcée, servant de preuve qu’Israël est un pays fort et prospère », ont-ils ajouté.
La lettre a été signée par la majorité des conseillers à la sécurité nationale depuis la création du poste en 1999 (pendant le premier mandat de Netanyahu en tant que Premier ministre). Parmi eux figurent plusieurs personnes nommées par Netanyahu, dont Uzi Arad, Yaakov Amidror, Yaakov Nagel et Yossi Cohen. Cohen serait considéré par le Premier ministre comme un potentiel successeur politique.
Tout en appelant au dialogue, les conseillers à la sécurité nationale n’ont pas pris position sur le projet de réforme lui-même, ni demandé explicitement que son avancement soit ralenti.

Samedi également, plus de 500 diplômés du prestigieux programme Talpiot de l’armée ont signé une lettre appelant le gouvernement à cesser immédiatement de légiférer sur les changements proposés.
« Les changements législatifs proposés en ce moment vont nuire aux citoyens, au pays et à la sécurité », ont-ils écrit.
Talpiot est un programme de formation d’élite de l’armée israélienne destiné aux soldats qui ont fait preuve d’excellence académique dans le domaine des sciences. Les soldats poursuivent des études en physique, en mathématiques ou en informatique tout en servant au sein de Tsahal.
En outre, un groupe de 18 anciens juges de la Cour suprême ont publié samedi une déclaration mettant en garde contre les plans de la coalition, qui, selon eux, affaibliraient la démocratie israélienne.
« Ce plan représente non seulement une grave menace pour le système judiciaire, mais aussi pour la nature du système [politique] et le mode de vie en Israël, en particulier la possibilité de protéger équitablement et efficacement les droits fondamentaux de chaque personne. Nous considérons qu’il est de notre devoir d’avertir de ce danger avant qu’il ne se réalise », ont écrit les juges dans la lettre ouverte, publiée dans le quotidien économique Calcalist.
Tout en saluant le système judiciaire israélien, les juges ont déclaré qu’ils étaient éventuellement ouverts à des changements « après un examen approprié », mais ont mis en garde contre la nature profonde des propositions du gouvernement et la manière dont elles sont avancées.
« Les changements proposés provoquent une polarisation grave et dangereuse de la société et peuvent entraîner un désastre pour Israël », ont-ils déclaré, exhortant le gouvernement à arrêter la législation et à accepter la formation d’une commission publique qui examinerait les réformes potentielles.
Les anciens juges en chef, Aharon Barak et Dorit Beinisch, figurent parmi les signataires. Le premier a donné une série d’interviews le mois dernier, au cours desquelles il s’est vigoureusement prononcé contre le bouleversement du système judiciaire proposé par le gouvernement.

Le projet de refonte du ministre de la Justice, Yariv Levin, qui est soutenu par Netanyahu, prévoit de restreindre de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales avec l’adoption d’une clause dite « dérogatoire » qui permettrait au Parlement de surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés. Ces propositions prévoient aussi de donner au gouvernement le contrôle total de la sélection des juges ; de faire disparaître la notion juridique du « caractère raisonnable » du code pénal israélien, une notion sur laquelle s’appuient les magistrats pour juger une législation ou une décision prise par la coalition et elles prévoient également que les ministres seront autorisés à nommer leurs propres conseillers juridiques au lieu de devoir faire appel à ceux qui opèrent sous les auspices du ministère de la Justice.
Les critiques affirment qu’avec d’autres lois prévues, ces réformes radicales auront un impact sur le caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tout le pouvoir à l’exécutif, en laissant les droits individuels non protégés et les minorités non défendues. Netanyahu s’est défendu contre ces critiques.
Un vote en commission sur certaines des propositions est prévu pour le lundi 13 février, avant une première lecture en plénière. Un projet de loi doit passer par trois lectures pour devenir une loi, et la coalition a indiqué qu’elle cherchait à faire passer la législation par la Knesset d’ici le mois d’avril.