Retour sur les insultes antisémites entendues samedi à Paris
La préfecture de police de Paris a signalé ces propos à la justice et la classe politique les a dénoncés sur Twitter

La vidéo diffusée par l’hebdomadaire Valeurs actuelles samedi après-midi a depuis fait le tour du web et été vue plus de 860 000 fois sur le compte Twitter du magazine.
Dans cette courte séquence, tournée place de la République où se tenait une « manifestation contre le racisme et les violences policières » et en hommage à Adama Traoré, tué après son interpellation en 2016, on peut entendre distinctement un ou plusieurs individus non identifiés crier « Sales Juifs ».
Les insultes antisémites s’adressent à des militants du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, montés sur un toit pour y placer une large banderole dénonçant le « racisme anti-blanc », rapidement déchirée par des voisins.
La manifestation a rassemblé environ 15 000 personnes.
"Sales juifs", crient des manifestants antiracistes ulcérés par une banderole de #GénérationIdentitaire pour les victimes de racisme antiblancs.
#racismenantiblancs #immigration #remigration #adamatraore #affairetraore #justicepouradama pic.twitter.com/zO4OGJeVtU
— Valeurs actuelles ن (@Valeurs) June 13, 2020
Dans la foulée, la préfecture de police de Paris a annoncé qu’elle allait signaler ces propos antisémites à la justice.
Plusieurs membres de la classe politique française les ont dénoncés sur Twitter, et le hashtag « SalesJuifs » s’est retrouvé dans les « tendances » du réseau social. Les représentants de la communauté juive de France, le grand rabbin de France et plusieurs personnalités ont également condamné les propos (une série de tweets est disponible en fin d’article).
« Il nous faut condamner les cris antisémites proférés lors de la manifestation de samedi », a écrit Haïm Korsia. « Mais cela ne suffit pas tant cette scène grotesque revêt de la bêtise et/ou de l’ignorance : s’afficher comme antisémite, donc raciste, au sein d’une manif qui se disait ‘anti-raciste’. » Il a également cité une phrase de Martin Luther King contre l’antisémitisme, « tâche sur l’âme de l’humanité ».
Francis Kalifat, président du CRIF, a dénoncé « les dérives de cette manifestation, [qui] font injure à la fois à la République mais aussi à la cause que prétendaient défendre les manifestants ».
Il a également « appelé l’ensemble des partis politiques démocratiques à dénoncer ces dérives dangereuses et demandé aux pouvoirs publics des interventions et des condamnations exemplaires ».
Moshé Kantor, président du Congrès juif européen, a également réagi dans un communiqué, indiquant que « les personnes qui prétendent marcher contre la haine et le racisme tout en scandant de violentes paroles antisémites ne sont que des hypocrites et leurs agissements vont à l’encontre de la noble cause défendue par la majorité. Ils essaient de détourner la colère et la douleur que les manifestants antiracistes ressentent légitimement ».
« Ces individus ont démontré qu’ils préféreraient saboter un rassemblement important dans le but de propager leur propre haine, montrer leurs vrais visages et faire avancer leurs priorités », a-t-il ajouté. « Ils ne sont ni contre la haine ni contre le racisme. Ils ne sont en réalité que des antisémites et les autorités doivent les considérer comme des personnes incitant à la violence. »
Il a également affirmé le soutien du peuple juif, « en tant que peuple dont l’histoire a été jalonnée d’oppressions et de discriminations », à la communauté noire.
« Malheureusement, certains utilisent ce mouvement comme une opportunité pour répandre des théories complotistes et haineuses à l’égard des Juifs, dans l’espoir de mobiliser les masses contre la communauté juive. L’heure doit être à l’unité et à la solidarité et non à la division. Quiconque essaie de diviser et d’isoler une communauté minoritaire doit être banni des rassemblements, événements et organisations antiracistes. »
Dans une tribune publiée dans L’Obs, Marc Knobel, historien et ancien membre du conseil scientifique de la Délégation Interministérielle de Lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la haine anti-LGBT, a dénoncé ces « cris isolés, qui ne reflètent pas ce qu’il en a été de l’ensemble de ce rassemblement ».
« Nous nous devons de dénoncer ces débordements inacceptables. D’abord parce que cette manifestation avait comme objectif de dénoncer le racisme et les discriminations qui mettent en danger les valeurs de la République et de réunir différentes associations et personnalités associatives ou politiques », a-t-il ajouté. « Ensuite, parce que ces slogans racistes n’ont pas provoqué la réprobation des personnes qui étaient autour, comme s’il n’y avait rien à entendre. »

Après la manifestation et la réaction des autorités françaises, le député La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a lui accusé la préfecture de police d’incitation à la haine « en colportant des ragots antisémites ».
