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À Berlin, le Mémorial de l’Holocauste lutte face à l’érosion mémorielle

Le parti d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), désormais placé en tête de certains sondages dans le pays, veut rompre avec la tradition de repentance

Les touristes visitent le Mémorial dédié aux Juifs assassinés d'Europe, le Mémorial de l'Holocauste, à Berlin, le 30 avril 2015. (Crédit : AFP / JOHN MACDOUGALL)
Les touristes visitent le Mémorial dédié aux Juifs assassinés d'Europe, le Mémorial de l'Holocauste, à Berlin, le 30 avril 2015. (Crédit : AFP / JOHN MACDOUGALL)

Un champ de pierres tombales, étrangement silencieux, en plein cœur de Berlin : si le Mémorial de l’Holocauste, inauguré il y a tout juste 20 ans, ne laisse personne indifférent, les craintes d’une érosion de la culture mémorielle allemande le gagnent aussi.

Quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde s’apprête à commémorer, le mémorial dédié aux millions de Juifs assassinés par les Nazis est devenu un symbole puissant de la détermination de l’Allemagne à s’assurer que les crimes de la Shoah ne seront pas oubliés.

Depuis son inauguration en mai 2005, ce dédale de 2 711 sombres stèles de béton a attiré des millions de visiteurs.

« Les gens le trouvent assez effrayant parce que même s’il est ouvert à la ville, vous pouvez y disparaître et perdre un enfant, par exemple », explique à l’AFP l’architecte Peter Eisenman, 92 ans, dont le cabinet new-yorkais a conçu le mémorial.

Mais l’idée « n’était pas de faire en sorte que les gens se sentent mal ou coupables ou quoi que ce soit », a-t-il dit, dédouanant les enfants qui
« jouent à cache-cache » ou les adultes qui « bronzent sur les piliers ».

« Vous êtes censé faire ce que vous voulez », estime-t-il.

L’idée d’établir un mémorial central de l’Holocauste à Berlin est née dans les années 1980, mais le projet a été longtemps retardé, paradoxalement par crainte qu’il nourrisse l’antisémitisme.

Vue aérienne du Mémorial de l’Holocauste de Berlin (Crédit : de:Benutzer:Schreibkraft/Creative Commons/ Wikimedia)

Le Parlement allemand l’a finalement acté en 1999 et le mémorial, qui comprend un centre d’information en sous-sol, a officiellement ouvert le 10 mai 2005.

« Calme et paisible »

L’endroit étant accessible jour et nuit, gratuitement et sans contrôle, il n’y a pas de statistiques sur sa fréquentation. Mais selon Uwe Neumärker, le responsable de la fondation qui le gère, « tous ceux qui visitent Berlin visitent également ce mémorial ».

Tous les jours et par tout temps, des groupes de touristes errent au milieu des stèles.

Venu d’Angleterre, Clifford Greenhalgh, 74 ans, salue « la nation allemande » pour avoir créé un monument « inoubliable ».

Pour Polina Chernyavskaya, 24 ans, une étudiante originaire du Kazakhstan, la visite du mémorial était un « incontournable ».

« Pendant que je marche ici, je me sens très calme et paisible », comme « dans un cimetière », a-t-elle ressenti.

La commémoration régulière de la Shoah et des autres atrocités nazies a longtemps été un marqueur de l’Allemagne d’après-guerre.

Mais 80 ans après, les derniers témoins directs de ce génocide disparaissent. Et les craintes que cette culture de la mémoire ne s’efface progressivement se font plus fortes.

Le parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), désormais placé en tête de certains sondages dans le pays, veut rompre avec la tradition de repentance.

Un manifestant regarde une bannière représentant le leader régional de Thuringe du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), Björn Höcke, lors d’une manifestation contre le racisme et la politique d’extrême-droite, le 5 février 2024, à Francfort-sur-le-Main. (Photo de Kirill KUDRYAVTSEV / AFP)

Figure de son aile la plus radicale, Björn Höcke a en 2017 dénoncé un « mémorial de la honte ».

Pendant la dernière campagne des législatives, le milliardaire américain Elon Musk, fervent soutien de l’AfD, a estimé que l’Allemagne ressassait trop ses fautes du passé.

Un « tournant » ?

Dans une étude publiée en avril par EVZ, une fondation dédiée à la culture du souvenir, plus de 38% des personnes interrogées ont déclaré qu’il était temps de « tirer un trait » sur le national-socialisme.

Pour la première fois dans cette enquête, réalisée quatre fois depuis 2018, plus d’Allemands étaient d’accord avec cette affirmation qu’en désaccord.

Pour Veronika Hager, consultante de l’EVZ, ce résultat peut être vu comme un « tournant ».

« Pour de plus en plus de gens, le national-socialisme est une époque historique parmi tant d’autres, qui n’a plus grand-chose à voir avec le présent », estime-t-elle.

Le mémorial de l’Holocauste avait été plutôt épargné par la montée récente des attaques antisémites.

Jusqu’à une attaque au couteau commise en février : un touriste espagnol a été gravement blessé. Le suspect syrien arrêté avait, selon la police, « l’intention de tuer des Juifs ».

Par « ces temps difficiles », Uwe Neumärker estime « qu’un mémorial comme celui-ci est plus important que jamais ».

L’architecte Peter Eisenman se veut optimiste. Il pense lui avoir réalisé « un bon mémorial », à la fois « abstrait », « pas kitsch » et « très sérieux », qui tiendra « longtemps ».

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