« Méthodes indignes pour diviser, semer la haine et défigurer la marche pacifique des antiracistes », a estimé le responsable de gauche, provoquant la colère de Marc Knobel et d’internautes, qui l’ont accusé de ne pas prendre en compte la gravité des propos.
D’autres ont soutenu l’idée défendue par le député, estimant que la préfecture avait généralisé à toutes les personnes présentes les propos antisémites du ou des individus qui les ont scandés – la vidéo et les témoignages ne laissent pas penser que ces propos haineux ont été repris par la foule, à la différence de slogans tels que « Pas de justice, pas de paix », ou « Tout le monde déteste les fascistes ».
Selon Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, interrogé par Libération, les cris seraient provenus de « deux personnes minimum sûr, peut-être une troisième ».
Sur Twitter, un journaliste du Figaro présent à la manifestation a publié une autre vidéo dans laquelle pourrait se trouver une autre insulte antisémite.
???? En réécoutant mes vidéos de la manifestation #JusticePourAdama, j'ai l'impression d'entendre un sale dialogue ici :
"- À bas les juifs !
– Ouais, c'est ça gros, punis les !"Mes oreilles me jouent-elles un tour ?#SalesJuifs #Republique #GenerationAdama pic.twitter.com/fxSkoqc5P3
— Wladimir Garcin-Berson (@vladogb) June 14, 2020
Il est cependant compliqué d’établir avec certitude ce qui a été crié.
Outre ces insultes antisémites, des pancartes anti-Israël et des drapeaux palestiniens ont également pu être aperçus parmi la foule – s’éloignant ainsi clairement de l’objet initial de la manifestation.
Certains n’étaient pas venus pour manifester contre le racisme. Ils étaient venus manifester leur antisémitisme. C’est hallucinant de voir encore et toujours ces activistes prendre le chemin obsessionnel de la haine des juifs. Tout ceci est proprement effrayant ! pic.twitter.com/YVL6cXvS5l
— Licra (@_LICRA_) June 13, 2020
Une grande banderole indiquait « Israël, laboratoire des violences policières ». Une femme a pu être vue portant une pancarte sur laquelle était inscrite la phrase : « Les policiers qui ont tué George Floyd ont été formés en Israël. »
« Israël a-t-il quelque chose à voir avec la mort d’Adama Traoré ? », s’est interrogé Marc Knobel. « Comment se fait-il que des militants propalestiniens aient investi également ce rassemblement, avec drapeaux palestiniens et banderoles agressives ? Ne s’agit-il pas plutôt de criminaliser une fois de plus les Juifs en les accusant d’être des racistes, des accusations récurrentes que l’on entend, ici ou là ? »
Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré et à la tête du comité à l’origine de la manifestation, a dénoncé en fin de rassemblement les propos antisémites. « S’il y a eu des propos antisémites aujourd’hui, nous sommes tous chrétiens, juifs, musulmans, nous sommes tous Français », a-t-elle scandé.
Assa Traoré à la fin du rassemblement historique contre TOUS les racismes: "Si il y a eu des propos antisémites aujourd'hui, nous sommes tous chrétiens, juifs, musulmans, nous sommes tous français".
Les racistes n'ont aucune place dans notre combat! pic.twitter.com/WX5sjTL8Mq— La Vérité Pour Adama (@laveritepradama) June 14, 2020
Elle avait plus tôt annoncé marcher afin de « dénoncer le déni de justice, pour dénoncer la violence sociale, raciale, policière ».
« La mort de George Floyd – cet Afro-américain tué le 25 mai à Minneapolis par un policier blanc – a fait directement écho à la mort de mon frère. C’est la même chose en France, nos frères meurent », a-t-elle déclaré.
En 2017, Assa Traoré avait affiché son soutien à la libération du terroriste libanais Georges Ibrahim Abdallah, considéré comme le chef de la Fraction armée révolutionnaire libanaise en France, groupe responsable de l’assassinat de deux responsables israélien et américain des services de renseignements en poste à Paris.
La manifestation à laquelle elle participait ce samedi s’est terminé par des échauffourées entre policiers et manifestants.
Les policiers, qui bloquaient la plupart des rues donnant sur la place de la République, où plusieurs milliers de personnes s’étaient regroupées, ont chargé, faisant refluer une partie de la foule, a constaté une journaliste de l’AFP.

Les manifestants avaient prévu de marcher jusqu’à la place de l’Opéra, mais le défilé, non autorisé par la préfecture, n’a pas eu lieu, la police les ayant empêchés de quitter la place de la République.
Sur Twitter, la préfecture de police avait appelé « les manifestants à rester calmes » et leur avait demandé de « se disperser en raison des troubles à l’ordre public causés par certaines personnes ».
Dans la foule, de nombreux jeunes portaient des T-shirts noirs floqués de la demande portée depuis quatre ans par la famille Traoré : « Justice pour Adama. » Sur des pancartes, on lisait : « Au pays des droits de l’Homme, la police tue, on veut les vidéos » ou « tant que nous n’aurons pas la justice, vous n’aurez pas la paix ».
Le 2 juin, le comité Adama avait réussi à mobiliser 20 000 personnes dans la capitale française, s’imposant comme le fer de lance de la lutte contre les violences policières. Son discours s’est élargi, de la dénonciation de violences policières à celle d’un « racisme systémique », trouvant une forte résonance après la mort de George Floyd, qui a suscité une vague d’indignation planétaire.
Dans un communiqué diffusé samedi, Amnesty International a appelé à « une réforme systémique des pratiques policières » en France. « La gravité de la situation nécessite une réponse globale des autorités », a écrit cette ONG, saluant « l’abandon de la technique [d’interpellation] de l’étranglement », annoncé lundi dernier par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.

Des défilés étaient également prévus dans toutes les autres grandes villes de France, sur fond de colère contre les forces de l’ordre.
Des manifestations devaient notamment avoir lieu à Marseille, Lyon, Montpellier, Nantes, Saint-Nazaire, Bordeaux, ainsi qu’à Strasbourg dimanche.
Le racisme est « une maladie qui touche toute la société », avait déclaré mercredi en conseil des ministres Emmanuel Macron.
L'indépendance de la France pour vivre mieux exige notre unité autour de la République. Je nous vois nous diviser pour tout et parfois perdre le sens de notre Histoire. Nous unir autour du patriotisme républicain est une nécessité. pic.twitter.com/Trb6CkvlF6
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 14, 2020
Dimanche soir, tout en dénonçant à nouveau le racisme, il a rappelé son soutien aux forces de l’ordre. Il a également affirmé qu’aucune statue de personnages historiques controversés ne seraient enlevée dans le pays.
« Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations », a-t-il déclaré.
« Nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre Histoire, toutes nos mémoires, notre rapport à l’Afrique en particulier, pour bâtir un présent et un avenir possible, d’une rive l’autre de la Méditerranée avec une volonté de vérité et en aucun cas de revisiter ou de nier ce que nous sommes », a-t-il conclu.
En réponse à son discours, Marine Le Pen a estimé lundi qu’il n’y avait pas de « discriminations raciales » en France mais des « discriminations sociales ».
« Je ne crois pas qu’il y ait des discriminations raciales dans notre pays » mais « des discriminations sociales, de manière majeure », a déclaré sur RTL la présidente du Rassemblement national.
« Quand on a mis en place les CV anonymes, on s’est rendu compte que les jeunes d’origine étrangère étaient moins pris dans les entreprises que lorsque le CV n’était pas anonyme. Donc c’est faux, c’est un mensonge, parce qu’encore une fois, on est dans une démarche qui vise à créer des victimes pour pouvoir obtenir le bénéfice d’une discrimination positive », a développé la dirigeante d’extrême droite.
La présidente du RN s’est dit « d’accord avec le président » quand celui-ci a déclaré dimanche que « la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire » et « ne déboulonnera pas de statue », mais elle a estimé que le président n’était pas « capable de protéger les Français dans ce domaine ».
« En réalité ce gouvernement a accompagné ce processus de communautarisation et il continue d’ailleurs à le faire puisque les solutions qu’il propose, ce sont les statistiques ethniques », auxquelles le RN est opposé, a dénoncé Mme Le Pen.
Il nous faut condamner les cris antisémites proférés lors de la manifestation de samedi. Mais cela ne suffit pas tant…
Posted by Haïm Korsia on Monday, June 15, 2020
Les manifestants qui crient « sales juifs » et ceux à côté d’eux qui ne réagissent pas, vous vous prétendez « antiracistes » ? La cause antiraciste, vous ne la servez pas, vous vous en servez et vous la salissez.
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) June 13, 2020
« Sales juifs » c’est ce qu’on peut entendre dans les fausses manifestations anti racistes vrais rassemblements haineux d’extrême gauche
Le gouvernement laisse la violence s’exprimer et la société se radicaliser.
Stop ou encore ? https://t.co/YeNj7QCGTS
— Eric Ciotti (@ECiotti) June 13, 2020
Ils disent vouloir la justice, et insultent des milliers de policiers qui se sont engagés pour servir. Ils disent lutter contre le racisme, en hurlant "sales juifs". En soutenant cette "émotion" contre la loi, M. Castaner a clairement aidé ceux qui veulent fracturer la France.
— Fx Bellamy (@fxbellamy) June 13, 2020
Indigné par les banderoles anti sionistes et les « #salesjuifs » scandés dans la manifestation de cet après-midi à Paris qui se voulait anti raciste. Ces pseudos militants doivent être poursuivis et condamnés. Ne rien lâcher face à la montée de l’antisémitisme. https://t.co/sOYRR5zLgq
— Christian Estrosi (@cestrosi) June 13, 2020
Si la vidéo diffusée par @Valeurs est authentique et si ds slogans #antisémites ont été lancés par certains lors de la manif #JusticePourAdama à Paris, j'attends de ses organisateurs qu'ils condamnent publiquement ce dérapage, fût-il marginal. L'#antiracisme est un & indivisible.
— Esther Benbassa ???? (@EstherBenbassa) June 13, 2020
« Sales Juifs ! » scandés lors de la #GenerationAdama : pas un mot dans la plupart des médias et en particulier ceux du service public.
Pour ne pas stigmatiser ni attiser la haine.#JusticePourAdama#RacismeAntiBlancs#GenerationIdentitaire#Republique#AssaTraore#SalesJuifs— Jean MESSIHA (@JeanMessiha) June 13, 2020
Si la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux est authentique et si des slogans antisémites ont été effectivement proférés lors de la manifestation d’hier, la 1ère question est: pourquoi le silence assourdissant des organisateurs, des participants, des forces politiques présentes?
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) June 14, 2020
Bravo @AudreyPulvar le silence des organisateurs et l’absence de réactions de ceux qui ont assisté à ces cris #antisemites salissent la noble cause de l’#antiracisme. L’antisemites a déjà fait trop de victimes . Les #juifs ne seront plus jamais sacrifiés ni silencieux @Le_CRIF https://t.co/mMbj13uDJA
— Gil Taieb. (@GilTaieb) June 14, 2020
Au nom du @fsju je condamne fermement les insultes #antisémites et cris de «sales juifs» scandés lors des manifestations se voulant «antiracistes ».Je dénonce aussi l’attitude de @JLMelenchon qui est complice par déni de l’#antisemitisme. @CCastaner @FPotier_Dilcrah
— Ariel Goldmann (@GOLDMANNAriel) June 13, 2020
Ceux qui disent lutter ctre le racisme en criant «sales juifs» st les pires antisémites
La matrice des races instiguée par ces nouveaux «antiracistes» mène à la haine
Que les organisateurs de la manifestation condamnent,ou qu’ils retirent le préfixe à l’appellation d’antiraciste— UEJF (@uejf) June 13, 2020
Le @BnaiBrithFrance condamne avec force les slogans #antisémites «sales juifs» scandés lors des manifestations «antiracistes» à Paris ce samedi et demande aux autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour stopper ces dérives dangereuses. @CCastaner @prefpolice @DILCRAH
— Philippe Meyer (@philippemeyer92) June 13, 2020
#Communiqué – Le Crif dénonce avec fermeté les cris antisémites proférés lors de la manifestation tenue samedi après-midi pic.twitter.com/ZD8Zf6sNBX
— CRIF (@Le_CRIF) June 13, 2020
Manif #JusticePourAdama antiraciste à Paris! On scande quoi ? Sales juifs et sa haine d’Israël !! Classique !
L’ADN islamogauchiste dans toute sa splendeur ! Pas inquiet pour les juifs et ????????, inquiet pour la France !! C’est déjà trop tard! https://t.co/BF3hP8TyPk— Meyer Habib (@Meyer_Habib) June 13, 2020
Des cris de «sales juifs» dans une manifestation antiraciste sont des ragots antisémites?
Après les génuflexions, les ragots antisémites!
Ce tweet n’est qu’une preuve supplémentaire qui prouve définitivement que vous avez l’indignation et l’antiracisme sélectif M. @JLMelenchon https://t.co/NO4UTEZRK5— Noemie Madar (@Noemiemad) June 13, 2020